I) Les ports industriels sont des lieux qui attirent
a) Ils inspirent la création artistique
b) Même les ports les moins attrayants sont fascinants II) Les ports sont une invitation au voyage
a) Ce sont des espaces à la fois clos et ouverts
b) Ils donnent envie de s’évader et de tout quitter III) Les ports invitent à un déchiffrement symbolique
a) Il y a une forte dimension spirituelle dans les ports
b) Port et ressourcement personnel : le voyage comme révélation à soi-même.
____Terres d’accueil ou lieux d’embarquement vers des destinations lointaines, les ports ont toujours suscité l’envie de voyager. Telle est l’inspiration de ce dossier composé de quatre documents parus entre la fin du XIXème siècle et nos jours. ____Le premier document est un tableau célèbre de Claude Monet intitulé « Impressions, soleil levant » (1872). Par son travail sur les couleurs et les effets de lumière, le peintre nous fait imaginer le port industriel du Havre, un matin d’hiver. Largement dominé par l’idéalisation du réel, le document 2 est un poème intitulé « Le port de Palerme » publié en 1913 par Anna de Noailles dans le recueil Les Vivants et les morts. Quant au document 3, il reprend de larges extraits d’un article de fond, « Le port, un seuil pour l’imaginaire : la perception des espaces portuaires » publié en 1992 dans le n°55-56 des Annales de la recherche urbaine. L’architecte Aude Mathé réfléchit en particulier aux interactions entre le port, la ville et la mer et la perception des espaces portuaires par les artistes. Le dernier document est extrait d’un récit de voyage intitulé Le Goût du large (2016). Le journaliste Nicolas Delesalle y relate son voyage d’Anvers à Istanbul à bord d’un cargo porte-conteneurs. Le passage présenté décrit les sensations éprouvées au moment où le navire quitte le port d’Anvers. ____Nous étudierons à travers ces documents la fascination qu’exercent les ports industriels : non seulement ce sont des lieux qui attirent et inspirent la création artistique, mais ils sont également une invitation au voyage. Nous terminerons notre étude en montrant que le port, tel qu’il est perçu par les auteurs de ce corpus, devient matière à déchiffrement symbolique.
____En premier lieu, il ressort de ce corpus que le thème du port, particulièrement à partir de la Révolution industrielle, a constitué une puissante source d’attraction, notamment chez les artistes. ____Comme le note Aude Mathé, la peinture et la poésie nous rendent sensibles à ce qui, d’ordinaire, nous laisse indifférents : de fait, tous les ports évoqués dans ce dossier sont des lieux industriels. Ainsi, la célèbre toile de Claude Monet, « Impression, soleil levant » nous décrit le paysage portuaire du Havre. Représentation artistique d’un monde bouleversé par la société industrielle, le tableau met l’accent sur la face laborieuse du Havre : les grues, les docks et les cheminées d’usines. Cette impression se retrouve également dans le poème d’Anna de Noailles : femme de la haute aristocratie, l’autrice s’attache pourtant à retranscrire l’atmosphère populaire et industrieuse du port de Palerme. Comme dans le tableau de Monet, ce parti-pris très réaliste et assez inhabituel en poésie s’oppose aux stéréotypes de l’art qui utilise généralement un cadre plus idyllique. ____De plus, même les ports les plus inhospitaliers deviennent attirants car ils font surgir une multitude d’émotions et de sentiments. Anna de Noailles se plaît à décrire le vieux port « goudronné » dans toute sa pauvreté : l’autrice évoque ainsi son attirance pour la « rade noire et sa pauvre marine ». De même, Nicolas Delesalle décrit son départ du port d’Anvers à bord d’un cargo, loin du confort des croisières : au contraire, le journaliste ancre sa description dans une topographie maritime et portuaire, comme pour mieux percevoir des sensations nouvelles : les nombreux effets de réel renforcent le sentiment de dépaysement qui assaille le journaliste. Comme le fait remarquer Aude Mathé, si les ports attirent tant, c’est qu’ils parlent aux sens et à l’imaginaire. Nous retrouvons tout à fait cette impression dans le poème d’Anna de Noailles ou dans le tableau de Claude Monet qui fait surgir, au-delà du ciel pollué par l’activité industrielle et par la marine marchande, un lieu qui semble sortir de la réalité : les lignes de fuite du tableau nous plongent en effet en pleine rêverie.
____Le deuxième aspect qui ressort de ce corpus est que les ports sont une invitation au voyage. ____Selon Aude Mathé, le port a la particularité d’être un lieu d’échange entre ville et mer, espace à la fois clos et ouvert sur l’infini, protecteur et propice au dépaysement. Selon l’autrice, c’est ce mélange de clôture et d’expansion qui fait toute la valeur symbolique du port. Le tableau de Monet illustre parfaitement cette analyse : le peintre a accentué la vue sur le bassin du port du Havre, mais en même temps par touches impressionnistes, il nous invite au dépaysement : toute la toile baigne en effet dans une douce harmonie où se mêlent le gris-bleuté, l’oranger, le rose pâle créant un monde apaisé, propice à l’évasion. Pareillement, si à première vue le poème d’Anna de Noailles est une sorte de carte postale pittoresque centrée sur les activités manufacturières et marchandes quotidiennes, progressivement, le texte nous invite vers un au-delà de la réalité concrète : le réalisme laisse place au thème du voyage. Il n’est guère étonnant également que tous les termes techniques qui jalonnent le récit de Nicolas Delesalle nous fassent progressivement basculer du côté du dépaysement et de l’ailleurs. ____Comme le montre très bien le dossier, la particularité du port, c’est qu’il est en soi déjà voyage : sorte de passeport pour le rêve, le port donne envie de tout quitter sans forcément bouger. Ce paradoxe est longuement analysé par Aude Mathé : selon elle, on peut s’évader en imagination rien qu’en regardant les activités portuaires ou en admirant les bateaux dont les noms évoquent des destinations lointaines. Cette impression se retrouve dans le poème d’Anna de Noailles qui se laisse aller à l’évocation des « vaisseaux délabrés » : c’est en effet à travers leur contemplation que commence l’évasion vers l’imaginaire. Le port apparaît ainsi comme une sorte de voyage immobile. Aude Mathé explique cette attirance des artistes par un besoin d’idéalisation du réel. Qu’il s’agisse du Havre, de Palerme ou d’Anvers, le réel cède sa place à un ailleurs virtuel et fantasmé, porteur de rêves et d’aventure : la description des bateaux, des bâtiments et des quais est comme une invitation au voyage selon un axe allant du concret à l’immatériel.
____Enfin, les ports industriels invitent à un voyage qui est surtout un voyage spirituel. ____Tout d’abord, ainsi que le remarque Aude Mathé à partir d’une citation de Joseph Conrad, le port témoigne d’une forte dimension symbolique qui apparaît comme une métaphore de la quête de la pureté. Prélude à une sorte de ressourcement spirituel, le voyage entrepris par Nicolas Delesalle apparaît ainsi comme une échappatoire au monde consumériste pour rechercher seulement « l’océan, le silence et le vent… l’horizon infini ». Pareillement, il ne faut pas regarder le tableau de Claude Monet comme une simple peinture d’un lieu industriel : toute l’organisation de la toile invite à la transfiguration du réel et l’idéalisation du banal. Cette impression est plus nette encore dans le poème d’Anna de Noailles où de simples citernes deviennent des « citernes du rêve » : par cet oxymore, l’autrice passe de la dimension réaliste à la dimension onirique, sorte d’alchimie poétique qui transfigure l’univers le plus matériel en univers spirituel. ____En outre, tous les textes mettent l’accent sur le voyage comme révélation à soi-même. Aude Mathé note le déchiffrement spirituel qui est à la base de la symbolique portuaire. De même, chez Anna de Noailles, le port invite à une forte dimension de ressourcement intime. Plus qu’un lieu, c’est un moment de départ et d’accomplissement « ineffable » permettant de goûter une plénitude intérieure. La description réaliste du port de Palerme, par une idéalisation et une allégorie du concret, s’est donc transformée peu à peu en un univers imaginaire, qui est celui du rêve, mais plus fondamentalement, en une quête existentielle. Nicolas Delesalle évoque également son besoin de renaissance à travers une expression frappante : « je vais bientôt naître à la mer », qui signifie tout à la fois le ressourcement spirituel et la célébration d’une quête du sens. La description du port s’élargit ainsi à la construction d’un paysage métaphysique qui doit amener à une nouvelle naissance grâce à la mer.
____Pour conclure, le corpus que nous avons synthétisé invite à interroger à travers la symbolique du port le sens du voyage dans le monde moderne. Entre réel, imaginaire et symbolique, les ports apparaissent bien comme des lieux de passage de l’espace urbain vers des horizons lointains. En définitive, comme le suggère Aude Mathé, le voyage imaginaire que l’on rêve en regardant les bateaux dans le port ne serait-il pas supérieur au voyage que l’on pourrait faire réellement ?
Entraînement n°3 Thème au programme : Invitation au voyage Sujet complet conforme au BTS
Migrants, exilés, réfugiés : de l’invitation au voyage à l’errance
Bruno Catalano, “Les Voyageurs” (bronze).
Statue exposée en 2013 au port de Marseille.
___Les progrès des modes de locomotion depuis la Révolution industrielle ont mis le voyage à la portée de tous. Les chemins de fer, les grands paquebots, l’aviation ont ainsi entraîné des expériences inédites du voyage. Pourtant, à côté de cette dimension artistique et touristique marquée par le dépaysement et le désir d’aventure, le voyage a pris, particulièrement à partir de la deuxième moitié du XXème siècle, un caractère nouveau.
___Le recours à l’immigration massive, liée aux nécessités du développement économique, l’appel à la main d’œuvre étrangère, la destruction des équilibres traditionnels et la question du droit d’asile entraînent, particulièrement en ce début du XXIème siècle, un nouveau rapport à la frontière et au territoire. Chassés par la tragédie des guerres et de la misère, des milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile entreprennent le voyage vers l’Europe pour obtenir aide et protection.
___Migrations, exils, errances : par leur ampleur et leur durée, ces flux migratoires en provenance du Moyen-Orient et des pays subsahariens bouleversent et inquiètent : les récits de voyage entrepris au XIXème siècle ont laissé place à une réalité dramatique qui fait la Une de l’actualité : tel est l’enjeu de ce corpus, centré sur les rapports entre voyage, immigration et clandestinité ; entre déracinement, nostalgie du pays natal et quête d’un impossible Eldorado…
Activités d’écriture :
♦ Synthèse : Vous réaliserez une synthèse concise, ordonnée et objective des documents suivants :
Fanallanterne, signal. rouge, œil sanglant des gares ;
Entre les ballots mis en tas, Longs hélementsappels d'une voix forte, sanglots, bagarres ; Emigrants, fuyards, apostatsapostat : celui qui trahit une cause, un parti. Ici le mot désigne ceux qui, étant émigrés, semblent avoir renié leur pays d'origine et sont abandonnés de toute part., Sans patrie entre les états ; Rails qui se brouillent et s’égarent.
Buffet : trop cher pour y manger ; Brume sale sur la portière ; Attendre, obéir, se ranger ; Douaniers ; à quoi sert la frontière ? Chaque riche a la terre entière ; Tout misérable est étranger.
Masques salis que les pleurs lavent, Trop las pour être révoltés ; Etirement des faces hâveshâve : amaigri, blafard, maladif et pâle. ; Le travail pèse ; ils sont bâtésbâté : qui porte un bât, c'est-à-dire un dispositif que l'on attache sur le dos de certaines bêtes de somme pour leur faire porter une charge. Ici, les réfugiés sont comparés à des animaux qu'on aurait bâtés. ; Le vent disperse ; ils sont jetés. Ce soir la cendre. À quand les laves ?
Tantôt l’hiver, tantôt l’été ; Froid, soleil, double violence ; L’accablé, l’amer, l’hébété ; Ici plainte et plus loin silence ; Les deux plateaux d’une balance. Et pour fléau la pauvreté.
Express, lourds, sectionnant l’espace, Le fer, le feu, l’eau, les charbons Traînent dans la nuit des wagons Des dormeurs de première classe. Ils bondissent, les vagabonds. Peur, stupeur ; le rapide passe.
Bétail fourbu, corps épuisés, Blocs somnolents que la mort rase, Ils se signent'ils se signent' : ils font le signe de croix., terrorisés. Cri, juron, œil fou qui s’embrase ; Ils redoutent qu’on les écrase, Eux, les éternels écrasés.
Marguerite Yourcenar, 1934. Les Charités d’Alcippe, Gallimard NRF, 1956, 1984.
Document 2 : Laurent Gaudé, Eldorado, 2006.
Laurent Gaudé (né en 1972) raconte dans Eldorado (Prix des lycéens de l’Euregio 2010) l’épopée dramatique de migrants africains épris de paix et de liberté qui rêvent de meilleures conditions de vie en Europe. Dans ce passage, Soleiman et Jamal, deux frères soudanais, font route vers la Libye afin de tenter la traversée pour l’Europe…
[Actes Sud, 2006, “J’ai lu”, p. 88-91. De : “Dans ce paysage que nous ne connaissions pas”, p. 88 à “Elles blessent toutes”, p. 91]
____Dans ce paysage que nous ne connaissions pas, le guide nous mène jusqu’à une route. Une voiture nous y attend. J’aurais voulu qu’elle ne soit pas là. J’aurais voulu qu’il faille marcher pendant des heures, des jours même, pour parvenir à l’atteindre. Mais elle est là.
____Notre guide a salué le conducteur. Mon frère s’approche. Il parle à l’homme. Je n’entends pas ce qu’ils disent mais je vois mon frère sortir de l’argent et le lui tendre. C’est mon passage qu’il paie. Cet argent qu’il donne est celui qui lui manquera pour s’acheter des médicaments. Je voudrais lui crier de reprendre les billets mais je ne le fais pas. Je suis épuisé. C’est comme un peu de sa vie qu’il donne à cet homme. Il se condamne à la douleur pour moi. ·
____Je sais que maintenant les choses vont aller très vite. C’est ce que veut Jamal. Que je sois happé par le rythme du voyage. Le conducteur va vouloir que j monte et il démarrera sans attendre. Je veux un peu de temps. Je repense au thé que nous avons bu chez Fayçal. Je croyais que nous faisions nos adieux à la ville mais Jamal savait, lui, qu’il reviendrait. C’est à moi qu’il disait adieu. Cette tristesse dans ses yeux, c’était celle d’avoir à quitter son frère.
____Notre guide vient me saluer. Il me recommande à Dieu et ajoute, avant de faire trois pas en arrière : « Si tout va bien, tu seras à Al-Zuwarah dans deux jours. » Je regarde mon frère. Je suis perdu. ____— Où est-ce que je vais, Jamal ? ____Je ne sais même pas où je pars. Il voit mon trouble. Alors, encore une fois, il s’approche de moi et m’entoure de son calme. Il m’explique qu’il a payé pour tout, que je n’ai plus à me soucier de rien, simplement me concentrer sur mes forces et aller jusqu’au bout. La voiture m’emmène à Al-Zuwarah, sur la côte libyenne. Elle me déposera dans un appartement où les passeurs viendront me cher¬cher. Je paierai la deuxième moitié à ce moment-là, pour la traversée. Jamal parle lentement. Il a tout calculé. Tout prévu. Il me demande si j’ai bien compris. Je ne parviens pas à penser que je vois mon frère pour la dernière fois. La tête me tourne. J’ai besoin d’appui. […] Je me remplis de lui pour ne jamais oublier le visage qu’il a à cet instant.
____Je monte à l’arrière de la voiture qui démarre d’un coup, Jamal et le guide me font signe, un temps, de la main, puis me tournent le dos et reprennent leur marche en sens inverse. Je suis loin de chez moi. Cette voiture poussiéreuse m’arrache à ma vie. Ce sera ainsi désormais. Je vais devoir faire confiance à des gens que je ne connais pas. Je ne suis plus qu’une ombre. Juste une ombre qui laisse derrière elle un petit filet de poussière.
____Nous roulons sans cesse. De jour comme de nuit. Toujours vers la mer. Je me perds dans des terres que je ne connais pas. J’imagine Jamal en train de faire la route dans l’autre sens. li repasse la frontière, sans joie cette fois, sans embrassade, retrouvant sa vie laide d’autrefois. Comme une bête qui, après s’être échappée, retourne de son propre chef à l’étable.
____Je me suis trompé. Aucune frontière n’est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s’arracher la peau pour quitter son pays. Et qu’il n’y ait ni fils barbelés ni poste frontière n’y change rien. J’ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l’on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes.
[…] Gagner l’Allemagne, c’est le vœu de Tariq. Mais pas seul : il voyage avec son bout de chou de neuf ans, Maher, qui trotte menu derrière lui malgré les dangers, le froid et la précarité. Ensemble, ils ont quitté la Syrie il y a plus de deux mois et ont rallié d’autres réfugiés syriens, migrants clandestins, qui tous veulent rejoindre le nord de l’Europe, par n’importe quel moyen.
Après l’enfer de la guerre, ils sont tombés aux mains de trafiquants sans scrupules qui les ont entassés à fond de cale pour traverser la Méditerranée, ont été secourus par les garde-côtes italiens, placés dans des camps de fortune, puis ils ont repris leur progression obstinée vers le nord, en s’arrêtant à Milan, le passage obligé vers lequel toutes les routes, légales et illégales, convergent. […] Deux ou trois volontaires, selon l’heure, accueillent, conseillent et orientent les exilés syriens. Chaque matin, ils disposent une table à l’entresol du hall central […]. Les Syriens ne manquent pas d’arriver, petit à petit en fin de matinée, pour ce qui est devenu le rendez-vous informel des clandestins. […] Tariq et Samir ont déboursé 6000 dollars chacun pour traverser la Méditerranée. Ils sont désormais à sec. Trois jours plus tôt, ils ont payé 400 dollars la place à un passeur pour qu’il les conduise en voiture jusqu’à Munich. «Tout était réglé, nous devions payer une partie au départ, le solde à l’arrivée.» Les détails sont arrangés par un compatriote syrien, un intermédiaire. Le conducteur, un Égyptien résidant en Allemagne, les pousse dans son minibus. “Après huit heures de route, il nous a débarqués précisant que nous étions à Munich”, raconte Tariq. Ils étaient en fait retournés à la case départ, la gare de Milan.
