Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Georges Duhamel

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Georges Duhamel (Paris, 1884 — Valmondois, 1966)… FRANCE

Hier, lundi 12 août : Stefan George… ALLEMAGNE
Demain, mercredi 14 août : Forough Farrokhzad… IRAN

 

Élégies

Le vent venait du haut de la mer éclatante ;
Un vent sans âme et sans souvenir, mais si pur,
Mais si plein de vertus égales que son souffle
Passait comme l’éternité sur nos visages.

Le littoral, avec ses campagnes, ses routes
Et les maisons de ses villages familiers
Nous offrait maintenant cette face étrangère
Que la mémoire prête aux hommes et aux choses.

De jeunes matelots faisaient ployer les rames
Et la barque rendait un bruit vibrant et creux.
Je vois encore, auprès de tes pieds nus, dormir
Des crustacés captifs aux pinces mutilées.

Le beau silence était fidèlement hanté
Par la détonation lointaine du rivage ;
Nous gagnions un récif solitaire où veillait
Un luisant cormoran qui regardait la mer.

Pensais-je à ce péril qui crispait nos poitrines ?
Pensais-je à l’oiseau noir saignant sur mes genoux ?
Ou bien au coup de feu qui transperça le monde
Quand le héron tomba du faîte des rochers ?

Qu’en sait-elle, aujourd’hui, cette âme partagée
Qui, dans l’universel et vert crépitement,
Calculait âprement, de seconde en seconde,
Ce que vaudrait cette heure au fond de l’avenir ?

Georges Duhamel
Élégies, Mercure de France, Paris 1920

 Illustration : © Bruno Rigolt, août 2013 (Peinture numérique et photomontage)
Sources : Gustave Le Gray, « La grande vague » (1857) ; Aivazovsky, « Calme sur la mer Méditerranée » (1892) ; Modigliani, « Jeanne Hébuterne au chapeau » (1917)

Publié par

brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques