La citation de la semaine… Haruki Murakami…

« Écoute le bruit du vent », m’a dit Oshima. Je tends l’oreille. Mais aucun vent ne souffle ici…

— Écoute. La bataille qui mettra fin à toutes les batailles n’existe pas, dit le garçon nommé Corbeau. La guerre se nourrit d’elle-même. Elle lèche le sang que la violence a répandu, elle dévore la chair blessée par les combats. La guerre est une sorte de créature autosuffisante qui renaît d’elle-même. Il faut que tu le saches.
[…] Tu dois dépasser la peur et la colère qui sont en toi, dit le garçon nommé Corbeau. Laisser entrer dans ton cœur une lumière rayonnante qui en fera fondre la glace. C’est ainsi que tu deviendras un vrai dur. Alors tu seras enfin le garçon de quinze ans le plus endurci du monde. Tu comprends ce que je veux dire ? Il n’est pas top tard pour te retrouver vraiment.

[…]

Je me retourne. Le garçon nommé Corbeau n’est plus là. Le silence a absorbé ma question.
Seul dans la forêt profonde, l’être que je suis me paraît étrangement vide. Il me semble être devenu moi aussi un de ces hommes vides, dont Oshima m’a parlé un jour. Il y a un grand vide en moi, et il s’étend progressivement. En ce moment même, il dévore le peu de substance qui me reste. J’entends le bruit de ses mandibules. Je comprends de moins en moins qui je suis.haruki-murakami.1300605959.jpg Je me sens perdu. Là où je suis, il n’y a ni directions, ni ciel, ni terre. Je pense à Melle Saeki, à Sakura, à Oshima. Mais je suis à des années-lumières du lieu où ils sont. C’est comme si je regardais dans des jumelles à l’envers. J’aurai beau tendre les mains, je n’arriverai pas à les toucher. Je suis seul, perdu dans un obscur labyrinthe. « Ecoute le bruit du vent », m’a dit Oshima. Je tends l’oreille. Mais aucun vent ne souffle ici.

[…] Mes réflexions aboutissent dans un cul-de-sac de labyrinthe. Qu’y a-t-il vraiment en moi ? Y a-t-il vraiment quoi que ce soit pour s’opposer au vide ?
Si je pouvais éliminer mon existence ? Au cœur de cette épaisse muraille végétale, sur ce chemin qui n’en est pas un, j’arrêterais de respirer, j’enseveliserais en silence ma conscience dans les ténèbres, ferais couler jusqu’à la dernière goutte mon sang obscur imprégné de violence, laisserais pourrir mon patrimoine génétique dans ces sous-bois. Ainsi je pourrais mettre un terme final à ma bataille. Sinon, je continuerai éternellement à tuer celui qui est mon père, à souiller celle qui est ma mère, à salir celle qui est ma sœur et à détruire jusqu’au monde lui-même. Je ferme les yeux, essaie de trouver mon propre centre. Il est recouvert de ténèbres irrégulières, aux bords effilochés. Puis ces nuages sombres se déchirent, et les feuilles des cornouaillers scintillent, telles des milliers de lames dans le clair de lune…

Haruki Murakami, Kafka sur le rivage, éd. Belfond, Paris 2005, chapitre 41 (extraits). Traduction : Corinne Atlan.
japon.1300603233.jpg Haruki Murakami (村上 春樹), écrivain japonais contemporain (Kyoto, 12 janvier 1949). Du même auteur : La Fin des temps (Seuil, « Points » 2001) ; Après le tremblement de terre (10/18 2002) ; L’Éléphant s’évaporeSaules aveugles, femme endormie : deux recueils de nouvelles traduits chez Belfond (2008).

Je vous invite à découvrir cette semaine l’univers fascinant d’Haruki Murakami, un des très grands auteurs contemporains. Comme beaucoup d’écrivains japonais, son œuvre participe d’une esthétique de l’ambivalence et de l’ambiguïté, mêlant l’ésotérisme à la réalité quotidienne, la fable fantastique au voyage initiatique. Voici comment l’éditeur présente le roman : « Kafka Tamura, quinze ans, s’enfuit de sa maison de Tokyo pour échapper à la terrible prophétie que son père a prononcée contre lui. De l’autre côté de l’archipel, Nakata, un vieil homme amnésique décide lui aussi de prendre la route. Leurs deux destinées s’entremêlent pour devenir le miroir l’une de l’autre tandis que, sur leur chemin, la réalité bruisse d’un murmure enchanteur. Les forêts se peuplent de soldats échappés de la dernière guerre, les poissons tombent du ciel et les prostituées se mettent à lire Hegel. Conte initiatique du XXIe siècle, Kafka sur le rivage nous plonge dans une odyssée moderne et onirique au cœur du Japon contemporain ».

De fait, le terme d’odyssée n’est pas trop fort pour qualifier l’univers initiatique de Murakami, dont l’exploration des confins de l’irrationel et de l’inconscient sous-tend la démarche littéraire. Comme l’auteur le dira lui-même, « Tout est dans la quête. En écrivant des histoires, je cherche ma propre histoire, mon âme profonde sous la surface ». Mais cette quête de soi est en même temps perte du sens :

Si je pouvais éliminer mon existence ? Au cœur de cette épaisse muraille végétale, sur ce chemin qui n’en est pas un, j’arrêterais de respirer, j’enseveliserais en silence ma conscience dans les ténèbres, ferais couler jusqu’à la dernière goutte mon sang obscur imprégné de violence, laisserais pourrir mon patrimoine génétique dans ces sous-bois…

Conscient et inconscient se mêlent pour créer une écriture typiquement japonaise dans sa quête du dépassement, répondant aux mouvements de l’âme, et faisant surgir des mots un mystère qui n’est pas sans rappeler l’art calligraphique, dans son éthique du geste, dont l’ivresse créatrice permet à l’artiste de transformer l’âme en pinceau et de dépasser le figuratif pour accéder à la personnalité profonde. André Clavel dans l’Express du 5 janvier 2006 souligne à ce titre combien l’écriture de Murakami « distille ses nectars dans une œuvre subtile, complexe, où les ténèbres les plus inquiétantes et la grâce la plus lumineuse se mêlent jusqu’au vertige […] d’une prose presque impalpable, feutrée, aussi dépouillée qu’un champ de neige » :

Je ferme les yeux, essaie de trouver mon propre centre. Il est recouvert de ténèbres irrégulières, aux bords effilochés. Puis ces nuages sombres se déchirent, et les feuilles des cornouaillers scintillent, telles des milliers de lames dans le clair de lune…

             

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« Seul dans la forêt profonde, l’être que je suis me paraît étrangement vide… » (ill. BR)

Bientôt l’oral TPE… Dernières révisions avant le jour J

Cet article a pour but de vous aider à aborder l’épreuve dans les meilleures conditions possibles. N’oubliez pas que vous serez évalué(e) individuellement sur la base de votre production écrite et de votre prestation orale.

La soutenance orale du TPE

  • Savoir prendre de la distance…

Une soutenance de TPE sert à présenter de manière concise et synthétique le contexte, les motivations de votre recherche, puis les méthodes, ainsi que les résultats et conclusions auxquels vous êtes parvenu(e).

L’une des premières difficultés tient au fait qu’une soutenance orale vous oblige à prendre de la distance avec votre travail : pour préparer l’épreuve, vous devez donc vous mettre à la place du jury. Cela implique de votre part une certaine distance critique : tout d’abord, relisez ce que vous avez écrit avec un regard extérieur et mettez-vous à la place de celui qui le lit (la question que ne manquera pas de se poser spontanément le lecteur est de se dire : à partir de quelle perspective, de quel point de vue, les élèves ont-ils interrogé telle réalité ou tel fait ?). Dépassez les détails pour vous attacher à la démarche d’ensemble, qui doit être synthétique et permettre au jury de comprendre l’ensemble de votre projet et de saisir les principales étapes de sa démonstration. Le but d’une soutenance orale en effet n’est pas de résumer l’intégralité de votre travail (ce qui vous amènerait à une redite de ce qui est écrit) mais plutôt d’en justifier la démarche en prenant du recul. Le jury ayant préalablement pris connaissance de vos travaux, il serait donc très maladroit de revenir sur ce que les professeurs connaissent déjà.

Dites-vous plutôt :

  • D’où est-ce que je suis parti ? Quelles étaient les hypothèses de travail au départ ?
  • Qu’est-ce que j’ai cherché à prouver, à démontrer, en m’engageant dans cette recherche ?
  • À quels résultats le travail a-t-il abouti ? Qu’avez-vous appris avec ce TPE ?
  • Quels sont les aspects insuffisamment développés ? Pourquoi ? Comment referiez-vous le travail si vous en aviez la possibilité ?

Les qualités d’une bonne prestation orale

Le bon candidat à l’oral du TPE est donc celui qui ne perd jamais de vue les objectifs de l’épreuve : présentez-les le plus clairement possible, en insistant sur les points forts. Pensez également à minuter votre exposé. Cela vous oblige à aller à l’essentiel, en négligeant les aspects secondaires. Si vous hésitez pour présenter votre exposé, partez toujours de questions simples (que vous noterez sur une feuille) :

  • QUOI ? C’est-à-dire de quoi s’agit-il, quel est le problème abordé ? Sous quel angle a-t-il été posé ?
  • COMMENT ? Comment avez-vous procédé au niveau du groupe, et au niveau individuel ? Comment le travail a-t-il progressé ? Qu’est-ce qui vous a amené à faire ceci plutôt que cela ?
  • POURQUOI ? C’est-à-dire pourquoi ce sujet présente-t-il un intérêt ? Situez toujours votre travail dans une perspective globale qui va de la problématique que vous avez posée au thème dans lequel elle s’intègre (C’est un peu une mise en perspective du projet d’ensemble : montrez ce que vous avez pu tirer comme enseignements de cette recherche).

Rappel

La soutenance de mémoire de TPE n’est pas un résumé du travail écrit mais un exposé oral permettant d’éclairer l’ensemble de votre démarche.

                

Deux défauts à éviter à tout prix :
le « par cœur » et la lecture des notes…

N’oubliez pas non plus qu’il s’agit d’une épreuve orale : cela exclut toute lecture prolongée. Bien entendu, s’il est recommandé de vous aider de notes personnelles —sur lesquelles vous jetterez un coup d’œil en cas de besoin— cela doit rester néanmoins ponctuel. L’épreuve étant orale, le jury attend davantage un exposé puis un entretien effectués de façon vivante et argumentée. Pensez à parler haut et fort, en regardant chaque membre du jury : ne vous noyez pas dans les détails, allez rapidement à l’essentiel en mettant les informations particulières en perspective avec un questionnement plus global.

La qualité de votre expression orale est également déterminante : attention à un style trop relâché, ou familier. Privilégiez au contraire le lexique soutenu. Montrez-vous par ailleurs spontané, naturel, convaincant, impliqué dans ce que vous dites, concerné par ce que vous avez fait : rien n’est pire qu’un candidat qui fait preuve de relâchement, d’indifférence, ou qui donne l’impression de n’avoir effectué un travail que par obligation scolaire (« les-professeurs-m’ont-demandé-de »), et qui une fois la note attribuée se désintéresse complètement de ce qu’il a écrit. Attention aussi à respecter le temps qui vous est imparti : c’est la raison pour laquelle je vous recommande de ne traiter qu’une sélection de points importants plutôt que de vouloir tout dire (pour finalement ne rien dire du tout).

L’utilisation des supports pendant votre intervention

Vous avez tout à fait le droit de présenter au jury des documents d’accompagnement : par exemple des transparents, des supports papier en annexe, des documents présentés à l’ordinateur, etc. Mais attention toutefois : si ces documents sont utiles pour illustrer une démonstration ou pour éclairer des aspects particuliers de votre exposé, ils ne doivent en aucun cas remplacer l’exposé ou se substituer à vous. Vous devez donc limiter leur exploitation. Attention en particulier aux séquences vidéo, aux images : rien n’est pire qu’un candidat qui montre une vidéo de 2 minutes en l’illustrant finalement par une phrase explicative de quelques secondes. Allez toujours à l’essentiel en problématisant, c’est-à-dire en situant votre démarche dans un questionnement pertinent.

Concernant les transparents, ou une présentation à l’écran, évitez le plus possible le texte rédigé : surtout pas de phrases, ce qui amènerait le jury à devoir lire un texte (ce qu’il ne fera pas de toute façon) : privilégiez plutôt les titres ou quelques mots-clés que vous commenterez de vive voix : limitez-vous par exemple à une idée majeure par transparent, débouchant sur quelques idées secondaires que vous exprimerez ensuite par oral. Une préparation s’impose donc : faites-la chez vous individuellement mais également en groupe si vous le pouvez. Veillez à organiser au préalable entre les membres du groupe le passage de parole et la coordination dans la présentation des informations.

L’entretien avec le jury

Une fois que vous aurez terminé votre exposé, les membres du jury vous poseront un certain nombre de questions. Ne vous précipitez pas pour répondre. Prenez tout d’abord le temps de bien comprendre la question posée et répondez-y de manière claire, sans vous laisser gagner par le stress ou l’appréhension. Si vous n’avez pas bien compris une question, demandez poliment à ce qu’elle soit reformulée. Pensez aussi à vous munir d’un papier et d’un stylo : si la question comporte par exemple des sous-questions, notez-les brièvement afin de répondre plus efficacement. De même, si un conseil vous est donné, pensez également à le noter. Enfin, adoptez toujours une attitude positive, dynamique et consensuelle, ayez également une bonne image de vous-même, quel que soit le résultat.

Bonne chance à toutes et à tous !

Bruno Rigolt

            
  • Voyez aussi cette page (au format pdf) qui donne de précieux conseils et propose un exemple de plan possible pour l’oral des TPE.

Bientôt l'oral TPE… Dernières révisions avant le jour J

Cet article a pour but de vous aider à aborder l’épreuve dans les meilleures conditions possibles. N’oubliez pas que vous serez évalué(e) individuellement sur la base de votre production écrite et de votre prestation orale.

La soutenance orale du TPE

  • Savoir prendre de la distance…

Une soutenance de TPE sert à présenter de manière concise et synthétique le contexte, les motivations de votre recherche, puis les méthodes, ainsi que les résultats et conclusions auxquels vous êtes parvenu(e).

L’une des premières difficultés tient au fait qu’une soutenance orale vous oblige à prendre de la distance avec votre travail : pour préparer l’épreuve, vous devez donc vous mettre à la place du jury. Cela implique de votre part une certaine distance critique : tout d’abord, relisez ce que vous avez écrit avec un regard extérieur et mettez-vous à la place de celui qui le lit (la question que ne manquera pas de se poser spontanément le lecteur est de se dire : à partir de quelle perspective, de quel point de vue, les élèves ont-ils interrogé telle réalité ou tel fait ?). Dépassez les détails pour vous attacher à la démarche d’ensemble, qui doit être synthétique et permettre au jury de comprendre l’ensemble de votre projet et de saisir les principales étapes de sa démonstration. Le but d’une soutenance orale en effet n’est pas de résumer l’intégralité de votre travail (ce qui vous amènerait à une redite de ce qui est écrit) mais plutôt d’en justifier la démarche en prenant du recul. Le jury ayant préalablement pris connaissance de vos travaux, il serait donc très maladroit de revenir sur ce que les professeurs connaissent déjà.

Dites-vous plutôt :

  • D’où est-ce que je suis parti ? Quelles étaient les hypothèses de travail au départ ?
  • Qu’est-ce que j’ai cherché à prouver, à démontrer, en m’engageant dans cette recherche ?
  • À quels résultats le travail a-t-il abouti ? Qu’avez-vous appris avec ce TPE ?
  • Quels sont les aspects insuffisamment développés ? Pourquoi ? Comment referiez-vous le travail si vous en aviez la possibilité ?

Les qualités d’une bonne prestation orale

Le bon candidat à l’oral du TPE est donc celui qui ne perd jamais de vue les objectifs de l’épreuve : présentez-les le plus clairement possible, en insistant sur les points forts. Pensez également à minuter votre exposé. Cela vous oblige à aller à l’essentiel, en négligeant les aspects secondaires. Si vous hésitez pour présenter votre exposé, partez toujours de questions simples (que vous noterez sur une feuille) :

  • QUOI ? C’est-à-dire de quoi s’agit-il, quel est le problème abordé ? Sous quel angle a-t-il été posé ?
  • COMMENT ? Comment avez-vous procédé au niveau du groupe, et au niveau individuel ? Comment le travail a-t-il progressé ? Qu’est-ce qui vous a amené à faire ceci plutôt que cela ?
  • POURQUOI ? C’est-à-dire pourquoi ce sujet présente-t-il un intérêt ? Situez toujours votre travail dans une perspective globale qui va de la problématique que vous avez posée au thème dans lequel elle s’intègre (C’est un peu une mise en perspective du projet d’ensemble : montrez ce que vous avez pu tirer comme enseignements de cette recherche).

Rappel

La soutenance de mémoire de TPE n’est pas un résumé du travail écrit mais un exposé oral permettant d’éclairer l’ensemble de votre démarche.

                

Deux défauts à éviter à tout prix :
le « par cœur » et la lecture des notes…

N’oubliez pas non plus qu’il s’agit d’une épreuve orale : cela exclut toute lecture prolongée. Bien entendu, s’il est recommandé de vous aider de notes personnelles —sur lesquelles vous jetterez un coup d’œil en cas de besoin— cela doit rester néanmoins ponctuel. L’épreuve étant orale, le jury attend davantage un exposé puis un entretien effectués de façon vivante et argumentée. Pensez à parler haut et fort, en regardant chaque membre du jury : ne vous noyez pas dans les détails, allez rapidement à l’essentiel en mettant les informations particulières en perspective avec un questionnement plus global.

La qualité de votre expression orale est également déterminante : attention à un style trop relâché, ou familier. Privilégiez au contraire le lexique soutenu. Montrez-vous par ailleurs spontané, naturel, convaincant, impliqué dans ce que vous dites, concerné par ce que vous avez fait : rien n’est pire qu’un candidat qui fait preuve de relâchement, d’indifférence, ou qui donne l’impression de n’avoir effectué un travail que par obligation scolaire (« les-professeurs-m’ont-demandé-de »), et qui une fois la note attribuée se désintéresse complètement de ce qu’il a écrit. Attention aussi à respecter le temps qui vous est imparti : c’est la raison pour laquelle je vous recommande de ne traiter qu’une sélection de points importants plutôt que de vouloir tout dire (pour finalement ne rien dire du tout).

L’utilisation des supports pendant votre intervention

Vous avez tout à fait le droit de présenter au jury des documents d’accompagnement : par exemple des transparents, des supports papier en annexe, des documents présentés à l’ordinateur, etc. Mais attention toutefois : si ces documents sont utiles pour illustrer une démonstration ou pour éclairer des aspects particuliers de votre exposé, ils ne doivent en aucun cas remplacer l’exposé ou se substituer à vous. Vous devez donc limiter leur exploitation. Attention en particulier aux séquences vidéo, aux images : rien n’est pire qu’un candidat qui montre une vidéo de 2 minutes en l’illustrant finalement par une phrase explicative de quelques secondes. Allez toujours à l’essentiel en problématisant, c’est-à-dire en situant votre démarche dans un questionnement pertinent.

Concernant les transparents, ou une présentation à l’écran, évitez le plus possible le texte rédigé : surtout pas de phrases, ce qui amènerait le jury à devoir lire un texte (ce qu’il ne fera pas de toute façon) : privilégiez plutôt les titres ou quelques mots-clés que vous commenterez de vive voix : limitez-vous par exemple à une idée majeure par transparent, débouchant sur quelques idées secondaires que vous exprimerez ensuite par oral. Une préparation s’impose donc : faites-la chez vous individuellement mais également en groupe si vous le pouvez. Veillez à organiser au préalable entre les membres du groupe le passage de parole et la coordination dans la présentation des informations.

L’entretien avec le jury

Une fois que vous aurez terminé votre exposé, les membres du jury vous poseront un certain nombre de questions. Ne vous précipitez pas pour répondre. Prenez tout d’abord le temps de bien comprendre la question posée et répondez-y de manière claire, sans vous laisser gagner par le stress ou l’appréhension. Si vous n’avez pas bien compris une question, demandez poliment à ce qu’elle soit reformulée. Pensez aussi à vous munir d’un papier et d’un stylo : si la question comporte par exemple des sous-questions, notez-les brièvement afin de répondre plus efficacement. De même, si un conseil vous est donné, pensez également à le noter. Enfin, adoptez toujours une attitude positive, dynamique et consensuelle, ayez également une bonne image de vous-même, quel que soit le résultat.

Bonne chance à toutes et à tous !

Bruno Rigolt

            
  • Voyez aussi cette page (au format pdf) qui donne de précieux conseils et propose un exemple de plan possible pour l’oral des TPE.

Exposition de poésies… par la classe de Seconde 6… Troisième livraison

Poésies du Silence (3/3)

Partez à la rencontre de la parole silencieuse des mots…

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L’exposition des Seconde 6 s’affiche à Time Square… (Lol !)

La classe de Seconde 6 du Lycée en Forêt a travaillé sur une nouvelle dense et forte de Marguerite Duras, “Le Coupeur d’eau” (La Vie matérielle, P.O.L. 1987). Ce texte a amené les élèves à s’interroger sur le style si particulier de cette écrivaine : dans Écrire, voici comment Duras présente sa propre conception de l’écriture : “Il y aurait une écriture du non-écrit. Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Égarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt”.

Cette expression de “mots égarés” a suscité l’intérêt des étudiants qui ont souhaité créer des poèmes dont la langue, très épurée, est comme une réponse au vœu de l’auteure… La classe de Seconde 6 a par ailleurs voulu exprimer dans les textes rédigés cet « Absolu du Verbe » qu’a tant cherché Marguerite Duras : c’est dans le silence que paradoxalement la parole est la plus palpable… Et si c’était justement le silence qui était à la base de la parole poétique ?

Cette exposition sera présentée au CDI du Lycée du 8 au 18 février 2011.
(Lycée en Forêt Avenue Louis Maurice Chautemps BP 717 45207 MONTARGIS Cedex)
arrow.1242450507.jpg Pour lire les poésies publiées le 24 janvier (première livraison), cliquez ici.
arrow.1242450507.jpg Pour lire les poésies publiées le 29 janvier (deuxième livraison), cliquez ici.

 

 

Péripéties d’un voyage

par Alexandre C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Un mot roulait rapidement

Il roulait sans s’arrêter

Un mot pouvant se surpasser

Écrit de consonnes et de voyelles

Fabriqué de lettres qu’on épelle.

Un mot qui cassait tout sur son passage…

Et puis soudain plus rien

Le mot se fit tuer

Se faisant gommer :

La page redevenue blanche,

Et inexorable…

 

 

Monde obscur

par Laly R.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Le ciel fondant sur terre

Atterrissait dans une mare de larmes lentes

Coulant des rivières

Pour finalement mourir desséché,

Brisant la vie de tout amour

En laissant derrière une petite étoile

Brillant dans ce monde obscur

Rendant une lueur d’espoir

Dans ce monde silencieux

Telle la tombe d’un défunt dans la morte saison…

 

 

Fin du monde

par Sophie L.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

La brûlure du doux rêve paisible,

Sombre destin

Dans l’apothéose du paradis

Au loin, l’horizon,

Blessé par le seul baiser du soir :

La douce ombre du ciel émerveillé par un sourire

Laisse le printemps dans un sommeil tendre.

Infinie blessure, tendre peine, orgueil tremblant,

Mélancolie d’un monde…

 

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« Au loin, l’horizon, blessé par le seul baiser du soir… »
(Composition : B. Rigolt d’après Caspar David Friedrich : « Falaises de craie sur l’île de Rügen« )

 

 

La parole du soleil

par Alexandre C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

La créature des ténèbres se dissipa

Puis la parole du soleil se débattit d’un mouvement,

Se réveilla d’un pas lourd et soupçonneux

La mécanique de l’aube remplit le ciel :

De ses profondeurs jaillit un phénix.

 

 

Le mot

par Alicia C. et Flavie H.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

LE MOT

(Mot abandonné. Bouleversé. Calme

Mot détruit au bord de la vie.

Mot égaré, fâché. Mot Galère

Haineux, ignoré, aride.

Mot jaloux, kitsch, lassé

Mélancolique, navré,

Oublié, fossoyé, empli de larmes

Perturbé, querelleur,

Seul, triste, ulcéré.

Renaissant

Vexé

Waterproof

Yogi

Zen au bord du ciel

Debout vers l’azur)

EST SILENCIEUX.

 

 

Silence mortel éternel

par Paul B. Nathan L. Émile C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Le silence pourrait être répertorié dans le lexique de la mort.

Mort en apparence silencieuse

Mais dont l’explosion de cris et de chagrins qu’elle suscite

Hurle à mort la souffrance désignée par ce silence.

 

Silence inoubliable que l’on ne pourrait taire.

Cris perdus un jour,

Remplacés par ce silence de toujours,

Silence qui fut cris dans une vie antérieure.

 

Silence de marbre qui reste et qui nous parle.

Qui restera à jamais gravé silencieusement dans la tombe

Et enfoui profondément comme un souvenir vivant.

Ce poème est silencieux, écoutez le !

 

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Edvard Munch (1863-1944), « Le Cri » (« Skrik », 1893, Nasjonalgalleriet, Oslo). Détail

 

 

Un jour ou l’autre

par Géraldine V.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Nuit, les ténèbres se referment sur mon cœur blessé

Le désespoir m’envahit et aspire mon ardeur

Effondrement, il n’y a plus que moi, seule, toute seule

Et cette impression de suffoquer, de perdre pied, vertige déroutant,

Si seulement tu étais resté, au lieu de partir, sans te retourner, aussi loin…

 

Jour, je ne le vois pas, tout est toujours sombre et confus

Ma vie entière a été comme ça : quelques fragments de larmes,

Tant de refus et de rejets. Et moi, seule, si seule dans ce silence assourdissant.

Tout le monde part un jour ou l’autre,

Souvent, trop souvent, inexplicablement, sans retour…

 

 

Vie et mort des mots

par Alexandre T.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Vie

Naissance du mot, début d’un sens, début d’une phrase,

Début d’un lien, d’un commencement.

Don de la vie, don de la mort.

 

Enfance, bêtises et amusements,

Fautes d’orthographe, disputes, apprentissage, on apprend en se trompant

Croissance, épanouissement, expansion nominale, vie.

 

Adolescence, folies entre amis.

Etudes ; maths, français, histoire.

Champs lexicaux, rêves de réussite dans la vie.

 

Mot adulte, maturité.

Travail, argent, mots rentables

Polysémiques, suivis d’enfants et d’une famille

Champ sémantique, Vie.

 

Vieillesse, âge de la sagesse.

Vide installé, nostalgie, que des souvenirs,

Mots oubliés, gommés, effacés.

Mort, tristesse, néant

 

Et puis tout recommence :

Naissance du mot, début d’un sens, début d’une phrase,

Début d’un lien, d’un commencement.

D’une vie…

 

 

J’ai vogué près de tes larmes

par Jimmy B.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Chaque pensée est écrite :

Cette pensée, c’est ton âme qui l’écrit

Sur l’immense mélancolie de tes larmes.

Elle fait naître dans ton cœur le chemin du destin.

 

L’espoir dans mon cœur est éternel

Quand l’épine du chagrin part,

Je vogue près de tes larmes

Qui tombent en pétales sur l’immense du silence…

 

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(ill. Bruno Rigolt)

 

Barrage de mot

par Alexandre C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Un mot se déplaçant aussi vite que le vent

Et puis route barrée :

Mot se faisant arrêter comme un humain.

Mais les lettres allaient trop vite…

Le mot n’a pas vu le virage,

Ce mot composé seulement de voyelles et de larmes

(Et dire que tout se passait bien

Jusqu’au moment où…)

 

 

Ébloui par les ruines

par Solène A.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Jadis, tremblant au bord de ce précipice éphémère

Un mot en ruines, dégradé par le temps,

Sombrant dans ce ravin de sommeil, fleuri de regrets

Enseveli d’une tempête de soupçons fatigués

Humilié à la vue de la féérie de l’avenir.

Porte de sortie ouverte sur la culpabilité :

FIN secrète.

 

 

Tombe du mot inconnu

par Cindie De F.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

(Une nuit d’hiver dans une sombre rue déserte)

Un mot titubant tombe à terre

Un mot titubant se vidant de toutes ses lettres, de tout son être,

Un mot blessé au combat

Mot et nom perdus à jamais,

Luttant contre l’uniformité

Agonisant, sombre dans un profond sommeil sans fin.

La neige le recouvrant petit à petit

Mot mourant seul dans le silence profond.

 

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(Ill. Bruno Rigolt)

 

Les mots rêveurs

par Priscilla D.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Mots rêveurs dans le chagrin de la page

Où l’éternité est un monde sans nuage ;

Où les astres souffrent,

Dans un jardin de résignation.

La phrase montre l’obligation des sentiments

Mais la page tournée

Fait fuir à jamais la réalité.

 

 

La saison du vent

par Kevin M.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

La saison du vent s’éclaire

Sur ce visage féminin, avec des yeux ardents.

Quand je vois son visage à l’horizon,

Je ne veux pas perdre les mots

Qui sommeillent dans mon cœur.

 

 

L’échappement du charme

par Anna P. Flavie H. Katerine M-S. Alicia C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

L’apparition pensive du mot tel un labyrinthe

Dissipe les vives solitudes qui

Admirent les misères alternatives d’un monde de noble ironie.

Un rayon de lune enveloppe les mystères du Verbe

Inspiré par les pensées des mots :

Envie d’illusions confectionnées par le sentiment du poème.

La force des signifiants supplie la songeuse évidence

Des sons, brouillés par l’usure du sens

Les nuances sonores flottent dans l’apparence

Qui semble ôter le signifié…

 

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« L’échappement du charme », d’après René Magritte « Le faux miroir » (1928), MoMA (New York)

 

 

La vague immensité

par Anna P. Flavie H. Katerine M-S. Alicia C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Le référentiel de la gravité des mondes

S’épanouit face à cette angélique figure de style :

Voici que l’humaine aventure de la colère

Grandit au souffle de la brume.

La montée des rêves embellit la gloire

Jusqu’aux entrailles de la nuit.

Le regard suprême de la joie

Confesse l’admiration des peines

Sortant du ciel en pleine fusion

Puis s’évanouit sur la Terre.

 

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Terminus

par Lola R.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Vous me dites muet,

J’avais tant de choses à dire !

Vos gommes me disent inutile,

Moi qui peux remplacer tant d’autres maux !

Vous qui m’avez bâillonné pendant tout ce temps,

J’ai retrouvé enfin ma liberté !

Moi le mot incompris, oublié de vos manuels,

Je vous quitte et m’en vais pour de bon !

Vous comprendrez peut-être mon importance…

Mais il sera trop tard…

 

 

Lettre égarée

par Julien L. et Kevin M.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Une lettre s’en va vers un lointain voyage

S’en va loin de ses mots, vers l’inconnu

Transportée par une main, d’une ligne à l’autre

Boîte noire et sombre pour une lettre blanche et claire

Une lettre qui subit les intempéries du destin

Et cherche des mots nouveaux pour lui donner du sens

Une main calleuse la saisit,

Et puis quelque temps après, sous la pluie, la main lâche la lettre

parmi quelques mots malhonnêtes…

 

 

Word’s Story

par Sandrine D. Léna G. et Samira A.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Par un beautiful day, où trouver un mot,

Un pequeño mot qui avait perdu son étymologie

Dans les rayons du dictionnaire

Il était là, alone et tournait en boucle

Tout à BOUM ! La page se tourne,

Emprisonné, blessé, le mot continue sa survie

Avec une lettre en moins, il s’agrippe aux verbes,

Aux définitions et se hisse sur la couverture du Larousse

Désespéré il tente de se manifester au monde entier

Mais il était déjà oublié, d’autres l’avaient remplacé…

Alors, le mot se splash dans une flaque d’encre !

 

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Poème du silence

par Sandrine D. et Lena G.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

 

Former

Une phrase à partir

De lettres en majuscules

Et puis d’autres phrases à partir, à courir, et à rire…

Je ne

Peux rien

Ecrire, jeu de

Mots, champ lexical

De l’emprisonnement.

Des mots noyés, abandonnés, perdus,

Naufragés, emprisonnés.

Des mots à partir, des mots à mourir…

Détention, chef, évadé, liberté,

Mot enfermé

Oublié, condamné, largué…

SILENCE

 

La numérisation des textes est terminée (mise à jour : mercredi 2 mars, 12:13)
Crédit iconographique : © Bruno Rigolt  (sauf mention contraire)
arrow.1242450507.jpg Pour lire les poésies publiées le 24 janvier (première livraison), cliquez ici.
arrow.1242450507.jpg Pour lire les poésies publiées le 29 janvier (deuxième livraison), cliquez ici.
arrow.1242450507.jpg NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2011/01/24/exposition-de-poesies-par-la-classe-de-seconde-6/).

Exposition de poésies… par la classe de Seconde 6… Deuxième livraison

Poésies du Silence (2/3)

Partez à la rencontre de la parole silencieuse des mots…

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L’exposition des Seconde 6 s’affiche à Time Square… (Lol !)
  