En plus de Tariq et d’Afran, quatre autres passagers avaient pris place à bord du van. Tous ont été floués. Aucun des pigeons n’osera porter plainte, explique Tariq: “Que dire au commissariat ? Que j’essayais de passer illégalement en Allemagne ? Je dois récupérer mon argent pour continuer le voyage !” Tariq n’a pas perdu espoir, il reste en contact téléphonique avec son voleur qui, jour après jour, lui promet de le rembourser. […] La nuit est tombée depuis longtemps, mais ce n’est encore que le début de la soirée. Pour Tariq, Afran, Samir, Moncef, Abou Leyla et Maher, c’est l’heure du couvre-feu : ils logent dans un centre d’hébergement d’urgence situé en périphérie et doivent rentrer avant 20 heures. Le trajet prend une heure. Dans la zone industrielle où se trouve l’abri, via Corelli, le paysage devient gris et l’éclairage public anémique. Le centre se trouve derrière murs et grillages, en contrebas d’une bretelle d’autoroute. “Il y a une majorité de Syriens», explique le directeur: “Ils se répartissent dans six centres, dont celui-ci. En automne, il y en avait quatre de plus. Les réfugiés ne restent pas longtemps. Ils filent rapidement vers d’autres cieux.»
L’Italie ne figure pas au rang des pays d’accueil que choisissent, quand ils le peuvent, les réfugiés, commente Samir: “Il n’y a rien pour nous ici. Pas de travail, ni de perspectives. Les Italiens ne veulent pas de Syriens chez eux. En revanche, en Allemagne, en Suède et en Norvège, c’est facile d’obtenir un permis de résidence. En Suède, tu reçois même de l’argent.» Abdallah tient cela de contacts, cousins et amis, qui ont fait le voyage avant lui. Il a fait son choix: Stockholm. Est-il sûr de l’accueil qui lui sera réservé ? « Après ce qu’on a traversé, tout semblera doux comme du miel. En plus, j’ai de la famille là-bas. »
Le lendemain, un mercredi, dès le matin les trafics s’organisent à la gare de Milan. A l’entrée, un rabatteur a réuni une demi-douzaine de candidats au voyage, probablement aussi des Syriens. Le Tunisien rencontré la veille apparaît et récolte discrètement des billets de banque, un rendez-vous est pris. Malgré les filouteries, la voiture est réputée plus sûre que le train où les contrôles des douaniers sont de plus en plus stricts.
Le petit groupe de migrants avec quelques sacs pour tout bagage est ramené vers une salle d’attente à l’intérieur. La pièce est chauffée, mais l’odeur d’urine et de relents d’alcool infâme. Une heure d’attente avant qu’un comparse ne rapplique pour prendre en charge la troupe, qui quitte les abords de la gare en faisant de prudents détours puis disparaît dans un immeuble.
Retour à la gare. Tariq, que nous avons quitté la veille, arrive le premier, vers midi. Il a veillé une partie de la nuit, pour imaginer une solution, en vain: il est tributaire d’un virement hypothétique. Samir suit, il veut partir au plus vite, et pourrait avancer une partie de l’argent du voyage à Tariq et à Afran, qui refusent d’abord. Sur les bancs de marbre de l’entresol, la discussion bat son plein. L’impatience et la peur alternent : partir ou attendre encore ? Afran et Tariq penchent pour différer le départ, Samir et Abou Leyla ont tranché, ils partent. Moncef ne sait pas. […]
* Nath Paresh est un dessinateur travaillant pour le quotidien Khaleej Times, publié en anglais à Dubaï et aux Emirats Arabes Unis depuis 2005. Il a également dessiné dans le Herald Tribune en Inde de 1990 à 2005. Il a remporté le prix de l’ONU en 2000 et 2001. Ses dessins sont publiés dans diverses publications internationales à travers le monde : le New York Times, International Herald Tribune (Paris ), Los Angeles Times, World Press Review, The Guardian, Ouest France, Time, Courrier International…
** Traite d’êtres humains. “Reach Europe at a low price” : “Rejoignez l’Europe à faible coût”.
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
Plusieurs textes seront publiés chaque semaine, dans l’Espace Pédagogique Contributif jusqu’au 17 décembre 2022 (dernière livraison).
Découvrez aujourd’hui le poème de Clémence G. (Classe de 1ère G7) Lundi 5 décembre : Manoa T. (Classe de 1ère G7)
Martinique
par Clémence G. Classe de Première G7
De mes doigts de sable, je dessine le calme
De ton paysage mêlé à l’horizon.
Ici, là-bas, les libres frégates flottent dans les nuages.
La clarté du crépuscule jaillit des cieux éblouissants
De tes yeux ; les dernières étincelles de l’étoile enflammée
Ont colorié les nuées. Je viens toucher le soir de mes mains.
Martinique, je ne peux m’empêcher de penser à toi
Ô, éternel paysage des îles comme autant de voyages gravés dans mon cœur
Tous ces instants passés échoués dans le bleu de mes larmes…
« Martinique, je ne peux m’empêcher de penser à toi
Ô, éternel paysage des îles comme autant de voyages gravés dans mon cœur… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
Plusieurs textes seront publiés chaque semaine, dans l’Espace Pédagogique Contributif jusqu’au 17 décembre 2022 (dernière livraison).
Découvrez aujourd’hui le poème de Manoa T. (Classe de 1ère G7) Dimanche 4 décembre : Voldie N. (Classe de 1ère G7)
Mercredi 7 décembre : Clémence G. (Classe de 1ère G7)
Lumière acquise avec le temps
par Manoa T. Classe de Première G7
Un vieil arbre seul, sa face livide voyant le soir
Rêvant des jours glorieux qu’il vivait…
Un vieil arbre seul parmi les graviers et la pierraille,
Ses branches noueuses, les rides de son écorce
Cachant l’âge des mauvaises herbes pures.
Un vieil homme seul, porteur de savoir et d’expérience
Abandonné aux profondeurs du soir…
Un vieil homme seul débordant de la sagesse du temps,
Ses mains noueuses touchant la pierre,
Ses mains qui saignent.
J’avance vers vous, dans la lumière acquise avec le vent
Ma marche sera complète lorsque j’aurai touché vos rides
Elles portent l’histoire du monde, de la Terre et du Ciel !
Et ma jeunesse a fait de vous des génies vivants.
J’avance vers vous dans la lumière acquise avec le temps…
« Un vieil arbre seul, sa face livide voyant le soir
Rêvant des jours glorieux qu’il vivait… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Voldie N. (Classe de 1ère G7) Samedi 3 décembre : Loïs O.-N. (Classe de 1ère STMG3)
Lundi 5 décembre : Manoa T. (Classe de 1ère G7)
Mon chemin c’est la mer
par Voldie N. Classe de Première G7
Quand au matin apparaît l’aube
L’espoir renaît autour du globe
Comme érigé par le vent
Il nous a toujours mené vers l’avant.
J’ai fait le rêve d’un monde meilleur
Où la tristesse tombe
Et se noie au fond des océans
Emportant avec elle nos peines et nos douleurs.
Le vent rude qui souffle sur l’azur
Nous apporte le calme et nous rassure
Souffle et balaie les nuages obscurs
Et ne perdure que la lumière qu’il nous procure.
Non, mon chemin n’est pas un simple chemin
Je m’y dirige comme tirée par la main
Mon chemin c’est la mer
J’aime la mer. La mer comme une mémoire de voyage…
« Mon chemin c’est la mer
J’aime la mer. La mer comme une mémoire de voyage… »
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Découvrez aujourd’hui le poème de Loïs O.-N. (Classe de 1ère STMG3) Vendredi 2 décembre : Enzo R. (Classe de 1ère STMG3)
Dimanche 4 décembre : Voldie N. (Classe de 1ère G7)
Crépuscule
par Loïs O.-N. Classe de Première STMG3
Viennent les ténèbres
Et avec elles, le crépuscule vient
Armé de sa faux, mettre fin à mes jours d’été.
L’astre de ma vie, englouti par l’horizon,
Provoque autour de moi folie et chaos.
Pourquoi le chagrin s’empare-t-il de ceux
Qui voient les dernières lueurs de leur vie
Disparaitre derrière l’horizon infini ?
Ils pleurent, ils hurlent,
Comme des loups à la Lune, leur mort inévitable.
Dans le champ de blé infini de la vie,
Au lieu de courir, de sauter et de rire,
Ils se lamentent sur leur triste existence.
Ainsi, seulement quand la Lune apparait,
Ils trouvent enfin la Paix.
« Viennent les ténèbres
Et avec elles, le crépuscule vient
Armé de sa faux, mettre fin à mes jours d’été… »
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Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
Plusieurs textes seront publiés chaque semaine, dans l’Espace Pédagogique Contributif jusqu’au 17 décembre 2022 (dernière livraison).
Découvrez aujourd’hui le poème d’Enzo R. (Classe de 1ère STMG3) Jeudi 1er décembre : Michelle T. (Classe de 1ère G7)
Samedi 3 décembre : Loïs O.-N. (Classe de 1ère STMG3)
Dans le crépuscule pâle
par Enzo R. Classe de Première STMG3
Sorti de nulle part,
Le bus s’est arrêté comme à chaque disparition de lune
Chose banale
De tous les jours, comme d’habitude
Dans le crépuscule pâle
C’est étrange : silence intérieur, ni mots ni sons,
Seul le bruit des pneus qui crissent sur l’asphalte.
J’ai vu les stations défiler.
Je voulais voir la fin, mais la foule me retenait. (Sont-ils aussi vides que moi ?)
L’habitude est ma muse,
J’ai sorti mon stylo, mais il était comme mon cœur : vide
En un long cauchemar la page reste blanche,
Rien n’est sorti, le stylo était sec,
Comme en un cauchemar la page reste blanche,
J’étais paralysé, les mains gelées dans mes manches…
Le terminus arrive.
« Comme en un cauchemar la page reste blanche,
J’étais paralysé, les mains gelées dans mes manches…
Le terminus arrive… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
Plusieurs textes seront publiés chaque semaine, dans l’Espace Pédagogique Contributif jusqu’au 17 décembre 2022 (dernière livraison).
Découvrez aujourd’hui le poème de Michelle T. (Classe de 1ère G7) Mercredi 30 novembre : Luca M. (Classe de 1ère STMG3)
Vendredi 2 décembre : Enzo R. (Classe de 1ère STMG3)
Douloureuse existence
par Michelle T. Classe de Première G7
Tellement libre en apparence
Mon paysage renferme un triste sourire
Rempli de désespoir et d’angoisse
Qui guide mes pas vers la lumière.
Périlleux parcours pour mener une vie de rêve
Parfois la tornade en emporte certains
Les entraîne vers le fond
Agrandit ma peine
Jusqu’au coucher du soleil
Une profonde douleur me déchire le coeur
Face à la tristesse quotidienne
Qui hante mes nuits.
Douces larmes tranchantes comme des lames
Qui laissent de profondes blessures
Tue notre sommeil, éveille notre stress
La nuit n’est plus qu’insomnie
Seule entre quatre murs étroits
Je rêve de nuages éclairés
Que le masque peut enfin tomber
Face à personne pour me juger.
« Seule entre quatre murs étroits
Je rêve de nuages éclairés… »
Illustration : Bruno Rigolt, d’après Man Ray “Tears”, 1933.
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Luca M. (Classe de 1ère STMG3) Mardi 29 novembre : Mona S. (Classe de 1ère G7)
Jeudi 1er décembre : Michelle T. (Classe de 1ère G7)
Triste sphère de plastique
par Luca M. Classe de Première STMG3
Triste sphère de plastique
Échouée quelque part dans la boue.
Et voici qu’émerge
Cette rancœur, telle une parole
De clarté tardive :
« Je m’en vais ! » Déclare-t-elle.
Aussitôt, ce ballon rond
Qui rêvait de victoires
D’argent et d’or
Traversa le fleuve sale
Pollué de malice.
Frontière dépassée,
Environnement si triste.
Ballon fatigué, épuisé ;
Le courant le mène vers un lieu
Où le temps est beau
Et le bonheur permis :
Verdure et joie, plaisir et infini…
« Triste sphère de plastique
Échouée quelque part dans la boue… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Mona S. (Classe de 1ère G7) Lundi 28 novembre : Mélissa J. (Classe de 1ère G7)
Mercredi 30 novembre : Luca M. (Classe de 1ère STMG3)
Cet oiseau
par Mona S. Classe de Première G7
Sous les foudre froides qui vont vers l’aube
Sous l’écume des vagues, sur le sable
J’ai vu un majestueux oiseau
Les ailes au vent, le plumage éclatant
Ses yeux étaient aussi foudroyants que l’orage
Sous des vagues de larmes, je vis la sienne
Envahie d’un tourbillon de sensations
Dans mon ventre, j’ai senti des bouquets de papillons
L’oiseau s’envola sans m’attendre
D’un œil triste je continuais à le chercher
Dans la pluie claire, seule dans mon monde
Je pleurais de désespoir de le revoir
« Sous l’écume des vagues, sur le sable
J’ai vu un majestueux oiseau
Les ailes au vent, le plumage éclatant… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Mélissa J. (Classe de 1ère G7) Dimanche 27 novembre : Emma D. (Classe de 1ère STMG3)
Mardi 29 novembre : Mona S. (Classe de 1ère G7)
Automne, saison des couleurs
par Mélissa J. Classe de Première G7
Automne, saison des couleurs !
Dans le froid humide, les feuilles dorées
Se laissent tomber sur le sol givré
Et dépérissent en un cimetière d’or.
Feuilles oubliées dans le passé,
Les plus belles de l’été,
Le feuillage roux des arbres s’envola,
Pour un voyage dans l’au-delà.
En dessous de l’arbre dévêtu par la saison,
Je les ai trouvées là, écrasées par les enfants
Entre les cris et les ébats, ou mises en tas.
Comme j’admirais cette feuillaison !
L’hiver venu, les arbres seront à nu,
Et l’on se souviendra de leurs bras touffus.
Pendant tout ce temps, j’attendrai les beaux jours,
Pour voir enfin leur grand retour !
« Le feuillage roux des arbres s’envola,
Pour un voyage dans l’au-delà… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème d’Emma D. (Classe de 1ère STMG3) Samedi 26 novembre : Stacy L. (Classe de 1ère G7)
Lundi 28 novembre : Mélissa J. (Classe de 1ère G7)
J’ai fait le rêve d’un monde…
par Emma D. Classe de Première STMG3
Au sein de la terre, l’aube se couche,
Elle se mourrait si calme.
Le seuil du soir se creuse au-dessus du vent
Enchantant mon âme dans la solitude
Le soir brille en paix dans une mélancolie de silence.
Le ciel aussi s’est taché de rêve,
Libre comme un feu, le soleil se couche
Derrière les rues de la ville mêlées à l’horizon.
Tombant comme le soir, la ville s’assoupit
À la lumières des âmes lointaines.
Le soleil de la nuit grandira libre,
La blessure de la vie s’épanouira
Sous la lumière du vent,
Le long des remparts du soir.
J’ai fait le rêve d’un monde qui scintille
Parmi les plaines désertes de la vie…
« J’ai fait le rêve d’un monde qui scintille
Parmi les plaines désertes de la vie… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Stacy L. (Classe de 1ère G7) Vendredi 25 novembre : Léane B.-E. (Classe de 1ère G7)
Dimanche 27 novembre : Emma D. (Classe de 1ère STMG3)
Ma plume sur le papier
par Stacy L. Classe de Première G7
Nous avons passé dix jours ténébreux
À nous dévisager, silencieux.
La clarté de ma lampe éclaire jusqu’à l’aube
Ton teint pâle cerné d’encre bleue.
Le brouillard s’emparant de mon être, transforme
Mon inspiration en une chose lointaine ;
Et bien que toute gracieuse,
Ma plume sur le papier reste silencieuse.
Depuis dix soirées brumeuses
J’endure les tourments enragés
Que me cause cette infinie traînée
Aussi livide que le bleu nocturne de mon âme.
Ces dix nuits de calme désespérant
Ont endormi la flamme de mon cœur ;
Mais mon Être, têtu et persévérant ,
Trouvera l’inspiration, dans l’idéal ou le néant.
« La clarté de ma lampe éclaire jusqu’à l’aube
Ton teint pâle cerné d’encre bleue… »
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Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Léane B.-E. (Classe de 1ère G7) Jeudi 24 novembre : Antonin E.-B. (Classe de 1ère G7)
Samedi 26 novembre : Stacy L. (Classe de 1ère G7)
Enfance perdue Mon cœur est un voyage de souvenirs
par Léane B.-E. Classe de Première G7
Cette image d’enfant
Chantant sous la lumière de la lune verte,
Libre comme un feu, aussi pur qu’un ange,
Me revient sans cesse.
Nous avons tant à perdre en perdant l’enfance,
Et tant l’ont déjà perdue en arrachant leurs racines.
Revenir à cette époque pleine de merveilles
Est un rêve sortant de mon cœur.
Contre ma fenêtre, le long des remparts du vent,
Mon corps tremble à travers des battements de larmes,
Un profond chagrin parvient à moi,
Sous une mélancolie de silence.
Mon cœur est un voyage de souvenirs
Quand je pense à l’enfant parmi les rires à vous serrer le cœur,
Ce n’est pas le regret qui s’impose mais un sentiment plus mortel.
Je ferai en sorte de ne jamais l’oublier.
