« Dis-moi un Po-Aime »… Aujourd’hui la contribution de Camille V.

ImpressionLa classe de Première S2 du Lycée en Forêt est fière de vous présenter une exposition exceptionnelle : « Dis-moi un Po-aime« … Chaque jour, un(e) élève vous invitera à partager l’une de ses créations poétiques…
Bonne lecture !

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Hier, jeudi 20 février, la contribution de Slimane
Aujourd’hui, vendredi 21 février, la contribution de Camille
La mise en ligne de l’exposition reprendra le 15 mars (vacances scolaires, conseils de classe et examens blancs).

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« Voyage mélancolique »

par Camille V.
Classe de Première S2

 

Le vent, la tempête et l’orage
Secouent vivement le feuillage
De l’arbre ; déchaînent le ciel,
Attristent la mer.

Le Monde en voyage
Sur son vaisseau délabré,
Lutte désespérément contre la volonté
Des éléments. Il ne peut compter
Sur l’aide d’un équipage. Il est seul
Sur ce bateau qu’on appelle la Vie.
Seulement guidé par la faible lueur du phare
Il part, sans savoir où il va.

L’horizon n’est plus très loin.
L’infini est à ses pieds,
Il avance sans se retourner
Jusqu’au bout de l’univers.

Turner_Fort_Vimieux« Le Monde en voyage sur son vaisseau délabré… »

William Turner
« Fort Vimieux » (détail) c. 1831
Coll. privée

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Le point de vue de l’auteure…

Ce poème s’inscrit dans la sensibilité romantique. Dès la première strophe, le lexique tourmenté (« vent », « tempête », « orage », « secouent », « déchaînent », « attristent »), s’il évoque le thème de la nature, la décrit plus encore selon une esthétique du chaos qui n’est pas sans évoquer le pathétique propre à l’esthétique romantique. Mais cette volonté de rupture est tout autant un détour dans l’imaginaire qu’une réponse au vide existentiel du monde moderne. Voici pourquoi le thème du voyage, très apparent dans ce texte, peut se lire d’abord comme une invitation à méditer.

Tels les passagers d’un vaisseau à la dérive, nous sommes tous embarqués dans le « bateau ivre » de l’Histoire. En outre, on peut constater une grande symétrie des strophes qui a son importance sur le plan interprétatif. Entre les deux quatrains du début et de la fin du poème prend place un huitain qui inscrit en effet le texte dans une profonde symbolique : comme un navire sans équipage, notre monde « en voyage / Sur son vaisseau délabré / lutte désespérément » pour échapper au cauchemar d’une humanité entraînée dans le maelström de ses propres inventions.

Le dernier quatrain est comme l’aboutissement du voyage : les termes utilisés (« horizon », « ‘infini », « avance », « bout de l’univers ») connotent une sorte de mal du siècle, comme le pressentiment d’un effondrement, d’un naufrage. Comme je le dis aux vers 11 et 12, « Seulement guidé par la faible lueur du phare, [le monde] part, sans savoir où il va ».  Sur un plan plus symbolique, j’ai voulu amener à une réflexion sur le sens même de l’Histoire : où allons-nous ? Le « flambeau de notre vérité » doit-il se réduire à n’être que la « faible lueur » d’un phare ? 

À ce titre, les allitération en |f| et en |r| (« phare », « faible », « faiblement », « lueur », « part », « savoir ») produisent un effet de saturation sonore recherché, comme pour appuyer l’image de la solitude et de la détresse du poète, qui se retrouve « seul » (v.9) dans la nuit du monde, « seul sur ce bateau qu’on appelle la Vie ». De façon très allégorique,  le titre, de par ses connotations spleenétiques, ainsi que que l’image du « monde en voyage » (v.5) qui « avance sans se retourner/Jusqu’au bout de l’univers » (v.15-16) traduisent la longue dérive de la pensée vers l’angoisse nihiliste du monde moderne.

© Camille V., classe de Première S2 (promotion 2013-2014), février 2014.
Lycée en Forêt/Espace Pédagogique Contributif

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brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques