← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : “Un été en poésie“ : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Amina Saïd (1953 Tunis — )… TUNISIE
Écrivaine tunisienne d’expression française. Réside en France depuis 1979.
Hier, mercredi 7 août : Shiki Masaoka… JAPON
Demain, vendredi 9 août : Moshé Dor… ISRAËL
Sentier de lumière
(extraits)
[…]
je suis née plusieurs fois de chaque étoile
je suis morte autant de fois du soleil des jours
j’ai pris très tôt des bateaux pour nulle part
j’ai demandé une chambre dans la patrie des autres
je n’avais rien accompli avant nos adieux
j’ai habité le couchant le levant et l’espace du vent
j’étais cette étrangère qu’accompagnait le soir
deux fois étrangère entre nord et sud
j’ai gravé des oiseaux tristes sur des pierres grises
j’ai dessiné ces pierres et les ai habitées
j’ai construit des radeaux où il n’y avait pas d’océans
j’ai dressé des tentes où n’étaient nuls déserts
des caravanes m’ont conduite vers un rêve d’orient
mes calligraphies ont voyagé sur le dos des nuages
je me suis souvenue de la neige des amandiers
j’ai suivi la route aérienne des oiseaux
jusqu’au mont de la lune aux duvets des naissances
j’ai appris et oublié toutes les langues de la terre
j’ai fait un grand feu de toutes les patries
j’ai bu quelques soirs au flacon de l’oubli
j’ai cherché mon étoile dans le lit des étoiles
j’ai gardé ton amour au creux de ma paume
j’ai tissé un tapis avec la laine du souvenir
j’ai déplié le monde sous l’arche des commencements
j’ai pansé les plaies du crépuscule
j’ai mis en gerbes mes saisons pour les offrir à la vie
j’ai compté les arbres qui me séparent de toi
nous étions deux sur cette terre nous voilà seuls
j’ai serré une ceinture de mots autour de ma taille
j’ai recouvert d’un linceul l’illusion des miroirs
j’ai cultivé le silence comme une plante rare lueur après lueur
j’ai déchiffré la nuit
[…]
Amina Saïd
La Douleur des seuils
La Différence, Paris 2003
Illustration : Fernand Léger (1881-1955), “Paysage romantique”, huile sur toile (1946)
Belfort, musée d’Art et d’Histoire. Cliché : BR (août 2012, Musée Chagall, Nice)
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