« Contre ma fenêtre, le long des remparts du vent,
Mon corps tremble à travers des battements de larmes… »
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Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème d’Antonin E.-B. (Classe de 1ère G7) Mercredi 23 novembre : Marwa A. (Classe de 1ère STMG3)
Vendredi 25 novembre : Léane B.-E. (Classe de 1ère G7)
Passage vers l’au-delà
par Antonin E.-B. Classe de Première G7
Le Piéton est semblable au messager de l’au-delà Qui s’envole en quête de paroles nouvelles. Et le passage piéton est l’intermédiaire albe ; L’escalier bâti par les mains de Dieu.
Tel un messie je distingue une lueur au loin Qui m’appelle, au bout de ce passage, L’Ange, vert de confiance me fait signe d’avancer. Je me mets à piétiner ces dalles nuageuses…
Pendant mon ascension je regarde avec mépris Le spectacle assourdissant des créatures noires Lançant des cris de haine Devant la flamme qui les éblouit tant.
Je rejoins enfin la terre des anciens, Prêts à m’accueillir comme leur enfant. Sous les nuages, l’ange effrayé s’envole Et fait place à son frère déchu.
« Le Piéton est semblable au messager de l’au-delà
Qui s’envole en quête de paroles nouvelles… »
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Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Lola B. (Classe de 1ère STMG3) Dimanche 20 novembre : Alice D. (Classe de 1ère G7)
Mercredi 23 novembre : Marwa A. (Classe de 1ère STMG3)
Tes yeux le soir…
par Lola B. Classe de Première STMG3
Tes yeux le soir me donnent accès à l’espérance
Je sens ton âme qui chavire sur cette route
À la lueur du vent. Je marche
Sous des battements de larmes ;
La nuit en longs vêtements d’étoiles
Chevauche les multitudes lointaines,
Déclare les bruits des pluies de l’été
Du haut du ciel illuminé par ta véritable identité.
Tes pupilles tachées de bleu
Nageant dans les tourments du vent
Éclairent l’espoir des cieux
Où les ombres me regardent innocemment.
Face au miroir ruisselant
De la lune bleue de tes yeux,
Ta voix me parvient sous la lumière du réverbère
Et ma voix rêve d’un voile qui scintille dans la nuit…
« Ta voix me parvient sous la lumière du réverbère
Et ma voix rêve d’un voile qui scintille dans la nuit… »
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Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème d’Alice D. (Classe de 1ère G7) Vendredi 18 novembre : Timëa D. (Classe de 1ère G7)
Mardi 22 novembre : Lola B. (Classe de 1ère STMG3)
Voici la mer
par Alice D. Classe de Première G7
Bouillonnant de mystère, le ciel d’écume
Brille dans le soir.
Des multitudes d’étoiles traversées par la vie
Semblent s’émouvoir.
Et soudain, dans le silence assourdissant,
Un murmure.
Cette voix nocturne qui m’appelle,
Enchantant mon âme en ses profondeurs :
Voici la mer.
Le temps s’évanouit,
parsemé de gouttes de sable…
Laissant tressaillir le monde par ce charme,
Comblant le silence de l’âme.
La nuit calme les déchirures,
Dessine mélodieusement un passage
Dans le velours des vagues,
Invitant mon cœur à y séjourner…
« Le temps s’évanouit,
parsemé de gouttes de sable… »
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Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Timëa D. (Classe de 1ère G7) Hier, 17 novembre : Chloé A. (Classe de 1ère STMG3)
Dimanche 20 novembre : Alice D. (Classe de 1ère G7)
Bourrasques enflammées
par Timëa D. Classe de Première G7
Le peuple des feuilles tombe
Tel le roulement des vagues maritimes
Étésien pourtant, le ciel automnal devient agressif, électrique,
Un souffle de chaleur et de rancœur : la plage s’attriste
Elle n’aura plus les souvenirs qui la faisaient vibrer,
Effacés par une simple bourrasque…
Le coquillage me fait entendre la forêt enflammée.
Les oiseaux enneigés repartent
Pour une virée sableuse et voyageuse.
Errant sans but, divaguant, attendant,
L’hiver viendra et l’été s’oubliera
Je ne veux pas les laisser partir, je ne peux pas.
Me voilà, dansant dans les tornades envoûtantes,
Ces pétales de couleurs, par milliers s’envolent
Orange, rouge et jaune deviennent l’hymne du vent.
Bercée par cette capacité onirique et nostalgique,
Ma perception s’embrouille de cette volupté
Et se laisse emporter dans ce puits de beauté.
« Me voilà, dansant dans les tornades envoûtantes,
Ces pétales de couleurs, par milliers s’envolent
Orange, rouge et jaune deviennent l’hymne du vent… »
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du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
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Découvrez aujourd’hui le poème de Chloé A. (Classe de 1ère STMG3) Hier, 16 novembre : Esra C. (Classe de 1ère STMG3)
Demain,18 novembre : Timëa D. (Classe de 1ère G7)
Je viens sentir le soir
par Chloé A. Classe de Première STMG3
Sur la voiture qu’éblouissent les enfers,
Mon regard s’est tourné vers le sud :
Sublime attention loin de cette société
Qui dérobe les vérités cachées.
Sur les vitres, je viens sentir le soir
Les tôles d’acier ne connaissent en rien la douceur
De cet idéal coucher de soleil,
Libre pour l’éternité.
Cette société condamne la beauté de la nature
Cauchemars mécaniques, cauchemars robotiques
Désastre de l’homme, terreurs fantastiques,
Qu’il faut entretenir.
Lève ton regard vers le ciel ; vois ces couleurs pastel
Ces soupirs d’éternité et ces éclats de soleil
Qui montrent ce monde de merveilles…
Qui se mêlent au monde des ténèbres.
« Sur les vitres, je viens sentir le soir
Les tôles d’acier ne connaissent en rien la douceur
De cet idéal coucher de soleil… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
Plusieurs textes seront publiés chaque semaine, dans l’Espace Pédagogique Contributif jusqu’au 17 décembre 2022 (dernière livraison).
Découvrez aujourd’hui le poème d’Esra C. (Classe de 1ère STMG3) Hier, 15 novembre : Mathéo F. (Classe de 1ère G7)
Demain, 17 novembre : Chloé A. (Classe de 1ère STMG3)
Je les ai vus mourir dans le sable
par Esra C. Classe de Première STMG3
Les cheveux ensoleillés des hirondelles,
Je les ai vus mourir dans le sable.
Mes yeux d’or brisé
Sous la lumière qui se mourait si calme.
Ma vie est telle une multitude d’étoiles
Je ne désire plus que tu me sois ouvert,
Ta beauté trompeuse, tes paroles sans lèvres
Je les ai vues mourir dans le sable.
Les chansons semblent amoureuses
Mon amour est nu comme la Terre
Les oiseaux volent sans m’entendre
Je les ai vus mourir dans le sable.
La lune cache ma souffrance
Tâchée de larmes dans mes mains endormies.
Ma vie sans toi est telle une tornade
Je l’ai vue mourir dans le sable.
« Les oiseaux volent sans m’entendre
Je les ai vus mourir dans le sable… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
Plusieurs textes seront publiés chaque semaine, dans l’Espace Pédagogique Contributif jusqu’au 17 décembre 2022 (dernière livraison).
Découvrez aujourd’hui le poème de Matéo F. (Classe de 1ère G7) Hier, 14 novembre : Clara K. (Classe de 1ère STMG3)
Demain, 16 novembre : Esra C. (Classe de 1ère STMG3)
J’ai cherché le chant des oiseaux
par Matéo F. Classe de Première G7
J’ai marché parmi les Poutres, le Gravier et le Bitume
Et j’ai cherché le chant des oiseaux
Dans le bruit des machines.
Se perdait le désespoir voluptueux causé par de grands ciels silencieux
J’ai vu dans le fer et l’acier, des souvenirs lointains de la terre
J’ai vu des vagues et des vents ainsi que la grêle
Où pleure jusqu’au fond des rêves
La nature qui n’est plus qu’usine rugissante.
J’ai marché parmi les Poutres, le Gravier et le Bitume
Et j’ai cherché le bruit de la mer
Dans les hydrocarbures.
Se perdait le vent parfumé d’un ciel nébuleux de lampadaires
J’ai marché parmi les Poutres, le Gravier et le Bitume
Sous la foudre froide des lumières urbaines
Et j’ai écrit la couleur du vent
Sur ces sols remplis d’encre et de béton.
J’ai marché parmi les Poutres, le Gravier et le Bitume
Et j’ai cherché l’étoile furtive de la mélancolie
Parmi les forêts de cendres de la Révolution industrielle.
Se perdait entre ces murs une clarté rassurante
D’aube furtive qui attend l’hiver.
J’ai oublié l’usine, douleur meurtrière,
Et j’ai enfin trouvé dans le bitume rose
Des astres chatoyants, emportés par le vent…
« Et j’ai enfin trouvé dans le bitume rose
Des astres chatoyants, emportés par le vent… »
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous présenter la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
Plusieurs textes seront publiés chaque semaine, dans l’Espace Pédagogique Contributif jusqu’au 17 décembre 2022 (dernière livraison).
Découvrez aujourd’hui le poème de Clara K. (Classe de 1ère STMG3) Demain, mardi 15 novembre : Mathéo F. (Classe de 1ère G7)
Morceaux de Larmes
par Clara K. Classe de Première STMG3
Laissez-moi me bercer par la mélodie du silence.
Elle seule, joyeuse et douce
Ne peut blesser mon âme
Abîmée de ses sentences.
Puisse le vent déjà froid de douleur
Rafraîchir ma peau en longs vêtements de soir
Et qu’Éole emporte avec lui dans la lumière des rêves
Une partie de mon cœur et de ses maux.
Qu’il récupère mes larmes en un seau
M’empêchant alors de m’y noyer
Qu’il récupère ces larmes en morceaux
M’empêchant alors de replonger.
Laissez-moi vous décrire cette mélodie de cendre et d’or
Parfois embellie par le son des marées
Qui à chaque descente embarquent en leurs profondeurs
Les funestes pensées et le vent triste de mon esprit.
« Laissez-moi vous décrire cette mélodie de cendre et d’or
Parfois embellie par le son des marées… »
vagabondage : le vagabondage désigne un certain style de vie caractérisé par le goût de l’aventure. Il est souvent associé à une vie errante, au fait d’aller çà et là, sans destination précise. Dans un sens plus général, le vagabondage caractérise le fait de voyager beaucoup, sans se fixer sur un territoire.
nomadisme : le nomadisme désigne à l’origine les peuples sans habitat fixe, dont la vie itinérante était dictée prioritairement par la recherche de territoires cultivables (nomadisme géographique). Par extension, le nomadisme est la tendance comportementale à ne pas se fixer dans un territoire. Ainsi, dans le monde moderne, l’appel de la route et la multiplication des voyages sont une réponse à un mode de vie de plus en plus sédentaire.
road trip : cette expression d’origine nord-américaine caractérise un voyage d’agrément sur les routes, parfois à pied mais le plus souvent à moto ou en voiture (notamment en camping-car, en van, etc.). Le road trip est souvent associé à une vie d’aventure, de nomade et de bohême, sans contrainte sociale.
Beat Generation : symbole de l’Amérique des années 50 et 60, la Beat Generation est un mouvement de contre-culture, protestataire et libertaire, né de l’amitié entre Jack Kerouac et le poète Allen Ginsberg. Le qualificatif de « beat » renvoie à la fois au rythme trépidant du jazz et à la quête de la “béatitude” comme voyage intérieur. Le “beatnik” est donc un marginal revendiquant un mode de vie assez utopique. Par son pouvoir de subversion, la Beat Generation a largement influencé les Hippies et le mouvement de Mai 68.
Le corpus présente la route comme une composante essentielle du voyage. Partir sur les routes, c’est en effet choisir de rompre avec l’enracinement sédentaire et ses normes pour une quête de la vie authentique.
Document 1. Isabelle Eberhardt (Genève, 1877 – Aïn-Sefra, Algérie, 1904) est une écrivaine et exploratrice qui a rompu très jeune avec les valeurs occidentales pour adopter la culture arabe et la civilisation islamique. Elle a mené une vie de nomade, mêlant son existence à celle des peuples de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie auxquels elle vouait une véritable admiration. Dans ce texte, le vagabondage est présenté comme un processus salutaire d’individualisation et d’affranchissement des normes sociales. Paria moderne, le vagabond est celui qui peut goûter vraiment la beauté du monde.
Document 2. Chef de file de la « Beat Generation », Jack Kerouac (1922-1969) est un écrivain américain d’origine canadienne-française. Rédigé en 1951 mais publié en 1957, Sur la route est considéré comme le récit fondateur du mythe de la route : à la fois errance antisystème et voyage intérieur. Dans le passage présenté, la route elle-même devient intrigue et le voyage cheminement spirituel, moyen de s’emparer, en le parcourant, du monde qui nous entoure.
Document 3. La chanson “On ira” célèbre autant les routes de l’exil que l’envie d’ailleurs. Mais si désir de fuite il y a, ce désir est surtout une quête de vérité : la route fonctionne en effet comme territoire identitaire. Loin d’être une fuite dans le monde fantasmatique, l’errance apparaît dans sa double nature : à la fois transgressive et quête idéale d’authenticité, loin du factice et du simulacre du monde.
Document 4. Adeptes de la vanlife, Éric Bournot et Joana Boukhabza exposent dans ce récit de voyage leur attachement aux road trips. Le passage présenté constitue l’introduction de l’ouvrage : les auteurs expliquent leur fascination pour la route qui les a conduits à quitter leur quotidien tout tracé d’architectes pour s’adonner aux vibrations de la route, entre envie de nature et quête d’authenticité.
Le tableau comparatif
Appelé également “tableau de confrontation” ou “tableau synoptique” parce qu’il donne une vue d’ensemble des différentes idées pour chacun des documents, le tableau comparatif comporte autant de colonnes que de documents. Ce tableau doit mettre en relief les arguments principaux et/ou les exemples à valeur illustrative.
⇒ Paria moderne, le vagabond est celui qui peut goûter vraiment la beauté du monde.
⇒ Le mythe de la route, comme désir d’affranchissement et source de béatitude.
⇒ L’exil ou la quête idéale du bonheur, loin de la fausse conscience aliénante.
⇒ Ce qui motive le mode de vie nomade est le désir de liberté et de connaissance.
1. Le vagabondage procure un sentiment de totale liberté et d’affranchissement.
2. Le vagabondage est par essence solitaire : il permet de goûter un “égoïste bonheur” fait de pauvreté matérielle (“être pauvre de besoin”) et de richesse spirituelle.
3. La marginalité permet la quête de la vraie vie et des vraies valeurs.
4. Le vagabondage permet de s’affranchir des normes sociales et institutionnelles (la “machine sociale”) qui sont un véritable esclavage humain.
5. Le monde ordinaire et sédentaire est fait d’ennui, de conformisme et de servitude. À l’inverse, le vagabondage permet de se donner entièrement à la magie du voyage (“la route toute blanche”).
6. Le voyage procure un indéfinissable sentiment de mystère et de liberté (plaisir de la vitesse et de tout quitter).
7. Le vagabondage sur les routes permet de s’affranchir de la triste absurdité de la vie.
8. La traversée des Etats-Unis en direction du sud est vécue comme un renouveau spirituel libéré de toutes les conventions sociales.
9. Être ensemble permet de ressentir des émotions fortes (osmose et harmonie).
10. L’errance procure au narrateur un sentiment de plénitude existentielle et de ressourcement (“pureté de la route”… “Tout seul dans la nuit”… “route sacrée”).
11. L’arrivée dans le sud est vécue comme une renaissance spirituelle. Le “pèlerinage” s’achève près de la mer : le fait d’enlever les vêtements a une signification symbolique forte.
12. Le départ s’accompagne d’un sentiment de libération “loin des villes soumises”.
13. Affranchissement des contraintes et des codes imposés par la société.
14. Le voyage équivaut à une prise de conscience existentielle face au simulacre du monde (“Tous ces gens qu’on voit vivre comme s’ils ignorent…”).
15. Peu importe la destination : seule compte l’errance à la recherche de l’idéal.
16. Le voyage est envisagé comme quête fondamentale de la vérité.
17. Cette quête ininterrompue (“Quand on se pose on est mort”… “On s’arrêtera jamais…”) est vécue comme un moyen d’échapper à l’aliénation sociale et à la fausse conscience (“On prendra les froids, les brûlures en face…”).
18. Idée d’harmonie universelle (“On sera des milliers dans ce cas”) grâce à la route (“Y’a que les routes qui sont belles” = recherche de l’idéal et de la pureté).
19. La vanlife est une véritable passion.
20. Ce mode d’existence nomade permet de quitter un “schéma de vie” conformiste socialement et professionnellement.
21. La vanlife prône un mode de vie plus authentique, fait de découvertes, de rencontres et de surprises.
22. La “nécessité d’être toujours en mouvement” et de vouloir aller toujours plus loin est inhérente au road trip.
23. La vanlife apprend à s’ouvrir à la diversité du monde et à se découvrir soi-même.
Conseil : même si le tableau comparatif est évidemment important pour réaliser votre plan, n’hésitez pas, dès les premiers repérages, à identifier spontanément des informations essentielles (quoi ? comment ? pourquoi ?) et à exploiter un plan-type au moment de formuler vos axes : cela vous aidera à percevoir de façon plus globale et spontanée la structure du corpus ainsi que le mode de relation entre les documents.
Le plan de la synthèse
I) Se perdre… a) La route comme rupture : s’affranchir du connu et des conventions sociales [1, 7, 13, 20] b) La recherche de l’inattendu, de l’inconnu, de sensations nouvelles grâce à l’errance [1, 6, 12, 21] c) La communion avec la nature, la fusion avec le monde [2, 8-9-10, 16, 23]
II) … Pour mieux se retrouver. a) La quête d’une vie authentique, la quête de sens [3, 8-9, 14, 19-20] b) la route comme nécessité intérieure : pas de retour en arrière [5, 10, 17, 22] c) le vagabondage, métaphore de la quête de la pureté [4, 11, 15-16-18, 23]
La synthèse rédigée
[ Introduction]
____On a souvent tendance à caractériser l’errance sur les routes comme une sorte d’égarement, d’absence de but qui ne mènerait nulle part. Le corpus soumis à notre examen infléchit pourtant cette vision négative du voyage. Il comporte quatre documents publiés entre le début du XXe siècle et notre époque.
