Un été en Poésie (saison 2) 22 juillet-22 août 2014… Aujourd’hui : Jeanne Dortzal


UAEP 2014 accroche
Pour la deuxième année consécutive, du mardi 22 juillet 2014 au vendredi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite :
« Un été en poésie »

Chaque jour, un poème sera publié. Cette année, quinze pays seront représentés dans ce tour du monde poétique, mêlant écriture et arts visuels. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Jeanne Dortzal (pseudonyme de Jeanne-Françoise Thomasset) 
Djemaa el Ghazaouet (Algérie), 1878 — (lieu inconnu) 1943 FRANCE

Hier, lundi 18 août : René Char… FRANCE
Demain, mercredi 20 août : André Laude… FRANCE

Le large

J’ai vécu sous un ciel si jeune et si vorace,
La lumière du Sud eut un tel déploiement,
Qu’il me semble avoir bu aux sources de l’espace,
Comme ces condamnés qui marchent dans le vent.

Ma bouche fut la pulpe où l’été qui chavire
Retrouva sa chaleur. Notre sang virginal
Fut le pollen qui danse et féconde et respire,
La terre s’est faite homme et fut l’amant pascal.

Nous avons chevauché dans l’humus et la flore,
Les parfums souterrains charriant des soleils,
Et sous nos pieds géants, entraînés vers l’aurore,
S’accrochait la toison des pays sans pareils.

Rêve apocalyptique où la pensée appelle,
Spasme vers l’inconnu qui vous couche vivant
Dans ce ciel qu’on emporte et qui vous écartèle,
Avec sa croix de sable et son oubli mouvant.

J’ai tenu sous mes poings, la saison démontée,
La lumière qui saoule a jailli sur mes flancs;
Mon vin à moi, celui qui verse, par bolée,
Le jour-dieu qui vendange et saigne au fond des temps.

Corps sculpté par l’absence et dont la ligne fière
N’est qu’un prolongement du désert parcouru.
Ô chair en solitude, ayant fait sa litière
Dans l’azur qui fuyait et que j’ai maintenu.

Ô large, sois ma proie et que tes ailes claquent!
Je t’ai voulu semblable à ce que j’ai rêvé,
Musical et profond comme une nuit de Pâques,
Dans la toute-puissance où l’esprit s’est lavé.

Je t’offre, pour rançon, mes plus riches minutes,
Ma soif émerveillée et mon accouplement
Avec l’herbe, le feu, les sables où je bute,
Et ma cabane d’ange où j’endormais le vent.

Jeanne Dortzal (1878-1943)
La Croix de sable, Aux Éditeurs Associés, Paris 1927, pages 31-32.
Pour accéder au recueil, cliquez ici (ressource proposée par poetesses.fr)

Nuit dans le désert du Sahara_Bruno Rigolt_e« La lumière du Sud eut un tel déploiement,
Qu’il me semble avoir bu aux sources de l’espace
… »

Bruno Rigolt, « Nuit dans le désert au Sahara »
Composition graphique originale
Photographie panoramique retouchée. © Bruno Rigolt, 2014

Publié par

brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques