Pour la deuxième année consécutive, du mardi 22 juillet 2014 au vendredi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite :
« Un été en poésie »…
Chaque jour, un poème sera publié. Cette année, quinze pays seront représentés dans ce tour du monde poétique, mêlant écriture et arts visuels. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Jorge Luis Borges ♂
Buenos Aires (Argentine), 1899 — Genève (Suisse) 1986… ARGENTINE
Hier, samedi 9 août : Andrée Chédid… FRANCE
Demain, lundi 11 août : Maria Luisa Spaziani… ITALIE
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Jactancia de quietud
Escrituras de luz embisten la sombra, más prodigiosas que meteoros.
La alta ciudad inconocible arrecia sobre el campo.
Seguro de mi vida y de mi muerte, miro los ambiciosos y quisiera entenderlos.
Su día es ávido como el lazo en el aire.
Su noche es tregua de la ira en el hierro, pronto en acometer.
Hablan de humanidad.
Mi humanidad está en sentir que somos voces de una misma penuria.
Hablan de patria.
Mi patria es un latido de guitarra, unos retratos y una vieja espada, la oración evidente del sauzal en los atardeceres. El tiempo está viviéndome.
Más silencioso que mi sombra, cruzo el tropel de su levantada codicia.
Ellos son imprescindibles, únicos, merecedores del mañana.
Mi nombre es alguien y cualquiera.
Paso con lentitud, como quien viene de tan lejos que no espera llegar.
Jorge Luis Borges (1899-1986)
Luna de enfrente, 1925
Jactance de quiétude
Des écritures lumineuses assaillent l’ombre, plus prodigieuses que des météores.
La haute ville inconnaissable s’abat de plus en plus dru sur la campagne.
Sûr de ma vie et de ma mort, je regarde les ambitieux et je voudrais les comprendre.
Leur journée est avide comme le vol d’un lasso.
Leur nuit n’est que la trêve de la colère dans le fer prompt à l’attaque.
Ils parlent d’humanité.
Mon humanité, c’est de sentir que nous sommes les voix d’une même misère.
Ils parlent de patrie.
Ma patrie est un battement de guitare, quelques portraits et une vieille épée, l’évidente oraison de la saulaie dans les soirs.
Le temps est la matière de ma vie.
Plus silencieux que mon ombre, je croise le troupeau de leur haute convoitise.
Ils sont obligatoires, uniques, ils méritent l’avenir.
Mon nom est quelqu’un et n’importe qui.
Je passe lentement, comme celui qui vient de si loin qu’il n’espère plus arriver.
Jorge Luis Borges (1899-1986)
Traduit de l’espagnol par Nestor Ibarra
Lune d’en face in Œuvre poétique : 1925-1965
Paris Gallimard, coll. “Poésie” 1970, page 42
« Des écritures lumineuses assaillent l’ombre, plus prodigieuses que des météores… »
Illustration : Nicolas de Staël (1914-1955)
« La Rote d’Uzès » (huile sur toile), 1954
Collection particulière
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