____Le premier document signé Isabelle Eberhardt est extrait d’un essai fondateur intitulé Vagabondages (1902). L’autrice y fait l’éloge du vagabond, paria moderne qui peut goûter vraiment la beauté du monde en s’affranchissant des normes sociales. Ce point de vue se retrouve dans l’autofiction de Jack Kerouac, Sur la route (1957). Chef de file de la Beat Generation, l’auteur y raconte son périple sur les routes américaines, à la fois errance antisystème et voyage intérieur. Le troisième document est une célèbre chanson composée en 1997 par Jean-Jacques Goldman : “On ira”. Loin de la fausse conscience aliénante, la route y fonctionne comme territoire identitaire, à la fois éloge de l’exil et quête idéale du bonheur. Publié très récemment (2022), le dernier document est extrait d’un récit de voyage, Road trips en van : Itinéraires sauvages et bucoliques sur les plus belles routes de nos régions. Eric Bournot et Joana Boukhabza expliquent leur fascination pour la vanlife, entre envie de nature et désir de connaissance.
____Nous allons voir en quoi le corpus présente la route comme une composante essentielle du voyage : à la fois rupture avec l’enracinement sédentaire et les normes sociales, et quête d’une vie authentique qui est aussi une quête de sens.
[ I. Se perdre…]
____Parce qu’elle s’inscrit dans l’imaginaire des grands espaces, la route permet d’ouvrir son regard sur le monde : telle est la première impression qui ressort à la lecture du corpus De fait, le mythe fondateur de la route, c’est l’exploration de l’inconnu, le désir d’aventure, qui permet une autre relation au monde et à la réalité des choses.
[a. La route comme rupture : s’affranchir du connu et des conventions sociales]
____En premier lieu, partir sur les routes c’est souvent renoncer au confort de la vie sociale. L’errance s’accompagne en effet d’une volonté de rupture avec le bien-être de la vie sédentaire. Eric Bournot et Joana Boukhabza justifient leur choix de la vanlife comme l’occasion de quitter un schéma de vie stéréotypé et conformiste. Les trois autres documents accentuent ce constat au point de présenter le vagabondage comme une véritable philosophie de vie. Isabelle Eberhardt en fait même le ferment de son itinéraire existentiel : selon elle, s’en aller constitue un affranchissement, véritable liberté qui permet de rompre les entraves de la vie sociale. On retrouve cette impression dans la chanson de Jean-Jacques Goldman pour qui la route est l’occasion de laisser derrière soi les codes imposés par la société. Ce constat est également partagé par Jack Kerouac : selon lui, le vagabondage est un affranchissement de la triste absurdité de la vie. À l’opposé, le voyage procure un indéfinissable sentiment de mystère et de liberté.
[b. La recherche de l’inattendu, de l’inconnu, de sensations nouvelles grâce à l’errance]
____Le vagabondage sur les routes est par ailleurs présenté dans tous les documents comme une recherche de l’inconnu et de l’inattendu. Dans sa chanson, Jean-Jacques Goldman montre très bien comment l’errance s’accompagne d’abord d’incertitude et de mystère : « on partira de nuit loin des villes soumises ». Cet affranchissement que nous relevions précédemment est en effet la condition d’une véritable quête de la vraie vie et des valeurs authentiques. Isabelle Eberhardt montre à ce titre que renoncer à l’ennui, à l’immobilité du conformisme social, c’est appréhender le monde dans sa nouveauté, son dénuement et son mystère. On retrouve très bien cette impression dans le roman de Jack Kerouac : le long périple entrepris s’accompagne de plusieurs notations qui constituent un atlas surprenant et fascinant des lieux traversés. De ce point de vue, l’errance est à l’opposé des certitudes du monde. Eric Bournot et Joana Boukhabza évoquent ainsi le plaisir d’une vie « faite d’ailleurs, d’inattendu et de rencontres ».
[c. La communion avec la nature, la fusion avec le monde]
____Enfin, l’un des points essentiels du vagabondage sur les routes est qu’il permet une totale communion avec le monde. Ainsi, vivre en harmonie avec la nature est l’un des principes de la vanlife qui prône un mode de vie plus authentique. De même, on perçoit bien chez Jack Kerouac la façon dont le voyage devient un véritable mode de connaissance et de déchiffrement : véritable voyage de formation, le périple à travers les États-Unis est l’occasion de percevoir le mystère du monde et de ressentir des émotions fortes entre réalité intérieure et extérieure. La chanson de Goldman met également en évidence cet aspect : être en quête “d’étoiles” et de “chercheurs d’or”, n’est-ce pas vouloir bâtir un monde plus idéal ? Comme le rappelle Isabelle Eberhardt, face à l’existence ordinaire et sédentaire faite d’ennui, de conformisme et de servitude, le vagabondage permet au contraire de se donner entièrement à la magie du voyage, qu’elle interprète comme un état de fusion sans limites avec le monde, dans sa vérité la plus profonde.
[ II. … Pour mieux se retrouver.]
____Si le corpus fait du voyage par la route un besoin physique de fuite en avant et de découvertes, c’est surtout pour l’interpréter comme un état d’esprit permettant de réfléchir sur le sens de la vie. Voyager permet donc de se perdre, mais pour mieux se retrouver.
[a. La quête d’une vie authentique, la quête de sens]
____La quête d’une vie authentique est en effet la raison première qui pousse à partir sur les routes. Pour Eric Bournot et Joana Boukhabza, c’est l’occasion de se découvrir soi-même en s’ouvrant à l’altérité du monde. Plus fondamentalement Jean-Jacques Goldman fait du cheminement sur les routes la condition essentielle d’un accès aux dimensions fortes de l’existence : « on interdira les tiédeurs », manière de revendiquer une recherche des vraies valeurs à l’opposé des simulacres du monde. On comprend pourquoi cette quête est présentée comme ressourcement de tout l’être. « Tout seul dans la nuit », le narrateur du roman de Kerouac en fait même une recherche fondamentale du sens de la vie. L’errance lui procure un tel sentiment de plénitude existentielle et de ressourcement que l’auteur n’hésite pas à évoquer la “pureté de la route… sacrée”. Isabelle Eberhard va encore plus loin en n’hésitant pas à interpréter le vagabondage comme une véritable quête philosophique et spirituelle basée sur le renoncement aux illusions du matérialisme.
[b. la route comme nécessité intérieure : pas de retour en arrière]
____En outre, le voyage sur les routes est présenté dans tous les documents comme une véritable nécessité intérieure : le retour en arrière n’est en effet pas possible. Chez Jack Kerouac ou dans la chanson de Jean-Jacques Goldman, l’errance est vécue comme nécessité de porter le voyage plus loin : « on s’arrêtera pas dans les ports » chante Goldman pour signifier cette quête de l’absolu à travers le voyage de la vie qui marque tout l’univers de la chanson. De même, dans le roman de Kerouac, la traversée vers le sud apparaît comme la condition d’une sorte de quête ininterrompue : le retour serait vécu comme l’échec du voyage. Eric Bournot et Joana Boukhabza confessent à ce titre leur nécessité d’être toujours en mouvement. Cette impression prend tout son sens sous la plume d’Isabelle Eberhardt qui fait du vagabondage la condition fondamentale d’un affranchissement de ce qu’elle nomme la “machine sociale”. Elle est sans doute la seule à mettre à ce point l’accent sur la marginalité, comme condition fondamentale de l’accès à l’être.
[c. le vagabondage, métaphore de la quête de la pureté]
____Enfin il faut comprendre d’après les documents analysés combien la route apparaît comme l’allégorie d’une quête de la pureté. Pour Isabelle Eberhardt, partir sur les routes c’est se défaire du nihilisme du monde et de ses fausses valeurs : ainsi fait-elle de sa vie nomade une véritable quête d’absolu, à l’opposé des artifices et de la fausse conscience qui résulte du système. De même Jean-Jacques Goldman, dans sa quête d’une impossible Terre promise rejoint par plusieurs aspects les propos de Jack Kerouac qui n’hésite pas à qualifier son périple sur les routes de « pèlerinage ». D’ailleurs à la fin de l’extrait on peut interpréter le fait de se défaire des vieux vêtements comme une mise à nu de soi-même, loin des conventions sociales : en ce sens le voyage permet, en allant au bout du monde, d’aller au bout de soi-même. Eric Bournot et Joana Boukhabza rappellent à ce titre combien leurs road trips sont une quête quasi existentielle : à travers la vanlife, il s’agit de chercher à se découvrir afin de se construire pour atteindre la vérité.
[Conclusion]
____Comme nous l’avons vu à travers l’étude de ce corpus, l’errance sur les routes apparaît comme une quête multiple : à la fois quête de l’affranchissement, quête incessante d’un ailleurs, d’une identité, et surtout quête de sens. Loin des bonheurs superficiels, la route est ainsi le miroir d’un ailleurs fantasmé, qui passe plus ou moins par le rejet de la terre-mère, le rêve de liberté et la volonté d’échapper à l’ordre établi, aux préjugés et à l’hypocrisie d’un monde de compromis.
À la différence de la synthèse qui exige une stricte neutralité, vous devez clairement affirmer votre opinion.
Convaincre et persuader… Quel que soit le type de sujet, il s’agit de proposer des pistes de réflexion. Pensez à mettre en valeur votre démarche argumentative : vos arguments doivent toujours être illustrés par un ou plusieurs exemples tirés du du corpus, des œuvres étudiées pendant l’année et/ou de votre culture générale (littérature, arts, actualité…).
➤ Sujet 1 : Dans quelle mesure le dépaysement permet-il de réfléchir différemment sur soi ?
Un plan thématique est souhaitable : ce type de plan n’amène pas à une discussion mais à étayer la validité d’une thèse donnée : (le dépaysement permet de réfléchir différemment sur soi). Les différents paragraphes de votre travail abordent chacun un aspect particulier du sujet.
Plan possible
Pistes de réflexion
Exemples possibles
Idée 1 : Le dépaysement invite à un changement de lieu, de pays et donc à élargir notre horizon, à modifier notre mode de vie et nos habitudes. La condition itinérante procure également un sentiment de liberté et d’affranchissement des normes qui invite à la formation de soi.
Réinvestissement du corpus : surtout Isabelle Eberhardt (doc. 1) ou Eric Bournot et Joana Boukhabza (doc. 4).
Idée 2 : Le voyage comme “dé-paysement” : en tant que confrontation à l’altérité, il nous oblige à mettre en question nos préjugés. Ainsi, le dépaysement est inséparable d’une réflexion humaniste marquée par l’appétit de savoir et le relativisme culturel. Cet état d’esprit signifie d’abord une
profonde remise en cause de l’individualisme et des repères culturels et sociaux. Voyager oblige à s’émanciper de
l’ethnocentrisme et s’affranchir des préjugés.
La période de la Renaissance a été marquée par de nombreux voyages et découvertes (par exemple l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique en 1492) qui ont bouleversé l’idée que l’homme se faisait de lui-même. La rencontre avec les cultures amérindiennes oblige ainsi les Européens à se confronter au problème du rapport à une altérité radicalement différente.
Vous pouvez exploiter cette célèbre citation de Montaigne : (“De la vanité”, Essais, Livre III, chapitre 9) : “On dit bien vrai qu’un honnête homme, c’est un homme mêlé”. L’honnête homme est celui qui se mêle aux autres : l’ouverture de son esprit l’aide à aller vers autrui, à le connaître et l’accepter. Autre citation de Montaigne à exploiter : « J’observe en mes voyages cette pratique, pour apprendre, toujours quelque chose par la communication d’autrui. » (Livre I des Essais, ch. 17).
Le thème du voyage est un motif central du conte philosophique Candide (1759) de Voltaire : chassé d’un endroit connu et rassurant, Candide doit faire l’apprentissage de lui-même en se confrontant au monde (réflexion sur le voyage comme apprentissage de l’esprit critique).
Idée 3 : Le dépaysement est indissociable d’un cheminement intérieur, d’un “voyage en soi” qui nous invite à ouvrir “le livre de nous-même” pour apprendre à s’améliorer et à s’élever (le voyage transforme l’homme en “pèlerin” (idée de la vie comme voyage).
Le dépaysement proposé par Isabelle Eberhardt est par essence solitaire : il permet de goûter un “égoïste bonheur” fait de pauvreté matérielle (“être pauvre de besoin”) et de richesse spirituelle.
La marche à pied (trek, randonnée, pèlerinage ou simple flânerie) permet de se soustraire aux impératifs d’immédiateté imposés par le monde. Cette déconnexion (plus d’ordinateur portable, de smartphone, etc.) est également spirituelle. Vous pouvez exploiter cette citation du sociologue David Le Breton : “ce qui se joue [dans la marche, c’est] l’intériorité, le plaisir de flâner, […] c’est exister ; tout simplement, et le sentir” (Éloge de la marche, 2000) : ainsi le dépaysement permet de se libérer pour un temps des contraintes, et d’apprendre à mieux se connaître : retrouver son propre corps, retrouver les joies simples de la vie : manger, boire, se reposer…
Citation à exploiter (pour amener la conclusion par exemple) : “Le seul véritable voyage, […] ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres […]” (Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, La Prisonnière (tome 2 (1923).
➤ Sujet 2 : Vous est-il arrivé de vouloir tout quitter pour partir sur les routes ?
Ce type de sujet amène ici à soutenir un raisonnement illustré par des exemples répondant à une problématique dans le but de convaincre un lecteur en justifiant ou en confrontant des thèses successives. La démarche dialectique (oui/non) semble tout à fait indiquée. Vous pouvez par exemple défendre un point de vue dans la thèse (votre première partie) en trouvant au moins deux arguments illustrés d’exemples, et à le nuancer dans l’antithèse (votre deuxième partie) en trouvant également deux arguments illustrés d’exemples :
Oui, il m’est arrivé de vouloir tout quitter pour partir sur les routes
Non, pour être « heureux » il faut aussi revenir/rester chez soi
Un plan thématique est également envisageable : ce type de plan n’amène pas à une discussion mais à étayer la validité d’une thèse donnée : oui ou non. Les différents paragraphes de votre travail abordent chacun un aspect particulier du sujet. Dans ce cas, trois arguments (donc trois paragraphes) sont attendus.
Plan développé
I) Oui, il m’est arrivé de vouloir tout quitter pour partir sur les routes.
Pistes de réflexion
Exemples possibles
Idée 1 : La vie quotidienne esquisse un univers routinisé, normalisé, souvent dominé par la banalité et l’ennui. L’envie de partir sur les routes répond à un besoin de s’affranchir du connu et des conventions sociales strictes et sérieuses.
Citation du philosophe français Vladimir Jankelevitch à exploiter : « on s’ennuie faute de soucis, faute d’aventures et de dangers […] : un avenir sans risques ni aléas, une carrière de tout repos, une quotidienneté exempte de toute tension sont parmi les conditions les plus ordinaires de l’ennui”. V. Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui et le sérieux (Aubier-Montaigne 1963, p. 71).
Exemple des rêveurs, des vagabonds, des forains, des saltimbanques qui préfèrent vivre leur vie sur les routes plutôt que rester à la maison : Rimbaud, “Ma bohême” ; Apollinaire, “Dans la plaine des baladins” ; Van Gogh : “Les Roulottes, Campement de bohémiens“. Le vagabond de Rimbaud est libre : il dort à la belle étoile (“Mon auberge était à la Grande Ourse”, il rêve “d’amours splendides”, sans aucun bien matériel (“poches crevées”, souliers blessés”, etc.).
En faisant le choix de la vanlife, Eric Bournot et Joana Boukhabza ont privilégié un mode d’existence nomade leur permettant de quitter un “schéma de vie” conformiste socialement et professionnellement.
Idée 2 : Partir sur les routes procure une incroyable sensation de liberté. L’itinérance permet de faire halte ici et là, au gré de ses envies, de s’endormir chaque soir en un lieu différent, et de partir chaque matin vers une vie nouvelle.
Le grand poète américain Walt Whitman (1819-1892) sublime l’esprit de liberté dans son poème “Song of the Open Road” (“Chanson de la grand-route”) : __Debout et le cœur léger je pars sur la grand-route, __En pleine santé, libre, le monde est devant moi, __Le long sentier brun devant moi me mène où bon me semble.
Sur la route de Jack Kerouac se présente comme une ode audacieuse à la liberté. L’écrivain a parfaitement mis en valeur l’appel de la route. Dans un autre roman intitulé Les Clochards célestes (1958), Kerouac retrace librement la vie de quelques beatniks américains, écrivains et poètes, en guerre contre les conventions, grands voyageurs désargentés vivant en communion avec la nature.
Idée 3 : L’envie de partir répond à un besoin fondamental d’affranchissement et de libération. Partir n’est pas seulement synonyme d’aventure mais de refondation : tout quitter et se reconstruire ailleurs, à des milliers de kilomètres parfois de son domicile. Ainsi le voyage change notre regard sur le monde, il ébranle nos certitudes.
A la fin du roman Claudine s’en va, Colette évoque le personnage d’Annie, jeune femme soumise jusqu’alors à son mari Alain, et qui fait le choix de tout quitter, pour vivre une nouvelle existence, quitte à briser les codes de la société, en voulant exister par elle-même : “Je pars résolument, sans cacher ma trace, sans la marquer non plus de petits cailloux… Ce n’est pas une fuite folle, une évasion improvisée que la mienne ; il y a quatre mois que le lien, lentement rongé, s’effiloche et cède. Qu’a-t-il fallu ? Simplement que le geôlier distrait tournât les talons, pour que l’horreur de la prison apparût, pour que brillât la lumière aux fentes de la porte. Devant moi, c’est le trouble avenir. […] Je me résigne à tout ce qui viendra”. [voir le texte].
À mettre en relation avec Isabelle Eberhardt qui fait du vagabondage un processus salutaire d’individualisation et d’affranchissement des normes sociales.
Dans son introduction à L’Usage du monde (récit de voyage, 1963), Nicolas Bouvier écrit : “On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait”, manière de dire que le voyage nous construit ou au contraire nous déconstruit, nous “défait” de nos préjugés, de nos certitudes.
II) Mais faut-il condamner pour autant le désir de sédentarité ?
Pistes de réflexion
Exemples possibles
Idée 1 : Nous idéalisons bien souvent la vie de bohême qui apparaît parfois sous un angle tragique : marginalité, exclusion.
Tout quitter pour partir sur les routes relève surtout d’une vision fantasmée du voyage. Les réfugiés sur les routes nous rappellent combien l’exil est difficile : loin d’être une errance positive, il s’apparente à une marche forcée. Voyez ce texte de Marguerite Yourcenar : “Gares d’émigrants : Italie du sud” ou Laurent Gaudé, “Regardez-les“.
Idée 2 : Plutôt que de vouloir “tout quitter”, n’est-il pas plus judicieux de partir sur les routes de l’imaginaire ? L’art invite à un voyage métaphorique par sa puissance transfiguratrice : les routes imaginaires apparaissent ainsi plus vraisemblables que la vie elle-même. Porteuses de rêve, elles suscitent des sensations qui nous invitent l’espace d’un instant à voyager vers un univers inconnu.
Rimbaud a proposé dans “Ma bohême” une sublimation poétique de l’errance. Mais cette errance est trop littéraire et idéalisée pour être réelle : il s’agit davantage d’un conte merveilleux qui invite au voyage imaginaire.
Vous pouvez exploiter ces propos du célèbre sculpteur américain Carl André : “Je conçois la sculpture comme une route. […] la plupart de mes œuvres […] sont d’une certaine façon des chaussées, elles poussent le spectateur à les longer, les contourner, les parcourir : à ouvrir une voie” [Phyllis Tuchman, “An interview with Carl André”, Artforum, juin 1970, p. 55.
Anna de Noailles dans son poème “Le port de Palerme” (voir le doc. 2 de l’entraînement n°2 “Imaginaires portuaires“) invite à partir, mais il s’agit davantage d’un voyage immatériel que d’un voyage réel.
Pensez aux contes : par exemple Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède de Selma Lagerlöf (1906-1907), savoureux périple dans l’inconnu.
Idée 3 : Un voyage sans but, sans destination a-t-il du sens ? Vouloir tout quitter apparaît comme une fuite, une échappatoire. La sédentarité n’est pas forcément condamnable : on peut ainsi voyager sans quitter sa chambre. Rester chez soi est aussi l’occasion de profiter de la douceur du foyer.
Citation de Chateaubriand à exploiter : “L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir ; il porte avec lui l’immensité. […] Asseyez-vous sur le tronc de l’arbre abattu au fond des bois : si dans l’oubli profond de vous-même, dans votre immobilité, dans votre silence vous ne trouvez pas l’infini, il est inutile de vous égarer aux rives du Gange.” (Mémoires d’Outre-Tombe). Chateaubriand (qui fut lui-même un grand voyageur) ne condamne pas le voyage mais davantage le manque d’imagination.
Le poème de Joachim Du Bellay, “Heureux qui comme Ulysse” (1558) est intéressant à exploiter : dans ce célèbre sonnet, Du Bellay se nourrit de son séjour à Rome pour évoquer l’éloignement et la nostalgie du pays natal : __Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village __Fumer la cheminée, et en quelle saison __Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, __Qui m’est une province, et beaucoup davantage ? La description méliorative du village natal en accentue le caractère rassurant et chaleureux (« petit », « cheminée », « clos », etc.). La nostalgie de la terre natale évoque l’enracinement familial ainsi qu’un bonheur simple et raisonnable, loin de l’agitation des hommes.
Netiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, cet article est protégé par copyright. Il est mis à disposition des internautes selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 2.0 France. La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le nom de l’auteur ainsi que la référence complète de l’article cité (URL de la page).
L’alchimie est aussi vieille que le monde. Les premiers théoriciens de cette discipline se retrouvent à Alexandrie en Égypte ainsi que dans la philosophie grecque de l’Antiquité, notamment chez Platon et Aristote. Ce sont les philosophes arabes qui seront les héritiers de ces recherches et transmettront à l’occident latin au Moyen Âge le savoir alchimique1.
Manuscrit alchimiste syrien (vers 1273) → Jérusalem, Museum for Islamic Art.
1. Le mot alchimie a des origines gréco-égyptiennes (« chemeia »). Il vient de l’arabe “al” signifiant “le, la” et du grec “kimiya”, signifiant “transmutation de métaux”.
On associe généralement l’alchimie à la découverte de la pierre philosophale en vue de la transmutation des métaux vils en métaux précieux. Cette définition superficielle explique que le grand public ait souvent confondu les alchimistes avec les magiciens, les sorciers, voire les empoisonneurs, les charlatans et autres falsificateurs.
➤ La transmutation du corps physique en corps spirituel
La réalité est en effet bien différente : loin de se réduire à la transformation du plomb en or, l’alchimie vise à une transformation de l’homme par la transmutation du corps physique en corps spirituel. Réservée à certains initiés, elle autorise l’accès à des réalités considérées comme idéales, donc inaccessibles au vulgaire et au commun des mortels.
C’est sans doute ce qui explique que les poètes aient été fascinés par le savoir alchimique. Au XIXème siècle par exemple, on retrouve chez de nombreux poètes plusieurs aspects rappelant cette fascination : ainsi, dans leur refus de la vie quotidienne et du conformisme banal, les symbolistesLe symbolisme se développe dans la 2ème moitié du XIXe siècle pour atteindre son apogée dans les années 1890. La poésie symboliste cherche à déchiffrer les mystères du monde grâce à des symboles qui restent inaccessibles aux non-initiés. On relève ainsi dans la poésie symboliste l’emploi de mots rares, de métaphores raffinées qui donnent souvent à cette poésie un caractère abstrait, voire hermétique. Stéphane Mallarmé (1842-1898) est le chef de file du symbolisme. chercheront à donner à la poésie un sens caché : leur quête de l’idéal s’apparente à une quête spirituelle du monde invisible et de la beauté parfaite, “déesse et immortelle” (Baudelaire, « L’étranger »).
Conçu comme une « aristocratie de l’esprit » et placé au-dessus de tout dans une perspective élitiste, l’art n’est réservé qu’à quelques initiés, seuls capables d’en saisir le sens caché. Ce culte d’un renouveau métaphysique et mystique, amplifié par le refus de la vie quotidienne dans son conformisme banal, conduira les auteurs à une volonté de recréation du langage qui va ouvrir la voie à une poétique nouvelle, plus abstraite et conceptuelle. « Au caractère utile du langage brut s’oppose le caractère sacré du poème. Comme Baudelaire, Mallarmé pense en effet qu’ “il y a dans le Verbe quelque chose de sacré”2.
2. I. Merlin, Poètes de la révolte de Baudelaire à Michaux, Alchimie de l’être et du verbe, éd. de l’École, Paris 1971.
Louis Gabriel Eugène Isabey, “Le cabinet d’un alchimiste” (détail), 1845.
Lille, Palais des Beaux-Arts.
➤ Le poète est celui qui sait déchiffrer le monde et ses symboles
Avant tout « élitiste », la poésie symboliste est largement ésotériqueésotérique : qui est réservé aux seuls initiés, qui n'est compréhensible que des initiés : accessible aux seuls initiés, elle vise la recherche d’une langue pure et subjective, qu’on pourrait qualifier de « Symbolisme allégorique », capable d’exprimer dans toute sa force l’Idée et l’Absolu comme en témoignent ce jugement sans appel de Mallarmé : « Que les masses lisent la morale, mais de grâce ne leur donnez pas notre poésie à gâter »3. Transcendé par la poésie, l’art revêt donc une dimension spirituelle et mystique proche du Sacré : le monde visible n’est que le reflet imparfait du monde invisible, accessible seulement aux initiés, et que l’Art, dans sa quête de l’idéal, cherche à atteindre.
3. Stéphane Mallarmé, « Hérésies artistiques. L’Art pour tous », L’Artiste, 15 septembre 1862 (tome 2, p. 127). Pour lire l’intégralité du texte, cliquez ici.
Pour Baudelaire, nous ne pouvons voir les objets du monde de l’esprit qu’à travers leurs correspondances terrestres, c’est-à-dire leurs symboles : il y aurait donc, derrière les signes matériels, concrets fournis par la nature une signification à déchiffrer, un monde invisible et supérieur que la poésie peut faire entrevoir grâce aux “correspondances” qu’il y a entre le monde matériel des perceptions, des sensations et l’univers supérieur qu’est le monde des idées :
“Correspondances”
La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L’homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
D’après le symboliste américain Stuart Merrill (1863-1915), « le Poète doit être celui qui rappelle aux hommes l’Idée éternelle de la Beauté dissimulée sous les formes transitoires de la vie imparfaite » : tel un alchimiste, le poète est donc celui qui sait déchiffrer le monde et ses symboles afin de passer des “formes transitoires de la vie imparfaite” à l’idéal de la beauté.
Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est en effet l’art de la transmutation du profane au sacré grâce au pouvoir des mots. Ainsi pour Baudelaire, la poésie c’est l’alchimie, autrement dit la transmutation de la matière en esprit, la métamorphose de la boue en or spirituel.
Comme le note avec justesse le poète suisse Marc Eigeldinger, “Baudelaire est vraisemblablement, avant Rimbaud, le premier poète en France à concevoir la poésie comme une opération magique, une “alchimie du verbe”. Aussi use-t-il de termes empruntés aux sciences occultes ou à la religion pour définir le sacré du langage. Le verbe poétique se caractérise par sa vertu incantatoire, sa puissance de charme et d’enchantement. Baudelaire note dans Fusées (XI) : “De la langue et de l’écriture, prises comme opérations magiques, sorcellerie évocatoire.”4
Héritier du romantisme et du ParnasseDans sa théorie de 'l'art pour l'art', Théophile Gautier (1811-1872) s'élève contre l'idée d'un art utile et engagé socialement. Cette recherche de l'art pour l'art est reprise par les poètes du Parnasse., Baudelaire assigne au poète le rôle de métamorphoser le monde vil et médiocre en le libérant de la corruption. Dans l’« Ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du mal » (1861), il affirme :
“Ô vous, soyez témoins que j’ai fait mon devoir
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte.
Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence, Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or.”
Adressés à Paris, ces propos sont la consécration de la poésie dans son pouvoir transfigurateur, inspiré par la nostalgie d’un paradis à jamais perdu : faire de l’or avec de la boue. Baudelaire exprime très bien cette nécessité : “Perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules, je suis comme un homme lassé dont l’œil ne voit en arrière, dans les années profondes, que désabusement et amertume, et devant lui qu’un orage où rien de neuf n’est contenu, ni enseignement, ni douleur”5.
Dès lors, tout comme l’alchimiste qui cherche à retrouver les secrets enfouis, Baudelaire voit dans la poésie non pas le moyen d’extraire les fleurs du mal, mais d’idéaliser la réalitégrâce à la magie des mots afin de transfigurer le réel corrompu en parole poétique. Comme il a été très justement dit, “tel un alchimiste, Baudelaire opère la transmutation de la substance matérielle en substance poétique, il transfigure les objets par la vertu du langage et métamorphose la boue de la capitale en or spirituel […]”6.
Initié, il est également celui qui “comprend sans effort/Le langage des fleurs et des choses muettes” (« Élévation »). On peut voir dans cette faculté les signes d’une véritable alchimie spirituelle : libéré de la matière, semblable au “prince des nuées” (« L’albatros »), inspiré et « voyantDans la Lettre du Voyant adressée à son professeur de français Paul Demeny le 15 mai 1871, Rimbaud affirme que le poète doit se faire voyant, c'est-à-dire dépasser les apparences afin de voir l’invisible pour avoir la révélation de l’inconnu. », il cherche à atteindre l’élévation spirituelle en parvenant aux mêmes états d’illumination que les alchimistes métamorphosant la matière brute et désordonnée, en pur esprit.
5. Baudelaire, “Fusées”, Œuvres posthumes, Paris, Mercure de France, p. 97. 6. Marc Eigeldinger, Le Soleil de la poésie, 1991, Braconnière p. 96.
➤ “extraire la beauté du Mal”
Parce qu’il est en rupture avec une société qui lui refuse les moyens d’atteindre l’idéal, le poète prend donc le parti d’assumer, de revendiquer la laideur et d’en extraire la beauté. Dans un premier projet de préface qui ne verra finalement pas le jour, Baudelaire écrit :
“Des poètes illustres s’étaient partagé depuis longtemps les provinces les plus fleuries du domaine poétique. Il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d’extraire la beauté du Mal” :
“Extraire la beauté du mal”, c’est pour le poète maudit, affirmer le lien entre la beauté et la souffrance, transformer l’existence médiocre et spleenétique en idéal esthétique. Quête vouée quelque peu à l’échec : la grandeur du poète est précisément ce qui fait sa misère dans la société. La fin de “L’albatros” évoque très bien cette contrepartie douloureuse du génie :
“Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.”
➤ Une « œuvre au noir » ou l’alchimie inversée
Loin d’être seulement une alchimie positive, l’œuvre de Baudelaire apparaît plus souvent comme une « œuvre au noir », une alchimie inversée : l’or devient fer. Cette damnation amène alors un désir de provocation de la société bourgeoise et une totale contradiction avec les codes de l’époque, allant même jusqu’à une propension au négativisme parfaitement exprimée dans la célèbre dédicace à Théophile Gautier : « Au poète impeccable […] je dédie ces fleurs maladives ». Par leur contact mortifère, les poèmes métamorphosent le bien en mal : les fleurs naissent du désespoir.
← Odilon Redon (1840-1916), illustration pour Les Fleurs du mal de Baudelaire (Bruxelles, Deman, 1890). Coll. Archives Larbor.
Ainsi transparait dans les poèmes de Baudelaire un accablement douloureux, profondément spirituel et cérébral qui affecte le lecteur comme dans le poème « Spleen » (n° 78, “Quand le ciel bas et lourd…) : « […] l’Espoir,/ Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique, / Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir ». On retrouve dans ces derniers vers la consécration du Spleen comme négation de l’Idéal.
Alors que dans le projet d’épilogue la poésie présente cette vertu alchimique de transfigurer la boue en or, c’est-à-dire le spleen en idéal, dans “Alchimie de la douleur”, Baudelaire, en tant qu’alchimiste inversé, avoue son échec : la douleur se change, non en or, mais en images funèbres :
L’un t’éclaire avec son ardeur, L’autre en toi met son deuil, Nature ! Ce qui dit à l’un : Sépulture ! Dit à l’autre : Vie et splendeur !
Hermès inconnu qui m’assistes Et qui toujours m’intimidas, Tu me rends l’égal de Midas, Le plus triste des alchimistes ;
Par toi je change l’or en fer Et le paradis en enfer ; Dans le suaire des nuages
Je découvre un cadavre cher, Et sur les célestes rivages Je bâtis de grands sarcophages.
Dans le poème « Bénédiction»— «Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance / Comme un divin remède à nos impuretés / Et comme la meilleure et la plus pure essence / Qui prépare les forts aux saintes voluptés !, Baudelaire avait exalté la vertu purificatrice de la souffrance, présentée comme un “divin remède à nos impuretés/Et comme la meilleure et la plus pure essence”. Dans “Alchimie de la douleur”, nous assistons au contraire à un renversement de l’alchimie : de l’or au plomb, de l’idéal au spleen, du paradis à l’enfer. Sorte d’anti-MidasDans la mythologie grecque, Midas, passionné par l’argent et les plaisirs, avait reçu du dieu Dionysos l’apparent privilège de changer en or tout ce qu’il touchait., le poète transforme l’or en mort. Comme l’a très bien dit Max Milner7 : “Baudelaire a donc l’impression d’être lui-même l’objet, ou la matière première, d’une alchimie maléfique qui opère à contre-courant de l’art, puisque non seulement elle transforme tout ce qu’il touche ou contemple en matière vile, mais encore elle le prive de cette volonté qui lui est si nécessaire pour créer”.
7. Max Milner, Baudelaire, Les Fleurs du mal, texte présenté et commenté par Max Milner, illustrations de Paul Kallos, Les Lettres françaises, 1978.
Cette alchimie inversée exprime autant l’horreur que la fascination : s’il se lamente sur sa douloureuse condition, c’est pour mieux assumer ce choix du malheur, comme on le voit très bien dans le poème “Horreur sympathique“, ultime provocation permettant à l’artiste de féconder sa création :
Cieux déchirés comme des grèves, En vous se mire mon orgueil, Vos vastes nuages en deuil
Sont les corbillards de mes rêves, Et vos lueurs sont le reflet De l’Enfer où mon coeur se plaît.
➤ L’art doit transmuer la vie…
Au-delà de l’imaginaire occulte et monstrueux qui a tant fasciné le XIXe siècle, c’est donc le Diable en lui-même qui intrigue le poète, lui accordant une place sans précédent que Sainte-Beuve a bien mis en évidence dans une lettre adressée à Baudelaire le 20 juillet 1857 : « Vous vous êtes fait Diable ». Satan, que l’on peut associer à la monstruosité morale, à la déchéance de l’être humain et à la manifestation de tous ses vices, constitue alors une part du poète, qui essaye en tant qu’alchimiste de comprendre cette “boue” afin de façonner son esprit à la noire lumière de la corruption.
