Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui, jeudi 10 août : Leny Escudero (fin de l’exposition 2017) Hier, mercredi 9 août : Cœur de Pirate
Leny Escudero :
« Vivre pour des idées »
(1973)
Paroles : Leny Escudero ; musique : Thierry Fervant (Mauley, dit) Album : Vivre pour des isées, 1973 Label : Malypense
était à Teruel et à Guadalajara,
Madrid aussi le vit
Au fond du Guadarrama.
Qui a gagné ? Qui a perdu ?
Nul ne le sait, nul ne l’a su,
Qui s’en souvient encore ?
Faudrait le demander aux morts.
J’étais pas gros, je vous le dis
Les yeux encore ensommeillés,
Mon père sur une chaise assis
Les pieds et les mains attachés,
Et j’avais peur, et j’avais froid,
Un homme m’a dit : « Calme-toi ! »
Un homme qui était différent
Sans arme mais il portait des gants,
Une cravache qui lui donnait un air…
Un peu de sang coulait sur la joue de mon père.
Et j’avais peur et j’avais froid,
L’homme m’a dit : « Ecoute-moi,
Je vais te poser une question
La vie de ton père en répond.
Dis-moi quelle est la capitale,
Voyons… de l’Australie Australe ? »
Je n’risquais pas de me tromper
On ne m’avait jamais parlé
Des grandes villes qui ont des noms si fiers,
Une larme coulait sur la joue de mon père.
Et j’avais peur et j’avais froid,
J’ai dû pleurer aussi je crois,
Mais l’homme a eu comme un sourire
Et puis je l’ai entendu dire :
« C’est un brave homme, coupez ses liens !
Ton enfant tu l’éduques bien,
Car tu as le sens du devoir,
Chacun son dû et son savoir »
Ils sont partis au petit matin clair,
J’ai couru me blottir dans les bras de mon père.
Il m’a serré fort contre lui
« J’ai honte tu sais mon petit,
Je me demandais, cette guerre
Pour quelle raison j’irais la faire ?
Mais maintenant je puis le dire :
Pour que tu saches lire et écrire. »
J’aurais voulu le retenir,
Alors mon père m’a dit : « Mourir
Pour des idées, ça n’est qu’un accident. »
Je sais lire et écrire et mon père est vivant.
Il était à Teruel et à Guadalajara
Madrid aussi le vit
Au fond du Guadarrama…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui, mercredi 9 août :
Cœur de Pirate (Béatrice Martin, dite). Canada (Québec) Hier, mardi 8 août : Dick Annegarn
Demain, jeudi 10 août (fin de l’exposition) : Lény Escudéro
Cœur de Pirate :
« Crier tout bas »
(2015)
Paroles et musique : Cœur de Pirate (Béatrice Martin) Album : Roses, 2015 Labels : Dare To Care Records (Canada) ; Universal Music (Division Barclay)
t’ai vu tracer le long du paysage
Une ligne des aimées qui détruisent ton langage
Et quand tu chantais plus fort dans ton silence
Je voyais les larmes couler toujours à contresens
Mais quand les saisons attendront ton retour
Ce s’ra le vent qui portera secours
Et si la terre est sombre et si la pluie te noie Raconte-moi qu’on puisse trembler ensemble Et si le jour n’vient pas dans la nuit des perdus Raconte-moi qu’on puisse crier tout bas Crier tout bas
J’ai voulu calmer ton souffle qui s’étouffait
Des courses vers le vide ton rire qui soupirait
Si tu mets le cap vers des eaux restant troubles
Je s’rai le phare qui te guidera toujours
Mais quand les saisons attendront ton retour
Ce s’ra le vent qui portera secours
Et si la terre est sombre et si la pluie te noie Raconte-moi qu’on puisse trembler ensemble Et si le jour n’vient pas dans la nuit des perdus Raconte-moi qu’on puisse crier tout bas Crier tout bas
Je t’ai vu tracer le long du paysage
Une ligne des aimées qui détruisent ton langage
Et quand tu chantais plus fort dans ton silence
Je voyais les larmes couler toujours à contresens
Et si la terre est sombre et si la pluie te noie Raconte-moi qu’on puisse trembler ensemble Et si le jour n’vient pas dans la nuit des perdus Raconte-moi qu’on puisse crier tout bas
Et si la terre est sombre et si la pluie te noie Raconte-moi qu’on puisse trembler ensemble Et si le jour n’vient pas dans la nuit des perdus Raconte-moi qu’on puisse crier tout bas Crier tout bas
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui, mardi 8 août : Dick Annegarn Hier, lundi 7 août : Rose
Demain, mercredi 9 août : Cœur de Pirate
Dick Annegarn :
« Bruxelles »
(1972, 1974¹)
Paroles et musique : Dick Annegarn Album : Sacré géranium, 1974 Label : Polydor
ruxelles, ma belle,
Je te rejoins bientôt,
Aussitôt que Paris me trahit
Et je sens que son amour est gris, et puis
Elle me soupçonne d’être avec toi le soir
Je reconnais c’est vrai
Tous les soirs dans ma tête
C’est la fête des anciens combattants
D’une guerre qui est toujours à faire
Bruxelles, attends moi j’arrive Bientôt je prends la dérive
Michel, te rappelles-tu
De la détresse de la kermesse
De la gare du Midi ?
Te rappelles-tu de ta Sophie
Qui ne t’avait même pas reconnu ?
Les néons, les Léon, les nom de djeu²
Sublime décadence, la danse des panses,
Ministère de la bière, artère vers l’enfer,
Place de Brouckère.
Bruxelles, attends-moi j’arrive Bientôt je prends la dérive
Cruel duel celui qui oppose
Paris névrose et Bruxelles abrutie
Qui se dit que bientôt
Ce sera fini
L’ennui de l’ennui
Tu vas me revoir Mademoiselle Bruxelles
Mais je ne serai plus tel que tu m’as connu
Je serai abattu courbatu combattu
Mais je serai venu.
Bruxelles, attends-moi j’arrive Bientôt je prends la dérive
Chanson composée en 1972, au moment où Dick Annegarn, chanteur néerlandais d’expression essentiellement française (La Haye, Pays-Bas, 1952 – ), après avoir passé une douzaine d’années en Belgique, s’installe dans la Ville Lumière. La chanson sort en 1974 dans le premier album de Dick Annegarn : Sacré Géranium (Polydor).
Nom de djeu ou Nomdedjeu : Nom de Dieu (juron populaire)
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui, lundi 7 août : Røse (Keren Meloul, dite) Hier, dimanche 6 août : Pierre Perret
Demain, mardi 8 août : Dick Annegarn
Røse :
« Aux éclats je ris »
(2013)
Paroles et musique : Rose (Keren Meloul) Album : Et puis juin, 2013 Label : Columbia
soir j’ai pas l’moral, c’est comme ça qu’on dit
Quand tout nous fait mal, mais ça pourrait êt’ pire.
On a la vie qui va, ça s’fait pas de l’ouvrir
Ça s’fait vraiment pas.
Ce soir j’ai pas l’sourire, c’est comme ça qu’on dit
Quand on s’ennuie à mourir, mais ça pourrait êt’ pire.
On a la vie jolie, ça s’fait pas de l’ouvrir,
C’est vraiment pas poli.
Mais parfois, oh ! comme je crève De ce corps, de cette vie, Je me mords les rêves Et me tords les envies C’est pas la mort, je me lève Et aux éclats je ris.
Ce soir j’ai pas le cœur, c’est comme ça qu’on dit
Quand on rêve d’ailleurs et ça pourrait êt’ pire.
On a la vie qu’on peut, ça s’fait pas de l’ouvrir
C’est vraiment pas sérieux.
Mais parfois, oh ! comme je crève De ce corps, de cette vie, Je me mords les rêves Et me tords les envies C’est pas la mort, je me lève Et aux éclats je ris.
Mais parfois, oh ! comme je crève De ce corps, de cette vie, Je me mords les rêves Et me tords les envies C’est pas la mort, je me lève Et aux éclats je ris.
On a la vie qu’on a, à quoi ça sert de l’ouvrir ? À quoi ça servira ? À quoi ça servira ? À quoi ça servira ?
…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui dimanche 6 août : Pierre Perret Hier, samedi 5 août : Sapho
Demain, lundi 7 août : Rose
Pierre Perret :
« Femmes battues »
(2010)
Paroles et musique : Pierre Perret Album : La Femme grillagée, 2010 Label : Naïve Records /ÉditionsAdèle
abassée à mort par amour
Paraît qu’ c’est courant de nos jours
Le métier d’épouse n’est pas sûr
Quand on est la femme d’un vrai dur
Mais celle qu’il appelle sa traînée
D’infidélité soupçonnée
A pourtant aimé ce débris
Qui la frappe à bras raccourcis
Oui c’est à toutes les femmes battues Qui jusqu’à présent se sont tues Frappées à mort par un sale con Que je dédie cette chanson
Au commissariat du quartier
La femme tuméfiée et l’époux
Sont debout devant l’brigadier
Qui soupire et dit encore vous
Vot’ mari présent chère madame
Prétend qu’ vous l’avez bien cherché
Pourquoi faire alors tout un drame
Vous n’êt’s pas tell’ment amochée
Oui c’est à toutes les femmes battues Qui jusqu’à présent se sont tues Frappées à mort par un sale con Que je dédie cette chanson
Il prétend qu’ vous êtes économe
Du tissu qui cache vos rondeurs
En vous corrigeant c’est en somme
Qu’il apaise un peu sa rancœur
Rentrez tous les deux vous coucher
Ça va s’ régler sur l’oreiller
Les voisins n’ vont pas protester
En d’vinant pourquoi vous criez
Oui c’est à toutes les femmes battues Qui jusqu’à présent se sont tues Frappées à mort par un sale con Que je dédie cette chanson
Tant qu’ les voies de fait sont bénignes
Des blessures ouvertes ou des bleus
Pour nous policiers la consigne
C’est de n’ pas sévir pour si peu
S’il vous étouffait sous la couette
S’il vous étranglait de ses mains
Nous pourrions ouvrir une enquête
Vous n’ seriez pas morte pour rien
Oui c’est à toutes les femmes battues Qui jusqu’à présent se sont tues Frappées à mort par un sale con Que je dédie cette chanson
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui samedi 5 août : Sapho (Danielle Ebguy). France/Maroc Hier, vendredi 4 août : Raphael
Demain, dimanche 6 août : Pierre Perret
Sapho :
« Petite fille veut le monde »
(2009)
Paroles et musique : Sapho (Danielle Ebguy) Album : El Sol y la Luna, 2009 Label : EPM Musique
a petite fille veut le monde
Mais son avenir est tout tracé.
On prépare un mari pour elle
Une maison pour l’encercler.
Lui il ira voir les filles
Et puis il boira du mescal.
Elle préparera les quésadilles
Et puis ce qu’il mange en général.
Ouah, la petite fille veut le monde
Ouh, c’est trop
Ouah, la petite fille veut le monde
Ouh, c’est trop
Ça, les filles elles sont très libres
Mais on les regarde de travers.
Elles ont que leurs fesses pour vivre,
Elles n’ont plus ni père ni mère.
Leurs familles ne veulent plus d’elles,
Elles rient des hommes dans les bars,
Mais personne personne qui les aime.
C’est une autre misère noire.
Ouah, la petite fille veut le monde
Ouh, c’est trop
Ouah, la petite fille veut le monde
Ouh, c’est trop
La petite fille veut le monde
Mais son avenir est tout tracé.
Sa mère va faire des ménages
C’est chez des touristes français.
Elle revient avec de la viande
Et des récits très luxueux.
La Señora est un peu folle,
Elle fait rien, elle dessine un peu.
Ah, la petite fille veut le monde
Ouh, c’est trop
Ah, la petite fille veut le monde
Ouh, c’est trop
La petite fille veut le monde
Elle regarde la Señora.
Elle qui a l’air de l’avoir, le monde,
Elle est née ailleurs c’est pour ça.
La petite fille veut le monde
Son avenir est-il tout tracé ?
On prépare une maison pour elle,
Son temps sera encerclé.
Ah, la petite fille veut le monde
Ouh, c’est trop
Ah, la petite fille veut le monde
Ouh, c’est trop
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui vendredi 4 août : Raphael (Raphaël Haroche) Hier, jeudi 3 août : La Grand Sophie
Demain, samedi 5 août : Sapho
Raphael :
« Si jamais je nais demain »
(2015)
Paroles et musique : Raphaël Haroche Album : Somnambules, 2015 Label : Warner Music
si jamais jamais je nais demain Pas de nom, pas de jour Encore rien regardé Même pas appris à pleurer. Si je voulais revenir en arrière, Refermer un instant les paupières, Si je n’avais jamais eu de mère, Juste un peu de boue et de terre.
Et si jamais jamais jamais je nais demain
Les plantes, les oiseaux et les jardins
Les hommes un cartable sur le dos
S’en vont en chantant jusqu’au tombeau.
De la pluie qui coule sur leurs dos
Sept jours sur la terre le royaume du mensonge
Les cœurs que l’amour ronge
Que l’amour ronge
Et si jamais jamais jamais je nais demain
Que je change d’avis en chemin
Dans la ruche, merveilleux, fragile comme des œufs
Comme une lumière s’éteint.
Sans pleurs et sans chagrin,
Les ailes des oiseaux nous pousseront dans le dos
Si jamais jamais je nais demain
Faites que je retrouve le chemin
Si jamais je meurs demain
Faites que je retrouve le chemin.
Pourquoi ? Pourquoi ne suis-je pas en 1837 ?
Les forêts de Paris
Pourquoi n’ai-je pas un arbre dans ma famille ?
On s’offrirait des fleurs,
On s’offrirait des fleurs…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui jeudi 3 août : La Grande Sophie (Sophie Huriaux, dite) Hier, mercredi 2 août : Georges Brassens
Demain, vendredi 4 août : Raphaël
La Grande Sophie :
« Suzanne »
(2012)
Paroles et musique : Sophie Huriaux Album : La Place du fantôme, 2012 Label : Polydor Records
egarde-moi, j’ai bien changé Suzanne, J’ai viré de l’autre côté de mon nid, Le volcan ne s’éteint pas Suzanne, La mer est haute, rien n’est tranquille.
Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce qui m’attend ? Qu’est-ce qui m’a pris ? Et quand j’y pense Comment te dire ce que j’entends ? Venu de nulle part, un autre vertige.
Qu’as-tu fait de mes étoiles, Suzanne ? Au fond de mes yeux, les deux locataires. Qu’as-tu vu dans la spirale, Suzanne ? Le long de mes côtes, le bord de la terre.
Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce qui m’attend ? Qu’est-ce qui m’a pris ? Et quand j’y pense Comment te dire ce que j’entends ? Venu de nulle part, un autre vertige.
Je sais, tu n’existes pas Suzanne Pourtant je te parle, pourtant je te parle, Ton oreille, un coquillage Suzanne Où j’entends la mer.
Quand je suis en ville, Quand je suis en vie, Réponds-moi Suzanne, Réponds-moi Suzanne…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui mercredi 2 août : Georges Brassens Hier, mardi 1er août : Emily Loizeau
Demain, jeudi 3 août : La Grande Sophie
Georges Brassens :
« Les amoureux des bancs publics »
(1947, 1953¹)
Paroles et musique : Georges Brassens Album : Le Vent, 1953 Label : Polydor
es gens qui voient de travers
Pensent que les bancs verts
Qu’on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents
Mais c’est une absurdité
Car à la vérité,
Ils sont là c’est notoire
Pour accueillir quelque temps les amours débutants.
_
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics Bancs publics, bancs publics, En s’foutant pas mal du r’gard oblique Des passants honnêtes, Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics Bancs publics, bancs publics, En s’disant des « Je t’aim’ » pathétiques Ont des p’tit’s gueul’s bien sympathiques.
_
Ils se tiennent par la main Parlent du lendemain Du papier bleu d’azur Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher. Ils se voient déjà doucement Ell’ cousant, lui fumant Dans un bien-être sûr Et choisissent les prénoms de leur premier bébé.
_
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics Bancs publics, bancs publics, En s’foutant pas mal du r’gard oblique Des passants honnêtes, Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics Bancs publics, bancs publics, En s’disant des « Je t’aim’ » pathétiques Ont des p’tit’s gueul’s bien sympathiques.
_
Quand la saint’ famill’ Machin
Croise sur son chemin
Deux de ces malappris
Ell’ leur décoche hardiment des propos venimeux
N’empêch’ que tout’ la famille
Le pèr’, la mèr’, la fille
Le fils, le Saint-Esprit
Voudrait bien de temps en temps pouvoir s’conduir’ comme eux.
_
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics,
En s’foutant pas mal du r’gard oblique
Des passants honnêtes,
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics,
En s’disant des « Je t’aim’ » pathétiques
Ont des p’tit’s gueul’s bien sympathiques.
_
Quand les mois auront passé
Quand seront apaisés
Leurs beaux rêves flambants
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds
Ils s’apercevront, émus,
Qu’ c’est au hasard des rues
Sur un d’ces fameux bancs
Qu’ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour.
1. Chanson composée en 1947 (titre original : « Les amoureux qui se bécotent sur les bancs publics »), enregistrée le 1er octobre 1953 avec pour titre définitif : « Les amoureux des bancs publics ».
–
Crédit iconographique : Lettrine inédite créée à partir d’un dessin de Raymond Peynet (1908-1999).
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui mardi 1er août : Emily Loizeau Hier, lundi 31 juillet : Claude Nougaro
Demain, mercredi 2 août : Georges Brassens
Emily Loizeau :
« Eaux sombres »
(2016)
Paroles et musique : Emily Loizeau Album : Mona, 2016 Label : Universal Music France (Division Polydor)
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui lundi 31 juillet : Claude Nougaro Hier, dimanche 30 juillet : Christine and the Queens
Demain, mardi 1er août : Emily Loizeau
Claude Nougaro :
« Toulouse »
(1967)
Paroles : Claude Nougaro.
Musique : C. Nougaro et Christian Chevallier. 45 T: « Toulouse», 1967 Label : Philips
_
u’il est loin mon pays, qu’il est loin
Parfois au fond de moi se raniment
L’eau verte du canal du Midi
Et la brique rouge des Minimes
_
Ô mon païs¹, ô Toulouse, ô Toulouse…
Je reprends l’avenue vers l’école
Mon cartable est bourré de coups de poing
Ici, si tu cognes, tu gagnes
Ici, même les mémés aiment la castagne
Ô mon païs, ô Toulouse…
Un torrent de cailloux roule dans ton accent
Ta violence bouillonne jusque dans tes violettes
On se traite de con à peine qu’on se traite
Il y a de l’orage dans l’air et pourtant
_
L’église Saint-Sernin illumine le soir
D’une fleur de corail que le soleil arrose
C’est peut être pour ça malgré ton rouge et noir
C’est peut être pour ça qu’on te dit Ville Rose _
Je revois ton pavé, ô ma cité gasconne
Ton trottoir éventré sur les tuyaux du gaz
Est-ce l’Espagne en toi qui pousse un peu sa corne
Ou serait-ce dans tes tripes une bulle de jazz ?
_
Voici le Capitole, j’y arrête mes pas
Les ténors enrhumés tremblaient sous leurs ventouses
J’entends encore l’écho de la voix de papa
C’était en ce temps-là mon seul chanteur de blues… _
Aujourd’hui tes buildings grimpent haut
À Blagnac tes avions sont plus beaux²
Si l’un me ramène sur cette ville
Pourrais-je encore y revoir ma pincée de tuiles ?
1. païs : pays (en Occitan) 2 Variante : « À Blagnac tes avions ronflent gros ». C. Nougaro sur scène avait pris l’habitude de cette variante. Les dernières versions publiées de la chanson entérinent d’ailleurs cette variante. Cf. C. Nougaro, Nougaro sur paroles, Paris Flammarion, 1997, 2004.
