Pour la deuxième année consécutive, du mardi 22 juillet 2014 au vendredi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite :
« Un été en poésie »…
Chaque jour, un poème sera publié. Cette année, quinze pays seront représentés dans ce tour du monde poétique, mêlant écriture et arts visuels. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Marina Tsvétaïeva ♀
1892, Moscou — Ielabouga (République du Tatarstan, Russie), 1941… RUSSIE
Hier, dimanche 27 juillet : Pierre Jean Jouve… FRANCE
Demain, mardi 29 juillet : Pierre Reverdy… FRANCE
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Le Poème de la montagne
Extrait
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Passeront les années, la pierre sus-dite
En plate sera changée, ôtée.
Alors notre montagne sera construite
De pavillons, d’enclos — grignotée.
On dit qu’en bordure, sur de tels coteaux
L’air est plus pur et qu’il fait bon vivre.
Et l’on se mettra à tailler des lambeaux
À rayer de linteaux l’herbe vive,
À niveler mes cols et tous mes ravins —
À l’envers! Car il faut qu’un soupçon
De maison entre dans le bonheur d’au moins
Quelqu’un, — de bonheur — dans la maison !
De bonheur, — dans la maison, d’amour dénué
De fiction et de tension des veines !
C’est qu’il faut être femme et le supporter!
(Il fut bel et bien, quand tu venais,
Le bonheur — dans la maison !) D’amour tranquille,
Sans que rupture et couteau s’imposent.
Des ruines de notre bonheur une ville
Se lèvera — d’époux et d’épouses.
Et au bon air dans cette même nature
— Si tu peux — faute ! Tant qu’il est tôt ! —
Les boutiquiers pourront en villégiature
Mâcher et remâcher leur magot.
Et d’inventer des couloirs courbes ou droits
Pour que, brin à brin, la maison — fût
Car il faut bien qu’au moins quelqu’un ait un toit
Et un nid de cigogne au-dessus.
Marina Tsvétaïeva (1892-1941)
Le Poème de la montagne
Poème traduit du russe par Ève Malleret
Poème publié dans : Marina Tsvétaïeva, Le Poème de la montagne, Le Poème de la fin,
Texte bilingue établi par Ève Malleret.
Lausanne (Suisse), Éditions l’Âge d’Homme 1984, Coll. “Classiques slaves”, page 18.
« Et l’on se mettra à tailler des lambeaux
À rayer de linteaux l’herbe vive… »
Yang Yongliang, « Artificial Wonderland », 2010
© Copyright YangYongliang
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Yang Yongliang, « Phantom landscape », 2007
© Copyright YangYongliang
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