Si Baudelaire embellit ou enlaidit, de manière souvent exagérée, les personnages et les situations, c’est donc pour conférer à l’art une place prépondérante : la misère du spleen ou la laideur de l’art se transmuent en beauté négative, seule manière d’exprimer des sentiments authentiques et nous interpeller sur ce qu’il y a de faux et d’hypocrite dans la rêverie. Métaphore de l’illusion et du rêve, le « fond du gouffre » (« Le voyage ») est pour Baudelaire le lieu de la révélation : extraire la beauté de la laideur la plus hideuse par la « sorcellerie évocatoire » du langage.
Odilon Redon, “L’araignée en pleurs” (dessin), vers 1881. →
Comme l’affirmait Michel Ribon dans Archipel de la laideur (1995), « […] la chose laide, dès qu’elle surgit devant nous, repousse tout notre être dans la nausée ou le dégoût, la répugnance, l’indignation ou la révolte. […] Mais, par sa fascination même, la laideur, qui multiplie dans le réel ses figures d’archipel, se propose à l’artiste comme un défi à relever […] ». C’est donc dans l’exagération même que réside l’art véritable : en glorifiant certains aspects par exemple, ou en exagérant à l’inverse les défauts, le poète devient créateur.
D’où cette fascination et cette obsession pour le macabre. En faisant du mal son sujet, Baudelaire le met en valeur, le rend presque moralement nécessaire, consubstantiel à la beauté et à l’idéal :
Alors, ô ma beauté ! Dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j’ai gardé la forme et l’essence divine De mes amours décomposés !
Ainsi, cette voluptueuse alchimie de la charogne qui amène à esthétiser le déchet par le renversement de la beauté en laideur devient une façon de nous interpeller sur le rôle de l’art : loin de l’esthétique habituelle, le poète nous oblige à voir la surface rugueuse de la beauté afin de chercher la vérité secrète des choses. Pour lui, l’art doit transmuer la vie et purifier le réel, en vertu d’une mystérieuse alchimie. Le monde de l’art est donc bien, comme il le dit lui-même, un « autre monde”, supérieur au monde réel :
“La Poésie est ce qu’il y a de plus réel,
c’est ce qui n’est complétement vrai que dans un autre monde.”8
8. Charles Baudelaire, “Puisque réalisme il y a”, Œuvres complètes de Charles Baudelaire, Texte établi par Jacques Crépet, Louis Conard, libraire-éditeur, , Juvenilia, p. 299.
➤ Une citation pour aller plus loin… « Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or – voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière mais bien la matière en esprit » (Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord,1948).
Netiquette: comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, cet article est protégé par copyright. Il est mis à disposition des internautes selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 2.0 France. La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le nom de l’auteur ainsi que la référence complète de l’article cité (URL de la page).
Les élèves de Première G7 et de Première STMG3 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous annoncer la douzième saison de l’exposition « Un Automne en Poésie », manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.
Les créations artistiques des élèves seront publiées
du lundi 14 novembre 2022 au samedi 17 décembre 2022.
Rêvélation ou la transmutation du visible vers l’invisible…
La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à entrer dans les coulisses de la fabrication poétique. Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation de la boue en or grâce au pouvoir des mots : au sein de leurs œuvres, et dans le sillage des Fleurs du Mal de Baudelaire, les élèves ont cherché à réenchanter et à réinventer le monde pour le rendre plus idéal… Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose de la boue en or, du banal vers l’extraordinaire, du visible vers l’invisible…
Shangaï, Rotterdam, Marseille-Fos, Le Havre… les ports sont des vecteurs essentiels de la mondialisation. Pour autant, au-delà des enjeux économiques, environnementaux et géopolitiques qu’ils représentent, les ports traduisent un véritable rapport de fascination avec le voyage. Depuis la multiplication des traversées facilitée par le passage de la voile à la vapeur sous la Révolution industrielle, la littérature et la peinture maritimes mais aussi le cinéma ou la chanson ont bien mis en évidence l’imaginaire du port et la part de mystère, de mélancolie, de dépaysement qu’il inspire. Le corpus proposé pour ce deuxième entraînement est très représentatif de cette attirance pour les ports maritimes : en quoi sont-ils déclencheurs de rêve et d’imaginaire ?
Parce qu’il a un rapport étroit avec l’élément marin, le port exprime tout d’abord l’ivresse du départ et la féérie du voyage : voyage réel, accompli par goût de la découverte et désir d’aventure, mais plus encore voyage imaginaire, fantasmé, source de création artistique, espace de rêverie et d’illumination… C’est ainsi que la célèbre toile de Claude Monet “Impression, soleil levant” (doc. 1) retranscrit par touches subtiles d’impressions capturées sur le vif, l’atmosphère industrielle du port du Havre, toute en verticalité avec ses grues et ses cheminées fumantes. Délaissant la fonction ornementale de l’art, le peintre nous invite à un étrange voyage parmi la fumée des usines se dissolvant en volutes dans la lumière humide et changeante du matin.
Cette représentation de l’imaginaire portuaire par le biais du réel se retrouve également dans le poème d’Anna de Noailles, “Le port de Palerme” (doc. 2). Si la valeur du quotidien mérite pour l’autrice d’être représentée, la description du monde réel s’efface progressivement au profit du rêve et de l’imaginaire. La description du port devient l’occasion d’exprimer la nostalgie du voyage et l’aspiration à un au-delà spirituel. Le port exprime donc toute une idéalisation du réel fortement liée à la valeur symbolique de la mer. Dans un monde dominé par l’uniformité et le conformisme, le spectacle du port est au contraire l’occasion de questionner notre besoin d’échapper à la société et notre désir de s’aventurer dans les territoires inconnus du voyage.
Tel est le sens du voyage entrepris par Nicolas Delesalle (doc. 4) qui fait le choix de s’embarquer depuis Anvers pour un périple jusqu’à Istanbul sur un cargo porte-conteneurs : le port devient une métaphore du voyage intérieur, ouvrant aux questionnements ultimes de l’homme en quête d’authenticité et de vérité. Aude Mathé (doc. 3) a remarquablement mis en valeur cette attirance pour l’imaginaire portuaire, qui amène à réfléchir sur le sens même de la vie. Parce qu’elle est associée à de fortes valeurs symboliques ou philosophiques, la fascination pour les ports s’accompagne ainsi d’une recherche du sens et d’un questionnement sur soi. Comme si, au-delà de sa matérialité, le port se transformait en lieu de contemplation et de déchiffrement… B. R.
NIVEAU DE DIFFICULTÉ : *** (* ACCESSIBLE ; **MOYENNEMENT DIFFICILE ; ***DIFFICILE)
Activités d’écriture :
♦ Synthèse : Vous réaliserez une synthèse concise, ordonnée et objective des documents suivants :
Claude Monet, “Impression, soleil levant”, 1872
Anna de Noailles, “Le port de Palerme”, 1913
Aude Mathé, “Le port, un seuil pour l’imaginaire : la perception des espaces portuaires”, Les Annales de la recherche urbaine, N°55-56, 1992
Nicolas Delesalle, Le Goût du large, éd. Préludes (Le Livre de Poche), 2016.
♦ Écriture personnelle :
Selon vous, le tourisme de masse a-t-il détruit l’imaginaire du voyage ? Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos connaissances personnelles.
Document n°1 : Claude Monet, “Impression, soleil levant”, 1872.
Claude Monet (1840, Paris – 1926, Giverny) est un peintre mondialement connu. Il a peint ce célèbre tableau au Havre en une matinée de novembre 1872 depuis la fenêtre de sa chambre à l’hôtel de l’Amirauté. Fondateur de la peinture impressionniste, Monet a marqué un tournant dans l’histoire de l’art. C’est en effet l’aspect industriel et portuaire, avec ses grues, ses cheminées fumantes, qui sollicite l’imagination de l’artiste…
Claude Monet, “Impression, soleil levant” (huile sur toile), 1872 Paris, musée Marmottan Monet
Document n°2 : Anna de Noailles, “Le port de Palerme”, 1913.
Romancière, autobiographe et poétesse, Anna de Noailles (Paris, 1876 – Paris, 1933) a joué un rôle de tout premier plan dans la vie culturelle et mondaine parisienne. Publié dans le recueil Les Vivants et les morts (1913), « le Port de Palerme » témoigne du lyrisme passionné et de la recherche d’une langue pure qui parcourent les œuvres d’Anna de Noailles. À travers la contemplation du port et des bateaux, l’autrice reprend le thème romantique du voyage et amène finalement le lecteur à investir un monde imaginaire, dominé par l’idéalisation du réel.
Je regardais souvent, de ma chambre si chaude, Le vieux port goudronné de Palerme, le bruit Que faisaient les marchands, divisés par la fraude, Autour des sacs de grains, de farine et de fruits, Sous un beau ciel, teinté de splendeur et d’ennui…
J’aimais la rade noire et sa pauvre marine, Les vaisseaux délabrés d’où j’entendais jaillir Cet éternel souhait du cœur humain : partir ! — Les vapeursles vapeurs : les bateaux à vapeur., les sifflets faisaient un bruit d’usine Dans ces cieux où le soir est si lent à venir…
C’était l’heure où le vent, en hésitant, se lève Sur la ville et le port que son aile assainit. Mon cœur fondait d’amour, comme un nuage crève. J’avais soif d’un breuvage ineffableineffable : inexprimable, indicible. et béni, Et je sentais s’ouvrir, en cercles infinis, Dans le désert d’azur les citernes du rêve.
Document n°3 : Aude Mathé, “Le port, un seuil pour l’imaginaire : la perception des espaces portuaires”, Les Annales de la recherche urbaine, n°55-56, 1992.
Aude Mathé est architecte, chercheure, responsable du programme Photographie et vidéo à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Dans cet article de fond, elle interroge l’identité maritime des villes portuaires. Elle réfléchit en particulier aux interactions entre le port, la ville et la mer. L’article est illustré par une réflexion approfondie sur la perception des espaces portuaires par les artistes (poètes, peintres, cinéastes…).
Les ports font partie de ces lieux magnétiques qui attirent : ils parlent aux sens et à l’imagination, y font sonner mille échos, fascinent les regards et font vivre des mythes. C’est sur le mode du sensible qu’ils s’appréhendent le mieux. Rien d’étonnant, alors, à ce que l’imaginaire qui s’est développé autour du port ait trouvé un épanouissement considérable dans les formes de son expression artistique. Poèmes, romans, chansons, films, photographies, peintures font parler, donnent à voir, et définissent un espace comme aucune considération objective ne saurait le faire. Par les correspondances qu’ils n’hésitent pas à établir entre l’espace vécu, l’espace organisé et l’espace rêvé, ces regards particuliers font apparaître de façon plus intense et plus explicite le jeu des confrontations inhérentes au port.
Il en est une qui retient l’attention, pour la force de son inscription et dans les lieux et dans les esprits, et parce que ses ramifications sont innombrables : dans le port se rassemblent tout à la fois l’idée de la clôture la plus étroite et celle de l’ouverture la plus vaste ; l’intimité de l’abri et l’infini de l’horizon, l’enfermement et la liberté, le lien et la rupture. Ce lieu puissamment métaphorique, qui conjugue, sur place, les données du dedans et du dehors est une porte étonnante entre la mer et la ville.
Le seuil occupe, dans la réflexion sur l’espace architectural, une place prépondérante. Compromis entre l’ouvert et le fermé, passage entre l’intérieur et l’extérieur, lieu qui rassemble les départs et les arrivées, point de jonction entre deux mondes, le port a tout lieu d’être pour sa ville un espace de référence en tant que porte. […]
Ouverture visuelle, mais ouverture de tous les sens, que Joseph Conrad décrit avec ferveur en évoquant le débouché d’un estuaire : « Puis soudain, à un coude de la rivière, on eût dit qu’au loin une grande main avait sou¬ levé un lourd rideau, avait brusquement ouvert tout grand un immense portail. La lumière elle-même parut s’animer, le ciel au-dessus de nous s’élargit, un murmure lointain atteignit nos oreilles, une fraîcheur nous enveloppa, emplit nos poumons, stimula notre pensée, notre sang, aviva nos regrets. […] Je respirai à pleins poumons : je me délectai de l’immensité du large horizon, de cette atmosphère différente qui semblait toute palpitante du travail créateur de la vie, de l’énergie d’un monde sans péché. Le ciel et cette mer s’ouvraient à moi. »[1]
[…]
Si les ports inspirent le désir de départ et si leur beauté réside dans les portes qu’ils ouvrent sur le monde, comme le dit Cendrars à propos d’Anvers (« Mais c’est ça la beauté d’ un port, c’ est que sorti de ses estacades un navire peut vous mener partout, aux antipodes… »[2]), ils permettent aussi ce plaisir ambigu de la contemplation du départ tout en restant les pieds au sec, entretiennent des illusions savamment élaborées, inspirées peut-être par une certaine lucidité qui fait comprendre que l’outre-mer n’est pas forcément le paradis et qu’il advient qu’on parte pour ne jamais arriver. Les ports peuvent être ainsi le prétexte à une vie basée sur un provisoire qui se prolonge, comme si l’on devait s’y trouver toujours, comme les bateaux, en instance de départ […].
Le départ comme état permanent, mais jamais vécu, apparaît aussi dans le mouvement continu des activités de chargement et de déchargement qui accompagnent les mouvements des bateaux. Mouvement symbolique de la vie des ports, et qui leur a longtemps donné leur dimension humaine, lorsque les dockers peuplaient les quais et travaillaient selon les aléas des arrivages et des départs, sans pour autant quitter ces lieux dont les noms mêmes font souvent référence à des destinations lointaines. […]
Le port concentre ainsi une quantité d’ailleurs virtuels, signes d’ouverture, mais aussi promesses de lointains espérés qui ne sont pas toujours géographiques mais sont souvent synonymes d’une autre vie. Une autre vie qui n’existe pas encore mais qui, parce que le port est là, pourrait exister. Tout se passe en imagination, les environnements portuaires les plus sordides provoquent parfois les plus fortes espérances et favorisent la croisée des destins et de la fatalité. […]
Le thème du port tire donc sa force et son attrait du fait qu’il permet d’exprimer, dans une même formulation, la plus tangibletangible : indéniable, évidente, incontestable. des réalités parce que c’est celle d’un lieu, et les idéaux les plus immatériels, les chimères les plus impalpables […]
Qu’il vienne d’autres mondes où se façonnent les rêves ou d’un univers de démesure que l’on part conquérir, un vent d’ailleurs balaie les quais des ports. Son impact a la même puissance dans les faits et dans l’imaginaire. Le regard, qui va d’ “ici” à “là-bas”, parcourt la distance que lui permet la portée de sa vision sur l’horizon, arpente la profondeur d’un espace en bondissant de repère en repère jusqu’à ce que rien ne l’arrête, s’apprête à la traversée qu’il va imaginer ou qu’il va vivre. Ce jeu des distances, de l’éloignement et du guet, qu’induit l’observation de la mer, va dans le sens d’une ouverture qui s’élargit. Parce qu’il a cette capacité de révéler le proche, le lointain et l’infini, le port recèle dans l’intimité de ses pierres l’immensité à laquelle elles ouvrent le passage et que les digues contiennent en se refermant sur un monde intérieur. […].
Après avoir erré librement, pendant la navigation, entre ciel et mer, l’œil bute, à l’arrivée, sur les premiers reliefs. On passe d’un univers horizontal et sans limite à un monde borné qui s’impose comme un obstacle. C’est l’apparition du vertical, du solide, du plein, du fixe, des limites, et cela peut se vivre comme un rétrécissement. […] La liberté de manœuvre se réduit de plus en plus, les repères deviennent visibles, matériels et immobiles. Les ondes s’entrechoquent et se parasitent, celles de l’eau comme celles des sons. Quantité d’odeurs nouvelles assaillent les narines. Partout surgissent des objets, les contacts créent des heurts qui résonnent.
[1] Joseph Conrad, Lord Jim, Folio, Gallimard, 1982. [2] Blaise Cendrars, « Gênes », Bourlinguer, Folio, Denoël, 1989.
Document n°4 : Nicolas Delesalle, Le Goût du large, 2016.
Dans ce récit autobiographique, Nicolas Delasalle (journaliste et grand reporter à Télérama) raconte son voyage d’Anvers à Istanbul à bord d’un cargo : le MSC Cordoba, énorme porte-conteneurs de 275 mètres de long. Le passage présenté se situe au début du livre.
Le soleil est tombé au loin entre les deux cheminées de la centrale nucléaire du port industriel d’Anvers, près d’un champ planté d’éoliennes. À travers les hublots de ma cabine, j’ai observé le spectacle extraordinaire du chargement. Trois portiques hauts comme des immeubles de vingt étages nourrissaient le ventre du navire, en laissant glisser vers le sol des filins de métal torsadés au bout desquels des mains mécaniques et crochues agrippaient un par un les conteneurs pour les remonter à toute vitesse et les déposer sur le cargo avec une facilité déconcertante. C’était un jeu de Lego géant, un Tetris colossal, des pièces de vingt tonnes volaient comme des mouettes gracilesgraciles : gracieuses, élancées..
Sur les jetées immenses, à côté des cargos avachis, grouillaient d’étranges créatures à huit roues, moins des véhicules que des insectes de métal jaune aux longues pattes élancées qui parcouraient des dizaines d’hectares de conteneurs empilés en clignotant de tous leurs feux pour choisir la bonne boîte, l’emporter et la donner en offrande au MSC CordobaMSC Cordoba : porte-conteneurs construit en 2008 et actuellement exploité par Mediterranean Shipping Company (MSC)., jamais repu. Le même spectacle se jouait sur la jetée d’en face et sur celle d’après. Tout autour de ma cabine, ce n’étaient que grues, biguesbigue : grue portuaire., linersliner : navire, rouliersroulier : navire spécialisé dans le transport des véhicules routiers., tankerstanker : navire-citerne pour le transport du pétrole., vraquiersvraquier : navire transportant des marchandises en vrac., remorqueurs, fret, conteneurs, élévateurs, cavalierscavalier : portique de manutention de conteneurs., palanspalan : dispositif servant à lever ou à déplacer des matériaux., palettes, draguesdrague : navire utilisé près des ports, dans les rivières ou en mer pour lutter contre l'ensablement ou l'envasement. , silos, darsesdarse : bassin à l'intérieur d'un port., ferrailles et pas un homme visible. Mais partout des mots nouveaux ou fantasmatiques qui organisaient un chaos titanesque avant le grand large.
