La classe de Première S2 du Lycée en Forêt est fière de vous présenter une exposition exceptionnelle : “Dis-moi un Po-aime“… Chaque jour, un(e) élève vous invitera à partager l’une de ses créations poétiques… Bonne lecture !
Textes déjà publiés : Auréline G. “Je me souviens” ; Sybille M. “Une forêt de béton” ; Oscar P. “D’ailleurs” ; Manon B. “Peine naturelle” ; Alexia D. “Énigmatique forêt” ; Charlotte L. et Clémentine L. “L’Isula di Capezza” ; Slimane H.-M. “Le Royaume” ; Camille V. “Voyage mélancolique” ; Héla G. “Noël robotique” ; Arthur M. “La lune tombe” ; Manon B. “Compagne impromptue“… ; Louis A. “Arpège” ; Sybille M. “Sur les chemins des hauteurs“…
Hier, lundi 31 mars, Sybille M.
Aujourd’hui, premier avril, la contribution de Pierre et Victor
Demain, mercredi 2 avril : Camille B.
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« Exercice d’approfondissement »
par Pierre L.-P. et Victor B.
Classe de Première S2
Un nuage étoilé a fourni 100 nombres au hasard
Compris entre l’infini et la destinée.
Ils peuvent être considérés comme absurdement réels
Ou réellement absurdes.
Cet échantillon est issu équitablement
entre un enfer paradisiaque et un ciel funèbre
que ce nuage ténébreux peut dévoiler
aléatoirement.
On se demande quelle moyenne pourrait naître
d’un échantillon si antithétique.
Et pourquoi pas une valeur simplement mathématique ?
Vérifiez, examinez, étalonnez
cette prévision pour une série de réels.
Vous vous rapprocherez de la vérité suprême.
Cet exercice est profondément exigu
tandis que l’univers est démesurément grand.
Cela dit, les deux méritent un possible approfondissement.
« Cet exercice est profondément exigu
tandis que l’univers est démesurément grand… »
Le point de vue des auteurs…
Ce poème nous a été inspiré par un livre de Mathématiques. Le titre, resté inchangé, prend en revanche dans le cadre du poème, une profonde valeur symbolique : les Mathématiques ne sont-elles pas, comme il a été suggéré, “des métaphores destinées à éveiller en nous l’intelligence du monde qui nous entoure ?”¹ Le but de ce poème est donc d’approfondir, mais cette fois-ci il s’agit d’approfondir la notion de vérité, ou plutôt notre perception de la vérité : quel type de vérité faut-il appliquer aux énoncés mathématiques ?
Tel a donc été le point de départ de notre méditation poétique : si le réalisme s’accorde à donner une valeur de vérité à tout énoncé mathématique objectif et correctement formulé, qu’en est-il de l’univers et des essences qui le composent ? Face au monde objectif, l’univers, loin d’être absolu, relève d’une cosmologie relativiste : voici pourquoi le champ lexical de l’univers est si présent dans ce poème : “nuage”, “étoilé”, “ciel”. Plus que de dépayser le lecteur et le placer dans un cadre partiellement connu, ces termes amènent à une réflexion épistémologique sur la place de l’homme au sein de cet univers.
Réflexion épistémologique mais aussi humaniste : en cherchant à promouvoir la liberté et la dignité de l’homme, l’Humanisme nous rappelle qu’il n’est de science que dans la connaissance qui est, pour reprendre le titre de notre poème, un “exercice d’approfondissement” de la conscience. Et cet exercice passe par l’exercice par l’homme de sa liberté. Premièrement, la liberté du rêve : les adjectifs “paradisiaques” et “étoilé” postulent que la liberté vient peut-être d’au-delà des étoiles : comme la cité idéale de la Renaissance qui se voulait une image du cosmos et le reflet de son harmonie, le rêve invite à la liberté.
Liberté des grands infinis cosmiques, mais aussi libre-arbitre qui est la question fondamentale de l’homme face à son destin :
Un nuage étoilé a fourni 100 nombres au hasard
Compris entre l’infini et la destinée.
Pour finir, la liberté de l’inexprimable, de l’indicible domine dans le texte avec l’omniprésence des jeux d’antithèses (parallèle antithétique, chiasme, oxymore) : “absurdement réels ou réellement absurdes”, “enfer paradisiaque”, “ciel funèbre” ou encore “nuage ténébreux”. Notre but était ainsi de plonger le lecteur dans l’imaginaire des symboles qui peuvent être perçus différemment selon la sensibilité et le caractère de chacun. Plus fondamentalement, nous avons souhaité amener à une réflexion sur l’imaginaire. De fait, ce poème ne possède pas “une” mais “plusieurs” connotations que chacun sera libre d’imaginer.
Le lecteur doit donc faire une croix sur le monde réel et sur ce qui en découle l’espace d’un instant et se laisser guider par ses sensations et ses impressions. Cette quête amène à s’interroger sur l’imaginaire en Mathématiques : où mène cet exercice d’approfondissement ?
Vérifiez, examinez, étalonnez
cette prévision pour une série de réels.
Vous vous rapprocherez de la vérité suprême.
Mais la vérité est-elle certaine, absolue, prévisible et prédictible ? La vérité mathématique ne mérite-t-elle pas davantage un “possible approfondissement” ? Tel est le sens qu’il convient d’attribuer à la fin du texte :
Cet exercice est profondément exigu
tandis que l’univers est démesurément grand.
Cela dit, les deux méritent un possible approfondissement.
Comme le lecteur le comprend, notre poème est au service d’une grande réflexion métaphysique sur le hasard. De fait, il semblerait que ce dernier ne se réduise pas simplement à un échantillon de nombres…
© Pierre L.-P. et Victor B., classe de Première S2 (promotion 2013-2014), avril 2014.
Bruno Rigolt/Espace Pédagogique Contributif
1. Claude Paul Bruter, Comprendre les Mathématiques, Paris, Éditions Odile Jacob 1996, page 285.
Hélène Devissaguet : “Philosophie et mathématiques”
Lycée International de Sèvres (15 octobre 2009)
En complément de votre lecture du poème, je vous conseille d’écouter cette passionnante conférence d’Hélène Devissaguet qui aborde les questionnements suivants : Philosophie et Mathématiques peuvent-elles nous faire appréhender le réel ? La Certitude et la Vérité en Mathématiques…
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