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui dimanche 30 juillet : Christine and the Queens
(Héloïse Letissier, dite) Hier, samedi 29 juillet : Jean Ferrat
Demain, lundi 31 juillet : Claude Nougaro
Christine and the Queens :
« Christine »
(2014)
Paroles, musique, arrangements : Héloïse Letissier Album : « Chaleur humaine», 2014 Label : Because Music
Et j’ai le menton haut pour un rien Mon œil qui pleure c’est à cause du vent Mes absences c’est du sentiment
–
Je ne tiens pas debout Le ciel coule sur mes mains Je ne tiens pas debout Le ciel coule sur… Ça ne tient pas debout Le ciel coule sur mes mains Ça ne tient pas debout Sous mes pieds le ciel revient
–
Ils sourient rouge et me parlent gris Je fais semblant d’avoir tout compris Et il y a un type qui pleure dehors Sur mon visage de la poudre d’or
–
Je ne tiens pas debout Le ciel coule sur mes mains Je ne tiens pas debout Le ciel coule sur… Ça ne tient pas debout Le ciel coule sur mes mains Ça ne tient pas debout Sous mes pieds le ciel revient
–
Nous et la man on est de sortie
Pire qu’une simple moitié on compte à demi-demi Pile sur un des bas côtés comme des origamis
Le bras tendu paraît cassé
Tout n’est qu’épis et éclis
Ces enfants bizarres
Crachés dehors comme par hasard
Cachant l’effort dans le griffoir
Et une creepy song en étendard qui fait :
« J’fais tout mon make-up au mercurochrome
Contre les pop-upsqui m’assurent le trône
J’fais tout mon make-up au mercurochrome
Contre les pop-upsqui m’assurent le trône »
–
Je ne tiens pas debout
Le ciel coule sur mes mains
Je ne tiens pas debout
Le ciel coule sur…
Ça ne tient pas debout
Le ciel coule sur mes mains
Ça ne tient pas debout
Le ciel coule sur mes mains
Ça ne tient pas debout
Le ciel coule sur mes mains
Ça ne tient pas debout
Le ciel coule sur mes mains
Ça ne tient pas debout
Le ciel coule sur mes mains
Je ne tiens pas debout
Sous mes pieds le ciel revient…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui samedi 29 juillet : Jean Ferrat (Jean Tenenbaum, dit) Hier, vendredi 28 juillet : Loane
Demain, dimanche 30 juillet : Christine and the Queens
Jean Ferrat :
« La femme est l’avenir de l’homme* »
(1975)
Paroles et musique : Jean Ferrat Album : « La femme est l’avenir de l’homme», 1975 Label : Teney / Barclay
_
e poète a toujours raison
Qui voit plus haut que l’horizon Et le futur est son royaume Face à notre génération Je déclare avec Aragon La femme est l’avenir de l’homme
_
Entre l’ancien et le nouveau Votre lutte à tous les niveaux De la nôtre est indivisible Dans les hommes qui font les lois Si les uns chantent par ma voix D’autres décrètent par la Bible _ Le poète a toujours raison Qui détruit l’ancienne oraison L’image d’Ève et de la pomme Face aux vieilles malédictions Je déclare avec Aragon La femme est l’avenir de l’homme _ Pour accoucher sans la souffrance Pour le contrôle des naissances Il a fallu des millénaires Si nous sortons du Moyen âge Vos siècles d’infini servage Pèsent encor** lourd sur la terre _ Le poète a toujours raison Qui annonce la floraison D’autres amours en son royaume Remet à l’endroit la chanson Et déclare avec Aragon La femme est l’avenir de l’homme _ Il faudra réapprendre à vivre Ensemble écrire un nouveau livre Redécouvrir tous les possibles Chaque chose enfin partagée Tout dans le couple va changer D’une manière irréversible _ Le poète a toujours raison Qui voit plus haut que l’horizon Et le futur est son royaume Face aux autres générations Je déclare avec Aragon La femme est l’avenir de l’homme
* Dans Le Fou d’Elsa (Paris Gallimard, 1963), Aragon (1897-1982) écrit (dans le poème « Zadjal de l’avenir ») :
L’avenir de l’homme est la femme Elle est la couleur de son âme Elle est sa rumeur et son bruit Et sans elle il n’est qu’un blasphème Il n’est qu’un noyau sans le fruit Sa bouche souffle un vent sauvage Sa vie appartient aux ravages Et sa propre main le détruit
_
Je vous dis que l’homme est né pour la femme et né pour l’amour Tout du monde ancien va changer D’abord la vie et puis la mort Et toutes choses partagées Le pain blanc les baisers qui saignent On verra le couple et son règne Neiger comme les orangers.
–
** Encor : licence poétique pour encore. L’adverbe encore est en effet suivi d’une consonne, ce qui porterait atteinte à la régularité des octosyllabes.
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui vendredi 28 juillet : Loane (Loane Rathier, dite) Hier, jeudi 27 juillet : Jacques Brel
Demain, samedi 29 juillet : Jean Ferrat
Loane :
« Les trains de nuit »
(2011)
Paroles et musique : Loane (Loane Rathier) Album : « Le lendemain», 2011 Label : EMI Music France
rêvé d’un autre voyage,
Par la fenêtre le soleil
Sous les nuages faisait tomber le ciel.
Sous les draps mon cœur transpirait,
Il fallait ne dire à personne
Qu’il était tard et que tu revenais.
–
Confidentiels, rêves intimes
Des aveux nocturnes…
Les trains de nuit prenaient les sens interdits,
Tes yeux éclairaient le ciel.
Les trains de nuit nous plongeaient dans l’infini
Des souvenirs passionnels.
J’ai rêvé d’un autre aujourd’hui,
Troublante arrivée d’un orage
Quand les visages reviennent sans bruit.
À côté de moi mon amour
Dormait sans craindre ton retour
Mais tes oiseaux ont traversé la nuit.
Confidentiels, rêves intimes
Des aveux nocturnes…
Les trains de nuit retombaient dans la folie,
Tes yeux éclairaient le ciel.
En train de nuit, je m’endormais en sursis
Sous les couteaux passionnels.
–
Et je remonte éblouie
Dans les wagons en sommeil.
Tous les oiseaux endormis
Ont traversé le tunnel
Brûlant mes larmes au soleil
Des remontées passionnelles.
–
Les trains de nuit Retombaient dans l’infini
De tes yeux couleur du ciel.
Les trains de nuit
Nous plongeaient dans l’infini
Des souvenirs passionnels… –
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui jeudi 27 juillet : Jacques Brel (Belgique) Hier, mercredi 26 juillet : Juliette
Demain, vendredi 28 juillet : Loane
Jacques Brel :
« Le plat pays »
(1962)
Paroles et musique : Jacques Brel Album : « Bijoux & Babioles», 2008 Éditions : S.E.M.I. et Pouchenel.
–
vec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues Et de vagues rochers que les marées dépassent Et qui ont à jamais le cœur à marée basse Avec infiniment de brumes à venir Avec le vent de l’est écoutez-le tenir Le plat pays qui est le mien
–
Avec des cathédrales pour uniques montagnes Et de noirs clochers comme mâts de cocagne Où des diables en pierre décrochent les nuages Avec le fil des jours pour unique voyage Et des chemins de pluie pour unique bonsoir Avec le vent d’ouest écoutez-le vouloir Le plat pays qui est le mien
–
Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité Avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner Avec le vent du nord qui vient s’écarteler Avec le vent du nord écoutez-le craquer Le plat pays qui est le mien
–
Avec de l’Italie qui descendrait l’Escaut Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot Quand les fils de novembre nous reviennent en mai Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet Quand le vent est au rire quand le vent est au blé Quand le vent est au sud écoutez-le chanter Le plat pays qui est le mien –
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui mercredi 26 juillet : Juliette (Juliette Noureddine)
Hier, mardi 25 juillet : Serge Gainsbourg
Demain, jeudi 27 juillet : Jacques Brel
Juliette :
« Aller sans retour »
(2008)
Paroles et musique : Juliette Noureddine Album : « Bijoux & Babioles», 2008 Label : Polydor
–
e que j’oublierai c’est ma vie entière,
La rue sous la pluie, le quartier désert, La maison qui dort, mon père et ma mère Et les gens autour, noyés de misère… En partant d’ici Pour quel paradis Ou pour quel enfer ?
J’oublierai mon nom, j’oublierai ma ville, J’oublierai même que je pars pour l’exil.
_
Il faut du courage pour tout oublier Sauf sa vieille valise et sa veste usée. Au fond de la poche, un peu d’argent pour Un ticket de train aller sans retour, Aller sans retour.
–
J’oublierai cette heure où je crois mourir
Tous autour de moi se forcent à sourire L’ami qui plaisante, celui qui soupire, J’oublierai que je ne sais pas mentir. Au bout du couloir, J’oublierai de croire Que je vais revenir.
J’oublierai même si ce n’est pas facile D’oublier la porte qui donne sur l’exil.
_
Il faut du courage pour tout oublier Sauf sa vieille valise et sa veste usée. Au fond de la poche un peu d’argent pour Un ticket de train aller sans retour, Aller sans retour.
_
Ce que j’oublierais… si j’étais l’un d’eux Mais cette chanson n’est qu’un triste jeu Et quand je les vois passer dans nos rues Étranges étrangers, humanité nue, Quoi qu’ils aient fui La faim le fusil, Quoi qu’ils aient vendu… Je ne pense qu’à ce bout de couloir, Une valise posée en guise de mémoire. –
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui mardi 25 juillet : Serge Gainsbourg (Lucien Ginsburg, dit)
Hier, lundi 24 juillet : Axelle Red
Demain, mercredi 26 juillet : Juliette
Serge Gainsbourg :
« La chanson de Prévert »*
(1960)
Paroles et musique : Serge Gainsbourg (Lucien Ginsburg, dit). Album : « L’Étonnant Serge Gainsbourg», 1961 Label : Mercury
–
Je voudrais tant que tu te souviennes »
Cette chanson était la tienne C’était ta préférée Je crois Qu’elle est de Prévert Et Kosma.
–
Et chaque fois « Les feuilles mortes » Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N’en finissent pas de mourir.
–
Avec d’autres bien sûr je m’abandonne Mais leur chanson est monotone Et peu à peu je m’indiffère À cela il n’est rien à faire
_
Car chaque fois « Les feuilles mortes » Te rappellent à mon souvenir. Jour après jour, les amours mortes N’en finissent pas de mourir.
–
Peut-on jamais savoir par où commence Et quand finit l’indifférence ? Passe l’automne vienne l’hiver Et que la chanson de Prévert
–
Cette chanson, « Les feuilles mortes », S’efface de mon souvenir Et ce jour-là, mes amours mortes En auront fini de mourir.
–
Et ce jour-là, mes amours mortes En auront fini de mourir…
– * Jacques Prévert rédige en 1945 le texte « Les Feuilles mortes » en s’inspirant d’une musique de Joseph Kosma. À l’origine, cette chanson devait constituer le générique d’un film de Maurice Carné : Les Portes de la nuit. Finalement, seules quelques bribes de la chanson sont fredonnées dans le film qui est un échec commercial. Mais en quelques années à peine, la chanson fera le tour du monde…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui lundi 24 juillet : Axelle Red (Belgique)
Hier, dimanche 23 juillet : Guy Béart
Demain, mardi 25 juillet : Serge Gainsbourg
Axelle Red :
« Rester femme »
(1996)
Paroles et musique : Axelle Red (Fabienne Demal, dite). Album : « À tâtons», 1996 Label : EMI
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aisse-moi rester femme
Laisse-moi rester femme Je ferai tout pour t’encourager, Ne pas t’étouffer, Pour que tu m’aimes. J’te donnerai tout le temps qu’il faudra,
Je porterai plus que mes bas noirs, Je n’te demanderai plus de m’appeler Quand tu rentres tard,
Et même, si je voulais savoir Où tu es et qui tu vois, qui te sépare de moi, Je ferai semblant de croire tes mensonges Et j’aime autant fuir les gens que ça dérange. Mais laisse-moi rester femme
Ne fût-ce qu’en larmes…
J’abandonnerai mes séries à savon Je ne te comparerai plus Aux héros de mes pulp fictions Oh non, non Mes discours de sécurité Appartiennent au passé.
Et même si je voulais savoir Où tu es et qui tu vois, qui te sépare de moi, Je ferai semblant de croire tes mensonges Et j’aime autant fuir les gens que ça dérange. Mais laisse-moi, rester femme ! Laisse-moi rester femme !
Sans arme
Sans flamme, sans charme, en larmes*…
Rester, rester femme, femme, femme…
Laisse-moi rester femme Laisse-moi rester femme Je ferai tout pour t’encourager, Ne pas t’étouffer, Pour que tu m’aimes.
Pour que tu m’aimes.
Pour que tu m’aimes…
* Ajout de texte dans la très belle version acoustique : album The Songs (Acoustic), 2015 (Warner Music _Benelux). _À écouter par exemple sur Deezer.
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui dimanche 23 juillet : Guy Béart
Hier, samedi 22 juillet : Brigitte Fontaine
Demain, lundi 24 juillet : Axelle Red
Guy Béart :
« Les couleurs du temps »
(1957, 1973)
Paroles et musique : Guy Béart (1957).
Initialement composée en 1957, la chanson a été reprise en 1973 où elle rencontra un succès immédiat.
Album : « Les Couleurs du temps », 1973 Labels : Espace Éditions, 1957. Disques Temporel/RCA, 1973.
–
a mer est en bleu entre deux rochers bruns,
Je l’aurais aimée en orange
Ou même en arc-en-ciel comme les embruns
Étranges.
Je voudrais changer les couleurs du temps, Changer les couleurs du monde, Le soleil levant, la rose des vents, Le sens où tournera ma ronde. Et l’eau d’une larme, et tout l’océan Qui gronde.
J’ai brossé les rues et les bancs,
Paré les villes de rubans,
Peint la Tour Eiffel rose chair,
Marié le métro à la mer.
Le ciel est de fer entre deux cheminées,
Je l’aurais aimé violine.
Ou même en arc-en-ciel comme les fumées
De Chine.
Je voudrais changer les couleurs du temps, Changer les couleurs du monde, Le soleil levant, la rose des vents, Le sens où tournera ma ronde. Et l’eau d’une larme, et tout l’océan Qui gronde…
Je suis de toutes les couleurs,
Et surtout de celles qui pleurent.
La couleur que je porte c’est
Surtout celle qu’on veut effacer.
Et tes cheveux noirs étouffés par la nuit,
Je les voudrais multicolores
Comme un arc-en-ciel qui enflamme la pluie
D’aurore.
Je voudrais changer les couleurs du temps, Changer les couleurs du monde, Les mots que j’entends seront éclatants Et nous danserons une ronde, Une ronde brune, rouge et safran Et blonde.