La classe de Seconde 6 du Lycée en Forêt a travaillé sur une nouvelle dense et forte de Marguerite Duras, “Le Coupeur d’eau” (La Vie matérielle, P.O.L. 1987). Ce texte a amené les élèves à s’interroger sur le style si particulier de cette écrivaine : dans Écrire, voici comment Duras présente sa propre conception de l’écriture : “Il y aurait une écriture du non-écrit. Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Égarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt”.
Cette expression de “mots égarés” a suscité l’intérêt des étudiants qui ont souhaité créer des poèmes dont la langue, très épurée, est comme une réponse au vœu de l’auteure… La classe de Seconde 6 a par ailleurs voulu exprimer dans les textes rédigés cet « Absolu du Verbe » qu’a tant cherché Marguerite Duras : c’est dans le silence que paradoxalement la parole est la plus palpable… Et si c’était justement le silence qui était à la base de la parole poétique ?
Cette exposition sera présentée au CDI du Lycée du 4 au 18 février 2011.
(Lycée en Forêt Avenue Louis Maurice Chautemps BP 717 45207 MONTARGIS Cedex)
  •  Pour lire les poésies publiées le 24 janvier (première livraison), cliquez ici.

               

                 

Strophes

par Maxime H.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

         

Dans sa main les failles d’un sourire

La vaillance qui plaît en fait son cachemire

Azur ivre, extase trop gourmande des lianes du crépuscule,

Elle tenait dans sa main le torrent de sa lyre.

                 

Le désarroi, congé vermeil,

Naviguait entre l’écarlate amer

Et l’antre de l’aveugle

En sanglots épistolaires.

           

Le visage imprudent des oublis prodiges du zéphyr

Rejouait le faisceau d’un idéal malaise musical :

Austère paradoxe d’une rêverie féérique,

Anathème pur du jour qui s’achève dans le désert…

                   

                   

Immense aimant

par Émile C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

         

En regardant furtivement

Dans l’abîme ouvert sous mes yeux

La cheminée qu’attise le feu de ma passion

Fait battre mon cœur ambitieux

Puis je repense aux sublimités,

Au soleil couché dans ses vapeurs d’opium…

                  

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L’azur de tes yeux

par Idriss B.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

         

Le lys m’inspire des désirs d’innocence

Le poids de mon cœur subit une marginale défaillance.

Le bonheur auxiliaire donne l’illusion d’une immensité infinie…

L’azur de tes yeux donne un sens à ma vie.

        

L’étendard de ma liberté se consume,

Se meurt ou se ravive à la lumière de tes vœux

Se mouvant sur la dissidence de tes vents indolents

Au rythme insondable des battements de ton cœur…

        

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Entre terre et mère

par Léa M.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

         

Ange foudroyant d’une ombre enfantine

Harmonieuse absence de ce céleste rêve

Orphelin d’un parfum étoilé

Solitude affectée par une hypocrite sagesse

Larmes de satin au péril d’un éternel sommeil… 

Je rêve, je vois un Tombeau du paradis

Dont l’âme commence son mystérieux voyage.

Puis le visage souillé d’une pureté destructrice

Délice impitoyable de mon cœur,

Jour de nuit espérant un chagrin délirant,

Fontaine de joie, Fontaine de vie éclatée par la haine,

Intérieur ouvert sur l’enfer d’une brèche dévorante.

                   

                     

Mélancolie de l’existence

(1945)

par Cindie de F.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

         

À l’aube, dans un sombre cimetière

Que l’on appelle la guerre

La misère emplissait le soleil fatal

D’un gouffre de larmes.

Éblouissement de la souffrance

Triomphante et secrète.

Influence de la haine,

Un torrent d’humanité hostile,

Une orgie d’impostures insondables…

Et derrière un buisson de clémence

Un orphelin fiévreux, lugubre et hagard

Empli d’envies prodigieusement inaccessibles :

Un flot insensé d’espérance…

(échapper à la rafle)

L’étrange nuit de catastrophes célestes

Monstrueuse de charité

Réveillait des défauts posthumes…

L’intimité périssant dans l’existence imparfaite

Véritable attachement personnifié

D’une mélancolie naïve…

1945 : la vie silencieuse tel un enfant en pleurs

Et puis l’eau calme d’un bombardement

Le silence bruyant d’une douce musique

L’eau calme des larmes du monde…

            

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Une histoire de mot

par Alicia C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

         

C’est la nuit et il neige, le mot marche seul

Oublié des virgules et des parenthèses

Détruit par les conjonctions et les propositions

Il déprime sur la page enneigée.

Le préfixe gelé et le suffixe glacé,

Il s’égare parmi les adverbes

Pensant à son impossible terminaison.

Au détour d’une phrase, le mot hésite entre les indices de personnes,

Les modes et les temps.

Le mot s’épelle lentement : « D. É. P. R. I. M. E. R. »

C’est la nuit et il neige, le mot marche seul…

                 

                    

Poème à relecture

par Émile C. Paul B. Nathan L.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

         

Début de texte ; voix forte. Attention à la majuscule

Des mots marchaient. Comme ça. Tous seuls.

Pause de quelques secondes.

Même s’ils sont seuls, les mots s’amusent.

Pause brève, mais pas trop.

Les mots s’amusent et m’amusent

(Même quand j’admire ma muse).

Attrister la lecture. Lire plus lentement

Mais à force de s’amuser, les mots se sont usés et le silence se fit.

Les mots s’arrêtèrent.

Fin de l’histoire. Relire le poème.

                

                      

Triste mariage

par Léa M. Sophie L. Solène A.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

          

Passion partagée, espoir abandonné

Obscur bonheur oublié dans le tiroir de mon cœur,

Frisson délaissé dans le parfait silence

Jour effacé de l’irréel.

Désespoir atteint par une haine passionnée

Au bord du ciel, au bord des larmes…

Tristesse libérée, écoute mes blessures

Tristesse comparée à la froideur de la nuit

Pleurs féériques déversés sur la cruauté de l’Autel

Pensée oubliée dans le parfait silence…

                 

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« Triste mariage » d’après Roy Lichtenstein : « Hopeless » (1963)

       

La numérisation des textes de la deuxième livraison est terminée…
Crédit iconographique : © Bruno Rigolt  (sauf mention contraire)
 Pour lire les poésies publiées le 24 janvier (première livraison), cliquez ici.
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2011/01/24/exposition-de-poesies-par-la-classe-de-seconde-6/).

 

Exposition de poésies… par la classe de Seconde 6

Poésies du Silence (1/3)

Partez à la rencontre de la parole silencieuse des mots…

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La classe de Seconde 6 du Lycée en Forêt a travaillé sur une nouvelle dense et forte de Marguerite Duras, “Le Coupeur d’eau” (La Vie matérielle, P.O.L. 1987). Ce texte a amené les élèves à s’interroger sur le style si particulier de cette écrivaine : dans Écrire, voici comment Duras présente sa propre conception de l’écriture : “Il y aurait une écriture du non-écrit. Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Égarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt”.
Cette expression de “mots égarés” a suscité l’intérêt des étudiants qui ont souhaité créer des poèmes dont la langue, très épurée, est comme une réponse au vœu de l’auteure… La classe de Seconde 6 a par ailleurs voulu exprimer dans les textes rédigés cet « Absolu du Verbe » qu’a tant cherché Marguerite Duras : c’est dans le silence que paradoxalement la parole est la plus palpable… Et si c’était justement le silence qui était à la base de la parole poétique ?
Cette exposition sera mise en ligne à partir du lundi 24 janvier, et présentée au CDI du Lycée du 4 au 18 février 2011.

              

               

Floréal

par Thomas P.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

         

Mon cœur, sémaphore de passion

Ivre de ta présence, frivole vers les cieux

Onde breloque, Zéphyr de la vie

Perdu de Germinal à Floréal

              

Nuance dans ce désert, Rupture est à ses pieds

                            

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Ce qui se ferme…

par Alexandre T.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                

Obscurité causée

par la fermeture de tes paupières :

Une fatigue constante.

Je quitte ce monde pour les cieux :

Une forêt partante en fumée…

                 

Après une vie mouvementée

Sous la mélodie des champs :

Enfin mort constante sous une paix clémente

Trop peut-être :

Aucun honneur, aucun discours.

             

Ce qui se ferme

Ne s’est jamais réellement ouvert

Si personne

N’était là

Pour y aller…

                

                    

Malheur s’amuse des courbes…

par Lola R.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                      

Songe fécond, esclave artificiel du plaisir, jette

La blondeur silhouette importune. Le bruissement

De l’aurore indécise, berce et incline l’hypothèse.

Énigme du crépuscule absolu, idéalisme, sensibilité

Précieuse, involontaire comédie,

Blessantes sources internes, gestes réduits, criminels :

Malheur s’amuse des courbes…

            

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Sur l’oreiller fleurissant de mes confessions

par Géraldine V.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

             

La symphonie de ma douleur adoucit l’orage de mes sentiments ;

Une marche funèbre qui fait trembler peu à peu ma litanie :

Dans un soupir dansant, mon âme se brise

Et s’en va périr sur l’oreiller fleurissant de mes confessions

              

Endormie sur mes soupçons, je perce la lumière

Pour vaincre la mort échouée sur mon cœur

Le souffle s’échappe de la nuit tel un fugitif

Je sombre dans les profondeurs de l’abandon…

                 

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Passe, passera toujours…

par Paulyne H.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Il y aura toujours des cœurs remplis d’espoir

Des larmes remplies de rêves

Des yeux remplis de neiges

Et des mains qui se cherchent ;

             

Des amours dissous dans la nature

Des routes sans issue

Des âmes séparées

Et des amours perdus

              

Des promesses oubliées,

Des histoires sans lendemain

Mais avec un hier et un hiver

Et les souvenirs douloureux de ce cœur brisé déchiré…

                    

                    

Une passion libre

par Marion P.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Serrer amour cotonneux,

De sombres nœuds braisés crient de douceur :

Le sang des légendes soupire,

Vermeille robe, flambée aux éternelles amertumes…

               

Azur coule, serments accusent, l’air s’assoupit

Les pâquerettes de velours s’effondrent :

Rêves profonds, jadis abimés

Le zéphyr retrouve une multitude d’aurores.

                   

Mon cœur à peine ébauché

Foudroie les beautés du vent et de la mer

Rayon secret arrose

Le nuage ivre de givre rose…

                   

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Je pleurais sur les mots tombés…

par Élodie L.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Je casse le silence pour laisser place aux destins

aux brisures de la passion,

La maladie du silence.

Je pleurais pour la mort,

Je pleurais sur les mots d’amour tombés…

Laisser libre le cœur des soupçons,

Éveiller la pensée du bonheur ?

        

                 

Tableau de vie

par Julien L.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Je veux écrire ;

L’inspiration ne vient pas

Mon esprit se consume et devient cendre :

La vérité est là

Comme une fleur qui se montre au soleil

Mais se cache au soir…

Voilà comment se compose ce tableau

Qu’on appelle la vie.

La vie, comme un diamant

Qui s’use et brille moins avec le temps.

             

                 

Overdose calme

par Marion P.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Dans une solitude gris-nuage

Cassé-solitaire-fermé,

Il voit  la réalité isolée : Silence.

Pensées : déception. Regarder la nuit…

Espérances-Larmes-Saturation.

TOMBÉ SUR LE SOL, LES YEUX CLOS

Revivre l’imaginaire, ouvrir le rêve

Croire en elle, sa muse et sourire…

IL LA REVOIT ALORS

Et puis : saturation,

Oubliés les rêves imaginants…

LA SOUFFRANCE S’ARRÊTE ENFIN, LE BRUIT AUSSI

Espoir encore : admirer les images, observer le vide

Jouer un arc-en-ciel de lumière infinie…

LE SILENCE ÉGARÉ RETENTIT…

ROUGE

          

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« Overdose calme », d’après Man Ray : « L’Œil« 

                 

                   

Sur le seuil de la porte

par Nathan L.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Vous succomberiez aux naïfs tourments

Une fuite de la nature amoureuse

Vous succomberiez aux joies glacées,

Aux lueurs d’un lys en fuite.

             

Stoïque sur le seuil de la porte,

J’écoutais les pleurs, les soupirs

La paix embrassant de nombreuses failles,

Une terre conscrite où la douceur glacée est reine.

              

                    

Le temps d’un voyage

par Samira A.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Braves voyageurs, pauvres insouciants,

Le temps moqueur, file en riant…

Avalanche de mots froids et orgueilleux

Vagues d’encre, le bateau coule :

Mots noyés, des gouttes d’encre

S’écoulent de leurs yeux fatigués

mouillés d’encre et de chagrin..

Mots naufragés du temps

Trouvent une île pleine d’espoirs,

Des espoirs illusoires… 

Cachée sous son masque de roche

Une méchante lave brûlante approche :

Engloutis, les mots prisonniers périssent.

Poussières de lettres, cendres d’espoirs

Emportés au loin par le vent..

Des rêveurs frêles et innocents

Entraînés dans une dissidence de mots nouveaux

Mots oubliés, mots délaissés

Dans le désert du temps

Les mots assoiffés

Resteront à jamais

Encrés sur le poignard encore saignant

De cet affreux meurtrier !

               

                     

Une fleur d’oranger

par Jimmy B.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Une fleur d’oranger,

Dépossédée du corps de l’arbre

Brûle de la nullité d’un  voile.

L’éternel feuillage, borné de miel

Et dénoué de la mer qui par un sourire de  ténèbres

Fait briller l’ombre.

L’oiseau matinal déclenche la nostalgie

Et le voyage.

           

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(Crédit iconographique : © Bruno Rigolt, janvier 2011)

               

                 

Clair de lune

par Samy F. et Léna G.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                   

Son cœur tout aimant ne saura jamais vivre.

Je dis mort lointaine pour se perdre encore !

Un cœur d’amour fourmillant de battements

Un peu triste cependant. Un grand sourire

Et puis la pluie s’est mise à tomber.

Sous la lune et les étoiles

Mon trouble amour l’aimait

Ce trésor vint à moi, docile :

J’avais une lampe

Toi la lumière

Qui a vendu la mèche ?

                

                 

L’Esprit hasardeux

par Anna P. Flavie H. Katerine M. Alicia C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

Les rêves souffrent

D’une affection insupportable dévoyée

Par les illusions rêveuses blessées

Par la joie de cet ange frémissant doucement,

Par la lumière renversante de ce cruel martyr.

              

L’ouragan épargne la gravité de l’angoisse

Dans l’ennui des voyageurs

Sur le quai du départ :

Instant fugitif de la clarté

Soupirant de la bénédiction des adieux…

               

Mes yeux s’ouvrent au recueil des âmes audacieuses

Montrées comme l’impie.

Le secret de la température de mon cœur

Coopère par la soumission comparée

Aux plumes pesantes du passé…

              

                    

La création à l’excès

par Anna P. Flavie H. Katerine M. Alicia C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                  

L’amour n’est que hasard

D’un calcul en profondeur

Les yeux pleurent dans les flots de mer

Dont l’écume s’évapore vers les papillons d’une complicité dévoilée.

Le réseau de la clarté écoute l’esprit dissipé du silence :

Une légère brûlure félicite le crépuscule comparable

Au dessin du matin.

                  

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(Crédit iconographique : © Bruno Rigolt, janvier 2011)

                 

                         

Sous l’ombre d’un cerisier de Perse

par Yonnel C.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

              

Devant la mer, un monde sous l’ombre d’un cerisier de Perse :

L’azur des ailes du phénix céleste naît des mystères de la nuit.

L’amour infini brille comme une étoile à la rencontre de mon cœur.

Adieu les pleurs battant la barque d’amour,

Aujourd’hui coule en moi les ballades du bonheur.

                        

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Un soir où le soleil pleurait en silence…

par Julien F.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

       

Un soir où le soleil pleurait en silence

Le mot Liberté eut l’audace de se promener.

Mais à son grand malheur

Une voiture qu’il n’avait pas remarquée

L’emmena voir la zone brute du cimetière

Seule ne restait de lui que son ombre

Tracée en craie blanche.

               

                      

Tranquillité du néant…

par Laly R.

(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)

                 

La paix de l’éternité habite le serment de mon âme

Rare éprouvant un silence d’affection.

Trahie par un ange tombant des cieux,

Je regardais l’étoile aux confins du silence :

Le soir dansait pour apporter la tranquillité du néant,

Emportait dans les ruines une mystérieuse pierre

Enlevait l’espace des esprits mourants…

                  

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« Tranquillité du néant », d’après Pierre Puvis de Chavannes : « Le Rêve« 

            

La numérisation des textes de la première livraison est terminée.
Crédit iconographique : © Bruno Rigolt              
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2011/01/24/exposition-de-poesies-par-la-classe-de-seconde-6/).

Bientôt une exposition exceptionnelle : Poésies du Silence, par la classe de Seconde 6

Les élèves de la classe de Seconde 6 du Lycée en Forêt vous invitent à une exposition exceptionnelle :

Poésies du Silence

Partez à la rencontre de la parole silencieuse des mots…

Cette exposition sera mise en ligne à partir du lundi 24 janvier, et présentée au CDI du Lycée du 4 au 18 février 2011.

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CDI du Lycée en Forêt Avenue Louis Maurice Chautemps BP 717 45207 MONTARGIS Cedex

ECulturE…

Lancement d’une nouvelle rubrique bimensuelle : ECulturE

L’actualité de la culture numérique…

e-culture.1292840427.jpgLa numérisation du patrimoine culturel universel qui est en train de s’accomplir sous nos yeux, va transformer durablement l’accès aux connaissances, la transmission du savoir, et les conditions de la recherche. À travers cette transformation sans précédent des pratiques culturelles, qui bouleverse déjà notre vie quotidienne, se joue en fait une recomposition majeure des rapports entre la société et la culture. Dans le domaine de la culture numérique (ou eculture), la France occupe une position majeure (¹) qui a largement influencé la construction d’une bibliothèque numérique europeana.1292821182.jpgeuropéenne : Europeana.

À son lancement en 2008, Europeana n’était qu’un ambitieux prototype, mais il est devenu aujourd’hui une réalité : vous pouvez d’ores et déjà accéder à un portail multilingue de plus de deux millions d’œuvres : peintures, musiques, films et livres provenant des galeries, bibliothèques, archives et musées de l’Europe entière ! En ce moment par exemple, une magnifique exposition intitulée « Reading Europe » vous permettra de vous balader virtuellement à travers les bibliothèques nationales européennes et de feuilleter plus de mille livres et manuscrits rares.

Reading Europe from Europeana on Vimeo.

Je ne saurais trop vous conseiller de vous adapter dès maintenant à l’utilisation de ces nouveaux outils et services, qui témoignent d’une part du fort dynamisme des réseaux de coopération culturelle en Europe, et qui invitent d’autre part à modifier les usages éducatifs ainsi que les pratiques d’apprentissage. Pour vous en convaincre, prenez le temps de découvrir la nouvelle version de Gallica, qui est la bibliothèque numérique de la prestigieuse Bibliothèque nationale de France (BnF). gallica.1292825591.jpgRempli d’innovations technologiques et d’outils de navigation sophistiqués, le site est de loin le premier portail culturel francophone, avec pas moins de 160000 livres numérisés et près de 700000 magazines ou revues ! Son partenariat avec Wikimedia permettra par ailleurs d’intégrer au projet Wikisource des milliers d’ouvrages francophones tombés dans le domaine public.

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Guilhem Molinier, Las Leys d’amors, un manuscrit exceptionnel (lettrines dorées, filigranées, enluminures…) datant de… 1356 : à consulter sur le site de la Bibliothèque de Toulouse, partenaire de Gallica, ou à télécharger au format pdf.

À la différence de son concurrent privé Google-livres, toujours incontournable mais plus généraliste, Gallica propose un portail de recherche unique, de nombreux contenus interactifs et dynamiques et surtout des ressources très spécialisées, souvent remarquables pour leur contenu patrimonial, historique ou littéraire, allant des livres numérisés aux cartes, revues, photographies, en passant par les manuscrits et même les enluminures ou les partitions de musique, excessivement rares et précieuses pour certaines. Par ailleurs, la numérisation en réseau avec d’autres bibliothèques, tant françaises qu’étrangères, et la constitution d‘un fonds d’archives de l’Internet, unique au monde avec plus de 14 milliards de fichiers de sites web, font de Gallica un portail dont nul n’oserait récuser aujourd’hui le décisif ascendant. 

http://gallica.bnf.fr/flash/LecteurExportable.swf

Feulletez grâce à Gallica cet exemplaire très rare d’Une saison en enfer d’Arthur Rimbaud, publié à Bruxelles en 1873 pour la modique somme… d’un franc !

Si vous êtes un(e) passionné(e) d’Histoire, allez faire un tour aussi du côté du site « Patrimoine numérique« , qui est un immense catalogue collectif du patrimoine culturel numérisé. Vous y trouverez des collections d’ouvrages, des productions multimédia associées (site internet, dévédérom, cédérom…), et des expositions en ligne d’une remarquable tenue (en ce moment un très riche dossier sur la seconde Guerre mondiale et la présentation des collections numérisées relatives au sujet : fonds photographiques, films, affiches, archives…). Sur un plan plus simple et plus pratique, le portail peut vous aider à faire des recherches historiques sur une époque, une période précise, et même pourquoi pas vous aider à construire votre arbre généalogique !

Mais l’un des aspetcs les plus ludiques et les plus stimulants de la mise en place d’un fonds numérique s’appuie sur la possibilité pour l’internaute d’interagir directement dans de nombreux espaces participatifs comme Facebook ou Twitter. La page Facebook de Gallica est à ce titre très riche : vous pouvez poster des commentaires, des avis, des annotations personnelles, etc. Comme vous le voyez, l’image « poussiéreuse » que l’on avait, il y a quelques années à peine, de la bibliothèque, a complètement changé. Dès lors, il nous appartient nous-mêmes de nous « dépoussiérer » quelque peu au risque de ressembler à ceux qui, au quinzième siècle, n’ont pas compris combien l’invention de l’imprimerie par Gutenberg en 1455 allait bouleverser les conditions de la diffusion du savoir en Europe… 

En ce début de vingt-et-unième siècle, une même révolution du savoir se produit sous nos yeux : la révolution numérique oblige à construire différemment la recherche documentaire, la diffusion des connaissances (et bien entendu les pratiques pédagogiques…) : plus rien ne sera jamais comme avant ! C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de lancer « ECulturE ». Dans cette nouvelle rubrique, je sélectionnerai parmi quelques sites majeurs des documents présentant un intérêt pour l’étudiant(e) souhaitant améliorer sa culture générale. Pour cette première édition d’ECulturE, je vous invite à découvrir un ouvrage qui va vous plonger au cœur du Paris de la Belle Époque : Vingt jours à Paris… par Constant de Tours, publié à Paris en 1890 soit un an après la construction de la Tour Eiffel ! À la fois guide touristique et magnifique recueil de dessins, cet ouvrage qui provient de la BNF se feuillette comme un album. De plus, il est rempli d’anecdotes pittoresques et amusantes !

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Vingt jours à Paris… par Constant de Tours (Paris, 1890)

Regardez aussi ce catalogue de l’Exposition Universelle à Paris en 1889 !

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(1) Sur les deux millions de documents qu’Europeana regroupe à l’heure actuelle, la France est le principal pourvoyeur du fonds (52 %). Saviez-vous aussi que grâce à l’INA,  la France sera en 2015 le seul pays au monde à avoir sauvegardé l’intégralité de son patrimoine audiovisuel ?

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Quelques bibliothèques numériques en bref…

Europeana
Projet européen d’envergure. L’objectif est de parvenir à numériser près de six millions de sources (livres, documents sonores, images, enregistrements audiovisuels, films, etc.) provenant des galeries, bibliothèques, archives et musées de l’Europe entière.
BnF-Gallica
Les collections numériques de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Portail multisupport extrêmement riche : imprimés (livres, périodiques et presse) en mode image et en mode texte, manuscrits rares, documents sonores, documents iconographiques, cartes et plans…
Google-livres
Accédez grâce à un vaste catalogue généraliste à des millions d’ouvrages publiés dans le monde entier.
Patrimoine numérique
Le catalogue en ligne du patrimoine culturel numérisé (collections numérisées et productions multimédia associées). Un portail très riche.
INA
Le catalogue de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) donne accès à trois millions d’heures de radio et de télévision françaises, et à plus d’un million de documents photographiques. La plupart de ces documents sont consultables gratuitement. Les fonds d’archives de l’INA sont les plus importants d’Europe.

Concours d’expression orale 2011

Bientôt le Concours d’art oratoire 2011

Entraînements et conseils

Pour la quatrième année, le Rotary Club de Montargis propose aux élèves du Lycée en Forêt de participer à un concours d’art oratoire qui aura lieu début mars 2011. Si vous aimez prendre la parole, saisissez cette occasion unique de vous exprimer à l’oral face à un public (des professionnels et quelques profs du Lycée). Les inscriptions sont d’ores et déjà ouvertes : vous pouvez retirer le formulaire d’inscription au CDI (Attention : le nombre de places étant limité, ne tardez pas à rapporter vos bulletins d’inscription).

      
Les dates clés…
  • À partir du lundi 24 janvier 2011 sur ce site : début des entraînements.
  • Jeudi 10 février 2011 à 13h30 à l’amphi du LEF : réunion d’information. Accès réservé aux étudiant(e)s préalablement inscrit(e)s.
  • Mardi 8 mars 2011 : demi-finales.
  • Mardi 22 mars 2011 : finale.
         
Le déroulement de l’épreuve…

Le jour de l’épreuve, vous aurez le choix entre 4 sujets imposés. Après avoir pris connaissance des sujets, vous n’en retiendrez qu’un seul, que vous préparerez sur place en 30 minutes exactement. Les sujets proposés portent sur des questions de culture générale (Économie et Société, littérature et philosophie, sciences et techniques, et pour la demi-finale des sujets “inclassables”, faisant davantage appel à vos capacités d’originalité).

Votre prestation doit durer 5 minutes au moins ! Le jury attend évidemment des exposés argumentés et réfléchis, ce qui n’empêche nullement l’improvisation : mettez-vous en scène, interpellez votre public un peu comme un acteur “qui fait son numéro”! Pourquoi pas du Slam si vous en avez le talent ? Rien n’est pire qu’un exposé lu de façon monocorde : surprenez le jury !

Le barème d’évaluation :
  1. L’art oratoire et l’éloquence (10 points) ;
  2. La rhétorique : l’art du “discours”, la qualité de vos arguments et de vos exemples (10 points).
  1. L’art oratoire touche à “l’art de bien parler”. Un orateur persuasif est celui qui sait s’exprimer avec aisance et clarté, moduler le son de sa voix afin d’éviter la monotonie par exemple. La capacité d’émouvoir, de persuader par la parole sont donc essentielles. Au niveau de l’évaluation, la diction est fondamentale puisque vous devez persuader d’abord par la parole! Ne négligez surtout pas le travail sur la langue : c’est ce qu’on appelle l’élocution, c’est-à-dire le choix du style. Par exemple, l’emploi de figures de rhétorique semble tout indiqué : métaphores, comparaisons, interpellation de votre auditoire, interrogations oratoires, etc.

  2. La rhétorique, c’est l’art du discours. Vous avez toutes et tous déjà travaillé sur l’écrit d’invention : cela va vous servir pour le concours ! L’invention, au sens étymologique (du latin “inventio”) est la capacité de savoir construire un projet, c’est-à-dire de convaincre en organisant votre propos. Vous serez donc noté sur la manière dont vous avez disposé vos idées, structuré votre parcours argumentatif. Pensez à utiliser les procédés propres au discours (choix des arguments, des exemples, des techniques de persuasion, techniques d’amplification, voire de dramatisation) en rapport avec le sujet.

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Cliquez sur l’image pour l’agrandir…

Dans cet Espace pédagogique, vous trouverez dès le 24 janvier 2011 plusieurs sujets test chaque semaine pour vous entraîner dans les conditions du concours et des conseils personnalisés pour vous préparer à l’épreuve…

Voici une sélection des conseils de méthode donnés l’an passé pour préparer le concours…

Seize exemples de sujets entièrement inédits (dans l’esprit du Concours) :

  • Histoire et société : 1) Réussir sa vie, c’est être riche de… 2) La mondialisation : chance ou péril ? 3) Pensez-vous qu’il faut réinventer un nouveau modèle social pour notre monde ? 4) C’est quoi, un “faiseur d’histoire(s)” ?

  • Littérature et Philosophie : 1) C’est quoi, être libre ? 2) Quel est l’avantage d’apprendre le Français dans le monde contemporain ? 3) La violence est-elle une force ou une faiblesse ? 4) Et si le plus beau voyage était un voyage immobile ?

  • Sciences et Techniques : 1) Les robots “humanoïdes” sont de plus en plus répandus dans le monde : faut-il en avoir peur ? 2) Comment se dérouleront les cours au Lycée en 2050 ? 3) Le progrès… C’est mieux quand ça s’arrête ? 4) La morale est-elle l’ennemie du progrès ?

  • Sujets “inclassables” : 1) Pourquoi est-ce blanc plutôt que noir ? 2) C’est quoi un “po-aime” ? 3) Faites votre éloge. 4) Faire le tour du monde ou faire un tour ?

Les compétences requises pour le concours…

La prise de parole en public requiert plusieurs compétences. Voici quelques conseils pour affronter l’épreuve…

  1. Commencez d’abord à vous préparer “physiquement” à la prise de parole. Choisissez avec soin votre tenue ce jour-là : certes, ce n’est pas un défilé de mode, mais vous parlerez d’autant mieux que vous vous sentirez à l’aise dans vos vêtements. N’oubliez pas non plus que la principale difficulté… C’est vous : donc inutile de vous mettre trop la pression avant! Soyez sûr(e) de vous : partez gagnant(e) en vous disant que de toute façon vous n’avez strictement rien à perdre. Dès que vous rentrez, pensez aussi à dire Bonjour ! Cela paraît évident mais parfois, avec le trac…

  2. Regardez votre public. N’oubliez pas non plus que même si une personne du jury ne semble pas faire attention à votre présence quand vous parlez, cela ne veut rien dire : elle donnera un avis sur vous juste après votre départ. Donc regardez tout le monde (et pas seulement une seule personne parce qu’elle vous aura regardé(e) avec bienveillance ou parce que vous la connaissez (votre prof par exemple). Veillez également à vous tenir correctement : inutile de se raidir, mais il ne faut pas non plus être avachi !

  3. Improviser… Mais pas trop ! Bien sûr, le concours exige une certaine part d’improvisation, mais n’en faites pas trop non plus, car cela risquerait de vous entraîner sur un terrain parfois glissant, en particulier au niveau de la maîtrise du non-verbal (la gestuelle) : quand on improvise, on a tendance à “théâtraliser” un peu trop parfois : en libérant la parole, on libère trop ses gestes et on en arrive à “gesticuler”. Donc, gardez toujours une certaine distance en essayant d’articuler au mieux le geste et les registres de langue que vous allez employer (didactique, comique, lyrique, etc.)

  4. S’entraîner avec… une glace et un MP3 ! Voici un excellent exercice qui vous permettra de vérifier que vous maîtrisez votre voix et votre respiration lors de la prise de parole : chez vous, essayez en vous regardant obligatoirement devant une glace (une grande : celle de la salle de bain fera l’affaire!) de parler HAUT et FORT. L’exercice d’entraînement que je vous propose consiste à lire un texte neutre (une définition de cours par exemple, comme ça vous ne perdez pas de temps) en regardant le moins possible votre support et en vous fixant le plus possible dans la glace. Relisez plusieurs fois votre texte en variant l’intonation (neutralité, colère, joie, rire, émotion, interpellation, etc.). Si possible, enregistrez-vous avec un MP3 et écoutez ce que ça donne afin de corriger les petits problèmes (placement de la voix par exemple). Prenez ensuite un sujet au hasard : accordez-vous 20 minutes de préparation et lancez-vous, sans lire vos notes (vous pouvez même vous entraîner dans les transports en commun pour la recherche des arguments) : essayez de trouver des idées créatives, originales, et faites si possible votre exposé devant d’autres personnes : des copains ou des copines, la famille, etc. afin de vous confronter à un public. Si vous êtes seul chez vous, mettez-vous devant une glace et parlez HAUT et FORT en vous obligeant à parler tout en vous regardant.

Concours d'expression orale 2011

Bientôt le Concours d’art oratoire 2011

Entraînements et conseils

Pour la quatrième année, le Rotary Club de Montargis propose aux élèves du Lycée en Forêt de participer à un concours d’art oratoire qui aura lieu début mars 2011. Si vous aimez prendre la parole, saisissez cette occasion unique de vous exprimer à l’oral face à un public (des professionnels et quelques profs du Lycée). Les inscriptions sont d’ores et déjà ouvertes : vous pouvez retirer le formulaire d’inscription au CDI (Attention : le nombre de places étant limité, ne tardez pas à rapporter vos bulletins d’inscription).

      
Les dates clés…
  • À partir du lundi 24 janvier 2011 sur ce site : début des entraînements.
  • Jeudi 10 février 2011 à 13h30 à l’amphi du LEF : réunion d’information. Accès réservé aux étudiant(e)s préalablement inscrit(e)s.
  • Mardi 8 mars 2011 : demi-finales.
  • Mardi 22 mars 2011 : finale.
         
Le déroulement de l’épreuve…

Le jour de l’épreuve, vous aurez le choix entre 4 sujets imposés. Après avoir pris connaissance des sujets, vous n’en retiendrez qu’un seul, que vous préparerez sur place en 30 minutes exactement. Les sujets proposés portent sur des questions de culture générale (Économie et Société, littérature et philosophie, sciences et techniques, et pour la demi-finale des sujets “inclassables”, faisant davantage appel à vos capacités d’originalité).

Votre prestation doit durer 5 minutes au moins ! Le jury attend évidemment des exposés argumentés et réfléchis, ce qui n’empêche nullement l’improvisation : mettez-vous en scène, interpellez votre public un peu comme un acteur “qui fait son numéro”! Pourquoi pas du Slam si vous en avez le talent ? Rien n’est pire qu’un exposé lu de façon monocorde : surprenez le jury !

Le barème d’évaluation :
  1. L’art oratoire et l’éloquence (10 points) ;
  2. La rhétorique : l’art du “discours”, la qualité de vos arguments et de vos exemples (10 points).
  1. L’art oratoire touche à “l’art de bien parler”. Un orateur persuasif est celui qui sait s’exprimer avec aisance et clarté, moduler le son de sa voix afin d’éviter la monotonie par exemple. La capacité d’émouvoir, de persuader par la parole sont donc essentielles. Au niveau de l’évaluation, la diction est fondamentale puisque vous devez persuader d’abord par la parole! Ne négligez surtout pas le travail sur la langue : c’est ce qu’on appelle l’élocution, c’est-à-dire le choix du style. Par exemple, l’emploi de figures de rhétorique semble tout indiqué : métaphores, comparaisons, interpellation de votre auditoire, interrogations oratoires, etc.

  2. La rhétorique, c’est l’art du discours. Vous avez toutes et tous déjà travaillé sur l’écrit d’invention : cela va vous servir pour le concours ! L’invention, au sens étymologique (du latin “inventio”) est la capacité de savoir construire un projet, c’est-à-dire de convaincre en organisant votre propos. Vous serez donc noté sur la manière dont vous avez disposé vos idées, structuré votre parcours argumentatif. Pensez à utiliser les procédés propres au discours (choix des arguments, des exemples, des techniques de persuasion, techniques d’amplification, voire de dramatisation) en rapport avec le sujet.

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Cliquez sur l’image pour l’agrandir…

Dans cet Espace pédagogique, vous trouverez dès le 24 janvier 2011 plusieurs sujets test chaque semaine pour vous entraîner dans les conditions du concours et des conseils personnalisés pour vous préparer à l’épreuve…

Voici une sélection des conseils de méthode donnés l’an passé pour préparer le concours…

Seize exemples de sujets entièrement inédits (dans l’esprit du Concours) :

  • Histoire et société : 1) Réussir sa vie, c’est être riche de… 2) La mondialisation : chance ou péril ? 3) Pensez-vous qu’il faut réinventer un nouveau modèle social pour notre monde ? 4) C’est quoi, un “faiseur d’histoire(s)” ?

  • Littérature et Philosophie : 1) C’est quoi, être libre ? 2) Quel est l’avantage d’apprendre le Français dans le monde contemporain ? 3) La violence est-elle une force ou une faiblesse ? 4) Et si le plus beau voyage était un voyage immobile ?

  • Sciences et Techniques : 1) Les robots “humanoïdes” sont de plus en plus répandus dans le monde : faut-il en avoir peur ? 2) Comment se dérouleront les cours au Lycée en 2050 ? 3) Le progrès… C’est mieux quand ça s’arrête ? 4) La morale est-elle l’ennemie du progrès ?

  • Sujets “inclassables” : 1) Pourquoi est-ce blanc plutôt que noir ? 2) C’est quoi un “po-aime” ? 3) Faites votre éloge. 4) Faire le tour du monde ou faire un tour ?

Les compétences requises pour le concours…

La prise de parole en public requiert plusieurs compétences. Voici quelques conseils pour affronter l’épreuve…

  1. Commencez d’abord à vous préparer “physiquement” à la prise de parole. Choisissez avec soin votre tenue ce jour-là : certes, ce n’est pas un défilé de mode, mais vous parlerez d’autant mieux que vous vous sentirez à l’aise dans vos vêtements. N’oubliez pas non plus que la principale difficulté… C’est vous : donc inutile de vous mettre trop la pression avant! Soyez sûr(e) de vous : partez gagnant(e) en vous disant que de toute façon vous n’avez strictement rien à perdre. Dès que vous rentrez, pensez aussi à dire Bonjour ! Cela paraît évident mais parfois, avec le trac…

  2. Regardez votre public. N’oubliez pas non plus que même si une personne du jury ne semble pas faire attention à votre présence quand vous parlez, cela ne veut rien dire : elle donnera un avis sur vous juste après votre départ. Donc regardez tout le monde (et pas seulement une seule personne parce qu’elle vous aura regardé(e) avec bienveillance ou parce que vous la connaissez (votre prof par exemple). Veillez également à vous tenir correctement : inutile de se raidir, mais il ne faut pas non plus être avachi !

  3. Improviser… Mais pas trop ! Bien sûr, le concours exige une certaine part d’improvisation, mais n’en faites pas trop non plus, car cela risquerait de vous entraîner sur un terrain parfois glissant, en particulier au niveau de la maîtrise du non-verbal (la gestuelle) : quand on improvise, on a tendance à “théâtraliser” un peu trop parfois : en libérant la parole, on libère trop ses gestes et on en arrive à “gesticuler”. Donc, gardez toujours une certaine distance en essayant d’articuler au mieux le geste et les registres de langue que vous allez employer (didactique, comique, lyrique, etc.)

  4. S’entraîner avec… une glace et un MP3 ! Voici un excellent exercice qui vous permettra de vérifier que vous maîtrisez votre voix et votre respiration lors de la prise de parole : chez vous, essayez en vous regardant obligatoirement devant une glace (une grande : celle de la salle de bain fera l’affaire!) de parler HAUT et FORT. L’exercice d’entraînement que je vous propose consiste à lire un texte neutre (une définition de cours par exemple, comme ça vous ne perdez pas de temps) en regardant le moins possible votre support et en vous fixant le plus possible dans la glace. Relisez plusieurs fois votre texte en variant l’intonation (neutralité, colère, joie, rire, émotion, interpellation, etc.). Si possible, enregistrez-vous avec un MP3 et écoutez ce que ça donne afin de corriger les petits problèmes (placement de la voix par exemple). Prenez ensuite un sujet au hasard : accordez-vous 20 minutes de préparation et lancez-vous, sans lire vos notes (vous pouvez même vous entraîner dans les transports en commun pour la recherche des arguments) : essayez de trouver des idées créatives, originales, et faites si possible votre exposé devant d’autres personnes : des copains ou des copines, la famille, etc. afin de vous confronter à un public. Si vous êtes seul chez vous, mettez-vous devant une glace et parlez HAUT et FORT en vous obligeant à parler tout en vous regardant.

Au fil des pages… Méditations poétiques…

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Méditations poétiques

Retrouvez l’émotion qu’ont dû éprouver les contemporains de Lamartine en feuilletant cette neuvième édition des Méditations poétiques, datée de 1823, et conservée parmi d’autres manuscrits rares à la New York Public Library (NYPL), l’une des plus importantes et des plus prestigieuses bibliothèques américaines. À la différence d’un tirage récent par exemple qui, en modifiant la composition typographique, les polices de caractère, etc. ne permet pas vraiment de s’approprier le texte, cette ancienne édition, pleine de charme, a tout d’abord un intérêt rétrospectif : sans doute comprendrez-vous mieux, en feuilletant les pages, en regardant les six belles lithographies originales, pourquoi les Méditations poétiques de Lamartine ont à ce point cristallisé les attentes de toute une génération en faisant descendre la poésie au cœur même de l’homme afin de le toucher, comme le dira Lamartine “par les innombrables frissons de l’âme et de la nature”. 

En outre, si vous avez à cœur d’enrichir votre culture générale, les Méditations de Lamartine sont une excellente introduction au vaste mouvement de renouveau, spirituel, artistique et social que fut le Romantisme. Certes, ce mince recueil ne comporte que vingt-quatre poèmes mais il fut un véritable événement littéraire, une “révélation” (Sainte-Beuve), et c’est à juste titre qu’on peut le considérer comme le premier manifeste du Romantisme. De fait, en remettant au centre de la pratique artistique et poétique le sentiment de la nature, l’élan élégiaque, l’emphase, l’effusion lyrique, le langage de la contemplation, cet ouvrage est un véritable dépaysement littéraire. Ne ratez surtout pas la lecture de « L’Isolement » (page 1), du « Soir » (page 29), de « L’Immortalité » (page 37), du « Vallon » (page 45) et bien sûr du « Lac » (page 103) : de toutes les Méditations, c’est sans doute la plus poignante et la plus profondément humaine…

Vous pouvez également télécharger cet ouvrage au format pdf ou epub.

 

Entraînement BTS n°3 Thème « Le rire »

logo_entrainement_bts_rire.1287841841.jpgLes entraînements BTS

Entraînement 2010-2011 n°3. Thème : ”Le rire”

Le rire d’exclusion et de rejet        

Dans notre premier entraînement, consacré à la valeur sociale du rire, nous avons pu voir que le comique était une arme contre le pire. De fait, le rire est non seulement l’un des fondements de l’esprit critique mais il amène à une intelligence et à une compréhension humaniste de l’existence parce qu’il est précisément au cœur de l’homme. Le présent entraînement porte au contraire sur un enjeu tristement fondamental du rire, qui repose sur sa contiguïté à la barbarie et à la déchéance morale. Tel est le rire d’exclusion et de rejet. Comment des individus apparemment normaux peuvent-ils en effet rire du mal causé à autrui ? Comme l’a si bien mis en évidence Baudelaire (document 1), « le comique est un des plus clairs signes sataniques de l’homme » car il dépend de l’idée de la supériorité du rieur et trouve sa justification dans la défense d’une légitimité identitaire. Mais cette supériorité est en fait illusoire tant il est vrai qu’elle rabaisse l’homme à l’instinct et à la bestialité.

Le rire de rejet serait un refus de l’altérité et une légitimation de la violence permettant à celui qui rit de triompher de l’échec et du vide existentiels en dénaturant l’autre, et de s’affranchir, par procuration, de la loi morale. À ce titre, le rire peut être considéré comme un renversement des valeurs, comme une transmutation de cette violence en comédie. Si le rire, comme l’a bien montré Bergson, implique un refus de l’identification et demande donc de la part du rieur un certain détachement, on pourrait avancer qu’il implique aussi un refus de la pensée raisonnante, un refus d’aimer pour mieux se préserver : on dégrade pour rester intact. Le présent corpus est une bonne illustration de ce « rire de souillure » qui, triomphant aux dépens du plus faible, et défiant la morale, s’affranchit même de la loi divine : le rieur devient Dieu, et celui qui fait l’objet de la moquerie est en quelque sorte une marionnette dont le rieur se plait à tirer les ficelles. La pulsion de mort anime ainsi le rire d’exclusion.

Mourir de rire au spectacle de ceux qui meurent du pire, voilà sans doute l’abjection la plus dégradante…

            

Corpus

  • Document 1, Charles Baudelaire, De l’essence du rire, 1855
  • Document 2, Aimé Césaire, Cahier d’un Retour au pays Natal (extrait, 1939)
  • Document 3, Jean-François Steiner, Tréblinka, éd. Fayard, Paris 1966
  • Document 4, Patrick Bruneteaux, Devenir un dieu : le nazisme comme nouvelle religion politique. Publibook, Paris 2005
  • Document complémentaire : Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932

Synthèse
  • Vous ferez de ce corpus une synthèse concise, ordonnée et objective.

Écriture personnelle

  • Baudelaire affirme que le rire est « causé par la vue du malheur d’autrui ». Partagez-vous cette opinion ?

______________

« […] le comique est un des plus clairs signes sataniques de l’homme et un des nombreux pépins contenus dans la pomme symbolique, est l’accord unanime des physiologistes du rire sur la raison première de ce monstrueux phénomène. Du reste, leur découverte n’est pas très profonde et ne va guère loin. Le rire, disent-ils, vient de la supériorité. Je ne serais pas étonné que devant cette découverte le physiologiste se fût mis à rire en pensant à sa propre supériorité. Aussi, il fallait dire : le rire vient de l’idée de sa propre supériorité. Idée satanique s’il en fut jamais ! Orgueil et aberration ! Or, il est notoire que tous les fous des hôpitaux ont l’idée de leur propre supériorité développée outre mesure. Je ne connais guère de fous d’humilité. Remarquez que le rire est une des expressions les plus fréquentes et les plus nombreuses de la folie. […]J’ai dit qu’il y avait symptôme de faiblesse dans le rire ; et, en effet, quel signe plus marquant de débilité qu’une convulsion nerveuse, un spasme involontaire comparable à l’éternuement, et causé par la vue du malheur d’autrui ? Ce malheur est presque toujours une faiblesse d’esprit. Est-il un phénomène plus déplorable que la faiblesse se réjouissant de la faiblesse ? Mais il y a pis. Ce malheur est quelquefois d’une espèce très inférieure, une infirmité dans l’ordre physique. Pour prendre un des exemples les plus vulgaires de la vie, qu’y a-t-il de si réjouissant dans le spectacle d’un homme qui tombe sur la glace ou sur le pavé, qui trébuche au bout d’un trottoir, pour que la face de son frère en Jésus-Christ se contracte d’une façon désordonnée, pour que les muscles de son visage se mettent à jouer subitement comme une horloge à midi ou un joujou à ressorts ? Ce pauvre diable s’est au moins défiguré, peut-être s’est-il fracturé un membre essentiel. Cependant, le rire est parti, irrésistible et subit. Il est certain que si l’on veut creuser cette situation on trouvera au fond de la pensée du rieur un certain orgueil inconscient. C’est là le point de départ : moi, je ne tombe pas ; moi, je marche droit ; moi, mon pied est ferme et assuré. Ce n’est pas moi qui commettrais la sottise de ne pas voir un trottoir interrompu ou un pavé qui barre le chemin ».

(Pour télécharger le texte au format .pdf, cliquez ici. Ce texte est également disponible en format audio. Cliquez ici pour accéder à la page de téléchargement. Source : Litteratureaudio.com)
      
  • Document 2, Aimé Césaire, Cahier d’un Retour au pays Natal (extrait, 1939).

Aimé Césaire (1913-2008) est un poète français martiniquais reconnu internationalement et un homme politique de tendance autonomiste, à l’origine du concept de négritude (revendication de la culture et des valeurs des peuples noirs). Cahier d’un retour au pays natal est sa première œuvre : l’auteur y exprime  toute la révolte du peuple noir contre les colonisateurs. Il est important de connaître cet engagement afin de bien comprendre le texte. Le poème se présente comme une sorte de dénonciation de la misère dont souffrent les minorités ethniques et de l’hypocrisie en général. On voit ici le double but d’Aimé Césaire : d’une part l’auteur nous invite à réfléchir au problème de la lâcheté, mais d’autre part le texte est une mise en cause violente de notre monde (occidental) coupé des valeurs de solidarité et de charité. Les femmes ne pensent qu’à rire au lieu de s’apitoyer sur le sort de ce pauvre homme.

 

Et moi, et moi,
moi qui chantais le poing dur
Il faut savoir jusqu’où je poussai la lâcheté.

Un soir dans un tramway en face de moi, un nègre.
C’était un nègre grand comme un pongo (¹) qui essayait de se faire tout petit sur un banc de tramway. Il essayait d’abandonner sur ce banc crasseux de tramway ses jambes gigantesques et ses mains tremblantes de boxeur affamé. Et tout l’avait laissé, le laissait. Son nez qui semblait une péninsule en dérade et sa négritude même qui se décolorait sous l’action d’une inlassable mégie (²). Et le mégissier (²) était la Misère. […] On voyait très bien comment le pouce industrieux et malveillant avait modelé le front en bosse, percé le nez de deux tunnels parallèles et inquiétants, allongé la démesure de la lippe, et par un chef-d’œuvre caricatural, raboté, poli, verni la plus minuscule mignonne petite oreille de la création.

C’était un nègre dégingandé sans rythme ni mesure.
Un nègre dont les yeux roulaient une lassitude sanguinolente.
Un nègre sans pudeur et ses orteils ricanaient de façon assez puante au fond de la tanière entrebâillée de ses souliers.
La misère, on ne pouvait pas dire, s’était donné un mal fou pour l’achever.
Elle avait creusé l’orbite, l’avait fardée d’un fard de poussière et de chassie mêlées.

Elle avait tendu l’espace vide entre l’accrochement solide des mâchoires et les pommettes d’une vieille joue décatie. Elle avait planté dessus les petits pieux luisants d’une barbe de plusieurs jours. Elle avait affolé le cœur, voûté le dos.

Et l’ensemble faisait parfaitement un nègre hideux, un nègre grognon, un nègre mélancolique, un nègre affalé, ses mains réunies en prière sur un bâton noueux. Un nègre enseveli dans une vieille veste élimée. Un nègre comique et laid et des femmes derrière moi ricanaient en le regardant.

Il était COMIQUE ET LAID,
COMIQUE ET LAID pour sûr.
J’arborai un grand sourire complice…
Ma lâcheté retrouvée!

(1) Pongo : grand singe ; (2) Mégir signifie « tanner une peau » ; c’est l’action du mégissier (tanneur).
  • Document 3, Jean-François Steiner, Tréblinka, éd. Fayard, Paris 1966

La tactique de « Lalka » […] reposait sur un double mouvement : insuffler suffisamment d’oxygène pour maintenir la petite flamme d’espoir et, en même temps, prendre un certain nombre de mesures destinées à convaincre les prisonniers de leur sous-humanité, si possible en les compromettant. La création de la « charge » de « maître de la merde » était une de ces mesures. Le personnage ainsi déguisé était tellement ridicule avec son gros réveil, son fouet, sa barbe et son habit de chantre que les Juifs eux-mêmes ne pouvaient s’empêcher d’en rire.

Il riaient de cette marionnette qui, le fouet pendu au haut du bras, les suppliait avec des larmes dans la voix de sortir des latrines quand les trois minutes étaient écoulées. Jamais il n’aurait osé ni les frapper ni les dénoncer, mais comme il savait qu’il serait tenu personnellement pour responsable des abus, il n’avait d’autres moyens que de supplier. […]

Les prisonniers ne pouvaient s’empêcher de rire mais c’était d’eux-mêmes qu’ils riaient, c’était de leur religion dont ils se moquaient car le « maître de la merde » était l’un des leurs et son vêtement un habit de leur culte.

Lorsque, au moment de l’appel « Lalka » demandait : « Rabbin, comment va la merde ? » et que le faux rabbin déguisé en chantre répondait « Très bien, monsieur le Chef ! », cela signifiait qu’à Tréblinka les rabbins n’étaient bons qu’à s’occuper de la merde ». […]

(cité par Christian Defebvre, Michel Bry, Sherif Ferjani, « Haine et dérision au camp de Tréblinka (Pologne) en 1943 », Histoire des religions en Europe : Judaïsme, Christianisme et Islam, Hachette, Paris 1999/ De Boeck Université, Bruxelles 2000, page 291).
 
  • Document 4, Patrick Bruneteaux, Devenir un dieu : le nazisme comme nouvelle religion politique : éléments. Publibook, Paris 2005 

(pour accéder au texte sur Google-livres, cliquez ici)               

Plusieurs indicateurs permettent d’identifier cette jouissance transcendantale : le rire, le plaisir, l’aspect festif. Dans le cadre du dédoublement négatif, le rire constitue un indicateur qui sert à qualifier un comportement sadique au moyen de son effet immédiat. E. Canetti offre une présentation de ce rire du destructeur surpuissant : « Le rire exprime à l’origine la joie donnée par une proie ou un aliment qui semblent assurés […]. Un homme qui tombe rappelle l’animal que l’on chassait et que l’on a soi-même abattu. Toute chute qui provoque le rire rappelle la détresse de qui s’abat ; on pourrait, si l’on voulait, le traiter en proie. On rit au lieu de le manger. C’est la proie disparue qui excite le rire ; un sentiment soudain de supériorité, comme l’a dit Hobbes » (*). Les déportés ont largement couvert leurs récits d’humiliations de scènes où les nazis tour à tour spectateurs et acteurs s’ébranlent contre les victimes et se repaissent de rires fréquents à gorge déployée. […] Il est pourtant nécessaire de distinguer plusieurs sortes de rire. Il ne faut ainsi pas confondre le rire de dissimulation du génocide, avec le rire de contentement qui suit une action sadique. La première situation est évoquée par Raul Hilberg à propos d’un SS qui accueille les Juifs avec « un sourire sympathique et aidait parfois les personnes âgées et les enfants » (**). Ce type de rire ou de sourire fait partie de la panoplie d’actes de diversion mis au point pour tromper la victime. […] Par contre le rire de dédoublement est celui qui accompagne directement la tuerie.

Le rire peut directement provenir de scènes de tortures : « Les nazis s’acharnèrent sur les juifs religieux qui avaient une barbe en la leur arrachant avec la peau. Cela se passait en pleine rue. Les Allemands prirent des photos, firent danser autour d’eux les chassidims avec leurs chants religieux et ce spectacle les faisait rire » (***). Un déporté note que le sadisme commence dès l’embarquement dans les wagons à Compiègne, un matraquage généralisé s’accompagne par la suite de récits épiques : « Les SS commentaient leurs exploits avec de gros rires ».

(*) E. Canetti, Masse et puissance (trad.), Gallimard, 1986, p. 237 ; (**) R. Hilberg, Exécuteurs et victimes, p. 51 ; (***) C. Zabuski, Une envie de vivre, p. 70

______________

  • Document complémentaire : Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932

Nous trinquâmes à sa santé sur le comptoir au milieu des clients noirs qui en bavaient d’envie. Les clients c’étaient des indigènes assez délurés pour oser s’approcher de nous les Blancs, une sélection en somme. Les autres nègres, moins dessalés, préféraient demeurer à distance. L’instinct. Mais les plus dégourdis, les plus contaminés, devenaient des commis de magasin. En boutique, on les reconnaissait les commis nègres à ce qu’ils engueulaient passionnément les autres Noirs. Le collègue au « corocoro » achetait du caoutchouc de traite, brut, qu’on lui apportait de la brousse, en sacs, en boules humides.

Comme nous étions là, jamais las de l’entendre, une famille de récolteurs, timide, vient se figer sur le seuil de la porte. Le père en avant des autres, ridé, ceinturé d’un petit pagne orange, son long coupe-coupe à bout de bras.

Il n’osait pas entrer le sauvage. Un des commis indigènes l’invitait pourtant : « Viens, bougnoule ! Viens voir ici! Nous y a pas bouffer sauvage ! » Ce langage finit par les décider. Ils pénétrèrent dans la cagna cuisante au fond de laquelle tempêtait notre homme au « corocoro ».

Ce Noir n’avait encore, semblait-il, jamais vu de boutique, ni de Blanc peut-être. Une de ses femmes le suivait, yeux baissés, portant sur le sommet de la tête, en équilibre, le gros panier rempli de caoutchouc brut.

D’autorité les commis recruteurs s’en saisirent de son panier pour peser le contenu sur la balance. Le sauvage ne comprenait pas plus le truc de la balance que le reste. La femme n’osait toujours pas relever la tête. Les autres nègres de la famille les attendaient dehors, avec les yeux bien écarquillés. On les fit entrer aussi, enfants compris et tous, pour qu’ils ne perdent rien du spectacle.

C’était la première fois qu’ils venaient comme ça tous ensemble de la forêt, vers les Blancs en ville. Ils avaient dû s’y mettre depuis bien longtemps les uns et les autres pour récolter tout ce caoutchouc-là. Alors forcément le résultat les intéressait tous. C’est long à suinter le caoutchouc dans les petits godets qu’on accroche au tronc des arbres. Souvent, on n’en a pas plein un petit verre en deux mois.

Pesée faite, notre gratteur entraîna le père, éberlué, derrière son comptoir et avec un crayon lui fit son compte et puis lui enferma dans le creux de la main quelques pièces en argent. Et puis : « Va-t’en! qu’il lui a dit comme ça. C’est ton compte !… »

Tous les petits amis blancs s’en tordaient de rigolade, tellement il avait bien mené son business.

Entraînement BTS n°3 Thème "Le rire"

logo_entrainement_bts_rire.1287841841.jpgLes entraînements BTS
Entraînement 2010-2011 n°3. Thème : ”Le rire”
Le rire d’exclusion et de rejet        

Dans notre premier entraînement, consacré à la valeur sociale du rire, nous avons pu voir que le comique était une arme contre le pire. De fait, le rire est non seulement l’un des fondements de l’esprit critique mais il amène à une intelligence et à une compréhension humaniste de l’existence parce qu’il est précisément au cœur de l’homme. Le présent entraînement porte au contraire sur un enjeu tristement fondamental du rire, qui repose sur sa contiguïté à la barbarie et à la déchéance morale. Tel est le rire d’exclusion et de rejet. Comment des individus apparemment normaux peuvent-ils en effet rire du mal causé à autrui ? Comme l’a si bien mis en évidence Baudelaire (document 1), « le comique est un des plus clairs signes sataniques de l’homme » car il dépend de l’idée de la supériorité du rieur et trouve sa justification dans la défense d’une légitimité identitaire. Mais cette supériorité est en fait illusoire tant il est vrai qu’elle rabaisse l’homme à l’instinct et à la bestialité.

Le rire de rejet serait un refus de l’altérité et une légitimation de la violence permettant à celui qui rit de triompher de l’échec et du vide existentiels en dénaturant l’autre, et de s’affranchir, par procuration, de la loi morale. À ce titre, le rire peut être considéré comme un renversement des valeurs, comme une transmutation de cette violence en comédie. Si le rire, comme l’a bien montré Bergson, implique un refus de l’identification et demande donc de la part du rieur un certain détachement, on pourrait avancer qu’il implique aussi un refus de la pensée raisonnante, un refus d’aimer pour mieux se préserver : on dégrade pour rester intact. Le présent corpus est une bonne illustration de ce « rire de souillure » qui, triomphant aux dépens du plus faible, et défiant la morale, s’affranchit même de la loi divine : le rieur devient Dieu, et celui qui fait l’objet de la moquerie est en quelque sorte une marionnette dont le rieur se plait à tirer les ficelles. La pulsion de mort anime ainsi le rire d’exclusion.

Mourir de rire au spectacle de ceux qui meurent du pire, voilà sans doute l’abjection la plus dégradante…

            

Corpus

  • Document 1, Charles Baudelaire, De l’essence du rire, 1855
  • Document 2, Aimé Césaire, Cahier d’un Retour au pays Natal (extrait, 1939)
  • Document 3, Jean-François Steiner, Tréblinka, éd. Fayard, Paris 1966
  • Document 4, Patrick Bruneteaux, Devenir un dieu : le nazisme comme nouvelle religion politique. Publibook, Paris 2005
  • Document complémentaire : Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932

Synthèse
  • Vous ferez de ce corpus une synthèse concise, ordonnée et objective.

Écriture personnelle

  • Baudelaire affirme que le rire est « causé par la vue du malheur d’autrui ». Partagez-vous cette opinion ?

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« […] le comique est un des plus clairs signes sataniques de l’homme et un des nombreux pépins contenus dans la pomme symbolique, est l’accord unanime des physiologistes du rire sur la raison première de ce monstrueux phénomène. Du reste, leur découverte n’est pas très profonde et ne va guère loin. Le rire, disent-ils, vient de la supériorité. Je ne serais pas étonné que devant cette découverte le physiologiste se fût mis à rire en pensant à sa propre supériorité. Aussi, il fallait dire : le rire vient de l’idée de sa propre supériorité. Idée satanique s’il en fut jamais ! Orgueil et aberration ! Or, il est notoire que tous les fous des hôpitaux ont l’idée de leur propre supériorité développée outre mesure. Je ne connais guère de fous d’humilité. Remarquez que le rire est une des expressions les plus fréquentes et les plus nombreuses de la folie. […]J’ai dit qu’il y avait symptôme de faiblesse dans le rire ; et, en effet, quel signe plus marquant de débilité qu’une convulsion nerveuse, un spasme involontaire comparable à l’éternuement, et causé par la vue du malheur d’autrui ? Ce malheur est presque toujours une faiblesse d’esprit. Est-il un phénomène plus déplorable que la faiblesse se réjouissant de la faiblesse ? Mais il y a pis. Ce malheur est quelquefois d’une espèce très inférieure, une infirmité dans l’ordre physique. Pour prendre un des exemples les plus vulgaires de la vie, qu’y a-t-il de si réjouissant dans le spectacle d’un homme qui tombe sur la glace ou sur le pavé, qui trébuche au bout d’un trottoir, pour que la face de son frère en Jésus-Christ se contracte d’une façon désordonnée, pour que les muscles de son visage se mettent à jouer subitement comme une horloge à midi ou un joujou à ressorts ? Ce pauvre diable s’est au moins défiguré, peut-être s’est-il fracturé un membre essentiel. Cependant, le rire est parti, irrésistible et subit. Il est certain que si l’on veut creuser cette situation on trouvera au fond de la pensée du rieur un certain orgueil inconscient. C’est là le point de départ : moi, je ne tombe pas ; moi, je marche droit ; moi, mon pied est ferme et assuré. Ce n’est pas moi qui commettrais la sottise de ne pas voir un trottoir interrompu ou un pavé qui barre le chemin ».

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  • Document 2, Aimé Césaire, Cahier d’un Retour au pays Natal (extrait, 1939).

Aimé Césaire (1913-2008) est un poète français martiniquais reconnu internationalement et un homme politique de tendance autonomiste, à l’origine du concept de négritude (revendication de la culture et des valeurs des peuples noirs). Cahier d’un retour au pays natal est sa première œuvre : l’auteur y exprime  toute la révolte du peuple noir contre les colonisateurs. Il est important de connaître cet engagement afin de bien comprendre le texte. Le poème se présente comme une sorte de dénonciation de la misère dont souffrent les minorités ethniques et de l’hypocrisie en général. On voit ici le double but d’Aimé Césaire : d’une part l’auteur nous invite à réfléchir au problème de la lâcheté, mais d’autre part le texte est une mise en cause violente de notre monde (occidental) coupé des valeurs de solidarité et de charité. Les femmes ne pensent qu’à rire au lieu de s’apitoyer sur le sort de ce pauvre homme.

 

Et moi, et moi,
moi qui chantais le poing dur
Il faut savoir jusqu’où je poussai la lâcheté.

Un soir dans un tramway en face de moi, un nègre.
C’était un nègre grand comme un pongo (¹) qui essayait de se faire tout petit sur un banc de tramway. Il essayait d’abandonner sur ce banc crasseux de tramway ses jambes gigantesques et ses mains tremblantes de boxeur affamé. Et tout l’avait laissé, le laissait. Son nez qui semblait une péninsule en dérade et sa négritude même qui se décolorait sous l’action d’une inlassable mégie (²). Et le mégissier (²) était la Misère. […] On voyait très bien comment le pouce industrieux et malveillant avait modelé le front en bosse, percé le nez de deux tunnels parallèles et inquiétants, allongé la démesure de la lippe, et par un chef-d’œuvre caricatural, raboté, poli, verni la plus minuscule mignonne petite oreille de la création.

C’était un nègre dégingandé sans rythme ni mesure.
Un nègre dont les yeux roulaient une lassitude sanguinolente.
Un nègre sans pudeur et ses orteils ricanaient de façon assez puante au fond de la tanière entrebâillée de ses souliers.
La misère, on ne pouvait pas dire, s’était donné un mal fou pour l’achever.
Elle avait creusé l’orbite, l’avait fardée d’un fard de poussière et de chassie mêlées.

Elle avait tendu l’espace vide entre l’accrochement solide des mâchoires et les pommettes d’une vieille joue décatie. Elle avait planté dessus les petits pieux luisants d’une barbe de plusieurs jours. Elle avait affolé le cœur, voûté le dos.

Et l’ensemble faisait parfaitement un nègre hideux, un nègre grognon, un nègre mélancolique, un nègre affalé, ses mains réunies en prière sur un bâton noueux. Un nègre enseveli dans une vieille veste élimée. Un nègre comique et laid et des femmes derrière moi ricanaient en le regardant.

Il était COMIQUE ET LAID,
COMIQUE ET LAID pour sûr.
J’arborai un grand sourire complice…
Ma lâcheté retrouvée!

(1) Pongo : grand singe ; (2) Mégir signifie « tanner une peau » ; c’est l’action du mégissier (tanneur).
  • Document 3, Jean-François Steiner, Tréblinka, éd. Fayard, Paris 1966

La tactique de « Lalka » […] reposait sur un double mouvement : insuffler suffisamment d’oxygène pour maintenir la petite flamme d’espoir et, en même temps, prendre un certain nombre de mesures destinées à convaincre les prisonniers de leur sous-humanité, si possible en les compromettant. La création de la « charge » de « maître de la merde » était une de ces mesures. Le personnage ainsi déguisé était tellement ridicule avec son gros réveil, son fouet, sa barbe et son habit de chantre que les Juifs eux-mêmes ne pouvaient s’empêcher d’en rire.

Il riaient de cette marionnette qui, le fouet pendu au haut du bras, les suppliait avec des larmes dans la voix de sortir des latrines quand les trois minutes étaient écoulées. Jamais il n’aurait osé ni les frapper ni les dénoncer, mais comme il savait qu’il serait tenu personnellement pour responsable des abus, il n’avait d’autres moyens que de supplier. […]

Les prisonniers ne pouvaient s’empêcher de rire mais c’était d’eux-mêmes qu’ils riaient, c’était de leur religion dont ils se moquaient car le « maître de la merde » était l’un des leurs et son vêtement un habit de leur culte.