Le ballet se jouait dans des bruits de poulies, de métal choqué, de klaxons et de sirènes sous les halos jaune d’œuf des lumières du port marchand. Je me suis allongé sur mon lit, j’ai branché mon casque sur mon smartphone et je me suis endormi vers 22 heures en écoutant « L’Océan » de Dominique ADominique A, nom de scène de Dominique Ané, est un auteur-compositeur-interprète français né en 1968., moi qui ne me couche jamais avant deux heures du matin. Je crois que j’étais en état de choc, sidéré par le gigantisme du navire et du port et puis par tout ce temps qui s’entassait soudain devant moi.
Je me suis réveillé quand le cargo s’est éloigné de son quai, à 3 heures du matin. Le monstre de métal était guidé par les bateaux-pilotesbateau-pilote : bateau rapide utilisé pour transporter le pilote à bord des navires qui arrivent ou quittent le port. Le pilote conseille le commandant du navire lors des manœuvres d'accostage et d'appareillage. du port belge. J’avais la sensation d’être à bord de ma propre vie et de m’éloigner de son cours normal pour une parenthèse fascinante, une cure de déconnexion, ou plutôt une tentative de reconnexion avec la nature, les éléments, et peut-être avec moi-même. Le Cordoba, ses 275 mètres de long et ses 60 000 tonnes se sont glissés avec grâce dans une écluse à leur mesure. C’était la dernière étape avant l’océan, le silence et le vent. Plus de téléphone portable, plus d’Internet, plus de réseaux sociaux, plus de femme, plus d’enfant, plus de parent, plus de famille, plus d’ami, plus rien que l’horizon infini, le bourdonnement du moteur, la houle, les odeurs de graisse, de fuel et l’ennui.
Il est 23 heures. Après cette première journée de navigation, j’ai l’impression d’être entré dans un sas de décompression au bout duquel commencera vraiment le voyage. Je vais bientôt naître à la mer.
Après le commentaire, le deuxième sujet proposé au choix à l’épreuve anticipée de français du Bac technologique consiste à contracter un texte puis à rédiger un essai sur une problématique commune au texte initial et à l’œuvre de littérature d’idées que vous avez étudiée.
1. La contraction de texte (notée sur 10 points)
La contraction de texte est un exercice d’analyse et de rédaction qui consiste à résumer un texte en utilisant un nombre de mots déterminé. Comme le précisent les Instructions officielles, la contraction de texte permet d’apprécier l’aptitude du candidat à reformuler une argumentation de manière précise. Elle prend appui sur un texte relevant d’une forme moderne et contemporaine de la littérature d’idées. D’une longueur de 750 mots environ, ce texte fait l’objet d’un exercice de contraction au quart, avec une marge autorisée de plus ou moins 10 %. Le candidat doit indiquer à la fin de l’exercice le nombre de mots utilisés. Source : https://www.education.gouv.fr/bo/20/Special7/MENE2019312N.htm
1. L’étape préparatoire
Crayons et surligneurs en main, lisez le texte une première fois.
Soyez tout d’abord attentif au paratexte (qui peut vous fournir des indications utiles pour situer l’auteur, comprendre le contexte, identifier le genre du texte, etc.).
Essayez ensuite de repérer le thème (de quoi parle le texte ?) ainsi que la thèse défendue par l’auteur (et le cas échéant, la thèse réfutée) : soutient-il sa thèse explicitement ou implicitement ?
Intéressez-vous également à l’énonciation que vous devrez restituer fidèlement : utilisez le “je” si le texte est à la 1ère personne. Quels jugements de valeurs sont exprimés ? L’art de la persuasion fait reposer son efficacité sur la dimension affective, des termes mélioratifs ou péjoratifs : par exemple, l’auteur peut marquer sa présence en mettant en avant ses émotions, ses jugements pour mieux persuader. Il peut également s’adresser directement au lecteur pour l’impliquer avec l’apostrophe, des questions ou les pronoms de la 2e personne. Mais le point de vue peut être nuancé, avec des verbes d’opinion (affirmer, douter), des adverbes (“assurément”, “peut-être”), etc. Il arrive parfois que l’auteur s’efface afin de donner une dimension plus universelle à son argumentation. Il emploie alors le pronom indéfini « on » ou la première personne du pluriel « nous » qui implique une connivence avec le lecteur. Dans tous les cas, vous devrez vous mettre à la place de l’auteur l’auteur et adopter la même position et le même ton que lui.
2. La lecture approfondie du texte
Relisez soigneusement le texte afin d’en établir précisément le plan :
Encadrez les mots clés c’est-à-dire les mots importants du texte (qu’on ne peut remplacer par un synonyme satisfaisant sans en altérer le sens).
Surlignez les principaux arguments du texte : ils ont pour fonction d’étayer la thèse défendue par l’auteur (et le cas échéant, la thèse réfutée). C’est une étape essentielle : n’oubliez pas que le but d’un texte argumentatif est de convaincre au moyen de preuves objectives, de raisonnements et d’arguments. Il vous donc identifier les différentes étapes de l’argumentation en veillant à hiérarchiser les idées relevées.
Repérez également les exemples : contrairement aux arguments qui portent sur des idées générales, les exemples portent sur des faits particuliers ou concrets : ne les retenez que s’ils ont une valeur illustrative. Les exemples à valeur illustrative sont souvent reliés à la thèse par des connecteurs logiques de conséquence (“ainsi”, “par exemple”, etc.).
Encadrez les connecteurs logiques
Barrez les éléments non essentiels à la contraction.
3. La rédaction de la contraction
RAPPEL : vous devez conserver les marques d’énonciation du texte. Si l’auteur dit “je”, votre contraction doit être à la première personne. Surtout n’écrivez pas “l’auteur dit que” : c’est une maladresse lourdement sanctionnée. Vous devez vous mettre à la place de l’auteur.
Votre contraction doit comporter les idées essentielles du texte. N’ajoutez aucune idée personnelle : la nécessité de l’objectivité est impérative.
Votre contraction doit être concise : le montage de citations est interdit : vous ne devez pas reprendre les expressions utilisées par l’auteur. Vous devez donc reformuler en dégageant l’essentiel : la reprise des formulations du texte, sauf si elle se justifie (mots clés, dont la suppression empêcherait la compréhension du message), contrevient aux principes de l’exercice. L’effort de reformulation est donc indispensable, ce qui exige de la part du candidat un langage concis, précis et diversifié.
2 erreurs majeures à éviter :
conserver la syntaxe en remplaçant chaque mot par un synonyme ;
faire un “montage de citations” en collant bout à bout des phrases du texte d’origine.
Respectez l’articulation et le mouvement du texte : vous devez en effet conserver l’ordre des idées afin d’exposer le plus rigoureusement toutes les étapes du raisonnement mis en œuvre par l’auteur. Si le texte comporte 3 paragraphes, cela signifie que vous devrez faire 3 paragraphes dans votre résumé.
Avant de recopier au propre votre contraction…
Comptez très attentivement vos mots en ne dépassant pas l’écart toléré de 10%
Relisez soigneusement votre texte qui doit être compréhensible et rédigé très clairement. Attention : l’orthographe et la syntaxe sont pénalisantes.
choix du sujet + étape préparatoire
40 minutes
Lecture approfondie du texte + notes
40 minutes
Rédaction de la contraction + comptage + relecture
40 minutes
2. L’essai argumentatif (noté sur 10 points)
Après la contraction de texte, il vous faut rédiger un “essai”. Cet exercice noté sur 10 points relève de l’argumentation. Il est basé sur un thème défini abordé lors de la contraction de texte. Le sujet amène le plus souvent le candidat à soutenir un raisonnement illustré par des exemples répondant à une problématique dans le but de convaincre un lecteur en justifiant ou en confrontant des thèses successives.
Les Instructions officielles précisent : “Le sujet de l’essai porte sur le thème ou la question que le texte partage avec l’œuvre et le parcours étudiés durant l’année dans le cadre de l’objet d’étude La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle. Pour développer son argumentation, le candidat s’appuie sur sa connaissance de l’œuvre et des textes étudiés pendant l’année ; il peut en outre faire appel à ses lectures et à sa culture personnelles“. Source : https://www.education.gouv.fr/bo/20/Special7/MENE2019312N.htm
Analyser le sujet et trouver une problématique
Lisez attentivement le sujet afin de déterminer le type de plan qu’il vous faudra utiliser.
Le plan dialectique : ce plan est pratiqué quand le sujet invite à mettre en débat une opinion : il invite le plus souvent à défendre un point de vue dans la thèse (votre première partie) en trouvant au moins deux arguments illustrés d’exemples, et à le nuancer dans l’antithèse (votre deuxième partie) en trouvant également deux arguments illustrés d’exemples.
Le plan thématique : à la différence du plan dialectique, ce type de plan n’amène pas à une discussion mais à analyser un problème clairement identifiable dans l’énoncé, ou à étayer (= soutenir) la validité d’une thèse donnée. Les différents paragraphes de votre travail abordent chacun un aspect particulier du sujet.
Convaincre et persuader… Quel que soit le type de sujet, il s’agit de proposer des pistes de réflexion à partir desquelles le lecteur construira sa propre opinion en pesant par exemple le pour et le contre. À la différence de la contraction qui exige une stricte neutralité, vous devez clairement affirmer votre opinion.
Pensez à mettre en valeur votre démarche argumentative : vos arguments doivent toujours être illustrés par un ou plusieurs exemples tirés du texte à contracter, des œuvres étudiées en classe (notamment l’œuvre étudiée et le parcours associé).ou de votre culture générale (littérature, arts, actualité…) : le but étant de séduire votre lecteur par votre force de conviction.
L’introduction
Elle doit comporter :
L’entrée en matière. Appelée également « amorce », ou « accroche », l’entrée en matière a pour but d’éveiller l’intérêt du lecteur et situer le cadre du sujet.
L’annonce du sujet : vous devez rappeler l’intitulé du sujet. N’hésitez pas à reformuler (brièvement, de façon claire et concise) le sujet afin de fournir un éclaircissement. Essayez ensuite de formuler une problématique. Cette deuxième étape est essentielle puisqu’elle amène à poser la question à laquelle votre devoir va répondre.
L’annonce du plan : c’est évidemment une étape incontournable puisqu’il s’agit pour le candidat d’annoncer la manière dont il va traiter le sujet, en lien avec la problématique. Surtout, ne rentrez pas dans le détail des arguments. Annoncez synthétiquement les grands axes de votre réflexion.
Le développement
Rédigez ensuite votre développement en reprenant le plan que vous avez établi au brouillon. Votre développement doit comporter entre 2 et 4 paragraphes (par exemple, s’il y a 2 parties, chaque partie comportera 2 paragraphes).
Le paragraphe argumentatif doit respecter certaines règles simples :
Annoncer l’idée (au moyen d’un connecteur logique marquant la relation au paragraphe précédent) en une ou deux phrases succinctes dans un souci de clarté. Il faut qu’en vous lisant le correcteur (et n’importe quel lecteur) puisse répondre spontanément à la question : « De quoi est-il question dans ce paragraphe ? » Votre formulation se doit donc d’être précise et claire.
Développer l’idée. C’est la phase d’approfondissement et d’explicitation : de fait, il est très maladroit de trouver dans certaines copies un argument certes pertinent, mais qui n’est pas développé. D’où une impression de superficialité, puisque le lecteur n’a pas pu suivre et donc comprendre votre logique démonstrative. Avant de passer à l’exemple, il est donc impératif d’étayer l’idée annoncée.
Illustrer l’idée. C’est la fonction des exemples. Vous ne devez pas les multiplier afin d’éviter l’impression de « catalogue » que présentent certaines mauvaises copies : un ou deux exemples bien ciblés et rattachés à la problématique sont préférables à une succession d’exemples qui feraient perdre au paragraphe son unité de composition et de sens. Pensez à développer votre exemple : soyez tout d’abord précis dans vos références (titre de l’œuvre, numéro de chapitre, référence de partie, etc.) ; commentez, même brièvement l’exemple choisi en montrant en quoi il vient illustrer l’argument avancé.
La conclusion Elle se doit d’être brève et synthétique. Elle comporte en général deux étapes :
Le bilan : il ne s’agit pas de rappeler les étapes du raisonnement, ce qui vous amènerait à d’inévitables redites, mais les résultats auxquels vous êtes parvenu au terme de votre démonstration. Rappelez-vous que la ou les questions posées par la problématique dans l’introduction doivent trouver en conclusion leur réponse. La conclusion doit donc vous amener à une prise de position.
L’ouverture (ou élargissement). Cette question fait souvent débat : est-il utile d’ouvrir les perspectives par un nouveau questionnement, sans tomber dans des considérations qui n’auraient plus aucun rapport avec le sujet ? Oui, à la condition que ce questionnement ait une légitimité, une justification. Or, force est de reconnaître que beaucoup de conclusions débouchent sur des élargissements peu probants d’un point de vue intellectuel, ce qui est pénalisant, particulièrement en fin de devoir : si vous manquez d’inspiration, évitez d’élargir. Certes, il est possible d’ouvrir une perspective, mais en restant dans les limites de la problématique posée, au risque de laisser le correcteur sur une mauvaise impression.
Analyse du sujet et choix de la problématique
30 minutes
Recherche des idées/exemples + élaboration du plan
Du vagabondage territorial à la quête existentielle…
Qu’est-ce qu’une route ? Comme le rappelle Régis Debray, c’est tout d’abord une “trace tangible inscrite matériellement dans le sol”1. Le CNRTL précise ainsi la définition : “Voie de communication importante (par opposition à chemin) qui permet la circulation de véhicules entre deux points géographiques donnés, généralement deux agglomérations”.
Mais à ce déplacement spatial, géographique, horizontal, se superpose un déplacement vertical : en ce sens la route, loin de se limiter à une vision purement utilitaire destinée à relier les villes, à organiser les territoires, occupe une place à part dans nos imaginaires. Face à l’engluement dans le conservatisme, les stéréotypes et les clichés, la route, c’est d’abord l’affranchissement, la liberté.
De fait, le voyage ne saurait s’apparenter à un simple déplacement. Faire ses valises, partir, c’est accepter de voir le monde différemment, s’arracher de son quotidien, changer de façon de vivre pour découvrir le monde et se confronter à l’inconnu afin de se découvrir soi-même, loin des pressions sociales et familiales.
Comme le rappelle le dictionnaire Littré, la route signifie en effet la rupture (étymologie de route = ruptus2), elle fait perdre tout contact avec l’enracinement sédentaire et ses normes. Parce qu’elle s’inscrit dans l’imaginaire des grands espaces propre à la civilisation de la voiture, la route permet d’ouvrir son regard sur le monde, sur d’autres modes de vie.
De fait, le mythe fondateur de la route, c’est l’exploration de l’inconnu, le désir d’aventure, qui permet une autre relation au monde et à la réalité des choses. Des chemins de Saint-Jacques de Compostelle à la célèbre route 66, la route édifie toute une mythologie qui impose une façon d’être : rompre avec ses racines, se dégager de sa condition sociale, parfois de la morale.
Le vagabondage renvoie ainsi à la jeunesse, au héros aventurier, synonyme d’errance et de désir d’anti-conformisme par opposition à la norme sociale. Comme vous le verrez en parcourant les documents de ce corpus, le voyage par la route devient un besoin physique de fuite en avant et de découvertes : c’est un état d’esprit permettant de réfléchir sur le sens de la vie.
Le succès américain du livre de Jon Krakauer, Into the Wild : voyage au bout de la solitude2, met en évidence cette dimension initiatique du voyage, comme le révèle le pseudonyme d’Alexander Supertramp, le vagabond3. Un tel choix suppose l’acceptation d’un certain dénuement : renouvellement de la personne, quête quasi existentielle. À travers le voyage initiatique, il s’agit de chercher à se découvrir afin de se construire pour atteindre la vérité.
Loin des bonheurs superficiels, la route est ainsi le miroir d’un ailleurs fantasmé, qui passe plus ou moins par le rejet de la terre-mère, le rêve de liberté et la volonté d’échapper à l’ordre établi, aux préjugés et à l’hypocrisie d’un monde de compromis. Quête mystique, perte des repères, voyage intérieur… la route s’apparente à une sorte de quête impossible de la Terre promise… B. R.
NOTES
1. Régis Debray, « Rhapsodie pour la route », Les Cahiers de médiologie, 2, 1996, p. 6. Cité par Caroline Courbières dans “La route, milieu mythique”, Communication & langages 2018/1 (N° 195). |lien|
2. Bourguig. rôte ; du bas-lat. via rupta, voie rompue, voie qu’on a faite en rompant la forêt et le terrain (voy. ROMPRE). Source : https://www.littre.org/definition/route
3. Le livre a été magnifiquement adapté au cinéma par Sean Penn en 2007 (Into the Wild).
NIVEAU DE DIFFICULTÉ : **(* ACCESSIBLE ; ** MOYENNEMENT DIFFICILE ; *** DIFFICILE)
Activités d’écriture :
♦ Synthèse : Vous réaliserez une synthèse concise, ordonnée et objective des documents suivants :
Isabelle Eberhardt, “Vagabondages”, 1902. Œuvres complètes : Écrits sur le sable, Tome I, Grasset 1989, p. 25-26.