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui samedi 22 juillet : Brigitte Fontaine
Hier, vendredi 21 juillet : Stromae
Demain, dimanche 23 juillet : Guy Béart
Brigitte Fontaine :
« La femme à barbe »
(1995)
Texte : Brigitte Fontaine ; musique : Jacques Higelin ; arrangements : Aresky Belgacem
Album : « Genre humain », 1995 Label : Virgin
–
a nuit est une femme à barbe La nuit d’lspahan ou de Tarbes
La nuit est une femme à barbe
La nuit…
Le matin est l’épée de Dieu
Lancée pour nous crever les yeux
Le soleil est un fauve en rut
Qui ne manque jamais son but
La terre est un os disparu
Dont rêvent les chiens dans les rues
Les astres sont les bijoux d’or
Oubliés par la Castafiore
Les buildings sont des petits cons
Pleins de croutons et de lardons
Et les magasins sont des forges
Tenues par Saint Jean et Saint Georges
La nuit est une femme à barbe Venue d’lspahan ou de Tarbes
La nuit est une femme à barbe
La nuit…
Les rochers sont les réfectoires
Où les loups vont manger et boire
La mer est un repas de noces
Servi par des vierges féroces
Les arbres sont des messagers
Venus d’un royaume étranger
Et les nuages sont les songes
Des octopus et des éponges
Le ciel est un orchestre blanc
Aux vacarmes assourdissants
Le ciel est un orchestre noir
Allumant les amours d’un soir
La nuit est une femme à barbe Venue d’lspahan ou de Tarbes
La nuit est une femme à barbe
La nuit…
Nous sommes des nids de poussière
De lune et d’étoile polaire
Nous sommes les fils du Phénix
Égarés dans la série X
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui vendredi 21 juillet : Stromae (Paul van Haver, dit) Hier, jeudi 20 juillet : Anne Sylvestre
Demain, samedi 22 juillet : Brigitte Fontaine
Stromae :
« Alors on danse »
(2009)
Paroles et musique : Stromae (Paul Van Haver), Belgique
Album : « Cheese », 2010 Édition : Because Éditions, Kilomaître Productions, Mosaert Label : Universal / Mercury
–
lors on danse, Alors on danse, Alors on danse
Qui dit études dit travail
Qui dit taf te dit les thunes
Qui dit argent dit dépenses
Et qui dit crédit dit créance
Qui dit dette te dit huissier
Et lui dit assis dans la merde
Qui dit amour dit les gosses
Dit toujours et dit divorce
Qui dit proches te dit deuils
Car les problèmes ne viennent pas seuls
Qui dit crise te dit monde,
Dit famine et dit tiers-monde
Et qui dit fatigue dit réveil
Encore sourd de la veille
Alors on sort pour oublier tous les problèmes Alors on danse
…
Et là tu t’dis que c’est fini
Car pire que ça ce serait la mort
Quand tu crois enfin que tu t’en sors
Quand y’en a plus eh ben y’en a encore
Ecstasy dit problèmes,
Les problèmes ou bien la musique
Ça t’prend les tripes
Ça t’ prend la tête
Et puis tu pries pour que ça s’arrête
Mais c’est ton corps c’est pas le ciel
Alors tu t’bouches plus les oreilles
Et là tu cries encore plus fort et ça persiste
Alors on chante
Lalalalalala, Lalalalalala
Alors on chante
Lalalalalala, Lalalalalala
Alors on chante, alors on chante
Et puis seulement quand c’est fini Alors on danse, alors on danse Alors on danse, alors on danse Alors on danse, alors on danse Alors on danse, alors on danse Eh ben y’en a encore, Eh ben y’en a encore Eh ben y’en a encore
…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui jeudi 20 juillet : Anne Sylvestre
Hier, mercredi 19 juillet : Léo Ferré
Demain, vendredi 21 juillet : Stromae
Anne Sylvestre :
« Berceuse de Bagdad * »
(2003)
Paroles et musique : Anne Sylvestre (Anne-Marie Beugras)
Album : « Les Chemins du vent », 2003
Label : EPM Musique
* Allusion aux femmes irakiennes qui ont accouché avant terme par césarienne juste avant les bombardements américains du 20 mars 2003, qui ont marqué les débuts de la guerre du Golfe.
–
on petit, le monde brûle
Et dans ta vie minuscule
Tu te croyais à l’abri.
Tu ne l’es plus aujourd’hui.
Pardon de t’avoir fait naître
Mais je voulais te connaître
Avant la foudre et le feu.
Est-ce donc que d’être deux
Nous rendra moins vulnérables
Sous le déluge implacable ?
Nous pourrons nous tenir chaud
Quand la mort viendra d’en haut.
Tu bois la peur avec mon lait,
J’aurais voulu, mon agnelet,
Te donner des prairies
Pour qu’un jour tu souries.
Mon petit, mon espérance,
Voici qu’on t’a fait violence
Et qu’on t’a sorti de moi
Sans attendre tes neuf mois.
Je te vois dans ta couveuse
Et au lieu d’en être heureuse
J’espère, le cœur tremblant,
Que tu vives assez longtemps
Pour me reprocher ce geste.
Et si tout en moi proteste
Je voulais te faire beau
Tant qu’il nous reste de l’eau.
Tu bois la peur avec mon lait,
J’aurais voulu, mon agnelet,
Te donner des prairies
Pour qu’un jour tu souries.
Mon petit, quel est ce monde
Où des sirènes répondent
Aux premiers cris d’un enfant
Étonné d’être vivant ?
Déjà sur ta peau si tendre
Je vois se poser des cendres
Qui demain nous couvriront.
Qui sait même où nous serons ?
Si à la mort je t’arrache
Il faudra que tu le saches
Qu’on se soucie peu de nous
Et que les hommes sont fous.
Tu bois la peur avec mon lait,
J’aurais voulu, mon agnelet,
Te donner des prairies
Pour qu’un jour tu souries.
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui mercredi 19 juillet : Léo Ferré
Hier, mardi 18 juillet : Camille
Demain, jeudi 20 juillet : Anne Sylvestre
Léo Ferré :
« À Saint-germain des Prés »
(1950)
Paroles et musique : Léo Ferré (1950)
Album : « Chansons de Léo Ferré interprétées par Léo Ferré », 1954.
Label : Le Chant du Monde
–
‘habite à Saint-Germain-des-Prés
Et chaque soir j’ai rendez-vous
Avec Verlaine
Ce vieux Pierrot n’a pas changé
Et pour courir le guilledou
Près de la Seine
Souvent on est flanqué
D’Apollinaire
Qui s’en vient musarder
Chez nos misères
C’est bête, on voulait s’amuser,
Mais c’est raté
On était trop fauchés
Regardez-les tous ces voyous
Tous ces poètes de deux sous
Et leur teint blême
Regardez-les tous ces fauchés
Qui font semblant de ne jamais
Finir la s’maine
Ils sont riches à crever
D’ailleurs ils crèvent,
Tous ces rimeurs fauchés
Font bien des rêves.
Quand même,
Ils parlent le latin
Et n’ont plus faim
À Saint-Germain-des-Prés
Si vous passez rue de l’Abbaye
Rue Saint-Benoît, rue Visconti
Près de la Seine
Regardez l’monsieur qui sourit
C’est Jean Racine ou Valéry
Peut-êtr’ Verlaine
Alors vous comprendrez,
Gens de passage,
Pourquoi ces grands fauchés
Font du tapage.
C’est bête,
Il fallait y penser,
Saluons-les.
À Saint-Germain-des-Prés…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui mardi 18 juillet : Camille
Hier, lundi 17 juillet : MC Solaar
Demain, mercredi 19 juillet : Léo Ferré
Camille
« Fontaine de lait » (2017)
Paroles et musique : Camille (Camille Dalmais) Album : « OUÏ »*, 2017. Éditeur : Because Music
* « Je voulais faire un disque protestataire, je voulais dire « non ». Et voilà que je dis « OUÏ ». Dans OUÏ, il y a tout : la rondeur du O, l’ouverture du U, la droiture du Ï. Tout ce que je souhaite dire, être et devenir. Aucun obstacle au chant des voyelles, au battement du cœur, du OU au Ï, de l’obscurité à la lumière, du grave à l’aïgu, de la terre aux nues, du tambour à la voix, de lui à moi. Et au bout du labeur : le Ï tout OUÏ, et ses deux poings levés vers le ciel. » (Camille)
_
ù va l’eau ? Où va l’âme ?