Lorsque, au moment de l’appel « Lalka » demandait : « Rabbin, comment va la merde ? » et que le faux rabbin déguisé en chantre répondait « Très bien, monsieur le Chef ! », cela signifiait qu’à Tréblinka les rabbins n’étaient bons qu’à s’occuper de la merde ». […]

(cité par Christian Defebvre, Michel Bry, Sherif Ferjani, « Haine et dérision au camp de Tréblinka (Pologne) en 1943 », Histoire des religions en Europe : Judaïsme, Christianisme et Islam, Hachette, Paris 1999/ De Boeck Université, Bruxelles 2000, page 291).
 
  • Document 4, Patrick Bruneteaux, Devenir un dieu : le nazisme comme nouvelle religion politique : éléments. Publibook, Paris 2005 

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Plusieurs indicateurs permettent d’identifier cette jouissance transcendantale : le rire, le plaisir, l’aspect festif. Dans le cadre du dédoublement négatif, le rire constitue un indicateur qui sert à qualifier un comportement sadique au moyen de son effet immédiat. E. Canetti offre une présentation de ce rire du destructeur surpuissant : « Le rire exprime à l’origine la joie donnée par une proie ou un aliment qui semblent assurés […]. Un homme qui tombe rappelle l’animal que l’on chassait et que l’on a soi-même abattu. Toute chute qui provoque le rire rappelle la détresse de qui s’abat ; on pourrait, si l’on voulait, le traiter en proie. On rit au lieu de le manger. C’est la proie disparue qui excite le rire ; un sentiment soudain de supériorité, comme l’a dit Hobbes » (*). Les déportés ont largement couvert leurs récits d’humiliations de scènes où les nazis tour à tour spectateurs et acteurs s’ébranlent contre les victimes et se repaissent de rires fréquents à gorge déployée. […] Il est pourtant nécessaire de distinguer plusieurs sortes de rire. Il ne faut ainsi pas confondre le rire de dissimulation du génocide, avec le rire de contentement qui suit une action sadique. La première situation est évoquée par Raul Hilberg à propos d’un SS qui accueille les Juifs avec « un sourire sympathique et aidait parfois les personnes âgées et les enfants » (**). Ce type de rire ou de sourire fait partie de la panoplie d’actes de diversion mis au point pour tromper la victime. […] Par contre le rire de dédoublement est celui qui accompagne directement la tuerie.

Le rire peut directement provenir de scènes de tortures : « Les nazis s’acharnèrent sur les juifs religieux qui avaient une barbe en la leur arrachant avec la peau. Cela se passait en pleine rue. Les Allemands prirent des photos, firent danser autour d’eux les chassidims avec leurs chants religieux et ce spectacle les faisait rire » (***). Un déporté note que le sadisme commence dès l’embarquement dans les wagons à Compiègne, un matraquage généralisé s’accompagne par la suite de récits épiques : « Les SS commentaient leurs exploits avec de gros rires ».

(*) E. Canetti, Masse et puissance (trad.), Gallimard, 1986, p. 237 ; (**) R. Hilberg, Exécuteurs et victimes, p. 51 ; (***) C. Zabuski, Une envie de vivre, p. 70

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  • Document complémentaire : Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932

Nous trinquâmes à sa santé sur le comptoir au milieu des clients noirs qui en bavaient d’envie. Les clients c’étaient des indigènes assez délurés pour oser s’approcher de nous les Blancs, une sélection en somme. Les autres nègres, moins dessalés, préféraient demeurer à distance. L’instinct. Mais les plus dégourdis, les plus contaminés, devenaient des commis de magasin. En boutique, on les reconnaissait les commis nègres à ce qu’ils engueulaient passionnément les autres Noirs. Le collègue au « corocoro » achetait du caoutchouc de traite, brut, qu’on lui apportait de la brousse, en sacs, en boules humides.

Comme nous étions là, jamais las de l’entendre, une famille de récolteurs, timide, vient se figer sur le seuil de la porte. Le père en avant des autres, ridé, ceinturé d’un petit pagne orange, son long coupe-coupe à bout de bras.

Il n’osait pas entrer le sauvage. Un des commis indigènes l’invitait pourtant : « Viens, bougnoule ! Viens voir ici! Nous y a pas bouffer sauvage ! » Ce langage finit par les décider. Ils pénétrèrent dans la cagna cuisante au fond de laquelle tempêtait notre homme au « corocoro ».

Ce Noir n’avait encore, semblait-il, jamais vu de boutique, ni de Blanc peut-être. Une de ses femmes le suivait, yeux baissés, portant sur le sommet de la tête, en équilibre, le gros panier rempli de caoutchouc brut.

D’autorité les commis recruteurs s’en saisirent de son panier pour peser le contenu sur la balance. Le sauvage ne comprenait pas plus le truc de la balance que le reste. La femme n’osait toujours pas relever la tête. Les autres nègres de la famille les attendaient dehors, avec les yeux bien écarquillés. On les fit entrer aussi, enfants compris et tous, pour qu’ils ne perdent rien du spectacle.

C’était la première fois qu’ils venaient comme ça tous ensemble de la forêt, vers les Blancs en ville. Ils avaient dû s’y mettre depuis bien longtemps les uns et les autres pour récolter tout ce caoutchouc-là. Alors forcément le résultat les intéressait tous. C’est long à suinter le caoutchouc dans les petits godets qu’on accroche au tronc des arbres. Souvent, on n’en a pas plein un petit verre en deux mois.

Pesée faite, notre gratteur entraîna le père, éberlué, derrière son comptoir et avec un crayon lui fit son compte et puis lui enferma dans le creux de la main quelques pièces en argent. Et puis : « Va-t’en! qu’il lui a dit comme ça. C’est ton compte !… »

Tous les petits amis blancs s’en tordaient de rigolade, tellement il avait bien mené son business.

La citation de la semaine… Honoré de Balzac…

Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, « le lys de cette vallée »…

Là se découvre une vallée qui commence à Montbazon, finit à la Loire, et semble bondir sous les châteaux posés sur ces doubles collines ; une magnifique coupe d’émeraude au fond de laquelle l’Indre se roule par des mouvements de serpent. A cet aspect, je fus saisi d’un étonnement voluptueux que l’ennui des landes ou la fatigue du chemin avait préparé. — Si cette femme, la fleur de son sexe, habite un lieu dans le monde, ce lieu, le voici ? À cette pensée je m’appuyai contre un noyer sous lequel, depuis ce jour, je me repose toutes les fois que je reviens dans ma chère vallée. Sous cet arbre confident de mes pensées, je m’interroge sur les changements que j’ai subis pendant le BR_illustration_lys_dans_la_vallée_webtemps qui s’est écoulé depuis le dernier jour où j’en suis parti. Elle demeurait là, mon cœur ne me trompait point : le premier castel que je vis au penchant d’une lande était son habitation. Quand je m’assis sous mon noyer, le soleil de midi faisait pétiller les ardoises de son toit et les vitres de ses fenêtres. Sa robe de percale produisait le point blanc que je remarquai dans ses vignes sous un hallebergier¹. Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, LE LYS DE CETTE VALLÉE où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. L’amour infini, sans autre aliment qu’un objet à peine entrevu dont mon âme était remplie, je le trouvais exprimé par ce long ruban d’eau qui ruisselle au soleil entre deux rives vertes, par ces lignes de peupliers qui parent de leurs dentelles mobiles ce val d’amour, par les bois de chênes qui s’avancent entre les vignobles sur des coteaux que la rivière arrondit toujours différemment, et par ces horizons estompés qui fuient en se contrariant. Si vous voulez voir la nature belle et vierge comme une fiancée, allez là par un jour de printemps, si vous voulez calmer les plaies saignantes de votre cœur, revenez-y par les derniers jours de l’automne ! Au printemps, l’amour y bat des ailes à plein ciel ; en automne on y songe à ceux qui ne sont plus. Le poumon malade y respire une bienfaisante fraîcheur, la vue s’y repose sur des touffes dorées qui communiquent à l’âme leurs paisibles douceurs. En ce moment, les moulins situés sur les chutes de l’Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante, les peupliers se balançaient en riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient, les cigales criaient, tout y était mélodie. Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine ? je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l’aime comme un artiste aime l’art ; je l’aime moins que je ne vous aime, mais sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus. Sans savoir pourquoi, mes yeux revenaient au point blanc, à la femme qui brillait dans ce vaste jardin comme au milieu des buissons verts éclatait la clochette d’un convolvulus², flétrie si l’on y touche…

Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée, 1836

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Honoré de Balzac (1799-1850) est un monument de la littérature française. Il a produit une œuvre romanesque aussi vaste que dense : 91 romans marqués par la technique du retour des personnages, et rassemblés sous le titre La Comédie humaine³. Achevé en 1835 et publié en volume un an plus tard, le Lys dans la vallée constitue le dernier tome des Scènes de la vie de campagne, et fait partie avec Eugénie Grandet (1833) ou le Père Goriot (1834) des Études de mœurs réparties en six livres³. Ce roman, qui comporte de nombreux éléments autobiographiques (Balzac y évoque indirectement sa passion pour madame de Berny, à tel point que le je de l’auteur se confond souvent avec le je du narrateur), est d’abord le roman de l’enfance et de l’amour, avant d’être le roman de la désillusion amoureuse. L’histoire, au demeurant, est simple, et apparente le Lys dans la vallée à un roman de l’éducation sentimentale : Félix de Vandenesse, jeune homme romantique, fragile et délaissé par sa mère tombe éperdument amoureux lors d’un bal donné à Tours par le Duc d’Angoulême, de la belle madame de Mortsauf, mariée et plus âgée que lui. Mais cet amour est celui d’un amour impossible…

Le passage présenté est celui où Félix de Vandenesse, bien des années plus tard, se remémore son arrivée à pied depuis Tours dans la vallée de l’Indre : il acquiert tout à coup la conviction que la jeune femme rencontrée lors du bal habite dans la vallée qui honore_de_balzac_1.1291363833.JPGs’offre à son regard. C’est l’occasion pour le narrateur (mais c’est bien Balzac qui parle ici) de se livrer à une suggestive comparaison entre le paysage de la Touraine, tout en galbes et en arrondis, et la femme aimée. De fait, le but pour l’auteur n’est pas tant de décrire la réalité que d’amener à une lecture symbolique du lieu, métamorphosé et poétisé par le désir amoureux : la nature est décrite en fonction des battements du cœur. Les personnifications nombreuses, de même que les métaphores florales participent à une sorte d’humanisation de la nature « belle et vierge comme une fiancée ». La découverte du paysage s’apparente ainsi à un dévoilement de la femme idéale, totalement confondue avec le lieu : « Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, LE LYS DE CETTE VALLÉE où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus ».

De fait, on est surpris par la symbolique du lieu, qui semble ainsi avoir une âme :  en participant à l’intériorité de l’homme, la contemplation de la nature ouvre sur la révélation amoureuse ; la description si sensuelle de la « frémissante » vallée de l’Indre, tout en courbes et en arrondis, emprunte un ensemble de valeurs à l’emblématique du désir : les multiples boucles et méandres de l’Indre, « ce long ruban d’eau qui ruisselle »,  qui « se roule par des mouvements de serpent » et provoque l’« étonnement voluptueux » du narrateur, suggèrent bien l’éternel féminin et la tentation ; tentation d’autant plus grande qu’elle se heurte à un amour qui restera interdit… Par son lyrisme intime et personnel, ce texte, qui figure parmi les plus belles pages de la poésie amoureuse, est aussi une merveilleuse invitation à découvrir le Romantisme : l’élan élégiaque, l’emphase, l’effusion, le langage de la contemplation, l’importance de la nature, complice et témoin de l’amour sont en effet caractéristiques du lyrisme romantique dont le but est de faire descendre la poésie au cœur même de l’homme afin de le toucher, comme le disait Lamartine, « par les innombrables frissons de l’âme et de la nature »…

Bruno Rigolt

frise_flou_mauve
1. Hallebergier : variété d’abricotier (l’orthogrphe exacte est : albergier).
2. Convolvulus : liseron.
3. Pour comprendre le plan de la Comédie humaine, je vous conseille d’accéder à cette page, très bien faite.
 
→ Accédez au texte intégral du Lys dans la vallée en cliquant ici (Wikisource).
→ Écoutez ou téléchargez gratuitement le livre audio du Lys dans la vallée en cliquant ici (Litteratureaudio.com)
Crédit iconographique : © Bruno Rigolt
(d’après Alexander Ignatius Roche, « 
Portrait de jeune femme en blanc ». Paris, Musée d’Orsay)

Un hommage au 11 novembre 1918… par la classe de Première L2…

Signé à l’aube du 11 novembre 1918 en forêt de Compiègne (Oise), l’armistice marque la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918), qui a fait plus de vingt millions de morts et autant d’invalides et de mutilés. Au-delà de la capitulation de l’Allemagne et de la victoire des Alliés, sa commémoration dans un monde plus fragmenté que jamais, appelle à un nécessaire travail de mémoire que la classe de Première L2 du Lycée en Forêt a souhaité accompagner par une recherche poétique, dont voici le fruit.

                   

Verdun

Création collective (*)

(Première L2)

                

Tes mains étaient douces comme l’horizon

Ton sourire arraché au vent comme la tristesse

Tes larmes vivantes comme l’orage,

Et comme ce train déjà mort

Qui filait dans l’oubli,

Loin du bleu nuit de ton regard

Sous un déluge d’obus…

Le temps changeant de ton visage

S’est perdu comme l’exil

Dans un rapport de pertes de un pour deux…

               

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Là où les fusils chantaient la peur…

par Étienne L.

(Première L2)

                  

Plongé dans cet océan de bruit,

Je me suis égaré dans l’abyme des cris,

Méandres douloureux et anéantis,

Là où les fusils chantaient la peur,

Même les rats nous prenaient en horreur.   

Le vent éparpillé de larmes verra à jamais ce drame

Comme la frénésie d’une patrie

Emmenant ses propres enfants

Qui refusaient simplement

De tirer sur l’opposant.

La poussière de l’aube les tira des explosions

Pour les mener au peloton…

             

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Dans le cœur libre des oiseaux

Création collective (*)

(Première L2)

               

L’eau de tes yeux coulait fascinante comme le rêve

Et le train de 7h30 s’ébranla vers Berlin

La lumière de mon cœur vagabondait

Dans le cœur libre des oiseaux…

Comme il était prescrit sur mon ordre de mobilisation,

Je partais vers toujours,

Vers les peines riches de l’Histoire.

Je rêvais profondément d’amour :

Ton fantôme murmurait doucement comme la mort au matin…

                   

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Marcel Gromaire, « La Guerre« , 1925 (Musée d’art moderne de la Ville de Paris. © ADAGP/RMN – Bulloz)

                     

(*) Création collective : Floriane A. Adelyne B. Nicolas B. Ingrid B. Lola B. Céline B. Honorine B. Marie B. Noëlle B. Rose B. Nicolas B. Margaux B. Émilie C. Morane C. Théo D. Marc D. Léa G. Coralie G. Dakota G. Melvin H. Todd H. Patricia K. Étienne L. Émilie M. Mélissa M. Guillaume M. Manon M. Antoine N. Arthur S. Odyssée S. Lucie S. Brice T. Lysiane V. Agathe V. Kevin V.

Corrigé BTS Synthèse Génération(s) Les âges de la vie perturbés… L'interminable adulescence

logo-bts-generations-epc-corrige_1.1291133190.jpgEntraînement BTS :

Devenir adulte… Rester jeune…

« Génération(s), les âges de la vie perturbés »

                  

Corrigé de la synthèse

arrow.1242450507.jpg Pour accéder au corpus, cliquez ici.
                 
[Le corpus, très fourni (5 documents), et particulièrement dense, explique la longueur inhabituelle de cette synthèse].

Dans le contexte de crise et d’instabilité sociétales (¹) qui est le nôtre, la réflexion sur la signification du devenir dans les sociétés modernes a pris une dimension essentielle : tel est l’enjeu de ce corpus qui nous invite à réfléchir aux conditions d’accession à l’âge adulte des générations actuelles. C’est en sociologue qu’Olivier Galland aborde cette réflexion en montrant que la jeunesse est avant tout un passage dont les frontières et la définition ont évolué au cours de l’histoire. Cécile van De Velde quant à elle, soumet à une lecture comparative la question du traitement de la jeunesse dans différentes sociétés européennes. Mais il revient aux philosophes Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot de mettre l’accent sur les difficultés à devenir adulte dans un monde où les repères générationnels se sont brouillés. Enfin, c’est sur un mode plaisant mais non moins essentiel que la célèbre affiche du film Tanguy et que la campagne publicitaire pour la marque « Petit Bateau » (documents 4 et 5) réinvestissent ces questionnements que nous nous proposons d’aborder selon une triple perspective : si tous les documents renvoient à l’importance de la jeunesse dans les sociétés actuelles, ils soulignent corrélativement les difficultés à définir cette jeunesse, en fonction des modèles culturels, économiques ou sociaux dominants. Enfin, toute la question sera de savoir comment devenir adulte et aspirer à grandir dans des systèmes où le jeunisme semble être devenu une axiologie (²) dominante.

                   

Un constat s’impose d’emblée : si la jeunesse est devenue un enjeu capital pour comprendre les facteurs qui régissent notre modernité, elle a aussi entraîné un certain « brouillage générationnel » et discrédité la notion même d’adulte, particulièrement dans nos sociétés où l’allongement des études et les difficultés d’insertion retardent le passage de l’enfance à la maturité. Tel est le sens de l’article d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot intitulé « Une crise de l’âge adulte ? » et paru en mai 2008 dans le numéro 193 de la revue Sciences Humaines. Pour les auteurs, non seulement le passage à la maturité est source d’interrogation et d’incertitude chez les jeunes, mais aussi d’appréhension et de crainte pour les adultes eux-mêmes, au point que personne ne semble plus vouloir assumer son âge. L’affiche du film Tanguy réalisé par Étienne Chatiliez en 2001 est illustrative de ce refus de grandir par peur d’affronter le monde. Le personnage principal, Tanguy, a vingt-huit ans et vit toujours chez ses parents. Sur l’affiche du film, nous le voyons radieux et assis en costume entre son père et sa mère, qui eux, en pyjama dans leur lit, arborent une mine plutôt contrariée. Si ce film est devenu un véritable phénomène de société, c’est que l' »adulescence » est le signe tangible d’une génération pour qui l’âge adulte symbolise d’abord le spectre du vieillissement et de la mort. Comme le faisaient remarquer Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, refuser de grandir, c’est conséquemment refuser l’identité adulte.

Cette exaltation de la jeunesse caractéristique des dernières décennies a fini par répandre dans les esprits la conviction que passer de l’enfance à l’âge adulte était forcément un déclin. La mercatique a d’ailleurs exploité opportunément ce phénomène de société. Ainsi, la campagne publicitaire « Les mois » pour la marque « Petit Bateau » (2009), par son aspect intergénérationnel, se joue avec espièglerie du jeunisme de notre époque qui a fini par envahir les rapports parents-enfants : on y voit des bébés, des adultes, des jeunes et des seniors présentés deux par deux (« Elodie 216 mois, Evan 13 mois » par exemple ou bien encore « Chantal 241 mois, Robert 888 mois ») et le slogan résonne comme une promesse en clin d’œil : « Petit Bateau pour toujours ». Néanmoins, la publicité pourrait prêter à une certaine confusion, voire à de la complaisance en faisant de la jeunesse une valeur en soi, en l’érigeant en valeur suprême : le fait que les âges soient évoqués en mois ne relève-t-il pas, au delà de l’humour évident, d’une démagogie flatteuse ? Dès lors, n’est-il pas permis de parler d’une « confusion des âges » pour reprendre les propos d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot ? Alors que les jeunes rêvent de devenir adultes, les adultes redoutent de vieillir et aspirent à retomber en enfance : ne « surtout pas faire son âge » semble donc être devenu l’unique credo des sociétés contemporaines. Une telle approche complique encore davantage l’acquisition des attributs du statut d’adulte.

Dès lors, un premier constat s’impose : il est très difficile d’aborder objectivement la jeunesse. Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS analyse ainsi dans un entretien publié en 2008 par France Diplomatie la notion de jeunesse en tant que catégorie sociale et culturelle spécifique, qu’il conviendrait d’étudier selon lui en se gardant de toute représentation par trop idéologique. L’auteur montre bien comment, particulièrement dans notre pays, les débats n’ont fait souvent qu’alimenter la stigmatisation de la jeunesse alors qu’il faudrait l’aborder « comme un passage entre d’autres âges de la vie, comme une portion du cycle de vie ». Ces propos sont à mettre en relation avec l’analyse proposée par Cécile Van de Velde. Dans « Jeunesses d’Europe, trajectoires comparées » (revue Projet n° 305, juillet 2008), l’auteure souligne combien le modèle français, essentiellement corporatiste et cloisonné, a pu favoriser une approche rigide des jeunes au détriment par exemple de l’approche scandinave où domine une vision de la jeunesse inscrite dans une logique de développement personnel et de cheminement exploratoire, qui légitime au sein même de la société l’émancipation individuelle.

            

Comme nous le comprenons, si la question de la jeunesse est un enjeu prospectif majeur pour aborder les formes de passage à l’âge adulte, les modèles d’analyse existants n’ont pas toujours pris en considération la spécificité de cette jeunesse. À ce titre, Olivier Galland rappelle combien l’idéal d’émancipation et de citoyenneté développé par les Lumières, et corrélativement la montée des processus d’individualisation et de confrontation sociale, ont favorisé l’émergence de modèles d’intervention étatique n’envisageant la jeunesse que sous un aspect conflictuel : les « jeunes » qu’il faut cadrer pour éviter tout débordement, s’opposant aux « vieux ». En fait, plus qu’une période de déviance ou de contestation de l’ordre établi, l’auteur estime que la jeunesse est d’abord « un âge de grande fragilité ». Fragilité qui résulte de facteurs sociaux comme les inégalités intergénérationnelles ou de facteurs économiques comme la restructuration industrielle qu’a connue la France ces dernières décennies. Ces facteurs ont non seulement accentué les incertitudes mais ils ont été source d’une angoisse face à l’avenir. Le spectre de la précarité, voire de la marginalisation sociale, proportionnel à la non qualification de certains jeunes, est en effet devenu l’un des facteurs les plus discriminants aujourd’hui, et explique en partie la montée de la violence et des communautarismes auprès des non-diplômés, particulièrement dans des sociétés où l’opulence consumériste et les valeurs libertaires ont été érigées en modèle social.

Sa réflexion rejoint l’analyse de Cécile van De Velde à propos de la jeunesse française : d’après elle, l’entrée dans l’âge adulte, vécue comme un engagement solennel, tend à faire de la jeunesse une période de construction identitaire et professionnelle qui catégorise hiérarchiquement les individus selon une logique trop déterministe. La difficulté d’un retour à la formation dans la vie active tend par exemple à ériger le niveau initial de poursuite d’études en critère unique de réussite sociale et d’intégration professionnelle. Cette approche de la jeunesse ne va donc pas sans difficultés : comme nous l’avons vu, les pays scandinaves, où domine également une forme de jeunesse longue, l’inscrivent plus judicieusement dans une logique de développement personnel et de cheminement exploratoire, qui légitime au sein même de la société l’émancipation individuelle et la socialisation extrafamiliale. Comme le dit l’auteure, « rester chez ses parents est associé à une « perte de temps », un « isolement » néfaste, voire « dangereux » empêchant de « devenir adulte », et freinant la construction d’une « vie à soi ». Il n’est pas besoin de faire de nouveau référence au film Tanguy pour s’en convaincre.

De nos remarques précédentes ressort une vérité essentielle : à savoir que les modèles classiques d’entrée dans la vie adulte ne semblent plus suffire pour aborder la diversité grandissante que vivent les jeunes aujourd’hui. L’étude comparative menée par Cécile van De Velde montre bien que la multiplicité des destins au sein de la nouvelle génération européenne empêche tout traitement global. Si en France par exemple, la jeunesse est en proie à l’adultisation précoce et à l’autonomisation, elle reste confrontée à une absence de statut et condamnée à dépendre, au moins financièrement, des parents. Au Royaume-Uni au contraire, l’accès au statut social et familial d’adulte est d’autant plus rapide que l’État n’intervient pas financièrement dans l’accompagnement vocationnel des jeunes, selon une logique libérale qui prône avant tout l’autofinancement, la responsabilité individuelle et l’autonomisation. Enfin, en Espagne, les facteurs culturels mais aussi la crise et la précarité professionnelle conditionnent largement le maintien tardif des jeunes au sein de la sphère familiale. De fait, le foyer parental n’est quitté que très tardivement. L’intérêt de cette approche comparative est bien de montrer que d’un pays à l’autre, le chemin pour devenir adulte s’inscrit largement dans des logiques culturelles et des déterminismes historiques profondément ancrés dans l’inconscient collectif.

            

En fait, tous les textes du corpus montrent que l’idéal adulte d’aujourd’hui est d’autant plus douloureux et difficile à atteindre qu’il exigerait une réconciliation avec l’idée de société, au sens historique du terme, tâche exigeante, et idéal difficile à acquérir car il est en contradiction avec le modèle social de l’individualisme occidental, qui pousse les adultes à ne pas assumer leur âge. Pour Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot en effet, une telle attitude amène l’individu à entrer en contradiction non seulement avec les autres mais plus encore avec soi-même par peur d’affronter sa propre singularité face au monde. Les deux philosophes mais aussi le sociologue Olivier Galland montrent donc qu’il est devenu plus compliqué de devenir adulte pour des raisons culturelles et structurelles, mais aussi conjoncturelles liées à l’incertitude économique et enfin parce que la transmission des valeurs est devenue plus difficile dans le monde d’aujourd’hui où les jeunes doivent de plus en plus se trouver seuls des modèles normatifs. L’affiche du film Tanguy est d’ailleurs illustrative de cette faillite du modèle éducatif parental. On pourrait tout aussi bien évoquer la campagne publicitaire « Petit Bateau » qui, en brouillant les repères générationnels et normatifs, propose une vision fragilisée de l’état adulte, et plus globalement de la société dans son ensemble.

Comme nous le comprenons, ce qu’on appelait autrefois les rites de passage est au cœur même du débat. Comme le remarquent avec justesse  Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, même de nos jours, le long chemin pour devenir adulte s’organise en étapes rythmées par des crises et qui préparent à affronter la maturité, qui est toujours considérée comme le but ultime de la vie. Non seulement, pour les auteurs, le fait de vouloir accéder à l’âge adulte reste encore un objectif marquant de l’existence, mais, malgré l’apparent jeunisme de notre société, chacun aspire à cet idéal de maturité, qui peut être défini par l’expérience, qui est le rapport au monde, la responsabilité qui est le rapport aux autres, et l’authenticité qui est le rapport à soi-même. Mais comment atteindre cet idéal quand les conditions d’accession à l’âge adulte ont été modifiées, tout comme la représentation du statut de l’adulte ? Ainsi que nous le remarquions, l’affiche du film Tanguy de même que les photographies pour la marque « Petit Bateau » sont à ce titre éclairantes. Tous les textes du corpus nous rappellent enfin explicitement ou implicitement combien la multiplication des rites de passage dans les sociétés modernes a eu pour effet d’étaler et de fragmenter à l’infini les attributs sociaux de la maturité. 

Au terme de ce travail, interrogeons-nous : la question de la jeunesse est l’un des problèmes de société les plus importants qui se posent à notre modernité. Cécile Van de Velde montre bien qu’être adulte aujourd’hui coïncide avec de multiples représentations en fonction des cultures. Mais comme l’indique Olivier Galland, ces représentations sont plus fragmentées que par le passé. De même, « les autres phases, qui marquaient auparavant le passage à l’âge adulte, sont devenues plus floues ». C’était également l’intérêt de la réflexion d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot de montrer que l’instabilité de la construction sociale de l’adulte s’explique en partie par l’échec de la formation identitaire dans une culture occidentale bouleversée, qui se cherche de nouvelles valeurs, mais qui a perdu ses repères et qu’il est devenu plus difficile d’appréhender. Au-delà de la question de l’effacement des frontières entre le monde de l’enfance et le monde de l’âge adulte, c’est donc tout le problème de notre modernité qui se trouve ici posé : La désorganisation des repères symboliques et culturels commande en effet d’aborder différemment les questions intergénérationnelles et plus largement les pratiques de l’intervention sociale.

                

Bruno Rigolt

________________

Notes
(1) Sociétal : qui est relatif aux valeurs et aux normes instituées d’une société.
(2) axiologie : qui se réfère aux valeurs éthiques et morales.

________________

NetÉtiquette : article protégé par copyright ; la diffusion publique est autorisée sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur ainsi que la source : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2010/11/30/corrige-bts-synthese-generations-les-ages-de-la-vie-perturbes-linterminable-adulescence/
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), novembre 2010

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« Génération(s), les âges de la vie perturbés »

                  

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[Le corpus, très fourni (5 documents), et particulièrement dense, explique la longueur inhabituelle de cette synthèse].

Dans le contexte de crise et d’instabilité sociétales (¹) qui est le nôtre, la réflexion sur la signification du devenir dans les sociétés modernes a pris une dimension essentielle : tel est l’enjeu de ce corpus qui nous invite à réfléchir aux conditions d’accession à l’âge adulte des générations actuelles. C’est en sociologue qu’Olivier Galland aborde cette réflexion en montrant que la jeunesse est avant tout un passage dont les frontières et la définition ont évolué au cours de l’histoire. Cécile van De Velde quant à elle, soumet à une lecture comparative la question du traitement de la jeunesse dans différentes sociétés européennes. Mais il revient aux philosophes Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot de mettre l’accent sur les difficultés à devenir adulte dans un monde où les repères générationnels se sont brouillés. Enfin, c’est sur un mode plaisant mais non moins essentiel que la célèbre affiche du film Tanguy et que la campagne publicitaire pour la marque « Petit Bateau » (documents 4 et 5) réinvestissent ces questionnements que nous nous proposons d’aborder selon une triple perspective : si tous les documents renvoient à l’importance de la jeunesse dans les sociétés actuelles, ils soulignent corrélativement les difficultés à définir cette jeunesse, en fonction des modèles culturels, économiques ou sociaux dominants. Enfin, toute la question sera de savoir comment devenir adulte et aspirer à grandir dans des systèmes où le jeunisme semble être devenu une axiologie (²) dominante.

                   

Un constat s’impose d’emblée : si la jeunesse est devenue un enjeu capital pour comprendre les facteurs qui régissent notre modernité, elle a aussi entraîné un certain « brouillage générationnel » et discrédité la notion même d’adulte, particulièrement dans nos sociétés où l’allongement des études et les difficultés d’insertion retardent le passage de l’enfance à la maturité. Tel est le sens de l’article d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot intitulé « Une crise de l’âge adulte ? » et paru en mai 2008 dans le numéro 193 de la revue Sciences Humaines. Pour les auteurs, non seulement le passage à la maturité est source d’interrogation et d’incertitude chez les jeunes, mais aussi d’appréhension et de crainte pour les adultes eux-mêmes, au point que personne ne semble plus vouloir assumer son âge. L’affiche du film Tanguy réalisé par Étienne Chatiliez en 2001 est illustrative de ce refus de grandir par peur d’affronter le monde. Le personnage principal, Tanguy, a vingt-huit ans et vit toujours chez ses parents. Sur l’affiche du film, nous le voyons radieux et assis en costume entre son père et sa mère, qui eux, en pyjama dans leur lit, arborent une mine plutôt contrariée. Si ce film est devenu un véritable phénomène de société, c’est que l' »adulescence » est le signe tangible d’une génération pour qui l’âge adulte symbolise d’abord le spectre du vieillissement et de la mort. Comme le faisaient remarquer Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, refuser de grandir, c’est conséquemment refuser l’identité adulte.

Cette exaltation de la jeunesse caractéristique des dernières décennies a fini par répandre dans les esprits la conviction que passer de l’enfance à l’âge adulte était forcément un déclin. La mercatique a d’ailleurs exploité opportunément ce phénomène de société. Ainsi, la campagne publicitaire « Les mois » pour la marque « Petit Bateau » (2009), par son aspect intergénérationnel, se joue avec espièglerie du jeunisme de notre époque qui a fini par envahir les rapports parents-enfants : on y voit des bébés, des adultes, des jeunes et des seniors présentés deux par deux (« Elodie 216 mois, Evan 13 mois » par exemple ou bien encore « Chantal 241 mois, Robert 888 mois ») et le slogan résonne comme une promesse en clin d’œil : « Petit Bateau pour toujours ». Néanmoins, la publicité pourrait prêter à une certaine confusion, voire à de la complaisance en faisant de la jeunesse une valeur en soi, en l’érigeant en valeur suprême : le fait que les âges soient évoqués en mois ne relève-t-il pas, au delà de l’humour évident, d’une démagogie flatteuse ? Dès lors, n’est-il pas permis de parler d’une « confusion des âges » pour reprendre les propos d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot ? Alors que les jeunes rêvent de devenir adultes, les adultes redoutent de vieillir et aspirent à retomber en enfance : ne « surtout pas faire son âge » semble donc être devenu l’unique credo des sociétés contemporaines. Une telle approche complique encore davantage l’acquisition des attributs du statut d’adulte.