Jack Kerouac, Sur la route (On the road), 1957
Jean-Jacques Goldman, “On ira”, 1997
Eric Bournot, Joana Boukhabza, Road trips en van : Itinéraires sauvages et bucoliques sur les plus belles routes de nos régions, 2022
♦ Écriture personnelle :
Sujet 1 : Dans quelle mesure le dépaysement permet-il de réfléchir différemment sur soi ?
Sujet 2 : Vous est-il arrivé de vouloir tout quitter pour partir sur les routes ?
Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos connaissances personnelles.
Isabelle Eberhardt (Genève, 1877 – Aïn-Sefra, Algérie, 1904) est une exploratrice, journaliste et écrivaine née suisse de parents d’origine russe, et devenue française par son mariage. Morte accidentellement lors de la crue d’un oued à la frontière algéro-marocaine, c’est une femme de lettres d’une très grande érudition. Polyglotte accomplie, elle se passionne pour le Maghreb, la culture arabe et la civilisation islamique. Très critique à l’égard de la colonisation française, elle mène une vie de nomade, mêlant son existence à celle des peuples de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie auxquels elle vouait une véritable admiration. Vous pouvez consulter sur Gallica un de ses ouvrages majeurs, Pages d’Islam, et plus particulièrement cette nouvelle : “Cheminot”, dont la lecture (très brève) est judicieuse pour le thème (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5516207x/f160.item).
[…] le vagabondage, c’est l’affranchissement, et la vie le long des routes, c’est la liberté. Rompre un jour bravement toutes les entraves dont la vie moderne et la faiblesse de notre cœur, sous prétexte de liberté, ont chargé notre geste, s’armer du bâton et de la besace symboliques, et s’en aller ! Pour qui connaît la valeur et aussi la délectable saveur de la solitaire liberté (car on n’est libre que tant qu’on est seul), l’acte de s’en aller est le plus courageux et le plus beau. Égoïste bonheur peut-être, mais c’est le bonheur pour qui sait le goûter. Être seul, être pauvre de besoins, être ignoré, étranger et chez soi partout, et marcher, solitaire et grand à la conquête du monde. Le chemineau solide, assis sur le bord de la route, et qui contemple l’horizon libre, ouvert devant lui, n’est-il pas le maître absolu des terres, des eaux et même des cieux ? Quel châtelain peut rivaliser avec lui en puissance et en opulence ? Son fief n’a pas de limites, et son empire pas de loi. Aucun servage n’avilit son allure, aucun labeur ne courbe son échine vers la terre qu’il possède et qui se donne à lui, toute, en bonté et en beauté. Le paria, dans notre société moderne, c’est le nomade, le vagabond, « sans domicile ni résidence connus ». En ajoutant ces quelques mots au nom d’un irrégulier quelconque, les hommes d’ordre et de loi croient le flétrir à jamais. Avoir un domicile, une famille, une propriété ou une fonction publique, des moyens d’existence définis, être enfin un rouage appréciable de la machine sociale, autant de choses qui semblent nécessaires, indispensables presque à l’immense majorité des hommes, même aux intellectuels, même à ceux qui se croient le plus affranchis. Cependant, tout cela n’est que la forme variée de l’esclavage auquel nous astreint le contact avec nos semblables, surtout un contact réglé et continuel. J’ai toujours écouté avec admiration, sans envie les récits de braves gens qui ont vécu des vingt et trente ans dans le même quartier, voire dans la même maison, qui n’ont jamais quitté leur ville natale. Ne pas éprouver le torturant besoin de savoir et de voir ce qu’il y a là-bas, au-delà de la mystérieuse muraille bleue de l’horizon….Ne pas sentir l’oppression déprimante de la monotonie des décors…regarder la route qui s’en va toute blanche, vers les lointains inconnus, sans ressentir l’impérieux besoin de se donner à elle, de la suivre docilement, à travers les monts et les vallées, tout ce besoin peureux d’immobilité, ressemble à la résignation inconsciente de la bête, que la servitude abrutit, et qui tend le cou vers le harnais.
Isabelle Eberhardt, “Vagabondages”, 1902.
Œuvres complètes : Écrits sur le sable, Tome I, Grasset 1989, p. 25-26.
Document n°2 : Jack Kerouac, Sur la route (On the road), 1957.
Chef de file de la « Beat Generation », Jack Kerouac (1922-1969) est un écrivain américain d’origine canadienne-française. Très représentative de la Contreculture et largement controversée de son vivant, son œuvre est anticonformiste et annonce la période de contestation sociale qui bouleversera la fin des années Soixante aux États-Unis. Sur la route (rédigé en 1951 mais publié en 1957) se présente à ce titre comme une ode audacieuse à la liberté et au “dérèglement de tous les sens”, pour reprendre une expression de Rimbaud. L’impression qui ressort à la lecture de cette immense fresque, partagée entre les paysages uniques de l’Amérique et les dérives de toute sorte, est le don poétique de Kerouac, apte à nous faire ressentir, à travers l’exil des routes, l’immensité même du « paysage humain ». De fait ce roman, largement autobiographique, se lit un peu comme un road movie : la route elle-même devient intrigue et le voyage cheminement spirituel, moyen de s’emparer, en le parcourant, du monde qui nous entoure.
Il y eut de la bruine et du mystère dès le début du voyage. Je me rendais compte que tout cela allait être une vaste épopée de brume. « Hou ! » gueula Dean. « En route ! » Et il se coucha sur le volant et écrasa le champignon ; il était de nouveau dans son élément, c’était visible. On était tous aux anges, on savait tous qu’on laissait derrière nous le désordre et l’absurdité et qu’on remplissait notre noble et unique fonction dans l’espace et dans le temps, j’entends le mouvement. Et quant à se mouvoir, on le faisait ! On passa dans un éclair, quelque part dans la nuit du New Jersey, les mystérieux symboles blancs qui indiquent : SUD (avec une flèche) et OUEST (avec une flèche) et on bifurqua au Sud. La Nouvelle-Orléans ! Elle flamboyait dans nos têtes. Quittant les neiges fangeuses1 de […] New York, […] on roulait vers la végétation et le parfum fluvial de la vieille Nouvelle-Orléans aux confins délavés de l’Amérique ; ensuite ce serait l’Ouest. Ed était sur le siège arrière ; Marylou, Dean et moi étions assis devant et tenions les discussions les plus passionnées sur l’excellence et les charmes de la vie. Dean devint tendre tout à coup. « Eh bien, bon Dieu, tenez, tous autant que vous êtes, nous devons reconnaître que tout est beau et qu’il n’y a aucune nécessité en ce monde de se faire du souci et, de fait, nous devrions nous rendre compte de ce que signifierait pour nous la COMPRÉHENSION de ceci, que nous n’avons RÉELLEMENT AUCUN souci. N’ai-je pas raison ?» On était tous d’accord.« Allons-y, on est tous ensemble… Qu’est-ce qu’on a foutu à New York ? Passons l’éponge. » Nous avions laissé derrière nous toutes nos querelles. « Tout ça est dans notre dos, il suffit d’allonger les milles et descendre nos penchants naturels. Nous avons mis le cap sur la Nouvelle-Orléans pour savourer Old Bull Lee2 : ne sera-ce pas formidable, non ? et puis écoutez, voulez-vous, ce vieil alto crever le plafond – il fit si fort gueuler la radio que la bagnole en vibrait – et écoutez-le raconter son histoire, nous dire ce que c’est, le vrai repos et la pure connaissance.» On était tous d’accord pour la musique et en pleine harmonie. La pureté de la route. La ligne blanche du milieu de l’autostrade se déroulait et léchait notre pneu avant gauche comme si elle avait collé à notre étrave. […] Tout seul dans la nuit, je m’abandonnais à mes pensées et maintenais l’auto le long de la ligne blanche de la route sacrée. Qu’est-ce que je faisais ? Où j’allais ? Je le découvrirais bientôt. J’étais claqué après Macon3 et je réveillai Dean pour qu’il me relaie. On sortit de l’auto pour prendre l’air et soudain on fut tous deux abasourdis de joie quand on se rendit compte que, dans l’obscurité autour de nous, s’étendaient de verts pâturages embaumés et montaient des relents de fumier frais et d’eaux tièdes. « On est dans le Sud ! On a grillé l’hiver ! » L’aube pâle illumina des arbustes verdoyants au bord de la route. Je gonflai d’air mes poumons; une locomotive hurla dans l’obscurité, filant sur Mobile4. Nous aussi, nous y filions. J’enlevai ma chemise, plein d’allégresse. Dix milles plus loin, Dean entra dans une station d’essence, les gaz coupés, vérifia que l’employé dormait à poings fermés sur le bureau, sortit d’un bond, remplit tranquillement le réservoir d’essence, prit garde que la sonnette ne tinte pas, et mit les voiles comme un Bédouin avec un réservoir plein de cinq dollars d’essence pour notre pèlerinage. Je m’endormis et m’éveillai au bruit d’une musique loufoque et triomphante; Dean et Marylou discutaient tandis que défilait l’immensité verdoyante. « Où on est ?
— On vient de traverser le bout de la Floride, mon pote… Flomaton5, ça s’appelle. » La Floride ! On roulait vers la plaine côtière et Mobile ; droit devant nous, de grands nuages planaient sur le Golfe du Mexique. Il y avait seulement trente-deux heures qu’on avait quitté nos amis dans la neige du Nord. […] À l’entrée de Mobile, sur la longue route inondée aux grandes marées, on enleva toutes nos fringues d’hiver et on savoura la température du Sud.
1. fangeuses : boueuses.
2. Old Bull Lee : William S. Burroughs (1914-1997), un des écrivains majeurs de la Beat Generation. Ce mouvement symbole de l’Amérique des années 50-60 revendiquait des engagements politiques extrêmes à l’opposé de toutes les conventions sociales et refusait le capitalisme sous toutes ses formes.
3. Macon : ville située au centre de la Géorgie.
4. Mobile : ville de l’Alabama située au centre de la Côte du Golfe du Mexique.
5. Flomaton : ville du comté d’Escambia, en Alabama.
Que demain revienne encore Loin des villes soumises, on suivra l’autoroute Ensuite on perdra tous les Nords
On laissera nos clés, nos cartes et nos codes, Prisons pour nous retenir Tous ces gens qu’on voit vivre comme s’ils ignorent Qu’un jour il faudra mourir
Et qui se font surprendre au soir Oh belle, on ira On partira toi et moi, où ? Je sais pas Y’a que les routes qui sont belles Et peu importe où elles nous mènent Oh belle, on ira On suivra les étoiles et les chercheurs d’or Si on en trouve, on cherchera encore
On n’échappe à rien, pas même à ses fuites Quand on se pose on est mort Oh j’ai tant obéi, si peu choisi petite Et le temps perdu me dévore
On prendra les froids, les brûlures en face On interdira les tiédeurs Des fumées, des alcools et des calmants cuirasses Qui nous ont volé nos douleurs
La vérité nous fera plus peur Oh belle, on ira On partira toi et moi, où ? Je sais pas Y’a que des routes qui tremblent Les destinations se ressemblent Oh belle, tu verras On suivra les étoiles et les chercheurs d’or On s’arrêtera jamais dans les ports, jamais
Oh belle, on ira Et l’ombre ne nous rattrapera peut-être pas On ne changera pas le monde Mais il ne nous changera pas Oh ma belle, tiens mon bras On sera des milliers dans ce cas, tu verras Et même si tout est joué d’avance, On ira, on ira
Même si tout est joué d’avance À côté de moi Tu sais y’a que les routes qui sont belles Et crois-moi, on partira, tu verras Si tu me crois, belle Si tu me crois, belle Un jour on partira Si tu me crois, belle Un jour…
Clip réalisé par Gérard Namiand (comédienne : Élodie Navarre)
Document n°4 : Eric Bournot, Joana Boukhabza, Road trips en van : Itinéraires sauvages et bucoliques sur les plus belles routes de nos régions, 2022.
Joana & Éric, voyageurs à plein temps en van(s) aménagé(s), créateurs et auteurs du site ” Des Fenêtres sur le Monde”
Originaires tous deux du sud de la France, nous sommes passionnés de nature, de voyage et de vieille mécanique mais surtout de Combis Volkswagen. Nous nous sommes rencontrés pendant nos études et nous avons cette chance d’être à la fois similaires et complémentaires. Nous nous retrouvons autour de mêmes passions et mêmes envies, de regards semblables mais différents sur ce qui nous entoure, et une soif intarissable d’apprendre et de découvrir. […]
Architectes de formation, en 2015, nous avons fait le choix de quitter un schéma de vie « classique » pour une vie un peu plus à notre image… aventureuse, créative ! Une vie faite d’Ailleurs, d’inattendu et de rencontres.
Nous avons donc rendu notre appartement, vendu nos affaires et quitté la France pour le Canada où nous avons acheté notre van « Popo », un Volkswagen T3 de 1984, et effectué un premier road trip de plus de 77 000 km à travers le pays des caribous et les États-Unis.
À force de randonnées, bivouacs, observations d’animaux sauvages, paysages de carte postale, incroyables rencontres et, il faut le dire aussi, quelques galères, nous sommes devenus totalement accros à ce style de voyage. Et au fil des kilomètres, le road trip s’est transformé en un mode de vie que l’on appelle désormais le vanlife.
Presque 200 000 km et plusieurs années après, nous vivons/ voyageons à temps plein sur les routes, avec l’envie d’aller toujours plus loin. Ce petit van orange ne nous a plus quittés. De l’Alaska au Guatemala, notre compagnon de route est devenu, au-delà de notre maison sur roues, un membre de notre famille, un cocon, symbole des possibles.
Nous passons notre vie que la route à découvrir ce qui nous entoure, mais aussi à nous découvrir nous-mêmes. […]
Une obsession du voyage, de l’outdoor et de la découverte, une nécessité d’être toujours en mouvement qui nous poussent à vouloir en voir toujours plus à travers les fenêtres de nos vans. Parce que le voyage est sans nul doute une fabuleuse ouverture sur le monde, impossible maintenant pour nous d’enclencher la marche arrière…
Rien n’est linéaire, et si nous avons appris une chose toutes ces années de vie sur la route, c’est qu’il faut s’adapter, oser et vivre.
Pour aller plus loin…
Afin de nourrir votre réflexion pour l’écriture personnelle, inspirez-vous de ces références culturelles…
“Song of the Open Road” (I) (1856)
Walt Whitman (1819-1892)
Afoot and light-hearted I take to the open road,
Healthy, free, the world before me,
The long brown path before me leading wherever I choose.
Henceforth I ask not good-fortune, I myself am good-fortune,
Henceforth I whimper no more, postpone no more, need nothing,
Done with indoor complaints, libraries, querulous criticisms,
Strong and content I travel the open road.
The earth, that is sufficient,
I do not want the constellations any nearer,
I know they are very well where they are,
I know they suffice for those who belong to them.
(Still here I carry my old delicious burdens,
I carry them, men and women, I carry them with me wherever I go,
I swear it is impossible for me to get rid of them,
I am fill’d with them, and I will fill them in return.)
Chanson de la grand-route
Debout et le cœur léger je pars sur la grand-route,
En pleine santé, libre, le monde est devant moi,
Le long sentier brun devant moi me mène où bon me semble.
Désormais je ne demande pas la chance, je suis moi-même la chance,
Désormais je ne pleurniche plus, je n’ajourne plus, je n’ai plus besoin de rien,
Fini les plaintes routinières, les bibliothèques, les critiques querelleuses,
Fort et content, je voyage sur la grand-route.
La terre, ça suffit,
Je ne veux pas que les constellations se rapprochent,
Je sais qu’elles sont très bien là où elles sont,
Je sais qu’elles suffisent à ceux qui les habitent.
(Encore ici je porte mes précieux fardeaux d’autrefois,
Je les porte, hommes et femmes, je les porte partout où je vais,
Je jure qu’il m’est impossible de m’en débarrasser,
J’en suis rempli, et je les remplirai en retour.)
[traduction : BR]
Bernard Lavilliers, “On the road again” (1988) Album If (Barclay). Paroles : B. Lavilliers. Musique : Sebastian Santa Maria.
Jack Kerouac, Sur la route
« Nos bagages cabossés étaient de nouveau empilés sur le trottoir ; nous avions encore bien du chemin à faire. Mais qu’importait, la route, c’est la vie. »
Our battered suitcases were piled on the sidewalk again; we had longer ways to go. But no matter, the road is life.
Jack Kerouac, Sur la route, Folio Gallimard, p. 300.
Jean-Jacques Goldman, “Là-bas” (1987) Album : Entre gris clair et gris foncé. Paroles et musique : Jean-Jacques Goldman
Là-bas
Tout est neuf et tout est sauvage
Libre continent sans grillage
Ici, nos rêves sont étroits”
“Un été en Poésie” revient… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.
Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre…
Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…
1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm 2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195
Aujourd’hui… Renée Vivien (Pauline Mary Tarn) (1877, Londres — 1909, Paris)… Grande-Bretagne
[Renée Vivien est une poétesse britannique de langue française]
Jeudi 21 juillet : Lucien Fabre
Aurore sur la mer
Je te méprise enfin, souffrance passagère !
J’ai relevé le front. J’ai fini de pleurer.
Mon âme est affranchie, et ta forme légère
Dans les nuits sans repos ne vient plus l’effleurer.
Aujourd’hui je souris à l’Amour qui me blesse.
Ô vent des vastes mers, qui, sans parfum de fleurs,
D’une âcre odeur de sel ranimes ma faiblesse,
Ô vent du large ! emporte à jamais les douleurs !
Emporte les douleurs au loin, d’un grand coup d’aile,
Afin que le bonheur éclate, triomphal,
Dans nos cœurs où l’orgueil divin se renouvelle,
Tournés vers le soleil, les chants et l’idéal !
Renée Vivien, Études et Préludes, Alphonse Lemerre, 1901, p. 31-32.
« Ô vent du large ! emporte à jamais les douleurs ! Emporte les douleurs au loin, d’un grand coup d’aile »…
Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe…
L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et “faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu”¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre…
Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…
1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 “Invitation au voyage” : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195.