Et la sève, et les larmes
Évanouies ?
Aller où ? Aller là
Alléluia
Aller où il est où oui lui
Et voilà que je fais
Une fontaine de lui
Et voilà que je suis
Une fontaine de lait
Et l’avale éblouie
Sous les arbres du lit
L’oiseau jouit
À l’aval, Oh ! L’envie !
Lave pâle eau de vie !
Opale ! Oh ! Oui !
Et voilà que je fais
Une fontaine de lui
Et voilà que je suis
Une fontaine de lait…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui dimanche 16 juillet : Véronique Sanson
Hier, samedi 15 juillet : Robert Charlebois
Demain, lundi 17 juillet : MC Solaar
Véronique Sanson
« Amoureuse » (1971)
Paroles et musique : Véronique Sanson Album : « Amoureuse », 1972. Éditeur : Piano Blanc (Société Des Editions Musicales)
_
ne nuit je m’endors avec lui,
Mais je sais qu’on nous l’interdit,
Et je sens la fièvre qui me mord
Sans que j’aie l’ombre d’un remords.
Et l’aurore m’apporte le sommeil,
Je ne veux pas qu’arrive le soleil,
Quand je prends sa tête entre mes mains
Je vous jure que j’ai du chagrin.
Et je me demande
Si cet amour aura un lendemain,
Quand je suis loin de lui,
Quand je suis loin de lui,
Je n’ai plus vraiment toute ma tête,
Et je ne suis plus d’ici,
Non ! Je ne suis plus d’ici :
Je ressens la pluie d’autres planètes,
D’une autre planète.
Quand il me serre tout contre lui,
Quand je sens que j’entre dans sa vie,
Je prie pour que le destin m’en sorte,
Je prie pour que le diable m’emporte.
Et l’angoisse me montre son visage,
Elle me force à parler son langage,
Mais quand je prends sa tête entre mes mains,
Je vous jure que j’ai du chagrin
Et je me demande
Si cet amour aura un lendemain.
Quand je suis loin de lui,
Quand je suis loin de lui,
Je n’ai plus vraiment toute ma tête.
Et je ne suis plus d’ici,
Non ! Je ne suis plus d’ici :
Je ressens la pluie d’autres planètes,
D’une autre planète…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui samedi 15 juillet : Robert Charlebois (Québec, Canada)
Hier, vendredi 14 juillet : Jeanne Cherhal
Demain, dimanche 16 juillet : Véronique Sanson
Robert Charlebois, Daniel Thibon
« Je reviendrai à Montréal » (1976)
Paroles : Daniel Thibon ; musique : Robert Charlebois
Album : « Longue distance ». Éditeur : RCA
_
e reviendrai à Montréal
Dans un grand Boeing bleu de mer
J’ai besoin de revoir l’hiver
Et ses aurores boréales
J’ai besoin de cette lumière
Descendue droit du Labrador —Et qui fait neiger sur l’hiver —Des roses bleues, des roses d’or
—Dans le silence de l’hiver —Je veux revoir ce lac étrange —Entre le cristal et le verre —Où viennent se poser des anges
—Je reviendrai à Montréal —Écouter le vent de la mer —Se briser comme un grand cheval —Sur les remparts blancs de l’hiver
—Je veux revoir le long désert —Des rues qui n’en finissent pas —Qui vont jusqu’au bout de l’hiver —Sans qu’il y ait trace de pas
—J’ai besoin de sentir le froid —Mourir au fond de chaque pierre —Et rejaillir au bord des toits —Comme des glaçons de bonbons clairs
—Je reviendrai à Montréal —Dans un grand Boeing bleu de mer —Je reviendrai à Montréal —Me marier avec l’hiver
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui jeudi 13 juillet : Charles Trenet
Hier, mercredi 12 juillet : Barbara
Demain, vendredi 14 juillet : Jeanne Cherhal
Charles Trenet
« L’âme des poètes » (1951)
Paroles et musique : Charles Trenet.
Éditeur: Raoul Breton
_
ongtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues
La foule les chante un peu distraite
En ignorant le nom de l’auteur
Sans savoir pour qui battait son coeur
Parfois on change un mot, une phrase
Et quand on est à court d’idées
On fait la la la la la li __________________La la la la la li
–Longtemps, longtemps, longtemps –Après que les poètes ont disparu –Leurs chansons courent encore dans les rues –Un jour peut-être, bien après moi –Un jour on chantera –Cet air pour bercer un chagrin –Ou quelque heureux destin –Fera-t-il vivre un vieux mendiant –Ou dormir un enfant ? –Ou quelque part au bord de l’eau –Au printemps, tournera-t-il sur un phono ?
–Longtemps, longtemps, longtemps –Après que les poètes ont disparu –Leur âme légère court encore dans les rues. –Leur âme légère, c’est leurs chansons –Qui rendent gais, qui rendent tristes –Filles et garçons –Bourgeois, artistes –Ou vagabonds. –Longtemps, longtemps, longtemps. –La la la la la la…
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui mercredi 12 juillet : Barbara (Monique Andrée Serf, dite)
Demain, jeudi 13 juillet : Charles Trenet
Barbara
« Une petite cantate » (1965)
Paroles et musique : Barbara.
Label : Warner Chappell Music France
Chanson dédiée à Liliane Benelli (1935-1965), pianiste attitrée du Cabaret L’Écluse à Paris.
_
ne petite cantate
Du bout des doigts,
Obsédante et maladroite
Monte vers toi
Une petite cantate
Que nous jouions autrefois
Seule je la joue maladroite
Si, mi, la, ré, sol, do, fa
Cette petite cantate
fa, sol, do, fa
N’était pas si maladroite
Quand c’était toi
Les notes couraient faciles
Heureuses au bout de tes doigts
Moi j’étais là malhabile
Si, mi, la, ré, sol, do, fa
Mais tu es partie, fragile
Vers l’au-delà
Et je reste malhabile
Fa, sol, do, fa
Je te revois souriante
Assise à ce piano-là
Disant « Bon je joue, toi chante,
Chante, chante-la pour moi »
Si, mi, la, ré, si, mi, la, ré, si, sol, do, fa
Si, mi, la, ré, si, mi, la, ré, si, sol, do, fa
Ô mon amie
Ô ma douce
Ô ma si petite à moi
Mon Dieu qu’elle est difficile
Cette cantate sans toi
Une petite prière, la, la, la, la
Avec mon cœur pour la faire
Et mes dix doigts
Une petite prière
Mais sans un signe de croix
Quelle offense Dieu le Père
Il me le pardonnera
Si, mi, la, ré, si, mi, la, ré, si, sol, do, fa
Si, mi, la, ré, si, mi, la, ré, si, sol, do, fa
Les anges avec leur trompette
La joueront, joueront pour toi
Cette petite cantate
Que nous jouions autrefois
Les anges avec leur trompette
La joueront joueront pour toi
Cette petite cantate qui monte vers toi
Cette petite cantate qui monte vers toi
Le millésime 2017 d’« Un été en Poésie » rend hommage à la chanson d’expression française. D’une richesse poétique inégalée, cet héritage exprime à la fois un certain nombre d’enjeux identitaires et culturels ainsi que l’exceptionnel pluralisme linguistique et musical de la francophonie. À suivre du 12 juillet au 10 août.