Dès lors, un premier constat s’impose : il est très difficile d’aborder objectivement la jeunesse. Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS analyse ainsi dans un entretien publié en 2008 par France Diplomatie la notion de jeunesse en tant que catégorie sociale et culturelle spécifique, qu’il conviendrait d’étudier selon lui en se gardant de toute représentation par trop idéologique. L’auteur montre bien comment, particulièrement dans notre pays, les débats n’ont fait souvent qu’alimenter la stigmatisation de la jeunesse alors qu’il faudrait l’aborder « comme un passage entre d’autres âges de la vie, comme une portion du cycle de vie ». Ces propos sont à mettre en relation avec l’analyse proposée par Cécile Van de Velde. Dans « Jeunesses d’Europe, trajectoires comparées » (revue Projet n° 305, juillet 2008), l’auteure souligne combien le modèle français, essentiellement corporatiste et cloisonné, a pu favoriser une approche rigide des jeunes au détriment par exemple de l’approche scandinave où domine une vision de la jeunesse inscrite dans une logique de développement personnel et de cheminement exploratoire, qui légitime au sein même de la société l’émancipation individuelle.

            

Comme nous le comprenons, si la question de la jeunesse est un enjeu prospectif majeur pour aborder les formes de passage à l’âge adulte, les modèles d’analyse existants n’ont pas toujours pris en considération la spécificité de cette jeunesse. À ce titre, Olivier Galland rappelle combien l’idéal d’émancipation et de citoyenneté développé par les Lumières, et corrélativement la montée des processus d’individualisation et de confrontation sociale, ont favorisé l’émergence de modèles d’intervention étatique n’envisageant la jeunesse que sous un aspect conflictuel : les « jeunes » qu’il faut cadrer pour éviter tout débordement, s’opposant aux « vieux ». En fait, plus qu’une période de déviance ou de contestation de l’ordre établi, l’auteur estime que la jeunesse est d’abord « un âge de grande fragilité ». Fragilité qui résulte de facteurs sociaux comme les inégalités intergénérationnelles ou de facteurs économiques comme la restructuration industrielle qu’a connue la France ces dernières décennies. Ces facteurs ont non seulement accentué les incertitudes mais ils ont été source d’une angoisse face à l’avenir. Le spectre de la précarité, voire de la marginalisation sociale, proportionnel à la non qualification de certains jeunes, est en effet devenu l’un des facteurs les plus discriminants aujourd’hui, et explique en partie la montée de la violence et des communautarismes auprès des non-diplômés, particulièrement dans des sociétés où l’opulence consumériste et les valeurs libertaires ont été érigées en modèle social.

Sa réflexion rejoint l’analyse de Cécile van De Velde à propos de la jeunesse française : d’après elle, l’entrée dans l’âge adulte, vécue comme un engagement solennel, tend à faire de la jeunesse une période de construction identitaire et professionnelle qui catégorise hiérarchiquement les individus selon une logique trop déterministe. La difficulté d’un retour à la formation dans la vie active tend par exemple à ériger le niveau initial de poursuite d’études en critère unique de réussite sociale et d’intégration professionnelle. Cette approche de la jeunesse ne va donc pas sans difficultés : comme nous l’avons vu, les pays scandinaves, où domine également une forme de jeunesse longue, l’inscrivent plus judicieusement dans une logique de développement personnel et de cheminement exploratoire, qui légitime au sein même de la société l’émancipation individuelle et la socialisation extrafamiliale. Comme le dit l’auteure, « rester chez ses parents est associé à une « perte de temps », un « isolement » néfaste, voire « dangereux » empêchant de « devenir adulte », et freinant la construction d’une « vie à soi ». Il n’est pas besoin de faire de nouveau référence au film Tanguy pour s’en convaincre.

De nos remarques précédentes ressort une vérité essentielle : à savoir que les modèles classiques d’entrée dans la vie adulte ne semblent plus suffire pour aborder la diversité grandissante que vivent les jeunes aujourd’hui. L’étude comparative menée par Cécile van De Velde montre bien que la multiplicité des destins au sein de la nouvelle génération européenne empêche tout traitement global. Si en France par exemple, la jeunesse est en proie à l’adultisation précoce et à l’autonomisation, elle reste confrontée à une absence de statut et condamnée à dépendre, au moins financièrement, des parents. Au Royaume-Uni au contraire, l’accès au statut social et familial d’adulte est d’autant plus rapide que l’État n’intervient pas financièrement dans l’accompagnement vocationnel des jeunes, selon une logique libérale qui prône avant tout l’autofinancement, la responsabilité individuelle et l’autonomisation. Enfin, en Espagne, les facteurs culturels mais aussi la crise et la précarité professionnelle conditionnent largement le maintien tardif des jeunes au sein de la sphère familiale. De fait, le foyer parental n’est quitté que très tardivement. L’intérêt de cette approche comparative est bien de montrer que d’un pays à l’autre, le chemin pour devenir adulte s’inscrit largement dans des logiques culturelles et des déterminismes historiques profondément ancrés dans l’inconscient collectif.

            

En fait, tous les textes du corpus montrent que l’idéal adulte d’aujourd’hui est d’autant plus douloureux et difficile à atteindre qu’il exigerait une réconciliation avec l’idée de société, au sens historique du terme, tâche exigeante, et idéal difficile à acquérir car il est en contradiction avec le modèle social de l’individualisme occidental, qui pousse les adultes à ne pas assumer leur âge. Pour Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot en effet, une telle attitude amène l’individu à entrer en contradiction non seulement avec les autres mais plus encore avec soi-même par peur d’affronter sa propre singularité face au monde. Les deux philosophes mais aussi le sociologue Olivier Galland montrent donc qu’il est devenu plus compliqué de devenir adulte pour des raisons culturelles et structurelles, mais aussi conjoncturelles liées à l’incertitude économique et enfin parce que la transmission des valeurs est devenue plus difficile dans le monde d’aujourd’hui où les jeunes doivent de plus en plus se trouver seuls des modèles normatifs. L’affiche du film Tanguy est d’ailleurs illustrative de cette faillite du modèle éducatif parental. On pourrait tout aussi bien évoquer la campagne publicitaire « Petit Bateau » qui, en brouillant les repères générationnels et normatifs, propose une vision fragilisée de l’état adulte, et plus globalement de la société dans son ensemble.

Comme nous le comprenons, ce qu’on appelait autrefois les rites de passage est au cœur même du débat. Comme le remarquent avec justesse  Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, même de nos jours, le long chemin pour devenir adulte s’organise en étapes rythmées par des crises et qui préparent à affronter la maturité, qui est toujours considérée comme le but ultime de la vie. Non seulement, pour les auteurs, le fait de vouloir accéder à l’âge adulte reste encore un objectif marquant de l’existence, mais, malgré l’apparent jeunisme de notre société, chacun aspire à cet idéal de maturité, qui peut être défini par l’expérience, qui est le rapport au monde, la responsabilité qui est le rapport aux autres, et l’authenticité qui est le rapport à soi-même. Mais comment atteindre cet idéal quand les conditions d’accession à l’âge adulte ont été modifiées, tout comme la représentation du statut de l’adulte ? Ainsi que nous le remarquions, l’affiche du film Tanguy de même que les photographies pour la marque « Petit Bateau » sont à ce titre éclairantes. Tous les textes du corpus nous rappellent enfin explicitement ou implicitement combien la multiplication des rites de passage dans les sociétés modernes a eu pour effet d’étaler et de fragmenter à l’infini les attributs sociaux de la maturité. 

Au terme de ce travail, interrogeons-nous : la question de la jeunesse est l’un des problèmes de société les plus importants qui se posent à notre modernité. Cécile Van de Velde montre bien qu’être adulte aujourd’hui coïncide avec de multiples représentations en fonction des cultures. Mais comme l’indique Olivier Galland, ces représentations sont plus fragmentées que par le passé. De même, « les autres phases, qui marquaient auparavant le passage à l’âge adulte, sont devenues plus floues ». C’était également l’intérêt de la réflexion d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot de montrer que l’instabilité de la construction sociale de l’adulte s’explique en partie par l’échec de la formation identitaire dans une culture occidentale bouleversée, qui se cherche de nouvelles valeurs, mais qui a perdu ses repères et qu’il est devenu plus difficile d’appréhender. Au-delà de la question de l’effacement des frontières entre le monde de l’enfance et le monde de l’âge adulte, c’est donc tout le problème de notre modernité qui se trouve ici posé : La désorganisation des repères symboliques et culturels commande en effet d’aborder différemment les questions intergénérationnelles et plus largement les pratiques de l’intervention sociale.

                

Bruno Rigolt

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Notes
(1) Sociétal : qui est relatif aux valeurs et aux normes instituées d’une société.
(2) axiologie : qui se réfère aux valeurs éthiques et morales.

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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), novembre 2010

Un automne en poésie 2011 1L2 1S2 1STG3… Cinquième livraison

Un automne en poésie… édition 2011… Cinquième livraison

Voici l’avant-dernière livraison de l’édition 2011 d’Un automne en poésie, manifestation d’art qui entend marquer à sa manière la rentrée littéraire au Lycée en Forêt. Plus de soixante textes, tous inédits ! Ces poèmes, souvent d’une grande densité intellectuelle, chantent avant tout la nostalgie de l’Idéal et du Spirituel. Proclamant le pouvoir de l’art sur la vie quotidienne, de la subjectivité sur l’objectivité, de l’imaginaire sur le réel, ils s’inscrivent dans la tradition symboliste. Je vous laisse découvrir la suite des textes publiés…

NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).
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La brume commence à danser

par Melvin H.

(Classe de Première L2)

               

La pureté des étoiles se fond dans la nuit
Le soupir du vent ne fait plus de bruit
Des lumières dans le ciel vacillent
Ce sont celles des lucioles
D’ici déjà des heures les rayons du soleil
Caresseront le sol. La brume commence à danser
Dans les herbes fades et la fraîcheur de l’air
Qui court lentement sur moi s’évade…

           

          

Je m’envole

par Louis C.
(Classe de Première STG3)

                 

Comme Icare je m’envole
Vers l’infini désespoir
De la tristesse envoûtée.

Mon cœur mélancolique
Ne saurait faire trembler
Les fleurs du voyage.

Homme, je sais me comparer
Aux nuées ardentes :
Le jour du Jugement Dernier arrivera :

Zeus, roi des rois,
Viendra disloquer l’homme le long des côtes
Les entrailles du monde pourriront au fond des abysses

Alors la nature s’enfuira
Pour échapper aux hommes
Pleins de solitude et d’amertume.

                 

                    

De nos jours

par Zyad A.
(Classe de Première S2)

                 

De nos jours, le cœur des hommes est noir de vide
La démence des anges appelle à l’enfer
Le monde exprime ses joies au-dessus du précipice
Ces joies qui attristent le bonheur,
Qui grisent les roses
Et font pleurer les rêves…

De nos jours, imposture et fabulation
Éblouissent les hommes
D’une lumière ténébreuse
Une chimère qui aveugle le monde.
Les larmes de nos jours heureux coulent, coulent
Vers une chute certaine.

        

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Les sentiments s’évaporent

par Hapsa S.
(Classe de Première STG3)

                 

En ce jour de tristesse,

Les sentiments s’évaporent ;

Le temps n’a guère de valeur

Et la clarté lunaire se reflète en mon cœur.

             

Les âmes se vident

En ce jour de tristesse,

Le cœur fragile,

Le mal nous déchire.

                       

Les esprits voyagent

Les souvenirs s’effacent

En ce jour de tristesse

Et le silence s’installe.

              

Le désir de Liberté

Vers nos rêves

Se lit dans les yeux du monde

En ce jour de tristesse…

                  

    

Après une lecture de “Brise marine”

par Odyssée S.
(Classe de Première L2)

                 

Pantin de vos réalités
Où sommeillent de fictives vérités
Son cœur d’automate hurle à l’excursion :       

Ses membres engourdis veulent partir
Et sa tête se balade à travers les vers et les syllabes
Et son âme délibère parmi les mots,

Abandonne tout son être à d’irréelles proses.
Ce désir onirique lui fit presque épargner
Le dur réveil dans votre réalité.

  

                     

Bonheur accusé

par Léa G.
(Classe de Première L2)

                 

L’orient mord à pleines dents

Le sable chaud et la chaleur éternelle

Le soleil s’achève

Sur les chemins de la mer.

                 

Je vole au fond des océans

J’ai chaviré la profondeur des mers

Doux parfum d’écume envolée

D’étoiles lointaines.

                   

Mes pensées légères comme une feuille morte,

Le bras de la justice frappe à ma porte

Arc-en-ciel arraché de la vie

Mouillé par l’horizon au cœur suprême…

             

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Ivan Aïvazovski La Baie de Naples au clair de lune, 1842 (The Ayvazovski Art Gallery, Théodosie, Ukraine)

                

                    

Le lieu

par Antoine N.
(Classe de Première L2)

                 

C’est un lieu perdu et froid
Pourtant doux comme la soie
Parfois, on ne comprend pas à quoi il sert
Car il peut être vide et silencieux comme le désert.

Beaucoup de gens le gardent pour eux
Ils ne disent rien, sont malheureux
S’ils ne souhaitent dire leur bonheur
C’est qu’il s’agit peut-être d’un simple malheur ?         

Parfois il décide de se chauffer
C’est à ce moment que l’on peut aspirer
À vivre en paix dans un foyer
Devant un feu ardent toujours animé.

Ce lieu peut aussi s’arrêter de parler
Ou bien, dans le pire des cas, se briser
Car cet endroit qui peut donner ou non le malheur
C’est ce beau lieu qu’on appelle le cœur…

           

La rencontre

par Estelle J.
(Classe de Première STG3)

                 

Le toucher d’une femme redonne espoir :

Le temps d’un baiser

Et toutes les larmes sont oubliées.

Cette étoile brillante dans un regard,

Il le sait : il restera celui qui l’aimait sans mesure

Il cherchera aux limites du monde

À revoir ses yeux azur en amande tant convoités.

De la falaise rocheuse où il l’avait rencontrée

Il revoit ce visage inondé d’innocence et de pureté :

Le vent faisait virevolter sa robe blanche

Et ses cheveux d’été pénétrés de soleil…

“Vais-je la revoir un jour ?” pensait-il,

“En tout cas je l’espère”…

                    

                 

Libération solitaire

par Manon M.
(Classe de Première L2)

                 

L’oxygène respire la nature

Et les oiseaux volent vers l’instant

D’une rime étrangère :

Là où la nature est arrachée de ses rêves,

Où la mélancolie des mondes solitaires

Envahit l’intense étourdissement,

Là où des oiseaux papillonnent

Parmi ces cloisons parfois libérées…

       

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Le fleuve du monde déferle

par Nicolas B.
(Classe de Première L2)

                 

Perdu dans une brume à la grisaille éclatante,

L’esprit vagabonde, invisible et gracieux,

Pareil au nuage dans la tempête,

Comme les larmes des glaciers se répandent…

Que l’hiver migre

Et le fleuve du monde déferle !

Noyant, brisant, anéantissant ses souvenirs :

Le barrage a cédé.

Il faut maintenant reconstruire.

              

               

Le poids d’une goutte de pluie

par Pierre A.
(Classe de Première STG3)

                 

La vie, vaste chose oppressée

Telle une feuille subissant le poids

D’une goutte de pluie…

Et l’homme, petite chose

Devant ces colosses que l’on nomme

Les défis de la vie humaine.

Agréable douleur que la vie emplie de larmes ?

L’homme commence à perdre haleine

Ses mains tremblent,

Le Fossoyeur lentement creuse sa tombe.

             

               

Histoire d’une nuit étoilée

par Émilie C.

(Classe de Première L2)

                 

Le chant suprême de mon cœur résonne

Comme le cri de détresse d’un homme à la mer.

Il m’emporte vers des îles belles de solitude

Mon âme se laisse envoler par ce doux rêve

Séquestrée par la douleur d’une nuit étoilée.

              

Puis au soleil levant, elle laisse libre cour

À son désespoir. Mille fois,

J’ai entendu l’histoire de ces nuits étoilées

Jusqu’à ce que ma douce lumière s’éteigne

Laissant en moi un sentiment d’amertume en fleur…

             

           

               

Tempête ensoleillée

par Mélissa M.

(Classe de Première L2)

                 

Semaine sans inspiration

Fin de tempête laissant place au soleil

L’humeur du jour réduite à penser

À la beauté de la vie.

Le vent se mêlera à la mer…

         

            

Le chant des lyres

par Timothy A. et Robin C.

(Classe de Première S2)

                            

Le chant des lyres berce mon cœur décédé

La plainte des nuages comme supplice à une mort égarée

Je parcours ton cœur dans l’image d’une souffrance infinie

Le souvenir de toi envahit ma douce pensée :

Ma peine est vaste comme l’existence succincte…

           

D’autres textes seront publiés prochainement…

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Classe de Seconde 6 : TP Sémiologie de l'image publicitaire. Le Touran de Volkswagen

Ce support de cours est destiné en priorité à la classe de Seconde 6 qui prépare actuellement une série d’analyses sur la sémiologie de l’image publicitaire en vue d’un projet d’écriture collectif. La lecture de l’image (fixe et mobile) figure en effet au programme des classes de Lycée. Elle s’attache à dégager les spécificités du message iconique et à mettre en relation celui-ci avec le langage verbal.

Ce travail s’inspire d’une étude menée en 2008 avec les étudiantes BTS AG-PME 1ère année dans le cadre de mon cours de Culture générale et Expression française.
 
Copyright
© Toutes les marques citées dans cette étude sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs.
Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins pédagogiques.
               
  • Présentation du TP « Sémiologie de l’image publicitaire » : cliquez ici.
  • Pour voir l’analyse d’image de la Lancia Musa), cliquez ici.
  • Pour voir l’analyse d’image du parfum Princess de Vera Wang, cliquez ici.
         

Exemple d’analyse de publicité : le « Touran » Volkswagen

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Le contexte

Publiée en 2007 dans Paris-Match, un magazine généraliste grand public centré sur la « prouesse » journalistique, cette publicité vise essentiellement une cible familiale : les 30-50 ans. Le support de presse choisi est totalement adapté au « Nouveau Volkswagen Touran », monospace à la fois sobre et sensationnaliste de par le décor choisi : celui d’un parc d’attraction.

Les dénotations de l’image

Plusieurs éléments composent cette image. Tout d’abord on peut remarquer que la scène est construite en profondeur. À l’arrière plan, se découpant sur un ciel nocturne éclairé par la lumière artificielle du parc d’attraction, on aperçoit les limites du manège. La voiture, roulant sur les rails d’une montagne russe, est au premier plan. Elle entraîne tout de suite le lecteur dans un univers particulier, celui du parc d’attraction, et de la fête (avec toutes les dérives possibles et les dangers liés à l’univers nocturne…). Le photomontage propose une mise en scène originale et ludique : en premier lieu, la voiture est relativement centrée, mais par son mouvement, elle semble s’apprêter à sortir du cadre.

On peut à ce titre s’intéresser aux lignes de force essentiellement obliques ou diagonales qui organisent la morphologie de l’image. La multiplicité des lignes obliques rend la scène particulièrement dynamique, d’autant qu’elle est construite en profondeur avec de nombreux points d’intersection facilitant l’ancrage visuel. Il est à noter que ces lignes de force convergent vers le bas, amenant ainsi le lecteur à prendre plus facilement connaissance du message linguistique.

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La couleur grise du véhicule se détache nettement du fond. Le cadre assez sombre de la photographie accentue d’ailleurs cette mise en valeur du véhicule. L’aspect ludique du décor contraste enfin avec la sobriété du Touran, qui semble valoriser l’aspect « sécurité » de la conduite.

206_ai_touran_2.1289670245.jpgPar ailleurs, on remarque que le Touran emprunte un chemin différent de celui des véhicules du manège : il semble ainsi mis se démarquer de la concurrence et afficher sa singularité. Sous l’image, on trouve les messages linguistiques. Le nom du produit, puis le slogan « C’est bon d’être père », et enfin l’argumentaire. Celui-ci met essentiellement l’accent sur la dimension sécuritaire du véhicule, mais avec humour : « Biberons, couches, poussettes… La vie d’un père n’est pas un jeu d’enfant ». Au-delà des jeux de mots, ce sont bien les notions de risque liées à la conduite, et de responsabilité éducative qui se trouvent mises en avant. Tout en bas à droite de la publicité, on trouve le logo ainsi que le slogan propre à la marque : « Par amour de l’automobile ».

Les connotations de l’image

Si vous êtes un jour monté sur des montagnes russes, vous savez combien cette attraction inspire la peur et paradoxalement l’envie de se confronter au danger, pour effleurer le paradis des sensations à haut risque. 206_ai_touran_3.1289670382.jpgLa publicité est construite sur cette dramatisation du spectacle, fait de rebondissements, de peurs, de rires. Comment ne pas évoquer ici les dangers de la route suggérés implicitement par les montagnes russes et par la construction de l’image basée sur une mise en abîme : la publicité en effet met en correspondance le jeu et la conduite, le danger et la sécurité. Le Touran est présenté comme un véhicule unissant à la fois l’aspect festif et atypique du produit et sa dimension sécuritaire et normative : il semble ainsi « canaliser » la fête au lieu de la « spectaculariser ». Notez la position du véhicule, fondamentale : le Touran a réussi le « test » des montagnes russes et sort victorieux du manège transformant ainsi le débordement festif en principe d’organisation et de régulation d’une conduite trop dangereuse.

Remarquez à ce sujet le nombre de petits drapeaux qui semblent évoquer des panneaux routiers symbolisant les risques 206_ai_touran_7.1289673070.jpgliés à à la conduite. Ces panneaux assurent un présupposé commun (le code de la route), qui offre à chacun des points de repères. Au lieu d’avoir mis en avant la vitesse, Volkswagen a privilégié au contraire la sécurité et la lutte contre l’incertitude. Dans l’environnement instable des montagnes russes (comme celui d’une route par conduite de nuit), les rails, les drapeaux font figure de règles et de rites normatifs visant à  contrôler les comportements des bons conducteurs. Dans ce contexte, le Touran s’affiche comme un monospace capable de gérer les incertitudes inévitables. Il fait implicitement l’éloge d’une conduite responsable.

« C’est bon d’être père. »

Cette phrase d’accroche n’a sans doute pas manqué de vous interpeller. Le fait « d’être père », c’est se sentir une responsabilité directe vis-à-vis de l’enfant et c’est donc assumer par voie de conséquence le passage du statut de l’homme sexué à celui de l’homme responsable d’un point de vue éducationnel et moral. Les mots « biberons, couches, poussettes » se rapportent au champ lexical des bébés, et connotent évidemment la question de la responsabilité parentale. On notera au passage que tous les mots sont au pluriel, suggérant l’espace important du monospace, prêt à accueillir une famille nombreuse ! On peut également relever ici un très net changement dans les repères institutionnels définissant la paternité. On est très loin de l’image traditionnelle du « paterfamilias » : il est carrément question de « biberons », de « couches » et de « poussettes » ! Le public ciblé est donc le « nouveau père », capable de prendre en charge des tâches ménagères jadis dévolues aux femmes. Dans un contexte émancipatoire où les femmes sont valorisées, le « nouveau père » est celui qui a un rapport plus étroit avec son enfant. Mais pour être un « nouveau père », il n’en est pas moins homme ! Les publicitaires jouent habilement sur cet aspect maladroit et désorganisé de l’homme dès qu’il est question de tâches ménagères : on lui propose de l’aider, de l’assister !

Enfin, la phrase « La vie d’un père n’est pas un jeu d’enfant » pose très explicitement la question de la responsabilité parentale. À la différence des auto-tamponneuses des parcs d’attraction ou des wagonnets des montagnes russes qui sont des « jeux d’enfant », la conduite est un « jeu d’adulte » 206_ai_touran_5.1289671935.jpgqui implique moralement (et pénalement). On peut voir ici une célébration du « nouveau conducteur », à l’opposé du macho ou du frimeur. Comparée aux autres véhicules trop colorés, trop dangereux (armature insuffisante, absence de portes), le monospace de Volkswagen présente un habitacle fermé et sécurisé. Par son aspect fermé, il connote un certain repli sur la sphère privée, sur la famille, le cocooning. À l’imaginaire de la conquête, de l’expansion festive et de l’optimisme désordonné caractéristique des Trente Glorieuses succède ici un imaginaire social de protection, de sécurisation, de confinement sur les valeurs d’accomplissement et de réalisation de la famille.

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Il peut être intéressant ici de faire référence à la pyramide des besoins et des motivations imaginée dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow. 206_ai_touran_maslow.1289671617.jpgLa pyramide est constituée de cinq niveaux. Selon Maslow, les individus recherchent d’abord à satisfaire chaque besoin d’un niveau donné avant de penser aux besoins situés au niveau immédiatement supérieur. Aux premiers besoins primaires, essentiellement physiologiques, succèdent des besoins secondaires liés à la sécurité. Enfin, à un niveau plus symbolique viennent les besoins d’appartenance,  de reconnaissance sociale et d’accomplissement de soi. Le besoin de s’accomplir est selon Maslow le sommet des aspirations humaines. Il amène à sortir d’une condition purement matérielle pour atteindre un certain épanouissement spirituel.

Métaphoriquement, c’est ce que suggère la publicité pour le Touran. Le monospace satisfait non seulement les besoins physiologiques et sécuritaires mais il valorise aussi les besoins d’appartenance, d’estime et d’accomplissement.  Appartenance à un groupe, celui des bons conducteurs et des familles modernes qui privilégient la sécurité. Estime de soi en présentant l’image d’un père soucieux de partager les tâches ménagères, enfin accomplissement dans le cadre d’une idéalisation de la famille et d’une recherche du Bonheur. 206_ai_touran_4.1289671304.jpgLe slogan de la marque « Par amour de l’automobile » est la concrétisation de cet accomplissement. Le mot « amour » est à l’opposé de la technologie. Il substitue à la performance physique du macho et à la seule performance matérielle de la voiture une recherche hédoniste du bonheur, de l’idéal et du sens dans une société en perte de repères. L’expression semble ainsi dire « À quoi sert la technologie si elle ne s’accompagne pas d’une nouvelle éthique comportementale ? »

Bruno Rigolt
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Crédits
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), février 2008, novembre 2010

Pour aller plus loin : en vous aidant de ce support de cours ainsi que de vos connaissances sur la sémiologie de l’image publicitaire, comparez cette publicité avec les deux spots suivants. Essayez de voir l’image nouvelle de la parentalité qui s’en dégage :

 

Classe de Seconde 6 : TP Sémiologie de l’image publicitaire. Le Touran de Volkswagen

Ce support de cours est destiné en priorité à la classe de Seconde 6 qui prépare actuellement une série d’analyses sur la sémiologie de l’image publicitaire en vue d’un projet d’écriture collectif. La lecture de l’image (fixe et mobile) figure en effet au programme des classes de Lycée. Elle s’attache à dégager les spécificités du message iconique et à mettre en relation celui-ci avec le langage verbal.

Ce travail s’inspire d’une étude menée en 2008 avec les étudiantes BTS AG-PME 1ère année dans le cadre de mon cours de Culture générale et Expression française.
 
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Exemple d’analyse de publicité : le « Touran » Volkswagen

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Le contexte

Publiée en 2007 dans Paris-Match, un magazine généraliste grand public centré sur la « prouesse » journalistique, cette publicité vise essentiellement une cible familiale : les 30-50 ans. Le support de presse choisi est totalement adapté au « Nouveau Volkswagen Touran », monospace à la fois sobre et sensationnaliste de par le décor choisi : celui d’un parc d’attraction.

Les dénotations de l’image

Plusieurs éléments composent cette image. Tout d’abord on peut remarquer que la scène est construite en profondeur. À l’arrière plan, se découpant sur un ciel nocturne éclairé par la lumière artificielle du parc d’attraction, on aperçoit les limites du manège. La voiture, roulant sur les rails d’une montagne russe, est au premier plan. Elle entraîne tout de suite le lecteur dans un univers particulier, celui du parc d’attraction, et de la fête (avec toutes les dérives possibles et les dangers liés à l’univers nocturne…). Le photomontage propose une mise en scène originale et ludique : en premier lieu, la voiture est relativement centrée, mais par son mouvement, elle semble s’apprêter à sortir du cadre.

On peut à ce titre s’intéresser aux lignes de force essentiellement obliques ou diagonales qui organisent la morphologie de l’image. La multiplicité des lignes obliques rend la scène particulièrement dynamique, d’autant qu’elle est construite en profondeur avec de nombreux points d’intersection facilitant l’ancrage visuel. Il est à noter que ces lignes de force convergent vers le bas, amenant ainsi le lecteur à prendre plus facilement connaissance du message linguistique.

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La couleur grise du véhicule se détache nettement du fond. Le cadre assez sombre de la photographie accentue d’ailleurs cette mise en valeur du véhicule. L’aspect ludique du décor contraste enfin avec la sobriété du Touran, qui semble valoriser l’aspect « sécurité » de la conduite.

206_ai_touran_2.1289670245.jpgPar ailleurs, on remarque que le Touran emprunte un chemin différent de celui des véhicules du manège : il semble ainsi mis se démarquer de la concurrence et afficher sa singularité. Sous l’image, on trouve les messages linguistiques. Le nom du produit, puis le slogan « C’est bon d’être père », et enfin l’argumentaire. Celui-ci met essentiellement l’accent sur la dimension sécuritaire du véhicule, mais avec humour : « Biberons, couches, poussettes… La vie d’un père n’est pas un jeu d’enfant ». Au-delà des jeux de mots, ce sont bien les notions de risque liées à la conduite, et de responsabilité éducative qui se trouvent mises en avant. Tout en bas à droite de la publicité, on trouve le logo ainsi que le slogan propre à la marque : « Par amour de l’automobile ».

Les connotations de l’image

Si vous êtes un jour monté sur des montagnes russes, vous savez combien cette attraction inspire la peur et paradoxalement l’envie de se confronter au danger, pour effleurer le paradis des sensations à haut risque. 206_ai_touran_3.1289670382.jpgLa publicité est construite sur cette dramatisation du spectacle, fait de rebondissements, de peurs, de rires. Comment ne pas évoquer ici les dangers de la route suggérés implicitement par les montagnes russes et par la construction de l’image basée sur une mise en abîme : la publicité en effet met en correspondance le jeu et la conduite, le danger et la sécurité. Le Touran est présenté comme un véhicule unissant à la fois l’aspect festif et atypique du produit et sa dimension sécuritaire et normative : il semble ainsi « canaliser » la fête au lieu de la « spectaculariser ». Notez la position du véhicule, fondamentale : le Touran a réussi le « test » des montagnes russes et sort victorieux du manège transformant ainsi le débordement festif en principe d’organisation et de régulation d’une conduite trop dangereuse.

Remarquez à ce sujet le nombre de petits drapeaux qui semblent évoquer des panneaux routiers symbolisant les risques 206_ai_touran_7.1289673070.jpgliés à à la conduite. Ces panneaux assurent un présupposé commun (le code de la route), qui offre à chacun des points de repères. Au lieu d’avoir mis en avant la vitesse, Volkswagen a privilégié au contraire la sécurité et la lutte contre l’incertitude. Dans l’environnement instable des montagnes russes (comme celui d’une route par conduite de nuit), les rails, les drapeaux font figure de règles et de rites normatifs visant à  contrôler les comportements des bons conducteurs. Dans ce contexte, le Touran s’affiche comme un monospace capable de gérer les incertitudes inévitables. Il fait implicitement l’éloge d’une conduite responsable.

« C’est bon d’être père. »

Cette phrase d’accroche n’a sans doute pas manqué de vous interpeller. Le fait « d’être père », c’est se sentir une responsabilité directe vis-à-vis de l’enfant et c’est donc assumer par voie de conséquence le passage du statut de l’homme sexué à celui de l’homme responsable d’un point de vue éducationnel et moral. Les mots « biberons, couches, poussettes » se rapportent au champ lexical des bébés, et connotent évidemment la question de la responsabilité parentale. On notera au passage que tous les mots sont au pluriel, suggérant l’espace important du monospace, prêt à accueillir une famille nombreuse ! On peut également relever ici un très net changement dans les repères institutionnels définissant la paternité. On est très loin de l’image traditionnelle du « paterfamilias » : il est carrément question de « biberons », de « couches » et de « poussettes » ! Le public ciblé est donc le « nouveau père », capable de prendre en charge des tâches ménagères jadis dévolues aux femmes. Dans un contexte émancipatoire où les femmes sont valorisées, le « nouveau père » est celui qui a un rapport plus étroit avec son enfant. Mais pour être un « nouveau père », il n’en est pas moins homme ! Les publicitaires jouent habilement sur cet aspect maladroit et désorganisé de l’homme dès qu’il est question de tâches ménagères : on lui propose de l’aider, de l’assister !

Enfin, la phrase « La vie d’un père n’est pas un jeu d’enfant » pose très explicitement la question de la responsabilité parentale. À la différence des auto-tamponneuses des parcs d’attraction ou des wagonnets des montagnes russes qui sont des « jeux d’enfant », la conduite est un « jeu d’adulte » 206_ai_touran_5.1289671935.jpgqui implique moralement (et pénalement). On peut voir ici une célébration du « nouveau conducteur », à l’opposé du macho ou du frimeur. Comparée aux autres véhicules trop colorés, trop dangereux (armature insuffisante, absence de portes), le monospace de Volkswagen présente un habitacle fermé et sécurisé. Par son aspect fermé, il connote un certain repli sur la sphère privée, sur la famille, le cocooning. À l’imaginaire de la conquête, de l’expansion festive et de l’optimisme désordonné caractéristique des Trente Glorieuses succède ici un imaginaire social de protection, de sécurisation, de confinement sur les valeurs d’accomplissement et de réalisation de la famille.

