Auteurs et compositeurs francophones
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie.
À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui jeudi 20 juillet : Anne Sylvestre
Hier, mercredi 19 juillet : Léo Ferré
Demain, vendredi 21 juillet : Stromae
Anne Sylvestre :
« Berceuse de Bagdad * »
(2003)
Paroles et musique : Anne Sylvestre (Anne-Marie Beugras)
Album : « Les Chemins du vent », 2003
Label : EPM Musique
* Allusion aux femmes irakiennes qui ont accouché avant terme par césarienne juste avant les bombardements américains du 20 mars 2003, qui ont marqué les débuts de la guerre du Golfe.
–
on petit, le monde brûle
Et dans ta vie minuscule
Tu te croyais à l’abri.
Tu ne l’es plus aujourd’hui.
Pardon de t’avoir fait naître
Mais je voulais te connaître
Avant la foudre et le feu.
Est-ce donc que d’être deux
Nous rendra moins vulnérables
Sous le déluge implacable ?
Nous pourrons nous tenir chaud
Quand la mort viendra d’en haut.
Tu bois la peur avec mon lait,
J’aurais voulu, mon agnelet,
Te donner des prairies
Pour qu’un jour tu souries.
Mon petit, mon espérance,
Voici qu’on t’a fait violence
Et qu’on t’a sorti de moi
Sans attendre tes neuf mois.
Je te vois dans ta couveuse
Et au lieu d’en être heureuse
J’espère, le cœur tremblant,
Que tu vives assez longtemps
Pour me reprocher ce geste.
Et si tout en moi proteste
Je voulais te faire beau
Tant qu’il nous reste de l’eau.
Tu bois la peur avec mon lait,
J’aurais voulu, mon agnelet,
Te donner des prairies
Pour qu’un jour tu souries.
Mon petit, quel est ce monde
Où des sirènes répondent
Aux premiers cris d’un enfant
Étonné d’être vivant ?
Déjà sur ta peau si tendre
Je vois se poser des cendres
Qui demain nous couvriront.
Qui sait même où nous serons ?
Si à la mort je t’arrache
Il faudra que tu le saches
Qu’on se soucie peu de nous
Et que les hommes sont fous.
Tu bois la peur avec mon lait,
J’aurais voulu, mon agnelet,
Te donner des prairies
Pour qu’un jour tu souries.
Copyright © Anne Sylvestre / EPM Musique (2003)
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