Le Lycée en Forêt a lancé depuis la rentrée 2013 un original concours d’écriture à destination des classes de Seconde et de Première ayant pour intitulé : « Écritures en Forêt ».
Pour les classes de Première, le sujet portait sur l’écriture d’un poème ayant obligatoirement pour thème la forêt, ainsi que la rédaction d’une note d’intention expliquant la démarche du projet d’écriture ainsi que les particularités stylistiques mises en œuvre.
Félicitation aux très nombreux participants, particulièrement à mes élèves de Première S4 (promotion 2014-2015), qui se sont remarquablement investis dans le dispositif, et bien sûr Bravo aux lauréats de l’édition 2015 :
- Premier prix : Léa R. (Première S4)
- Deuxième prix : Maud C. (Première S1) → Lire en ligne
- Troisième prix : Mélissa L. (Première S4) → Lire en ligne
- Premier accessit : Mélanie J. (Premièe S4) → Lire en ligne
- Deuxième accessit : Wendy M. (Première S4) → Lire en ligne
- Troisième accessit : Camille H. (Première L2)
- Quatrième accessit : Hugo T. (Première L2)
- Coup de cœur Lycéen : Bénédicte R. (Première S4) → Lire en ligne
Une cérémonie récompensant les élèves primés a eu lieu le mercredi 10 juin 2015 au Lycée en Forêt, sous la présidence de Madame Condracq, Proviseure.
Merci encore au Lycée qui a pu débloquer des fonds importants pour récompenser les lauréats.
Découvrez aujourd’hui le poème de Léa R.
(Première S4, promotion 2014-2015), premier prix :
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« Complainte
d’une feuille hivernale »
par Léa R.
Classe de Première S4
Premier prix
Au pied de ce chêne, je suis mélancolique.
Passe le temps, m’assourdit le calme
Gicle la lumière des branches dénudées
Et vient m’aveugler la voix du vent criant mon nom.
Plongée dans l’hiver, l’écorce brune de la forêt
M’emporte au large, vers l’arrière pays du ciel.
Alors que le jour a fermé ses paupières ; je me sens si seule
Dans cet océan où voyageaient d’autres feuilles.
Elles aussi allaient vers d’autres matins.
Mon corps aride frémit de son inapparence,
Je me sens prisonnière de sa blessure
Je vis au jour le jour, au soir le soir,
Les saisons sont ma parure, les années ma beauté désertée.
Ô qu’un instant, le temps s’arrête : je serais reine de cette forêt
De cette nature couleur de brume et de chagrin,
Reine de ce matin au toit de neige,
De ce temps inexorable comme l’hiver et l’été
Reine de ce monde qui n’est à présent, plus le mien.
« Plongée dans l’hiver, l’écorce brune de la forêt
M’emporte au large, vers l’arrière pays du ciel… »
Illustration : © Bruno Rigolt
Au bord du Loing, en hiver, un soir
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NOTE D’INTENTION
L’idée de ce poème m’est venue en regardant par ma fenêtre, alors que je cherchais l’inspiration: c’est alors que j’ai aperçu cet amas de feuilles auprès de mon arbre. Cela m’a donné l’idée de faire d’une feuille la narratrice de mon poème. N’est-il pas vrai d’ailleurs que celle-ci suit l’arbre tout au long des saisons et lui donne sa beauté ? J’ai donc intitulé ce poème « Complainte d’une feuille hivernale », car je voulais transmettre par ce titre les émotions que je peux éprouver durant l’hiver à travers un élément infiniment petit de la forêt : une simple feuille d’arbre. De même, le choix du mot « complainte » n’est pas un hasard. J’apprécie particulièrement les complaintes : leur registre élégiaque me plonge dans une tristesse indéfinie teintée d’indicible nostalgie.
De fait, comme vous l’avez sans doute compris en lisant le texte, mon poème repose sur une double énonciation: si le narrateur est la feuille au pied de l’arbre, on devine également que derrière cette apparence parfois, c’est l’auteure qui s’exprime. Comme par exemple dans ce passage c’est bien moi qui parle à travers la feuille :
« Au pied de ce chêne, je suis mélancolique.
Passe le temps, m’assourdit le calme
Gicle la lumière des branche dénudées
Et vient m’aveugler la voix du vent criant mon nom ».
En second lieu, je définirai mon poème comme un voyage poétique et métaphorique. La forêt, à elle seule, est une frontière, un voyage. Partir en forêt, c’est se dire : « Est-ce que je vais revenir ? Et si je me perdais ? Si je dérivais? » J’ai voulu faire sentir ces impressions en écrivant par exemple:
« M’emporte au large, vers l’arrière-pays du ciel »
Ou encore:
« Dans cet océan où voyageaient d’autres feuilles.
Elles aussi allaient vers d’autres matins. »
Quoi qu’on puisse penser, les forêts ne se ressemblent jamais, elles sont autant de cheminements à jamais recommencés et réinventés. Les saisons participent à cet infini voyage, qui nous emporte ailleurs. J’ai à ce titre privilégié la métaphore car cette figure de style est à même de nous faire passer d’une réalité à une autre réalité :
« De cette nature couleur de brume et de chagrin
Reine de ce matin au toit de neige… »
La métaphore apporte ici une sensibilité que je trouve intéressant d’exploiter car elle métamorphose le réel.
Enfin, l’an passé, j’avais étudié le mouvement romantique et je dois avouer que je me suis reconnue dans cette expression des sentiments. J’ai voulu rendre hommage à tous ces auteurs qui, de Lamartine à Mallarmé, ont chanté la nostalgie de l’idéal et du spirituel : derrière les arbres de la forêt, il y a en effet le cœur de celui qui la regarde: comme je le disais au début, les arbres, les branches, les fleurs ou comme ici la feuille tombée au sol sont ainsi l’expression de ses sentiments. La forêt est pour ma part, une succession d’émotions, couleurs du temps, couleurs des saisons, de mon humeur… Une forêt couleur de mes larmes, couleur de mes joies… Bref, une forêt qui laisse libre cours aux émotions et à l’imagination et c’est cela qui la rend si spéciale, si précieuse dans un monde où elle est tellement en voie de disparition.
© 2015, Léa R.
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