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Il peut être intéressant ici de faire référence à la pyramide des besoins et des motivations imaginée dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow. 206_ai_touran_maslow.1289671617.jpgLa pyramide est constituée de cinq niveaux. Selon Maslow, les individus recherchent d’abord à satisfaire chaque besoin d’un niveau donné avant de penser aux besoins situés au niveau immédiatement supérieur. Aux premiers besoins primaires, essentiellement physiologiques, succèdent des besoins secondaires liés à la sécurité. Enfin, à un niveau plus symbolique viennent les besoins d’appartenance,  de reconnaissance sociale et d’accomplissement de soi. Le besoin de s’accomplir est selon Maslow le sommet des aspirations humaines. Il amène à sortir d’une condition purement matérielle pour atteindre un certain épanouissement spirituel.

Métaphoriquement, c’est ce que suggère la publicité pour le Touran. Le monospace satisfait non seulement les besoins physiologiques et sécuritaires mais il valorise aussi les besoins d’appartenance, d’estime et d’accomplissement.  Appartenance à un groupe, celui des bons conducteurs et des familles modernes qui privilégient la sécurité. Estime de soi en présentant l’image d’un père soucieux de partager les tâches ménagères, enfin accomplissement dans le cadre d’une idéalisation de la famille et d’une recherche du Bonheur. 206_ai_touran_4.1289671304.jpgLe slogan de la marque « Par amour de l’automobile » est la concrétisation de cet accomplissement. Le mot « amour » est à l’opposé de la technologie. Il substitue à la performance physique du macho et à la seule performance matérielle de la voiture une recherche hédoniste du bonheur, de l’idéal et du sens dans une société en perte de repères. L’expression semble ainsi dire « À quoi sert la technologie si elle ne s’accompagne pas d’une nouvelle éthique comportementale ? »

Bruno Rigolt

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Crédits
NetÉtiquette : article protégé par copyright ; la diffusion publique est autorisée sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur ainsi que la source : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2010/11/13/classe-de-seconde-6-tp-semiologie-de-limage-publicitaire-le-touran-de-volkswagen/
Copyright : toutes les marques citées dans cette étude sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs.
Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins pédagogiques.
 
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), février 2008, novembre 2010

Pour aller plus loin : en vous aidant de ce support de cours ainsi que de vos connaissances sur la sémiologie de l’image publicitaire, comparez cette publicité avec les deux spots suivants. Essayez de voir l’image nouvelle de la parentalité qui s’en dégage :

 

Après incident technique… Retour progressif à la normale…

La plate-forme de blogs du Monde.fr a été fermée à la suite d’un incident technique grave depuis mercredi midi. Celle-ci est à nouveau disponible. Cependant, un très grand nombre de données qui étaient hébergées par les serveurs ont été définitivement effacées. Leur restauration, qui exige un travail considérable, va entraîner un retard dans la publication des contributions. Je vous remercie de votre compréhension.

Chroniques d'élèves… Première L2 : Lettre ouverte à la grisaille du quotidien… Nicolas B

La classe de Première L2 du Lycée en Forêt (Promotion 2010) a eu l’occasion de défendre haut et fort la Poésie à travers une écriture d’invention intitulée « Lettre ouverte à la grisaille du quotidien »… 
Parmi tous les textes rédigés, toujours de grande qualité, quelques uns m’ont paru suffisamment remarquables pour être publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif.
Le premier est le texte de Nicolas B… Je vous le laisse découvrir :
                     

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« Le poète apparaît en ce monde ennuyé », ainsi débutait Spleen et Idéal de Baudelaire, le poète maudit. Aujourd’hui, dans une société où plus que jamais le consumérisme se développe à l’insu de l’identité humaine, un retour aux sources s’impose. Le moyen le plus efficace d’y arriver : la poésie.

Les maux…

Le siècle premier du troisième millénaire s’annonce comme étant celui des néo-Lumières, ayant pour seul dieu le progrès technique et pour seule motivation le pétrodollar ! Face à cette véritable ingurgitation de l’homme par la machine, la question se pose de savoir si la personne à maudire est bien Charles Baudelaire, ou si ce ne serait pas plutôt Vous, chère grisaille du quotidien, vous qui menez lentement la société à l’autodestruction !

Vous avez fait de notre monde celui du télévisuel qui se veut prophète ! La réflexion personnelle y est purement et simplement annihilée et notre civilisation est, en somme, celle du « prêt à consommer » cérébral, où l’on sert au peuple des pseudo stimulations intellectuelles, visant à lui laisser croire qu’il est conscient pour mieux l’endormir. Petit à petit, la société de consommation dans laquelle nous vivons et le poids que vous pesez sur nos épaules finiront par nous tuer. La mort ne sera peut-être pas physique, mais l’Homme mourra, son esprit, ses pensées et ses émotions si merveilleuses disparaîtront, et notre planète s’en trouvera peuplée de robots organiques, endoctrinés depuis des dizaines de générations, programmés pour avoir comme seuls objectifs la compétitivité et le rendement. Victor Hugo, lui, l’avait compris, et il affirme sans honte dans « Le poème éploré se lamente » (1834), que « l’esprit, c’est le cœur » ; ces paroles sont précédées d’une très pertinente entrée en matière : « la foule a tort »…

Pertinente en effet car voilà bien le problème : la foule. Finalement, l’homme n’existe plus à vos yeux. Seuls « les gens », « la majorité » comptent. L’individu est effacé, caché derrière une masse difforme et dépourvue d’âme. Vous en êtes la responsable. À affubler chaque citoyen du monde des mêmes fardeaux, vous avez nécessairement créé six milliards cinq cents millions de fois le même être triste et idiot, et c’est cet être triste et idiot qui est à l’origine de tous les problèmes du monde. Il oublie ce qu’il a pour se concentrer sur ce que l’autre possède. Plus grave : il oublie ce qu’il est pour se disperser dans ce que l’Autre pense qu’il est. Et c’est votre faute : vous agissez à la manière d’un cultivateur qui pulvériserait des tonnes de pesticide depuis un avion sans se soucier du cycle de destruction qu’il entraîne, sauf que pour vous, l’insecte nuisible à exterminer, c’est le moi, chose absolument catastrophique s’il en est car c’est cette dernière petite lueur d’âme qui empêche l’humanité de sombrer dans une bêtise aussi grande que la vôtre !

Finissons par le meilleur ! La merveilleuse « norme sociale »… Superbe invention : il faut être comme tout le monde pour ne pas passer pour un ahuri. Le fait que tout le monde, par exemple, regarde un show télévisé dépourvu de la plus petite once d’intérêt consistant à s’enfermer dans un bocal en se mentant en permanence pendant plus de trois mois importe peu. Ce qu’il faut, c’est faire comme la majorité. Car c’est bien là la définition de norme : « règle ou loi à laquelle on doit se conformer, état habituel conforme à la moyenne des cas, a la normale » (Dictionnaire Hachette encyclopédique). Ici, le terme réellement important est « encyclopédique », car il prouve sans équivoque que c’est bien vous, par le biais de vos sbires adeptes du lumiérisme, qui êtes la responsable et l’instigatrice de cet endoctrinement. Vous, madame, êtes un danger pour l’humanité. Vous essayez par tout les moyens de maintenir dans la population mondiale un climat de peur pour mieux contrôler les badaud crédules qui voient alors en vous le grand sauveur. Vous êtes un bien triste gourou, un gourou sadique et diabolique. Mais tout espoir n’est pas perdu, car si l’on en croit Hölderlin, « là où grandit le danger croît aussi ce qui sauve ».

… et le remède.

Tout d’abord un constat s’impose : même si la lutte est inégale, il y a eu, depuis votre plus « tendre enfance », des personnes pour se rendre compte de votre dangerosité, et s’opposer à vous. La plus célèbre est sans doute Victor Hugo. Père fondateur du « Romantisme social », il fera dans ses écrits —Les Misérables par exemple, ou encore Les Châtiments— un portrait tristement fidèle de votre œuvre. Car voyez-vous, les artistes, poètes en tête, depuis toujours, aiment les mots et ceux qui ont du talent les utilisent pour retranscrire les sentiments. C’est d’ailleurs là le but premier du Verbe : exprimer l’âme. L’écriture, elle, n’est jamais que la mémoire de ces sentiments. Ce sont donc les mots qui donnent son pouvoir à la poésie : elle offre à qui sait la comprendre la clairvoyance et à qui sait la pratiquer le privilège d’expurger ses sentiments. J’ose dire que la poésie est votre antimatière. Un opposé clair et complet de ce que vous êtes. Contrairement à vous, la poésie appelle à l’expression personnelle, et par là même au refus de toute norme sociale. L’homme redevient véritablement humain et cesse d’être cet atome composant un ensemble virtuel et invisible.

Deuxième point plus fondamental encore : la poésie offre à ses adeptes une autre vision du monde. Ainsi les usines puantes et les rues sales des villes pleines de péchés qui constituent votre vision du paradis apparaissent au poète pareilles à des immondices sortis tout droit de l’enfer. Celui qui se revendique poète se doit de préférer la nature. À la manière d’un Rimbaud, et aussi « ivre » que son bateau, l’homme qui aime la poésie peine à vivre dans votre monde et il « sait ». Il sait que ce que vous offrez n’a rien de bon, et il sait que c’est de la terre que vient l’inspiration : Orientalisme, Primitivisme… Qu’iimporte ! Seul compte l’aller simple vers un lieu loin de vous, un lieu vers le retour aux sources : quelle vision jubilatoire que d’imaginer votre monde déserté par des milliers de personnes ayant enfin pris conscience de ce que le poète a toujours su !

Et que ce soit dans dix ans ou dans mille ans, soyez assurée que cela arrivera. La machine est en marche, et le jour où chaque citoyen du monde prendra conscience qu’il existe une autre voie que celle que vous avez ouverte, c’est en place publique que se fera votre exécution !

© Nicolas B., élève de Première L2 (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France. Novembre 2010)
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les textes des élèves et des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à la disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du texte cité (URL de la page).

 

Chroniques d’élèves… Première L2 : Lettre ouverte à la grisaille du quotidien… Nicolas B

La classe de Première L2 du Lycée en Forêt (Promotion 2010) a eu l’occasion de défendre haut et fort la Poésie à travers une écriture d’invention intitulée « Lettre ouverte à la grisaille du quotidien »… 
Parmi tous les textes rédigés, toujours de grande qualité, quelques uns m’ont paru suffisamment remarquables pour être publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif.
Le premier est le texte de Nicolas B… Je vous le laisse découvrir :
                     

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« Le poète apparaît en ce monde ennuyé », ainsi débutait Spleen et Idéal de Baudelaire, le poète maudit. Aujourd’hui, dans une société où plus que jamais le consumérisme se développe à l’insu de l’identité humaine, un retour aux sources s’impose. Le moyen le plus efficace d’y arriver : la poésie.

Les maux…

Le siècle premier du troisième millénaire s’annonce comme étant celui des néo-Lumières, ayant pour seul dieu le progrès technique et pour seule motivation le pétrodollar ! Face à cette véritable ingurgitation de l’homme par la machine, la question se pose de savoir si la personne à maudire est bien Charles Baudelaire, ou si ce ne serait pas plutôt Vous, chère grisaille du quotidien, vous qui menez lentement la société à l’autodestruction !

Vous avez fait de notre monde celui du télévisuel qui se veut prophète ! La réflexion personnelle y est purement et simplement annihilée et notre civilisation est, en somme, celle du « prêt à consommer » cérébral, où l’on sert au peuple des pseudo stimulations intellectuelles, visant à lui laisser croire qu’il est conscient pour mieux l’endormir. Petit à petit, la société de consommation dans laquelle nous vivons et le poids que vous pesez sur nos épaules finiront par nous tuer. La mort ne sera peut-être pas physique, mais l’Homme mourra, son esprit, ses pensées et ses émotions si merveilleuses disparaîtront, et notre planète s’en trouvera peuplée de robots organiques, endoctrinés depuis des dizaines de générations, programmés pour avoir comme seuls objectifs la compétitivité et le rendement. Victor Hugo, lui, l’avait compris, et il affirme sans honte dans « Le poème éploré se lamente » (1834), que « l’esprit, c’est le cœur » ; ces paroles sont précédées d’une très pertinente entrée en matière : « la foule a tort »…

Pertinente en effet car voilà bien le problème : la foule. Finalement, l’homme n’existe plus à vos yeux. Seuls « les gens », « la majorité » comptent. L’individu est effacé, caché derrière une masse difforme et dépourvue d’âme. Vous en êtes la responsable. À affubler chaque citoyen du monde des mêmes fardeaux, vous avez nécessairement créé six milliards cinq cents millions de fois le même être triste et idiot, et c’est cet être triste et idiot qui est à l’origine de tous les problèmes du monde. Il oublie ce qu’il a pour se concentrer sur ce que l’autre possède. Plus grave : il oublie ce qu’il est pour se disperser dans ce que l’Autre pense qu’il est. Et c’est votre faute : vous agissez à la manière d’un cultivateur qui pulvériserait des tonnes de pesticide depuis un avion sans se soucier du cycle de destruction qu’il entraîne, sauf que pour vous, l’insecte nuisible à exterminer, c’est le moi, chose absolument catastrophique s’il en est car c’est cette dernière petite lueur d’âme qui empêche l’humanité de sombrer dans une bêtise aussi grande que la vôtre !

Finissons par le meilleur ! La merveilleuse « norme sociale »… Superbe invention : il faut être comme tout le monde pour ne pas passer pour un ahuri. Le fait que tout le monde, par exemple, regarde un show télévisé dépourvu de la plus petite once d’intérêt consistant à s’enfermer dans un bocal en se mentant en permanence pendant plus de trois mois importe peu. Ce qu’il faut, c’est faire comme la majorité. Car c’est bien là la définition de norme : « règle ou loi à laquelle on doit se conformer, état habituel conforme à la moyenne des cas, a la normale » (Dictionnaire Hachette encyclopédique). Ici, le terme réellement important est « encyclopédique », car il prouve sans équivoque que c’est bien vous, par le biais de vos sbires adeptes du lumiérisme, qui êtes la responsable et l’instigatrice de cet endoctrinement. Vous, madame, êtes un danger pour l’humanité. Vous essayez par tout les moyens de maintenir dans la population mondiale un climat de peur pour mieux contrôler les badaud crédules qui voient alors en vous le grand sauveur. Vous êtes un bien triste gourou, un gourou sadique et diabolique. Mais tout espoir n’est pas perdu, car si l’on en croit Hölderlin, « là où grandit le danger croît aussi ce qui sauve ».

… et le remède.

Tout d’abord un constat s’impose : même si la lutte est inégale, il y a eu, depuis votre plus « tendre enfance », des personnes pour se rendre compte de votre dangerosité, et s’opposer à vous. La plus célèbre est sans doute Victor Hugo. Père fondateur du « Romantisme social », il fera dans ses écrits —Les Misérables par exemple, ou encore Les Châtiments— un portrait tristement fidèle de votre œuvre. Car voyez-vous, les artistes, poètes en tête, depuis toujours, aiment les mots et ceux qui ont du talent les utilisent pour retranscrire les sentiments. C’est d’ailleurs là le but premier du Verbe : exprimer l’âme. L’écriture, elle, n’est jamais que la mémoire de ces sentiments. Ce sont donc les mots qui donnent son pouvoir à la poésie : elle offre à qui sait la comprendre la clairvoyance et à qui sait la pratiquer le privilège d’expurger ses sentiments. J’ose dire que la poésie est votre antimatière. Un opposé clair et complet de ce que vous êtes. Contrairement à vous, la poésie appelle à l’expression personnelle, et par là même au refus de toute norme sociale. L’homme redevient véritablement humain et cesse d’être cet atome composant un ensemble virtuel et invisible.

Deuxième point plus fondamental encore : la poésie offre à ses adeptes une autre vision du monde. Ainsi les usines puantes et les rues sales des villes pleines de péchés qui constituent votre vision du paradis apparaissent au poète pareilles à des immondices sortis tout droit de l’enfer. Celui qui se revendique poète se doit de préférer la nature. À la manière d’un Rimbaud, et aussi « ivre » que son bateau, l’homme qui aime la poésie peine à vivre dans votre monde et il « sait ». Il sait que ce que vous offrez n’a rien de bon, et il sait que c’est de la terre que vient l’inspiration : Orientalisme, Primitivisme… Qu’iimporte ! Seul compte l’aller simple vers un lieu loin de vous, un lieu vers le retour aux sources : quelle vision jubilatoire que d’imaginer votre monde déserté par des milliers de personnes ayant enfin pris conscience de ce que le poète a toujours su !

Et que ce soit dans dix ans ou dans mille ans, soyez assurée que cela arrivera. La machine est en marche, et le jour où chaque citoyen du monde prendra conscience qu’il existe une autre voie que celle que vous avez ouverte, c’est en place publique que se fera votre exécution !

© Nicolas B., élève de Première L2 (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France. Novembre 2010)
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les textes des élèves et des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à la disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du texte cité (URL de la page).

 

Lycée en Forêt. Classe de première S2. Exposition : Poésies purement formelles

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Octavio Paz, dans un essai célèbre intitulé L’Arc et la lyre (1956) décrit la création poétique comme « une violence faite au langage. Son premier acte, affirme-t-il, est de déraciner les mots. Le poète les soustrait à leurs connexions et à leurs emplois habituels. » Cette citation nous amène aux origines de l’atelier d’écriture mené avec la classe de Première S2 du Lycée en Forêt (promotion 2010-2011) le vendredi 22 octobre 2010. Ayant déjà travaillé sur la théorie symboliste, les étudiants ont eu à cœur de s’interroger grâce à l’interaction Mathématiques-Poésie sur la propriété du signe, et plus particulièrement sur la « poéticité » des signifiants mathématiques : ne seraient-ils pas à même d’exprimer l’inexprimable du mot ?
Les poèmes présentés ici amènent donc à envisager la poésie comme un « pur code de dénotation », qui selon Jakobson était la première fonction du poème. On pourrait évoquer ici « le signe pour le signe » comme on parlait jadis de « l’art pour l’art ». Mais si le langage mathématique est celui de la rigueur causale, n’allez pas croire que les textes sont dépouillés de toute connotation affective : bien au contraire, le signe mathématique devient la genèse de l’imaginaire et des sentiments : même le langage des mathématiques peut être métaphorique. Ainsi les élèves ont-ils voulu montrer à travers leurs écrits que les mathématiques et les sciences peuvent aider à mieux comprendre la profondeur cachée du réel.
C’est d’ailleurs toute l’entreprise symboliste que de vouloir chercher dans l’exprimable l’indicible. Je vous invite donc à dépasser quand vous lirez ces textes, le sens commun, habituel des mots ou des signes. Bien au contraire, vous verrez que, soustraits « à leurs connexions et à leurs emplois habituels », pour reprendre l’expression d’Octavio Paz, c’est-à-dire soustraits à l’arbitraire de la relation entre signifiant et signifié, les mots et concepts mathématiques utilisés sont un peu comme une réconciliation des contraires : le langage littéraire et le langage scientifique ne sont-ils pas deux aspects, différents mais complémentaires, de la poéticité ?

          

Poésies purement formelles

nombres, figures, structures

         

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“Théorème du cœur”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteure : Léa L. Crédit iconographique : B. Rigolt.

                 

             

             

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“Clarté rotative”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteures : Anaïs F., Laura P. Crédit iconographique : B. Rigolt.

             

                

                   

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“L’hyperbole de l’amour”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Timothy A. et Robin C. Crédit iconographique : B. Rigolt.

                

                  

                  

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“Ascension en équation”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Alexandra L. et Tanguy B. Crédit iconographique : B. Rigolt.

              

                    

              

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“Théorème d’un amour manqué”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Mathieu L. et Charles C. Crédit iconographique : B. Rigolt.

               

          

                         

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“Droites sécantes”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteure : Lucile C. Crédit iconographique : B. Rigolt.

               

                                  

                

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“Enfance”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteures : Clara D. et Marie-Sophie H. Crédit iconographique : B. Rigolt.

               

                

             

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“La notion essentielle”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteur : Othmane Z. Crédit iconographique : B. Rigolt.

             

            

                

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« Le cycle de la vie »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Romane M. et Anthony B. Crédit iconographique : B. Rigolt

 

                       

                

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« Cœur Alpha »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteures : Lucie L., Julia J. Crédit iconographique : B. Rigolt. Lettrine d’après Piranèse, 1768

          

               

                 

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« La tristesse d’une fleur solitaire »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteures : Clémence Le S. et Adèle R. Crédit iconographique : B. Rigolt

                     

                 

 

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« La valeur des sentiments »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteure : Lucile C. Crédit iconographique : B. Rigolt

            

                 

                

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« Léger penchant vers l’inconnue »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteure : Lucile C. Crédit iconographique : B. Rigolt

           

                   

                       

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« Dans la pénombre des angles orientés »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Alexandra L. et Tanguy B. Crédit iconographique : B. Rigolt

             

                

               

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« Rupture »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteur : Sofiène M. Crédit iconographique : B. Rigolt

La citation de la semaine… Annie Leclerc…

« Le monde est la parole de l’homme. L’homme est la parole du monde… »

Rien n’existe qui ne soit le fait de l’homme, ni pensée, ni parole, ni mot. Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas même moi, surtout pas moi. Tout est à inventer. Les choses de l’homme ne sont pas seulement bêtes, mensongères et oppressives. Elles sont tristes surtout, tristes à en mourir d’ennui et de désespoir.

Inventer une parole de femme. Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme ; car celle-là peut bien se fâcher, elle répète. Toute femme qui veut tenir un discours qui lui soit propre ne peut se dérober à cette urgence extraordinaire : inventer la femme. C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste.

Qui parle ici ? Qui a jamais parlé ? Assourdissant tumulte des grandes voix ; pas une n’est de femme. Je n’ai pas oublié le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche… Annie Leclerc_3Je les connais pour avoir vécu parmi eux et seulement parmi eux. Ces plus fortes voix sont aussi celles qui m’ont le plus réduite au silence. Ce sont ces superbes parleurs qui mieux que tout autre m’ont forcée à me taire.

Qui parle dans les gros livres sages des bibliothèques ? Qui parle au Capitole ? Qui parle au temple ? Qui parle à la tribune et qui parle dans les lois ? Les hommes ont la parole. Le monde est la parole de l’homme. Les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre. C’est pour faire oublier qu’elles disent toutes la même chose : notre parole d’homme décide. Le monde est la parole de l’homme. L’homme est la parole du monde.

[…] Une honnête femme ne saurait être un honnête homme. Une grande femme ne saurait être un grand homme, la grandeur est chez elle affaire de centimètres. […] Et je me dis : l’Homme ? Qu’est-ce que c’est, l’Homme ? L’Homme, c’est ce dont l’homme a accouché. Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme. Ils ont fait naître l’universel du particulier. Et l’universel a porté le visage du particulier. L’universalité fut désormais leur tour favori. Le décret parut légitime et la loi parut bonne : une parole pour tous.

[…] Toute bancale qu’elle fut, la machine fonctionna incomparablement mieux qu’aucune machine jamais conçue. Le monde entier, Blancs, Noirs, Jeunes, femmes et enfants, fut nourri, gavé, de son produit de base, la vérité et ses sous-produits, âme, raison, valeurs… Le tout toujours garanti, estampillé Universel. Ils ont dit que la vérité n’avait pas de sexe. Ils ont dit que l’art, la science et la philosophie étaient vérités pour tous. […] Pourquoi la Vérité sortirait-elle de la bouche des hommes ? La Vérité peut sortir de n’importe où. Pourvu que certains parlent et d’autres se taisent. La Vérité n’existe que parce qu’elle opprime et réduit au silence ceux qui n’ont pas la parole.

Inventer une parole qui ne soit pas oppressive. Une parole qui ne couperait pas la parole mais délierait les langues.

[…] Inventer, est-ce possible ?

[…] Je voudrais que la femme apprenne à naître, à manger, et à boire, à regarder le jour et à porter la nuit…

Annie Leclerc, Parole de femme, Grasset, Paris 1974
2001 pour la présente édition (« Babel » n°473, Actes Sud), page 15 et suivantes

NB : La structure des paragraphes a été modifiée, pour des raisons de mise en page.

C’

est dans la mouvance des mouvements féministes des années 70 qu’Annie Leclerc (1940-2006), écrivaine et professeure de Philosophie, livre au grand public cet ouvrage audacieux et provocateur, qui fit scandale lors de sa parution : Parole de femme. De fait, l’auteure y exalte un féminisme nouveau, qui revendique haut et fort une « identité féminine » qu’il faut définir et construire. À la différence du féminisme « égalitariste » par exemple qui s’en tient à des revendications d’égalité entre les hommes et les femmes, ce courant du féminisme est appelé « différentialiste » car il célèbre dans la femme la prise de conscience de sa féminité et de sa différence comme remède premier à l’impérialisme culturel des hommes et aux systèmes de valeur qui imprègnent la culture patriarcale. 

En somme, ce que propose Annie Leclerc dans ce très beau texte militant n’est autre qu’un renouvellement des savoirs, qui passe par l’affirmation du féminin, et donc d’une identité sexuelle. Comme elle l’écrit plus loin dans le livre, il faut que « les femmes se constituent des territoires propres, donnant lieu à l’émergence de savoirs et de pouvoirs particuliers ». Tout l’essai d’Annie Leclerc, et particulièrement ce texte, est en effet traversé par la problématique fondamentale de l’appropriation par les femmes du savoir et la mise en évidence de l’écriture féminine valorisant à la fois la conscience de soi en tant que femme, et une nouvelle approche des rapports de pouvoir.

Approche originale s’il en est mais qui ne va pas sans difficulté : de nombreuses féministes égalitaristes (Élisabeth Badinter |source| entre autres) ont en effet reproché à Annie Leclerc de défendre implicitement une certaine « répartition des tâches » au nom de données biologiques. Rappelez-vous la fameuse affirmation de Simone de Beauvoir Annie Leclerc_2dans le Deuxième sexe (1949) : « On ne naît pas femme, on le devient », autrement dit, la « féminité » de la femme ne serait que le produit de déterminismes et de conditionnements idéologiques que seule l’égalité entre sexes peut remettre en cause. En réfutant cette indifférenciation des genres, Annie Leclerc montre au contraire que l’égalitarisme n’est qu’un mythe élaboré par la société : croyant être l’égale des hommes, la femme bien souvent ne fait qu’en reproduire le discours, et la virilité de la pensée. Or, sa vraie supériorité est ailleurs : c’est en elle-même, dans sa féminité même, que la femme doit la chercher. 

Les propos d’Annie Leclerc dans ce passage de Parole de femme se situent donc sur deux registres : celui de la revendication militante et féministe ; et celui du sensible, de l’intime, du lyrisme personnel. Son inspiration, qui puise aux sources du corps et de l’expérience féminine, explore ainsi les paramètres d’une écriture-femme, pleinement assumée, qui caresse l’énigme d’un moi féminin, intégré à une nouvelle manière de penser, invalidée du référent masculin. Cette écriture s’impose ainsi comme une véritable stratégie de libération, qui s’apparente à une revendication identitaire : écrire, c’est exister. S’assimiler à la culture des hommes, c’est précisément ne pas prendre la parole.

L’attachement d’Annie Leclerc à une « parole de femme » est donc comme la célébration d’une nouvelle naissance amenant la femme à naître à elle-même et à développer son humanité propre par l’éducation et la connaissance. Ainsi, le féminisme doit-il être conçu non comme une revendication catégorielle, mais comme un bouleversement des valeurs qui gouvernent la société : « Inventer, est-ce possible » ? À n’en pas douter, inventer la femme consiste à réinventer l’homme en construisant un monde plus équitable, apte à promouvoir des changements significatifs et à repenser les enjeux du pouvoir. En ce sens le féminisme doit être posé comme la condition essentielle d’un nouvel humanisme, c’est-à-dire d’une nouvelle idée de l’homme et de la femme…

Copyright © novembre 2010, Bruno Rigolt (dernière mise à jour : mars 2016)

« Liberté, Egalité, Parité »… Parce que la littérature s’écrit aussi au féminin… Espace Pédagogique Contributif

Pour une analyse complète de cet extrait, cliquez ici.

Voir aussi : Marie Denis, compte-rendu de l’ouvrage d’Annie Leclerc, Parole de Femme
(Les Cahiers du GRIF, n°3, 1974. » Ceci (n’) est (pas) mon corps » pp. 83-84).

Ces autres « Citations de la semaine » peuvent également vous intéresser :
Christine de Pisan ;  Olympe de Gouges ; George Sand ; Colette ; Simone de Beauvoir ; Benoîte Groult ; Gabriela Mistral

Au fil des pages… Patrimoine littéraire européen: Mondialisation de l'Europe, 1885-1922…

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Patrimoine littéraire européen : Mondialisation de l’Europe, 1885-1922

Rédigé sous la direction de Jean-Claude Polet (De Boeck Université, Bruxelles 2000), ce volumineux ouvrage de 1136 pages est une passionnante introduction à la littérature européenne, et plus largement aux transformations du contexte social et culturel du début du vingtième siècle. Voici comment l’éditeur présente cette anthologie : « Entre la mort de Victor Hugo (1885) et celle de Marcel Proust (1922), l’Histoire de l’Europe connaît un de ses accomplissements décisifs. Si les empires coloniaux avaient déjà répandu sa civilisation, ses langues et sa culture dans le monde, la Première Guerre mondiale, la fondation de la Société des nations (1920) et l’établissement de l’URSS (1922) achèvent de mondialiser ses normes et de faire de ses valeurs le méridien de référence de l’humanité universelle. Expression, par le langage verbal artistement maîtrisé, des relations que l’homme entretient avec lui-même et avec le monde, la littérature, au cours de cette période en Europe, est travaillée par la conscience de sa haute mission humaine » (pour lire la suite, cliquez ici).

Même si l’ouvrage n’est consultable que partiellement, les passages librement accessibles sont suffisants pour découvrir, à côté d’œuvres célèbres, des cultures et des auteurs qui nous sont peu familiers (catalans, arméniens, estoniens, bulgares, gaéliques…). Ce livre offre aussi un très beau panorama sur les relations qui se sont établies entre le contexte linguistique et littéraire et le contexte historique ou idéologique. Les auteurs sélectionnés de même que les extraits présentés, expliqués toujours de façon très pédagogique, permettent de mieux appréhender les clivages qui ont traversé l’Europe et qui la bouleversent encore aujourd’hui : crise de l’État-nation, crise des comportements et des valeurs, crise de la spiritualité. Mais comme le fait bien voir le livre, cet ébranlement de l’humanisme occidental a pour contrepoint un extraordinaire foisonnement d’idées, de tendances et d’écoles, caractéristiques des aspirations modernistes revendiquées par des générations nouvelles d’écrivains qui, à l’aube du vingtième siècle, n’ont cessé de questionner l’Europe sur son identité, sa culture et son destin…

_______________

 Si les caractères s’affichent en taille trop petite, pensez à utiliser l’outil de zoom intégré au livre numérique. Pour un plus grand confort de lecture, vous pouvez consulter cet ouvrage dans Google-livres en cliquant ici.

Comment « bien lire » ?

Le but bien entendu n’est pas de “tout lire” (ce n’est d’ailleurs ni le but ni le principe d’un tel ouvrage) mais de lire un peu “au fil des pages”, selon votre envie. Quand vous avez le temps, parcourez un article, lisez un extrait de texte, découvrez un auteur, etc. Si vous le pouvez, notez (dans un petit répertoire) ce qui vous paraît important en précisant le titre de l’ouvrage et la page, afin de pouvoir vous y référer ultérieurement. Une règle importante : ne forcez jamais ! Si quelque chose vous rebute ou vous semble trop difficile, passez à un autre sujet. Plus qu’apprendre pour apprendre, c’est en fait la démarche qui importe : découvrir et enrichir sa culture générale.
 Les internautes ayant consulté cette page pourront également être intéressés par ces articles :
Recommandations de lecture : les guides de culture générale ; L’Indispensable en culture générale… Réussir l’épreuve de culture générale à Sciences Po ; Le Guide des Études ; Dictionnaire de culture générale (Francis Foreaux) ; Dictionnaire de culture générale (Pierre Gévart) ; Anthologie de la poésie française ; Introduction aux littératures francophones : Afrique, Caraïbe, Maghreb

Au fil des pages… Patrimoine littéraire européen: Mondialisation de l’Europe, 1885-1922…

fil-des-pages.1253926285.jpg

Patrimoine littéraire européen : Mondialisation de l’Europe, 1885-1922

Rédigé sous la direction de Jean-Claude Polet (De Boeck Université, Bruxelles 2000), ce volumineux ouvrage de 1136 pages est une passionnante introduction à la littérature européenne, et plus largement aux transformations du contexte social et culturel du début du vingtième siècle. Voici comment l’éditeur présente cette anthologie : « Entre la mort de Victor Hugo (1885) et celle de Marcel Proust (1922), l’Histoire de l’Europe connaît un de ses accomplissements décisifs. Si les empires coloniaux avaient déjà répandu sa civilisation, ses langues et sa culture dans le monde, la Première Guerre mondiale, la fondation de la Société des nations (1920) et l’établissement de l’URSS (1922) achèvent de mondialiser ses normes et de faire de ses valeurs le méridien de référence de l’humanité universelle. Expression, par le langage verbal artistement maîtrisé, des relations que l’homme entretient avec lui-même et avec le monde, la littérature, au cours de cette période en Europe, est travaillée par la conscience de sa haute mission humaine » (pour lire la suite, cliquez ici).

Même si l’ouvrage n’est consultable que partiellement, les passages librement accessibles sont suffisants pour découvrir, à côté d’œuvres célèbres, des cultures et des auteurs qui nous sont peu familiers (catalans, arméniens, estoniens, bulgares, gaéliques…). Ce livre offre aussi un très beau panorama sur les relations qui se sont établies entre le contexte linguistique et littéraire et le contexte historique ou idéologique. Les auteurs sélectionnés de même que les extraits présentés, expliqués toujours de façon très pédagogique, permettent de mieux appréhender les clivages qui ont traversé l’Europe et qui la bouleversent encore aujourd’hui : crise de l’État-nation, crise des comportements et des valeurs, crise de la spiritualité. Mais comme le fait bien voir le livre, cet ébranlement de l’humanisme occidental a pour contrepoint un extraordinaire foisonnement d’idées, de tendances et d’écoles, caractéristiques des aspirations modernistes revendiquées par des générations nouvelles d’écrivains qui, à l’aube du vingtième siècle, n’ont cessé de questionner l’Europe sur son identité, sa culture et son destin…

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 Si les caractères s’affichent en taille trop petite, pensez à utiliser l’outil de zoom intégré au livre numérique. Pour un plus grand confort de lecture, vous pouvez consulter cet ouvrage dans Google-livres en cliquant ici.

Comment « bien lire » ?

Le but bien entendu n’est pas de “tout lire” (ce n’est d’ailleurs ni le but ni le principe d’un tel ouvrage) mais de lire un peu “au fil des pages”, selon votre envie. Quand vous avez le temps, parcourez un article, lisez un extrait de texte, découvrez un auteur, etc. Si vous le pouvez, notez (dans un petit répertoire) ce qui vous paraît important en précisant le titre de l’ouvrage et la page, afin de pouvoir vous y référer ultérieurement. Une règle importante : ne forcez jamais ! Si quelque chose vous rebute ou vous semble trop difficile, passez à un autre sujet. Plus qu’apprendre pour apprendre, c’est en fait la démarche qui importe : découvrir et enrichir sa culture générale.
 Les internautes ayant consulté cette page pourront également être intéressés par ces articles :
Recommandations de lecture : les guides de culture générale ; L’Indispensable en culture générale… Réussir l’épreuve de culture générale à Sciences Po ; Le Guide des Études ; Dictionnaire de culture générale (Francis Foreaux) ; Dictionnaire de culture générale (Pierre Gévart) ; Anthologie de la poésie française ; Introduction aux littératures francophones : Afrique, Caraïbe, Maghreb

Un automne en poésie 2011 1L2 1S2 1STG3… Quatrième livraison

Un automne en poésie… édition 2011… Quatrième livraison.

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Depuis la fin du mois de septembre, les classes de Première dont j’ai la charge cette année sont fières de vous présenter l’édition 2011 d’Un automne en poésie, manifestation d’art qui entend marquer à sa manière la rentrée littéraire au Lycée en Forêt. Plus de soixante textes, tous inédits, sont en cours de publication. Ces poèmes, souvent d’une grande densité intellectuelle, chantent avant tout la nostalgie de l’Idéal et du Spirituel. Proclamant le pouvoir de l’art sur la vie quotidienne, de la subjectivité sur l’objectivité, de l’imaginaire sur le réel, ils s’inscrivent dans la tradition symboliste. Je vous laisse découvrir la suite des textes publiés…
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).
arrow.1242450507.jpg Pour accéder aux textes de la première livraison, cliquez ici.
arrow.1242450507.jpg Pour accéder aux textes de la deuxième livraison, cliquez ici.
arrow.1242450507.jpg Pour accéder aux textes de la troisième livraison, cliquez ici.

                

         

Le ciel au coucher de soleil

par Arthur S.

(Première L2)

             

Ciel bleuté de triste sang

Ciel rougeté où mène le vent

Parmi la mer rougie

Je reste là, à regarder

Par delà l’esprit envolé

La beauté de la mer.

Sa force m’emmène

Au soulager de mes peines

Me voici dans les nuages

Si confortable je nage

Au coucher de soleil :

Je touche les ciels.

              

                   

Chanson nostalgique de mon cœur

par Julie T.

(Première STG3)

             

Ce soir, la pluie a sombré dans le bonheur :

Chanson nostalgique de mon cœur

Parfumée par l’encens de mes rêves.

C’est dans l’ombre que ma vie s’achève…

            

Mais je me sens immortelle

par l’existence de mon amour.

Son regard m’illumine

Tel un ange des étoiles prochaines.

         

Le ciel apaise mes souffrances

Que seul Dieu peut comprendre

Je reste seule. Sereine et seule face à la vie :

Mon sourire renaissant comme un adieu au désespoir !

            

         

Voyage impossible d’un amour égaré

par Katy B.

(Première S2)

             

La froideur de l’automne

Ne put s’empêcher de ravager mon idéal

La plus belle feuille emportée par le vent

S’envole au loin vers un souffle gris

Laissant là, le fruit d’une innocence brisée.

       

La brume voile alors mon cœur décomposé,

la solitude effleure tendrement ma pensée

La nuit bouleverse toutes désillusions

Infimes espoirs du souvenir d’avant

La quête d’une lèvre attendue

                   

Ne peut cesser le voyage impossible

D’un amour égaré. La douleur assourdissante

Du silence s’empare de mon être indicible

Qui fait renaître mon âme au son mélodieux

De la poésie.

         

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« La plus belle feuille emportée par le vent s’envole au loin vers un souffle gris… »
(illustration : © Bruno Rigolt)

               

 

Soif de parfums

par Clara D.

(Première S2)

             

Visages rouillés de banalité,

Salivant d’impassibilité, le palais somnolant,

Se contentent de mets insipides, ces pauvres émois.

          

Et puis, là, maîtresse est la Renaissance.

Ces acteurs aux costumes sérieux,

Déambulent dans le délicat labyrinthe

Aux saveurs souveraines, aux jeux gourmands.

          

D’abord, l’odorat jubilant de ces fourbes fumets,

Cuillère en bouche, un élan d’acidité.

Enfin, rayonne la soif de parfums, de

Frénésies. Asséché, l’abreuvoir d’étincelles reste.

         

Et sonne le glas.

Les coutures malsaines, masques austères,

Cloisonnent aussitôt ces âmes fiévreuses.

La cuillère essuyée, les saveurs essorées.

        

Désolant est le monde, dépourvu dans la monotonie,

Incapable, de vénérer, de croire au bonheur anodin.

Et d’attendre l’unique service de sensations, sur un plateau, fragile.

           

           

Éclats de peine

par Garance D.

(Première STG3)

             

Viendra un jour

L’ange blanc de la délivrance

Rayonnant de lumière.

Il tendra une main amicale et lente

Il t’emportera vers des pays

Regorgeant de richesses lointaines

Qui t’éblouiront par leur beauté arabesque.

       

Puis avec d’extrêmes douceurs

Il te chuchotera qu’enfin

Comme un éclat de rire

Tu pourras te décharger

De tes éclats de peine.

Il t’emmènera vers la rivière inexorable

Des larmes du pardon.

           

              

Ce lieu lointain

par Patricia K.

(Première L2)

             

Cette peine trouvée par hasard sur le rivage,

Cette peine profonde comme l’océan de ton regard

La fraîcheur de ces vagues me fait chavirer

Une envie de m’évader

Vers ce lieu lointain,

Cette peine lointaine.

            

Le ciel se couvre de nuages et de sables

Tes yeux se remplissent de larmes.

Tes larmes coulent tout comme une cascade

Sur la façade de la vie :

Ce lieu lointain,

Cette peine lointaine.

           

L’ennui de la vie me tue.

Je rêve de départs et de dissidence

Mon cœur brûle de douleur

Et me donne un grand sentiment de silence.

Ce lieu lointain,

Cette peine lointaine.

       

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« Ce lieu lointain, cette peine lointaine… »
(photographie : © Bruno Rigolt)

          

             

Vers ce nuage omniscient

par Laura M.

(Première STG3)

       

Marre de cette brume quotidienne

De cette pluie, de ce triste à l’afflux de larmes

Je vois là-bas, à l’horizon

Un chemin aussi pur qu’une âme de nouveau né

            

Reflété par la brillance de ce soleil doré.   

Je veux fuir vers ce nuage omniscient

Semblable au paradis.

Je veux déployer mes ailes blanches

           

Et prendre mon envol vers le ciel au toit de liberté.

Un rêve, un rêve : l’aube apparaît

Sous les volets rouillés de la vie.

Une mélancolie…

            

D’autres textes seront publiés prochainement…

Classe de Seconde 6 : TP Sémiologie de l'image publicitaire

logo_secondes_fixe.1288346723.jpgCe support de cours est destiné en priorité à la classe de Seconde 6 qui prépare actuellement une série d’analyses sur la sémiologie de l’image publicitaire en vue d’un projet d’écriture collectif. La lecture de l’image (fixe et mobile) figure en effet au programme des classes de Lycée. Elle s’attache à dégager les spécificités du message iconique et à mettre en relation celui-ci avec le langage verbal.
Dans ce support de cours, deux publicités seront analysées :
  1. Publicité pour la « Lancia Musa » (2007)
  2. Publicité pour le parfum « Princess » de Vera Wang.
Ce travail s’inspire d’une étude menée en 2008 avec les étudiantes BTS AG-PME 1ère année dans le cadre de mon cours de Culture générale et Expression française.
Copyright
© Toutes les marques citées dans cette étude sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs.
Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins pédagogiques.
              

TP Sémiologie de l’image publicitaire

        

Beaucoup de gens, à tort, minimisent la publicité au point de tomber dans le cliché selon lequel « la pub c’est nul ». Bien au contraire, la publicité est le fruit d’un travail d’élaboration souvent méthodique et complexe. Méthodique car il fait appel à des concepts inspirés de la mercatique, des études de marché, mais aussi de la psychologie, de la sociologie, de la linguistique ou de l’ethnologie… Particulièrement dans la presse écrite, la recherche esthétique de la publicité est poussée à un très haut niveau de complexité graphique et symbolique. Tous ces éléments sont signifiants et s’entrecroisent avec les codes socioculturels et rhétoriques.

Il faut ici faire évidemment appel à l’approche sémiotique proposée par Roland Barthes dès 1964. C’est en effet grâce à ce professeur au Collège de France de réputation mondiale qu’on a commencé à étudier l’agencement d’une image fixe afin de mieux comprendre l’étude des signes et de leur signification. roland-barthes.1288160403.jpgDans un article intitulé « Rhétorique de l’image », l’auteur dégage deux niveaux d’analyse : le dénoté et le connoté. Il montre qu’au-delà de sa fonction iconique  et référentielle, l’image tire sa signification de sa fonction émotive et symbolique, qui repose sur la connotation et les codes culturels, par définition polysémiques. C’est en ce sens que l’image publicitaire est surtout et d’abord allégorique : l’allégorie moderne se définira ainsi comme un message visuel cherchant à signifier une idée.

La rhétorique de l’image

L’image publicitaire doit donc être comprise, étudiée, analysée comme double système : à la fois de communication et de signification.

En premier lieu, la sémiotique a intégré dans ses recherches un certain nombre de travaux sur le langage, la langue et la parole. Largement inspirés du schéma de la communication de Jakobson que vous connaissez bien, ces travaux mettent l’accent sur l’importance des codes de déchiffrement du message. Les effets implicatifs de la publicité fonctionnent grâce à ce passage du message au signe, et du signe à sa signification. Au-delà de son signifiant littéral qui a pour propriété « d’imiter perceptuellement ce à quoi il réfère », le signe —linguistique ou iconique— fait l’objet d’un déchiffrement symbolique codé qui amène le lecteur, bien souvent à son insu, à réinterpréter le signifiant et à créer, de stéréotype en stéréotype, de connotations en connotations, une « construction mentale » basée sur des implicites culturels qu’il s’agit d’interpréter.

Cette relation destinateur-destinataire peut être appréhendée comme un véritable dialogue, un peu comme si les signes parlaient à notre inconscient pour provoquer une série de réponses émotionnelles visant à stimuler l’acte d’achat. Ce dialogue est presque « subliminal » car nous n’en avons pas directement conscience : il est constitué de codes 206_ai_lancia_semiologie_detail_1.1288259305.jpgmorphologiques (composition de l’image, cadrage, etc.), chromatiques, et par des jeux de procédés spatiaux qui nous influencent, et facilitent les codes de lecture. Par exemple, au niveau de la construction de l’image ci-contre, la stimulation de la perception des acheteurs potentiels se fait par les  lignes de force, que vous apercevez grâce aux flêches. Elles convergent toutes vers le nom du produit et de la marque !

De même, nous arrivons le plus souvent à percevoir le message quand il est persuasif ou informatif, mais la publicité peut être davantage suggestive : elle fait appel à des stéréotypes culturels, et à des mécanismes d’identification ou de projection que nous subissons bien malgré nous. Nous achetons une paire de Nike « parce qu’il-faut-que-je-change-de-chaussures » en oubliant qu’en fait c’est la marque qui nous impressionne, parce que c’est valorisant au sein du groupe, parce qu’on se sent plus fort, ou respecté. Bien souvent d’ailleurs, les marques font en sorte de provoquer ce rôle d’identificateur.

206_ai_verawang_1.1288149595.jpgÀ cet égard, les techniques cognitives ont montré que, partant du signifiant iconique ou linguistique concret (un objet représenté, une forme, un slogan), le lecteur aura tendance à les réinterpréter à travers une série de codes et de signifiés qui structurent à la fois son inconscient et son imaginaire. Par exemple, dans cette publicité pour le parfum « Princess » que j’analyse ensuite, le flacon en forme de cœur fait surgir un ensemble de connotations affectives, émotionnelles, socioculturelles. La symbolique des couleurs est également essentielle pour comprendre ce fonctionnement.

Quelques remarques de méthode

Comme nous l’avons vu en module, l’analyse d’une image se construit par l’interaction de différents outils et de différents messages : plastique, iconique et linguistique. À cet égard, il faut souligner l’importance des signes plastiques (support, cadre, cadrage, angle de prise de vue et choix de l’objectif, construction de l’image, formes, éclairage et couleurs) qu’on a souvent tendance à négliger. Ces signes sont soutenus par des figures de rhétorique, visuelles ou verbales, qui cherchent à toucher le récepteur, à agir sur lui, à provoquer de sa part une réaction ; la fonction du message publicitaire étant essentiellement conative, c’est-à-dire centrée sur le destinataire. 

L’interprétation de ces différents signes joue évidemment sur le savoir socioculturel du lecteur. De fait, si l’analyse d’une image publicitaire a pour premier objectif de dégager le discours implicite et symbolique proposé par l’annonce et de cerner plus précisément le type de public auquel il s’adresse, elle doit également s’articuler avec l’étude des normes, des représentations, des croyances, des stéréotypes diffusés dans le discours social. Cette dimension culturelle de la publicité est évidemment fondamentale dans la mesure où elle permet de mieux comprendre les valeurs sociales qui structurent l’inconscient collectif…

                       

              

Exemple d’analyse de publicité : la « Lancia Musa »

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Le contexte

C’est Carla Bruni, top modèle, chanteuse (et… première Dame de France depuis), qui avait été choisie pour devenir l’ambassadrice de charme de la Lancia Musa. Signée Armando Testa, la campagne publicitaire s’est affichée dans la presse dès octobre 2007, générant grâce à la notoriété de Carla Bruni un « buzz » terrible ! Ce choix n’était pas le fruit du hasard : il avait pour objectif premier de consolider la notoriété grandissante du groupe et de présenter la Lancia Musa d’une manière très « people » et mondaine.

Fort de ce succès, Lancia a également continué de capitaliser sur le produit avec un spot télévisé spécialement dédié. Il faut dire que la Musa, par une ligne extérieure très esthétisante et un espace intérieur optimisé, est avant tout un modèle qui se positionne dans un segment plutôt haut de gamme, destiné à une clientèle essentiellement urbaine, féminine, et dotée d’un bon pouvoir d’achat. Il est donc normal que le magazine féminin Elle ait été choisi pour promouvoir ce modèle. Publiée dans le numéro du 22 octobre 2007 sur une page de droite (plus visible, donc plus chère et convoitée par les annonceurs), cette publicité a été imprimée sur un support semi-glacé.

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La composition et la mise en page figurent parmi les outils plastiques les plus essentiels. Ils ont un rôle clé dans la hiérarchisation de la vision et donc dans l’orientation de la lecture de l’image.

Un photomontage original…

Quelle que soit la publicité que vous analyserez, il sera intéressant d’analyser les signes visuels qui composent le message plastique. Ces éléments concernent :

  • Le cadre,
  • le cadrage,
  • l’angle de prise de vue et le choix de l’objectif,
  • la composition,
  • la mise en page,
  • les couleurs et l’éclairage, la forme, la composition, la texture.

Analysons ces différents éléments.

Placée dans l’axe du regard, la voiture est la véritable star de cette publicité. 206_ai_lancia_3.1288152414.jpgLa forme arrondie du modèle, ses courbes très féminines, et sa ligne profilée attirent immédiatement le regard.

D’autant que la Musa est le seul point de couleur (avec le logo). Et encore, une couleur rose nacrée qui fait songer subtilement au maquillage. Autour de la voiture, une série de photographies suggère implicitement l’univers artistique et intimiste du noir et blanc. Au niveau symbolique des codes 206_ai_lancia_4.1288152720.jpgchromatiques, ce choix du noir et blanc est important. Du point de vue photographique par exemple, le noir et blanc permet de mettre en valeur le corps et de mieux opposer  les courbes, les formes au mystère et à la sensualité des ombres.

Dans un magazine saturé de couleurs, le noir et blanc évoque par ailleurs de manière subjective la photographie d’art ou les books de mode où  la sensualité est suggérée certes, mais de manière métaphorique, élégante :  le noir pour son aspect chic, racé, maîtrisé, graphique, et le blanc pour sa dimension pure, optique, aérienne. Cette touche classique confère à la voiture une dimension élégante et intemporelle qui la fait échapper aux standards habituels des Monospaces : familiaux et grand public. L’argumentaire confirme d’ailleurs cette impression puisqu’il précise que cette voiture « est destinée à toutes celles et tous ceux qui ne se retrouvent pas dans l’automobile de tout le monde ».

Juste en-dessous de la voiture, 206_ai_lancia_5.1288153329.jpgle produit est mis en valeur par une police de caractères dont la dimension ornementale (les courbes, la féminité et la rotondité) est comme un gage d’esthétisme, d’élégance, de séduction mais aussi de protection et de sécurité. Le slogan « Lancia invente la beauté spacieuse » est presque redondant ici puisque avant d’en avoir pris connaissance, le lecteur a déjà été influencé par les différents messages iconiques qui l’ont préparé à accepter et à intégrer mentalement le slogan. Cette technique crée ainsi chez l’individu de larges capacités cognitives, influençant le codage du produit (féminin et haut de gamme) et facilitant la mémorisation par la redondance des signifiants. 

La stratégie argumentative : de la valeur de la voiture à la voiture, symbole de valeur

La stratégie argumentative suit ici trois étapes :

L’étape cognitive est essentielle. C’est elle qui permet d’abord la reconnaissance par le consommateur du produit, puis son apprentissage. Le cadrage est donc très important : c’est la distance entre le sujet (ou l’objet) photographié et l’objectif : il correspond à la taille de l’image (proche ou distante). Ici, en plaçant le visage dans l’axe du regard, les publicitaires facilitent l’identification puisque le regard du lecteur converge vers le centre. On peut remarquer également que la voiture est photographiée en légère plongée : on croit qu’on peut la toucher (absence de distanciation), ce qui accentue sa maniabilité.

L’étape affective vient ensuite : elle consiste à éveiller l’intérêt du consommateur potentiel. Le rose nacré de la voiture ainsi que ses formes rondes la féminisent et l’adoucissent. De même, les photos de mode servent à ancrer le produit dans une dimension affective : projective et identificatoire. La lectrice de Elle se projette ainsi dans un univers référentiel suscitant des sentiments, évoquant des normes collectives ainsi que des stéréotypes culturels mis en scène par les différentes photos qui confèrent de 206_ai_lancia_musa_cb_eyes.1288338118.jpgla crédibilité à la voiture, puisque celle-ci est en quelque sorte « mise en scène » dans des scénarios familiers à forte valeur sociale ajoutée.

Enfin, la photographie du visage de Carla Bruni est évidemment fondamentale puisqu’elle prépare l’étape conative (agir sur le récepteur) qui est celle de l’argumentaire, et qui doit pousser le consommateur à acheter le produit : le regard que Carla Bruni pose sur nous n’est pas neutre. Il attire immédiatement notre attention, et semble en effet nous interpeller, et attendre de la part du lecteur une réponse :

  1. c’est l’aspect cognitif c’est-à-dire les fonctions de l’esprit (perception, mémoire, raisonnement, décision), qui est sollicité ici, et qui doit amener le consommateur à choisir la voiture.

  2. Comme nous l’avons vu, on entre alors dans une deuxième phase qui est celle de l’aspect affectif : celui d’une « muse » qui a non seulement inspiré les créateurs de la voiture mais qui doit aussi nous inspirer le désir d’acheter le produit.

  3. On passe ainsi de l’aspect affectif à l’aspect conatif (pousser à une décision qui est celle de l’acte d’achat).

On comprend mieux maintenant le rôle des petites photographies disposées tout autour du portrait : non seulement, elles permettent de retenir l’attention du lecteur en l’intéressant mais elles transforment la valeur marchande du produit en valeur symbolique, autrement dit en système de valeurs : la voiture est implicitement présentée comme adhésion à un style de vie : la valeur de la voiture (son prix) est ainsi transformée en symbole de valeur : celui d’un groupe social, les « bobos » (bourgeois-bohême), adeptes d’un certain style de vie : citadin et branché, et qui entendent se démarquer des autres en affirmant leur différence et leur appartenance à une classe sociale supérieure (cf. l’argumentaire qui parle d’une voiture « destinée à toutes celles et tous ceux qui ne se retrouvent pas dans l’automobile de tout le monde »).

La voiture devient donc en quelque sorte la représentation d’un discours implicite abstrait, qui renvoie à un « au-delà » de l’image, et qui se situe davantage sur un terrain social : amener le consommateur à faire siennes les valeurs mises en place dans l’annonce. Pour le futur acheteur, l’objet de sa quête n’est plus seulement la voiture mais des valeurs socialement glorifiantes, pour autant qu’on fasse partie du public cible : ceux qui peuvent s’acheter cette voiture. Enfin, nous pouvons remarquer que la voiture n’est pas seulement présentée en fonction de son utilité objective mais plutôt selon une visée subjective qui joue davantage sur la sensibilité et l’affectif : on pourrait parler ici de la « composante évaluative » du produit, c’est-à-dire notre perception sociale de la voiture, et de celle ou celui qui la possède.

Comme nous l’avons vu, une série de points d’ancrage caractéristiques de la construction séquentielle permet de faciliter la mémorisation des signifiants et de leur associer des signifiés socioculturels, autrement dit des stéréotypes liés à des normes de pensée, de langage et de comportement qu’il faut mettre en relation avec la signification sociale et symbolique du produit : une voiture représentative d’une certaine catégorie socioprofessionnelle (milieux aisés, cadres supérieurs ou exerçant des professions libérales, ayant fait des études supérieures et habitant en milieu urbain).

Musa : star et muse inspiratrice…

« Musa ». Le mot évoque spontanément l’art et l’imagination créatrice. On pense au mot « muse », symbole de la transcendance et de l’inspiration, à la « musique » enchanteresse, à « l’amusement ». Autant de valeurs ajoutées dans un magazine (Elle) qui valorise à la fois l’image éternelle et idéalisée de la femme et sa vision émancipatoire à travers le divertissement ou l’humour. De même, sur le plan phonétique, les mots « nouvelle » et « Musa » connotent une certaine douceur. Le « l » dans le mot « nouvelle » est une consonne mouillée, liquide, très sensuelle à prononcer.

Par ailleurs, le mot « Musa » sur le plan consonantique amène à une sorte de vibrato (le « z » de « musa ») féminisé d’autant plus qu’il se termine par le son « a » qui est la marque du féminin. On pourrait également suggérer, en se réappropriant les propos de Roland Barthes sur les connotations de la publicité Panzani, une certaine « italianité » dans le mot « Musa » qui évoque inconsciemment le nom « Carla » (Bruni). Par leur contenu émotionnel, ces sonorités très fluides auréolent ainsi la voiture d’un certain style : une ambiance poétique et festive, une atmosphère consensuelle de bien-être et de savoir-vivre qui ne heurte pas les sens.

Les stéréotypes de la femme contemporaine

Si vous regardez attentivement les photographies, vous verrez en outre qu’elles aident le lecteur, par le jeu des évocations imaginaires, à construire un véritable scénario fantasmatique : tantôt la femme seule, dans l’introspection et la recherche de soi, tantôt la femme qui s’apprête à sortir le soir, se maquille, ou encore celle qui revendique un haut degré de sociabilité, qui sourit, rayonnante, sous les feux de la rampe. Or c’est toujours la même femme qui est représentée. Toutes ces photos sont autant de facettes différentes d’une même personne : celle d’une femme émancipée et indépendante qui gère sa vie elle-même. Tous les stéréotypes de la femme contemporaine sont donc ici réunis. Cette polysémie est essentielle dans la mesure où elle correspond à l’image véhiculée de la femme moderne dans les médias féminins.

On pourrait également faire remarquer que les différentes photos de Carla Bruni font appel à plusieurs sens : 206_ai_lancia_6.1288154347.jpgessentiellement la vue, l’odorat et le toucher 206_ai_lancia_7.1288154480.jpgsuggérant une sorte de communion avec la nature et l’environnement. L’automobile devient en quelque sorte un accessoire de mode, indispensable à la femme, comme un parfum, ou un bijoux, mais indissociable d’une beauté intérieure, voire spirituelle, suggérée par les positions du visage. Enfin, les vêtements, volontairement 206_ai_lancia_8.1288176144.jpglégers et aériens renforcent aussi l’idée d’une femme hautement polysémique, à la fois romantique et active, rêveuse et sophistiquée, ouverte à la rencontre mais autonome et indépendante financièrement.

Un slogan original

Avant de conclure, revenons un instant au slogan : l’expression de « beauté spacieuse » a de quoi surprendre. La beauté en effet est souvent associée à l’idée de minceur. 206_ai_lancia_9.1288163766.jpgLe fait que le top modèle Carla Bruni ait été choisi pourrait même renforcer cette association. Pourtant ici, l’adjectif « spacieuse » est associé au terme « beauté » : c’est presque un oxymore allant à l’encontre de la représentation de la voiture « féminine » : essentiellement « mini » ! Plus fondamentalement, on peut voir ici un changement très net dans les représentations. À la différence des publicités habituelles pour l’automobile mettant en valeur l’aspect sexuel du corps des femmes, c’est au contraire une vision à la fois intimiste et charismatique qui est présentée.

Alors qu’en matière de publicité automobile, la femme est souvent réduite à un état d’infantilisation —la présentation des femmes comme des êtres puérils et coquets, ou passifs et vulnérables, contrairement aux hommes, qui sont généralement présentés comme des êtres forts, sérieux et sûrs d’eux— ici Carla Bruni est le symbole de la femme moderne, émancipée, prescriptrice d’opinion. Sa notoriété sert non seulement à relier les autres femmes à un environnement sociétal en pleine mutation, mais elle bouleverse la construction identitaire de la femme elle-même dans sa représentation de la voiture.

Pour beaucoup de femmes en effet, l’automobile est associée au minimalisme, pouvant accueillir aussi bien les courses que les enfants. Or c’est cette vision inspirée d’une époque où la femme n’avait pas revendiqué son autonomie consumériste, qui est dépassée ici. La Musa est présentée en effet comme un objet de désir apte à séduire la femme elle-même de manière intrinsèque, sans se soucier du rôle prescripteur que pourrait avoir un homme.

Il s’agit donc d’une rupture sociologique profonde amenant à penser différemment le féminin. Dépassant une série de fantasmes sexistes bien identifiés chez les conducteurs masculins se caractérisant par une certaine dévalorisation de la femme (la femme « maman », la femme « fatale », attentionnée ou soumise, tantôt femme jouet, idiote, ou dominatrice, etc.), les publicitaires, tout en partant d’un stéréotype fortement ancré dans l’inconscient collectif (la relation femme-voiture), le réinterprètent dans une trame dramaturgique tendant à l’éviction des hommes dans le processus d’achat d’une voiture chez la femme.

N’oublions pas en effet que les femmes sont devenues une cible à part entière pour les marques automobiles. On peut y voir l’affirmation d’un consumérisme typiquement féminin, décomplexé socialement, et pleinement revendiqué.

              

Analyse de publicité : Vera Wang, « Princess »

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Le contexte

Ce n’est pas un hasard si cette publicité est parue dans des magazines pour jeunes lectrices. Public cible : les 15-25 ans, un lectorat très courtisé par les annonceurs. Publiée en page de droite sur un papier semi-glacé, cette publicité a de quoi attirer les jeunes filles 206_ai_verawang_3.1288156663.jpg(la cible visée). Le slogan « Born to Rule » (Née pour régner) évoque irrésistiblement le désir de conquête et de séduction propre à l’adolescence et à la jeunesse. Le fait que le mannequin (Camilla Belle) porte une couronne accentue d’ailleurs cette impression de séduction et de pouvoir. On notera aussi le plan assez rapproché, qui accentue l’intimité (on a d’autant plus l’impression de sentir le parfum que le haut du buste est dénudé), ainsi que le regard focalisé sur celui du lecteur, comme pour le provoquer et l’interpeller. Comme il a été très justement montré, le regard est important dans ce type de publicité car il « introduit une perspective, une atmosphère voluptueuse, une profondeur, et le plus souvent une participation du toucher qui individualise le sensoriel, qui aussi introduit la sensualité, le plaisir. Dès lors, le spectateur entre dans le parfum, s’identifie à lui et ressent l’appel d’une aura parfumée, sensuelle, sans limite qui viendrait dilater son image » (¹).

Regardez également les cœurs ! Il y en a de partout : le collier, le pendentif, la bague, et bien sûr le produit lui-même ainsi que les traits qui encadrent le flacon. Avez-vous remarqué qu’on a l’impression que le slogan et le cœur autour du flacon ont été dessinés par une ado avec son « Blanco »? Petit détail certes mais qui a son importance : n’oublions pas que le correcteur blanc, en tant que substance volatile, est souvent interdit à l’école dans les listes de fournitures : il y a comme un parfum de transgression ici qui renvoie à la relation affective entre le jeune et l’adulte. C’est donc avant tout le « style jeune » et le stéréotype romantique qui sont valorisés.

Une coiffure « dans le vent »…

Les cheveux volontairement décoiffés sont à l’opposé de l’ordre et des normes, ils sont dans le « move » et non dans le statique : 206_ai_verawang_4.1288157179.jpgle mouvement évoque l’ailleurs, le voyage, la fuite… mais aussi « les élans incontrôlés et passionnés du comportement romanesque » (²). La marque du parfum (Vera Wang) traduit enfin une double connotation : « Vera » est comme une idéalisation de l’authentique, du « pacte » amoureux et sacré (« à la vie, à la mort », « croix de bois », etc.) une recherche émancipatoire du vrai, et le mot « Wang » par sa prononciation très douce et sa connotation exotique traduit bien l’idéalisation des tiédeurs de l’Asie pour une jeune fille occidentale qui s’ennuie sur les bancs du lycée ou de la fac et qui rêve de romanesque et d’aventure dans un cadre idyllique. Le parfum conjugue ainsi la volonté de trouver dans une nature fusionnelle et authentique (« Vera ») et dans le voyage vers l’ailleurs (« Wang ») une réponse à un certain vide existentiel.

Les couleurs sont également caractéristiques. De fait, la couleur et l’éclairage ont sur le spectateur un effet psychologique indéniable. Leur interprétation est essentiellement culturelle. Ici, les couleurs sont dites « chaudes » : elles évoquent l’été, les vacances, et au niveau plus symbolique la douceur et la rencontre amoureuse… Bref, toute une symbolique sentimentale. À ce titre, l’attitude très étudiée de la main droite est intéressante à observer. D’abord, le bras levé attire vers le regard, 206_ai_vera-wang_princess_main.1288516683.jpget la main qui soulève le collier est comme une sorte de dévoilement pudique, d’offrande de soi suggérée métaphoriquement d’une part, par le collier de cœurs qui frôle la bouche (à peine entr’ouverte) et d’autre part, par la bague portée à l’annulaire.

Symboliquement la bague à l’annulaire évoque le pacte, l’alliance et par association le mariage. Ici on en est à la rencontre amoureuse, et au fantasme de beaucoup d’adolescentes ou de jeunes filles d’être (enfin!) reconnues comme une « femme ». Mais comme le suggère la pose de la main et le geste très juvénile de la jeune fille, la séduction reste « évanescente » : fantasmée et idéalisée. Ce n’est pas un hasard si les ongles sont courts et à peine nacrés. On est bien dans la sensualité nubile et non dans le mythe de la femme fatale ! Princesse Oui ! Tigresse Non !

Une réécriture des contes de fée

Cette fonction émotive de la publicité est en effet véhiculée par un mot clé du titre : « Princess ». Le mot possède un pouvoir symbolique fort qui se rapporte aux codes symboliques du merveilleux et de l’expression des sentiments : il renvoie à l’univers utopique des contes et au fantasme du prince charmant venu délivrer sa princesse. Cette publicité se fonde donc sur une réécriture du mythe : il ne reste plus qu’au prince charmant potentiel, par la magie d’un baiser (potentiel), à réveiller la princesse endormie qui sommeille dans le cœur de chaque jeune fille. Une remarque s’impose ici quant aux notes dominantes du parfum Princess de Vera Wang et que la marque présente ainsi : « nénuphar, pomme d’api, mandarine, abricot, meringue, goyave, fleur de tiaré, tubéreuse, chocolat noir, beurre rose, vanille, ambre, bois ». Tous ces mots évoquent aussi bien l’univers préservé de l’enfance qui invite à la gourmandise (« pomme d’api, abricot, meringue, chocolat noir, beurre rose ») que le mystère, le romanesque, l’aventure et la transgression d’un interdit (« nénuphar, fleur de tiaré, tubéreuse, ambre, bois »).

De plus, au niveau de la symbolique des couleurs, le mauve du flacon de parfum suggère le mystère. Né de la fusion du rouge (l’amour passion) et du bleu (le rêve et la nuit), le mauve est une couleur plus évanescente et implicite, qui connote le secret, le non-dit, la mélancolie et la recherche d’idéal : De même, la forme du flacon en cœur, évoque la personnalité du parfum : il en constitue l’identification visuelle. La figure du cœur est en effet très suggestive de par sa connotation sensuelle, qui reste essentiellement affective, émotionnelle, pulsionnelle. Elle suggère un « plaisir interdit », ici une relation « tactile » qui accentue la sensualité et le désir de rapprochement : on a envie de « toucher » ce cœur. Autant d’éléments caractéristiques d’une certaine « culture-jeune », sensible au stéréotype romantique et aux clichés sentimentaux d’une jeune femme aspirant à séduire. 

De par sa puissance projective, ce type de publicité permet donc d’influencer l’inconscient et les stéréotypes de séduction. Comme nous le voyons, du conte de fée à la publicité, il n’y a qu’un pas : le mythe de la princesse passe aussi par le parfum ! Cette publicité constitue presque une initiation à la séduction : c’est un peu comme si l’acheteuse potentielle 206_ai_verawang_6.1288159930.jpgs’imaginait sous les traits d’une belle jeune fille (la princesse) dans l’attente d’un beau jeune homme (le prince rêvé) qui, un jour, viendrait la prendre dans ses bras et la « délivrer » de l’autorité parentale ! La transmission visuelle des sensations et de l’émoi provoqués par le parfum (et la possible rencontre amoureuse) est suggérée indirectement par certains éléments : ainsi les couleurs qui sont celles d’une chaleur d’été, les cheveux éparpillés, la couronne déplacée… Ces signes peuvent être compris comme des indices d’un enlacement voluptueux, et mettent en évidence, sous forme de métaphore visuelle l’aspect « performant » d’un parfum qui se veut authentique et sensuel.

Le flacon joue presque ici le rôle d’un filtre amoureux : les gouttes de parfum symbolisant de façon plus symbolique le passage de l’innocence (adolescence) à la révélation amoureuse (la « première fois ») et à l’ancrage identitaire (l’affirmation de soi en tant que « femme »). Socialement, la seule façon d’accéder au statut d’adulte et de devenir femme passe donc par le parfum qui joue un rôle à la fois émancipatoire et intégrateur. Cette approche psychologique du consommateur accorde donc une large place à la connotation et à la « métaphore visuelle » : l’image suggère plus qu’elle n’explique, elle fait davantage appel aux sens qu’au rationnel. Sur le plan projectif, on peut estimer avec la psychanalyste Gisèle Harrus-Révidi (³) qu’en se juxtaposant à la personnalité de celle qui le porte, le parfum lui assure une identité physique et une présence incontestables : un parfum « qui a du corps » donne souvent un corps rêvé, idéalisé et fantasmé à celle qui ne revendique pas encore complètement son propre corps !

 

(1) Hélène Faivre, Odorat et humanité en crise à l’heure du déodorant parfumé. Pour une reconnaissance de l’intelligence du sentir. L’Harmattan, Paris 2001, page 90.
(2) Mariette Julien, L’Image publicitaire des parfums : communication olfactive. L’Harmattan, Paris 1997, page 45.
(3) Voir en particulier cette page.
Bruno Rigolt

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Crédits
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), février 2008, octobre 2010

Classe de Seconde 6 : TP Sémiologie de l’image publicitaire

logo_secondes_fixe.1288346723.jpgCe support de cours est destiné en priorité à la classe de Seconde 6 qui prépare actuellement une série d’analyses sur la sémiologie de l’image publicitaire en vue d’un projet d’écriture collectif. La lecture de l’image (fixe et mobile) figure en effet au programme des classes de Lycée. Elle s’attache à dégager les spécificités du message iconique et à mettre en relation celui-ci avec le langage verbal.
Dans ce support de cours, deux publicités seront analysées :
  1. Publicité pour la « Lancia Musa » (2007)
  2. Publicité pour le parfum « Princess » de Vera Wang.
Ce travail s’inspire d’une étude menée en 2008 avec les étudiantes BTS AG-PME 1ère année dans le cadre de mon cours de Culture générale et Expression française.
Copyright
© Toutes les marques citées dans cette étude sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs.
Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins pédagogiques.
              

TP Sémiologie de l’image publicitaire

        

Beaucoup de gens, à tort, minimisent la publicité au point de tomber dans le cliché selon lequel « la pub c’est nul ». Bien au contraire, la publicité est le fruit d’un travail d’élaboration souvent méthodique et complexe. Méthodique car il fait appel à des concepts inspirés de la mercatique, des études de marché, mais aussi de la psychologie, de la sociologie, de la linguistique ou de l’ethnologie… Particulièrement dans la presse écrite, la recherche esthétique de la publicité est poussée à un très haut niveau de complexité graphique et symbolique. Tous ces éléments sont signifiants et s’entrecroisent avec les codes socioculturels et rhétoriques.

Il faut ici faire évidemment appel à l’approche sémiotique proposée par Roland Barthes dès 1964. C’est en effet grâce à ce professeur au Collège de France de réputation mondiale qu’on a commencé à étudier l’agencement d’une image fixe afin de mieux comprendre l’étude des signes et de leur signification. roland-barthes.1288160403.jpgDans un article intitulé « Rhétorique de l’image », l’auteur dégage deux niveaux d’analyse : le dénoté et le connoté. Il montre qu’au-delà de sa fonction iconique  et référentielle, l’image tire sa signification de sa fonction émotive et symbolique, qui repose sur la connotation et les codes culturels, par définition polysémiques. C’est en ce sens que l’image publicitaire est surtout et d’abord allégorique : l’allégorie moderne se définira ainsi comme un message visuel cherchant à signifier une idée.

La rhétorique de l’image

L’image publicitaire doit donc être comprise, étudiée, analysée comme double système : à la fois de communication et de signification.

En premier lieu, la sémiotique a intégré dans ses recherches un certain nombre de travaux sur le langage, la langue et la parole. Largement inspirés du schéma de la communication de Jakobson que vous connaissez bien, ces travaux mettent l’accent sur l’importance des codes de déchiffrement du message. Les effets implicatifs de la publicité fonctionnent grâce à ce passage du message au signe, et du signe à sa signification. Au-delà de son signifiant littéral qui a pour propriété « d’imiter perceptuellement ce à quoi il réfère », le signe —linguistique ou iconique— fait l’objet d’un déchiffrement symbolique codé qui amène le lecteur, bien souvent à son insu, à réinterpréter le signifiant et à créer, de stéréotype en stéréotype, de connotations en connotations, une « construction mentale » basée sur des implicites culturels qu’il s’agit d’interpréter.

Cette relation destinateur-destinataire peut être appréhendée comme un véritable dialogue, un peu comme si les signes parlaient à notre inconscient pour provoquer une série de réponses émotionnelles visant à stimuler l’acte d’achat. Ce dialogue est presque « subliminal » car nous n’en avons pas directement conscience : il est constitué de codes 206_ai_lancia_semiologie_detail_1.1288259305.jpgmorphologiques (composition de l’image, cadrage, etc.), chromatiques, et par des jeux de procédés spatiaux qui nous influencent, et facilitent les codes de lecture. Par exemple, au niveau de la construction de l’image ci-contre, la stimulation de la perception des acheteurs potentiels se fait par les  lignes de force, que vous apercevez grâce aux flêches. Elles convergent toutes vers le nom du produit et de la marque !

De même, nous arrivons le plus souvent à percevoir le message quand il est persuasif ou informatif, mais la publicité peut être davantage suggestive : elle fait appel à des stéréotypes culturels, et à des mécanismes d’identification ou de projection que nous subissons bien malgré nous. Nous achetons une paire de Nike « parce qu’il-faut-que-je-change-de-chaussures » en oubliant qu’en fait c’est la marque qui nous impressionne, parce que c’est valorisant au sein du groupe, parce qu’on se sent plus fort, ou respecté. Bien souvent d’ailleurs, les marques font en sorte de provoquer ce rôle d’identificateur.

206_ai_verawang_1.1288149595.jpgÀ cet égard, les techniques cognitives ont montré que, partant du signifiant iconique ou linguistique concret (un objet représenté, une forme, un slogan), le lecteur aura tendance à les réinterpréter à travers une série de codes et de signifiés qui structurent à la fois son inconscient et son imaginaire. Par exemple, dans cette publicité pour le parfum « Princess » que j’analyse ensuite, le flacon en forme de cœur fait surgir un ensemble de connotations affectives, émotionnelles, socioculturelles. La symbolique des couleurs est également essentielle pour comprendre ce fonctionnement.

Quelques remarques de méthode

Comme nous l’avons vu en module, l’analyse d’une image se construit par l’interaction de différents outils et de différents messages : plastique, iconique et linguistique. À cet égard, il faut souligner l’importance des signes plastiques (support, cadre, cadrage, angle de prise de vue et choix de l’objectif, construction de l’image, formes, éclairage et couleurs) qu’on a souvent tendance à négliger. Ces signes sont soutenus par des figures de rhétorique, visuelles ou verbales, qui cherchent à toucher le récepteur, à agir sur lui, à provoquer de sa part une réaction ; la fonction du message publicitaire étant essentiellement conative, c’est-à-dire centrée sur le destinataire. 

L’interprétation de ces différents signes joue évidemment sur le savoir socioculturel du lecteur. De fait, si l’analyse d’une image publicitaire a pour premier objectif de dégager le discours implicite et symbolique proposé par l’annonce et de cerner plus précisément le type de public auquel il s’adresse, elle doit également s’articuler avec l’étude des normes, des représentations, des croyances, des stéréotypes diffusés dans le discours social. Cette dimension culturelle de la publicité est évidemment fondamentale dans la mesure où elle permet de mieux comprendre les valeurs sociales qui structurent l’inconscient collectif…

                       

              

Exemple d’analyse de publicité : la « Lancia Musa »

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Le contexte

C’est Carla Bruni, top modèle, chanteuse (et… première Dame de France depuis), qui avait été choisie pour devenir l’ambassadrice de charme de la Lancia Musa. Signée Armando Testa, la campagne publicitaire s’est affichée dans la presse dès octobre 2007, générant grâce à la notoriété de Carla Bruni un « buzz » terrible ! Ce choix n’était pas le fruit du hasard : il avait pour objectif premier de consolider la notoriété grandissante du groupe et de présenter la Lancia Musa d’une manière très « people » et mondaine.

Fort de ce succès, Lancia a également continué de capitaliser sur le produit avec un spot télévisé spécialement dédié. Il faut dire que la Musa, par une ligne extérieure très esthétisante et un espace intérieur optimisé, est avant tout un modèle qui se positionne dans un segment plutôt haut de gamme, destiné à une clientèle essentiellement urbaine, féminine, et dotée d’un bon pouvoir d’achat. Il est donc normal que le magazine féminin Elle ait été choisi pour promouvoir ce modèle. Publiée dans le numéro du 22 octobre 2007 sur une page de droite (plus visible, donc plus chère et convoitée par les annonceurs), cette publicité a été imprimée sur un support semi-glacé.

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La composition et la mise en page figurent parmi les outils plastiques les plus essentiels. Ils ont un rôle clé dans la hiérarchisation de la vision et donc dans l’orientation de la lecture de l’image.

Un photomontage original…

Quelle que soit la publicité que vous analyserez, il sera intéressant d’analyser les signes visuels qui composent le message plastique. Ces éléments concernent :

  • Le cadre,
  • le cadrage,
  • l’angle de prise de vue et le choix de l’objectif,
  • la composition,
  • la mise en page,
  • les couleurs et l’éclairage, la forme, la composition, la texture.

Analysons ces différents éléments.

Placée dans l’axe du regard, la voiture est la véritable star de cette publicité. 206_ai_lancia_3.1288152414.jpgLa forme arrondie du modèle, ses courbes très féminines, et sa ligne profilée attirent immédiatement le regard.

D’autant que la Musa est le seul point de couleur (avec le logo). Et encore, une couleur rose nacrée qui fait songer subtilement au maquillage. Autour de la voiture, une série de photographies suggère implicitement l’univers artistique et intimiste du noir et blanc. Au niveau symbolique des codes 206_ai_lancia_4.1288152720.jpgchromatiques, ce choix du noir et blanc est important. Du point de vue photographique par exemple, le noir et blanc permet de mettre en valeur le corps et de mieux opposer  les courbes, les formes au mystère et à la sensualité des ombres.

Dans un magazine saturé de couleurs, le noir et blanc évoque par ailleurs de manière subjective la photographie d’art ou les books de mode où  la sensualité est suggérée certes, mais de manière métaphorique, élégante :  le noir pour son aspect chic, racé, maîtrisé, graphique, et le blanc pour sa dimension pure, optique, aérienne. Cette touche classique confère à la voiture une dimension élégante et intemporelle qui la fait échapper aux standards habituels des Monospaces : familiaux et grand public. L’argumentaire confirme d’ailleurs cette impression puisqu’il précise que cette voiture « est destinée à toutes celles et tous ceux qui ne se retrouvent pas dans l’automobile de tout le monde ».

Juste en-dessous de la voiture, 206_ai_lancia_5.1288153329.jpgle produit est mis en valeur par une police de caractères dont la dimension ornementale (les courbes, la féminité et la rotondité) est comme un gage d’esthétisme, d’élégance, de séduction mais aussi de protection et de sécurité. Le slogan « Lancia invente la beauté spacieuse » est presque redondant ici puisque avant d’en avoir pris connaissance, le lecteur a déjà été influencé par les différents messages iconiques qui l’ont préparé à accepter et à intégrer mentalement le slogan. Cette technique crée ainsi chez l’individu de larges capacités cognitives, influençant le codage du produit (féminin et haut de gamme) et facilitant la mémorisation par la redondance des signifiants. 

La stratégie argumentative : de la valeur de la voiture à la voiture, symbole de valeur

La stratégie argumentative suit ici trois étapes :

L’étape cognitive est essentielle. C’est elle qui permet d’abord la reconnaissance par le consommateur du produit, puis son apprentissage. Le cadrage est donc très important : c’est la distance entre le sujet (ou l’objet) photographié et l’objectif : il correspond à la taille de l’image (proche ou distante). Ici, en plaçant le visage dans l’axe du regard, les publicitaires facilitent l’identification puisque le regard du lecteur converge vers le centre. On peut remarquer également que la voiture est photographiée en légère plongée : on croit qu’on peut la toucher (absence de distanciation), ce qui accentue sa maniabilité.

L’étape affective vient ensuite : elle consiste à éveiller l’intérêt du consommateur potentiel. Le rose nacré de la voiture ainsi que ses formes rondes la féminisent et l’adoucissent. De même, les photos de mode servent à ancrer le produit dans une dimension affective : projective et identificatoire. La lectrice de Elle se projette ainsi dans un univers référentiel suscitant des sentiments, évoquant des normes collectives ainsi que des stéréotypes culturels mis en scène par les différentes photos qui confèrent de 206_ai_lancia_musa_cb_eyes.1288338118.jpgla crédibilité à la voiture, puisque celle-ci est en quelque sorte « mise en scène » dans des scénarios familiers à forte valeur sociale ajoutée.

Enfin, la photographie du visage de Carla Bruni est évidemment fondamentale puisqu’elle prépare l’étape conative (agir sur le récepteur) qui est celle de l’argumentaire, et qui doit pousser le consommateur à acheter le produit : le regard que Carla Bruni pose sur nous n’est pas neutre. Il attire immédiatement notre attention, et semble en effet nous interpeller, et attendre de la part du lecteur une réponse :

  1. c’est l’aspect cognitif c’est-à-dire les fonctions de l’esprit (perception, mémoire, raisonnement, décision), qui est sollicité ici, et qui doit amener le consommateur à choisir la voiture.

  2. Comme nous l’avons vu, on entre alors dans une deuxième phase qui est celle de l’aspect affectif : celui d’une « muse » qui a non seulement inspiré les créateurs de la voiture mais qui doit aussi nous inspirer le désir d’acheter le produit.

  3. On passe ainsi de l’aspect affectif à l’aspect conatif (pousser à une décision qui est celle de l’acte d’achat).

On comprend mieux maintenant le rôle des petites photographies disposées tout autour du portrait : non seulement, elles permettent de retenir l’attention du lecteur en l’intéressant mais elles transforment la valeur marchande du produit en valeur symbolique, autrement dit en système de valeurs : la voiture est implicitement présentée comme adhésion à un style de vie : la valeur de la voiture (son prix) est ainsi transformée en symbole de valeur : celui d’un groupe social, les « bobos » (bourgeois-bohême), adeptes d’un certain style de vie : citadin et branché, et qui entendent se démarquer des autres en affirmant leur différence et leur appartenance à une classe sociale supérieure (cf. l’argumentaire qui parle d’une voiture « destinée à toutes celles et tous ceux qui ne se retrouvent pas dans l’automobile de tout le monde »).

La voiture devient donc en quelque sorte la représentation d’un discours implicite abstrait, qui renvoie à un « au-delà » de l’image, et qui se situe davantage sur un terrain social : amener le consommateur à faire siennes les valeurs mises en place dans l’annonce. Pour le futur acheteur, l’objet de sa quête n’est plus seulement la voiture mais des valeurs socialement glorifiantes, pour autant qu’on fasse partie du public cible : ceux qui peuvent s’acheter cette voiture. Enfin, nous pouvons remarquer que la voiture n’est pas seulement présentée en fonction de son utilité objective mais plutôt selon une visée subjective qui joue davantage sur la sensibilité et l’affectif : on pourrait parler ici de la « composante évaluative » du produit, c’est-à-dire notre perception sociale de la voiture, et de celle ou celui qui la possède.

Comme nous l’avons vu, une série de points d’ancrage caractéristiques de la construction séquentielle permet de faciliter la mémorisation des signifiants et de leur associer des signifiés socioculturels, autrement dit des stéréotypes liés à des normes de pensée, de langage et de comportement qu’il faut mettre en relation avec la signification sociale et symbolique du produit : une voiture représentative d’une certaine catégorie socioprofessionnelle (milieux aisés, cadres supérieurs ou exerçant des professions libérales, ayant fait des études supérieures et habitant en milieu urbain).

Musa : star et muse inspiratrice…

« Musa ». Le mot évoque spontanément l’art et l’imagination créatrice. On pense au mot « muse », symbole de la transcendance et de l’inspiration, à la « musique » enchanteresse, à « l’amusement ». Autant de valeurs ajoutées dans un magazine (Elle) qui valorise à la fois l’image éternelle et idéalisée de la femme et sa vision émancipatoire à travers le divertissement ou l’humour. De même, sur le plan phonétique, les mots « nouvelle » et « Musa » connotent une certaine douceur. Le « l » dans le mot « nouvelle » est une consonne mouillée, liquide, très sensuelle à prononcer.

Par ailleurs, le mot « Musa » sur le plan consonantique amène à une sorte de vibrato (le « z » de « musa ») féminisé d’autant plus qu’il se termine par le son « a » qui est la marque du féminin. On pourrait également suggérer, en se réappropriant les propos de Roland Barthes sur les connotations de la publicité Panzani, une certaine « italianité » dans le mot « Musa » qui évoque inconsciemment le nom « Carla » (Bruni). Par leur contenu émotionnel, ces sonorités très fluides auréolent ainsi la voiture d’un certain style : une ambiance poétique et festive, une atmosphère consensuelle de bien-être et de savoir-vivre qui ne heurte pas les sens.

Les stéréotypes de la femme contemporaine

Si vous regardez attentivement les photographies, vous verrez en outre qu’elles aident le lecteur, par le jeu des évocations imaginaires, à construire un véritable scénario fantasmatique : tantôt la femme seule, dans l’introspection et la recherche de soi, tantôt la femme qui s’apprête à sortir le soir, se maquille, ou encore celle qui revendique un haut degré de sociabilité, qui sourit, rayonnante, sous les feux de la rampe. Or c’est toujours la même femme qui est représentée. Toutes ces photos sont autant de facettes différentes d’une même personne : celle d’une femme émancipée et indépendante qui gère sa vie elle-même. Tous les stéréotypes de la femme contemporaine sont donc ici réunis. Cette polysémie est essentielle dans la mesure où elle correspond à l’image véhiculée de la femme moderne dans les médias féminins.

On pourrait également faire remarquer que les différentes photos de Carla Bruni font appel à plusieurs sens : 206_ai_lancia_6.1288154347.jpgessentiellement la vue, l’odorat et le toucher 206_ai_lancia_7.1288154480.jpgsuggérant une sorte de communion avec la nature et l’environnement. L’automobile devient en quelque sorte un accessoire de mode, indispensable à la femme, comme un parfum, ou un bijoux, mais indissociable d’une beauté intérieure, voire spirituelle, suggérée par les positions du visage. Enfin, les vêtements, volontairement 206_ai_lancia_8.1288176144.jpglégers et aériens renforcent aussi l’idée d’une femme hautement polysémique, à la fois romantique et active, rêveuse et sophistiquée, ouverte à la rencontre mais autonome et indépendante financièrement.

Un slogan original

Avant de conclure, revenons un instant au slogan : l’expression de « beauté spacieuse » a de quoi surprendre. La beauté en effet est souvent associée à l’idée de minceur. 206_ai_lancia_9.1288163766.jpgLe fait que le top modèle Carla Bruni ait été choisi pourrait même renforcer cette association. Pourtant ici, l’adjectif « spacieuse » est associé au terme « beauté » : c’est presque un oxymore allant à l’encontre de la représentation de la voiture « féminine » : essentiellement « mini » ! Plus fondamentalement, on peut voir ici un changement très net dans les représentations. À la différence des publicités habituelles pour l’automobile mettant en valeur l’aspect sexuel du corps des femmes, c’est au contraire une vision à la fois intimiste et charismatique qui est présentée.

Alors qu’en matière de publicité automobile, la femme est souvent réduite à un état d’infantilisation —la présentation des femmes comme des êtres puérils et coquets, ou passifs et vulnérables, contrairement aux hommes, qui sont généralement présentés comme des êtres forts, sérieux et sûrs d’eux— ici Carla Bruni est le symbole de la femme moderne, émancipée, prescriptrice d’opinion. Sa notoriété sert non seulement à relier les autres femmes à un environnement sociétal en pleine mutation, mais elle bouleverse la construction identitaire de la femme elle-même dans sa représentation de la voiture.

Pour beaucoup de femmes en effet, l’automobile est associée au minimalisme, pouvant accueillir aussi bien les courses que les enfants. Or c’est cette vision inspirée d’une époque où la femme n’avait pas revendiqué son autonomie consumériste, qui est dépassée ici. La Musa est présentée en effet comme un objet de désir apte à séduire la femme elle-même de manière intrinsèque, sans se soucier du rôle prescripteur que pourrait avoir un homme.

Il s’agit donc d’une rupture sociologique profonde amenant à penser différemment le féminin. Dépassant une série de fantasmes sexistes bien identifiés chez les conducteurs masculins se caractérisant par une certaine dévalorisation de la femme (la femme « maman », la femme « fatale », attentionnée ou soumise, tantôt femme jouet, idiote, ou dominatrice, etc.), les publicitaires, tout en partant d’un stéréotype fortement ancré dans l’inconscient collectif (la relation femme-voiture), le réinterprètent dans une trame dramaturgique tendant à l’éviction des hommes dans le processus d’achat d’une voiture chez la femme.

N’oublions pas en effet que les femmes sont devenues une cible à part entière pour les marques automobiles. On peut y voir l’affirmation d’un consumérisme typiquement féminin, décomplexé socialement, et pleinement revendiqué.

              

Analyse de publicité : Vera Wang, « Princess »

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Le contexte

Ce n’est pas un hasard si cette publicité est parue dans des magazines pour jeunes lectrices. Public cible : les 15-25 ans, un lectorat très courtisé par les annonceurs. Publiée en page de droite sur un papier semi-glacé, cette publicité a de quoi attirer les jeunes filles 206_ai_verawang_3.1288156663.jpg(la cible visée). Le slogan « Born to Rule » (Née pour régner) évoque irrésistiblement le désir de conquête et de séduction propre à l’adolescence et à la jeunesse. Le fait que le mannequin (Camilla Belle) porte une couronne accentue d’ailleurs cette impression de séduction et de pouvoir. On notera aussi le plan assez rapproché, qui accentue l’intimité (on a d’autant plus l’impression de sentir le parfum que le haut du buste est dénudé), ainsi que le regard focalisé sur celui du lecteur, comme pour le provoquer et l’interpeller. Comme il a été très justement montré, le regard est important dans ce type de publicité car il « introduit une perspective, une atmosphère voluptueuse, une profondeur, et le plus souvent une participation du toucher qui individualise le sensoriel, qui aussi introduit la sensualité, le plaisir. Dès lors, le spectateur entre dans le parfum, s’identifie à lui et ressent l’appel d’une aura parfumée, sensuelle, sans limite qui viendrait dilater son image » (¹).

Regardez également les cœurs ! Il y en a de partout : le collier, le pendentif, la bague, et bien sûr le produit lui-même ainsi que les traits qui encadrent le flacon. Avez-vous remarqué qu’on a l’impression que le slogan et le cœur autour du flacon ont été dessinés par une ado avec son « Blanco »? Petit détail certes mais qui a son importance : n’oublions pas que le correcteur blanc, en tant que substance volatile, est souvent interdit à l’école dans les listes de fournitures : il y a comme un parfum de transgression ici qui renvoie à la relation affective entre le jeune et l’adulte. C’est donc avant tout le « style jeune » et le stéréotype romantique qui sont valorisés.

Une coiffure « dans le vent »…

Les cheveux volontairement décoiffés sont à l’opposé de l’ordre et des normes, ils sont dans le « move » et non dans le statique : 206_ai_verawang_4.1288157179.jpgle mouvement évoque l’ailleurs, le voyage, la fuite… mais aussi « les élans incontrôlés et passionnés du comportement romanesque » (²). La marque du parfum (Vera Wang) traduit enfin une double connotation : « Vera » est comme une idéalisation de l’authentique, du « pacte » amoureux et sacré (« à la vie, à la mort », « croix de bois », etc.) une recherche émancipatoire du vrai, et le mot « Wang » par sa prononciation très douce et sa connotation exotique traduit bien l’idéalisation des tiédeurs de l’Asie pour une jeune fille occidentale qui s’ennuie sur les bancs du lycée ou de la fac et qui rêve de romanesque et d’aventure dans un cadre idyllique. Le parfum conjugue ainsi la volonté de trouver dans une nature fusionnelle et authentique (« Vera ») et dans le voyage vers l’ailleurs (« Wang ») une réponse à un certain vide existentiel.

Les couleurs sont également caractéristiques. De fait, la couleur et l’éclairage ont sur le spectateur un effet psychologique indéniable. Leur interprétation est essentiellement culturelle. Ici, les couleurs sont dites « chaudes » : elles évoquent l’été, les vacances, et au niveau plus symbolique la douceur et la rencontre amoureuse… Bref, toute une symbolique sentimentale. À ce titre, l’attitude très étudiée de la main droite est intéressante à observer. D’abord, le bras levé attire vers le regard, 206_ai_vera-wang_princess_main.1288516683.jpget la main qui soulève le collier est comme une sorte de dévoilement pudique, d’offrande de soi suggérée métaphoriquement d’une part, par le collier de cœurs qui frôle la bouche (à peine entr’ouverte) et d’autre part, par la bague portée à l’annulaire.

Symboliquement la bague à l’annulaire évoque le pacte, l’alliance et par association le mariage. Ici on en est à la rencontre amoureuse, et au fantasme de beaucoup d’adolescentes ou de jeunes filles d’être (enfin!) reconnues comme une « femme ». Mais comme le suggère la pose de la main et le geste très juvénile de la jeune fille, la séduction reste « évanescente » : fantasmée et idéalisée. Ce n’est pas un hasard si les ongles sont courts et à peine nacrés. On est bien dans la sensualité nubile et non dans le mythe de la femme fatale ! Princesse Oui ! Tigresse Non !

Une réécriture des contes de fée

Cette fonction émotive de la publicité est en effet véhiculée par un mot clé du titre : « Princess ». Le mot possède un pouvoir symbolique fort qui se rapporte aux codes symboliques du merveilleux et de l’expression des sentiments : il renvoie à l’univers utopique des contes et au fantasme du prince charmant venu délivrer sa princesse. Cette publicité se fonde donc sur une réécriture du mythe : il ne reste plus qu’au prince charmant potentiel, par la magie d’un baiser (potentiel), à réveiller la princesse endormie qui sommeille dans le cœur de chaque jeune fille. Une remarque s’impose ici quant aux notes dominantes du parfum Princess de Vera Wang et que la marque présente ainsi : « nénuphar, pomme d’api, mandarine, abricot, meringue, goyave, fleur de tiaré, tubéreuse, chocolat noir, beurre rose, vanille, ambre, bois ». Tous ces mots évoquent aussi bien l’univers préservé de l’enfance qui invite à la gourmandise (« pomme d’api, abricot, meringue, chocolat noir, beurre rose ») que le mystère, le romanesque, l’aventure et la transgression d’un interdit (« nénuphar, fleur de tiaré, tubéreuse, ambre, bois »).

De plus, au niveau de la symbolique des couleurs, le mauve du flacon de parfum suggère le mystère. Né de la fusion du rouge (l’amour passion) et du bleu (le rêve et la nuit), le mauve est une couleur plus évanescente et implicite, qui connote le secret, le non-dit, la mélancolie et la recherche d’idéal : De même, la forme du flacon en cœur, évoque la personnalité du parfum : il en constitue l’identification visuelle. La figure du cœur est en effet très suggestive de par sa connotation sensuelle, qui reste essentiellement affective, émotionnelle, pulsionnelle. Elle suggère un « plaisir interdit », ici une relation « tactile » qui accentue la sensualité et le désir de rapprochement : on a envie de « toucher » ce cœur. Autant d’éléments caractéristiques d’une certaine « culture-jeune », sensible au stéréotype romantique et aux clichés sentimentaux d’une jeune femme aspirant à séduire. 

De par sa puissance projective, ce type de publicité permet donc d’influencer l’inconscient et les stéréotypes de séduction. Comme nous le voyons, du conte de fée à la publicité, il n’y a qu’un pas : le mythe de la princesse passe aussi par le parfum ! Cette publicité constitue presque une initiation à la séduction : c’est un peu comme si l’acheteuse potentielle 206_ai_verawang_6.1288159930.jpgs’imaginait sous les traits d’une belle jeune fille (la princesse) dans l’attente d’un beau jeune homme (le prince rêvé) qui, un jour, viendrait la prendre dans ses bras et la « délivrer » de l’autorité parentale ! La transmission visuelle des sensations et de l’émoi provoqués par le parfum (et la possible rencontre amoureuse) est suggérée indirectement par certains éléments : ainsi les couleurs qui sont celles d’une chaleur d’été, les cheveux éparpillés, la couronne déplacée… Ces signes peuvent être compris comme des indices d’un enlacement voluptueux, et mettent en évidence, sous forme de métaphore visuelle l’aspect « performant » d’un parfum qui se veut authentique et sensuel.

Le flacon joue presque ici le rôle d’un filtre amoureux : les gouttes de parfum symbolisant de façon plus symbolique le passage de l’innocence (adolescence) à la révélation amoureuse (la « première fois ») et à l’ancrage identitaire (l’affirmation de soi en tant que « femme »). Socialement, la seule façon d’accéder au statut d’adulte et de devenir femme passe donc par le parfum qui joue un rôle à la fois émancipatoire et intégrateur. Cette approche psychologique du consommateur accorde donc une large place à la connotation et à la « métaphore visuelle » : l’image suggère plus qu’elle n’explique, elle fait davantage appel aux sens qu’au rationnel. Sur le plan projectif, on peut estimer avec la psychanalyste Gisèle Harrus-Révidi (³) qu’en se juxtaposant à la personnalité de celle qui le porte, le parfum lui assure une identité physique et une présence incontestables : un parfum « qui a du corps » donne souvent un corps rêvé, idéalisé et fantasmé à celle qui ne revendique pas encore complètement son propre corps !

 

(1) Hélène Faivre, Odorat et humanité en crise à l’heure du déodorant parfumé. Pour une reconnaissance de l’intelligence du sentir. L’Harmattan, Paris 2001, page 90.
(2) Mariette Julien, L’Image publicitaire des parfums : communication olfactive. L’Harmattan, Paris 1997, page 45.
(3) Voir en particulier cette page.
Bruno Rigolt

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Crédits
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), février 2008, octobre 2010