Aujourd’hui mercredi 12 juillet : Barbara (Monique Andrée Serf, dite)
Demain, jeudi 13 juillet : Charles Trenet
Barbara
« Une petite cantate » (1965)
Paroles et musique : Barbara.
Label : Warner Chappell Music France
Chanson dédiée à Liliane Benelli (1935-1965), pianiste attitrée du Cabaret L’Écluse à Paris.
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ne petite cantate
Du bout des doigts,
Obsédante et maladroite
Monte vers toi
Une petite cantate
Que nous jouions autrefois
Seule je la joue maladroite
Si, mi, la, ré, sol, do, fa
Cette petite cantate
fa, sol, do, fa
N’était pas si maladroite
Quand c’était toi
Les notes couraient faciles
Heureuses au bout de tes doigts
Moi j’étais là malhabile
Si, mi, la, ré, sol, do, fa
Mais tu es partie, fragile
Vers l’au-delà
Et je reste malhabile
Fa, sol, do, fa
Je te revois souriante
Assise à ce piano-là
Disant « Bon je joue, toi chante,
Chante, chante-la pour moi »
Si, mi, la, ré, si, mi, la, ré, si, sol, do, fa
Si, mi, la, ré, si, mi, la, ré, si, sol, do, fa
Ô mon amie
Ô ma douce
Ô ma si petite à moi
Mon Dieu qu’elle est difficile
Cette cantate sans toi
Une petite prière, la, la, la, la
Avec mon cœur pour la faire
Et mes dix doigts
Une petite prière
Mais sans un signe de croix
Quelle offense Dieu le Père
Il me le pardonnera
Si, mi, la, ré, si, mi, la, ré, si, sol, do, fa
Si, mi, la, ré, si, mi, la, ré, si, sol, do, fa
Les anges avec leur trompette
La joueront, joueront pour toi
Cette petite cantate
Que nous jouions autrefois
Les anges avec leur trompette
La joueront joueront pour toi
Cette petite cantate qui monte vers toi
Cette petite cantate qui monte vers toi
Pendant le mois de mai et le mois de juin seront mis en ligne une série d’articles de recherche préparés par les élèves de Seconde 1 et de Seconde 12 du Lycée en Forêt dans le cadre de la grande exposition : « Le Romantisme en France et en Europe ». Chaque semaine, un ou plusieurs exposés seront publiés…
Voici le premier exposé de notre cycle d’étude consacré au Romantisme. Roman, élève de Seconde 1 (promotion 2011-2012) lui-même guitariste averti, a travaillé sur « Asturias » d’Isaac Albéniz…
Un exposé remarquable, fruit de recherches approfondies, que je vous laisse découvrir…
Présentation du travail
Cet exposé sur la musique espagnole pour guitare porte sur une œuvre romantique célèbre d’Isaac Albéniz (1860-1909), Asturias, retranscrite par Francisco Tárrega, non moins illustre virtuose de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle (1852-1909). J’ai souhaité centrer mes recherches sur la problématique suivante : en quoi cette composition jouée à la guitare peut-elle s’inscrire dans le romantisme ? Ce questionnement m’est venu alors que je travaillais sur la partition originale : la mélodie véloce d’Asturias, faite de notes piquées et répétées typiques du flamenco d’Andalousie, préfigure déjà la matière sonore du morceau retranscrit par Francisco Tárrega : Albéniz avait-il donc déjà l’idée de retranscrire le morceau à la guitare ? Tel a été le point de départ de mon analyse. Pour aborder au mieux cette étude, je vous conseille d’écouter le morceau original et sa transcription… Bonne lecture.
Isaac Albéniz et Francisco Tárrega : une même passion pour la musique
Introduction
Existe-t-il un romantisme espagnol ? Cette question, maintes fois débatue (1), a été le point de départ de cette recherche. À ce titre, il m’a paru intéressant de travailler sur la musique d’Isaac Albéniz, et plus particulièrement sur « Asturias ». Retranscrit pour guitare par Francisco Tárrega, « Asturias » est également connu sous le nom de « Leyenda » (légende), pièce inquiète, passionnée et mélancolique. Cette grande page pianistique, romantique par excellence, appartient à la première Suite Espagnole composée par Albéniz en 1886 avec ses Souvenirs de Voyage (Recuerdos de viage). Asturias constituera également le « Prélude » des Chants d’Espagne composés en 1893. Tout l’enjeu de notre travail sera de démontrer la facture typiquement romantique de ce célèbre morceau. J’aborderai ce questionnement selon une triple perspective :
Plus encore que la musique folklorique des Asturies, « Leyenda » évoque d’abord le flamenco (voyez à ce sujet l’ouvrage de Luis López Ruiz, Guide du flamenco, paru chez L’Harmattan en 2010). De fait, comment ne pas se laisser emporter, en écoutant Asturias, par les couleurs de l’Espagne et la sensualité de sa musique ? Non seulement, la rythmique entraînante exalte l’affectif et le lyrisme, mais les ornements musicaux semblent nous ensorceler dans une sorte de cante primitif, intense et passionnel.
Si Albéniz fut « l’un des grands poètes du piano » (2), la transcription de son Leyenda pour la guitare flamenca par Francisco Tárrega fait magnifiquement ressentir le chant et la mélodie de l’Espagne, c’est-à-dire l’atmosphère, le timbre, le rythme gravés à jamais dans le cœur d’Isaac Albéniz. Par ses effets sonores caractéristiques, c’est bien la guitare qui semble d’ailleurs s’imposer sur le piano, ce qui amènerait le non connaisseur à supposer qu’il s’agit de morceaux de guitare retranscrits pour piano alors qu’à l’origine c’est bien l’inverse.
À n’en pas douter, Asturias est la pièce qui nous fait le plus ressentir cette voix passionnée de la guitare. Comme il a été justement dit, Albéniz « a su admirablement assimiler et traduire un floklore incompris en son temps. […] C’est toute l’Andalousie avec ses paysages, ses couleurs, sa mélancolie barbare, son flamenco où se mêlent des sensations auditives, olfactives, visuelles […] » (3).
Cette sensualité harmonique, ce chant de l’âme, le danseur de flamenco asturien l’exprime très bien grâce aux claquettes et castagnettes. La danse, par moments polyrythmique, mélange allégresse et lenteur, excitation et calme, et semble presque envoûter aussi bien le guitariste exécutant le morceau que les danseurs. Moments indicibles, ineffables, aptes à exprimer une atmosphère et des images sublimant le réel référentiel pour s’épanouir dans un imaginaire impressionniste.
Si vous écoutez la première partie d’Asturias, (la partie rapide d’une virtuosité remarquable), vous aurez l’impression qu’Albéniz nous raconte une histoire… Imaginons un danseur de flamenco qui tente de faire la cour à une danseuse avec grâce et personnalité : il se lance à la conquête de celle-ci. Pendant toutes les variations qui combinent magnifiquement le mouvoir et l’émouvoir, celle-ci semble jouer avec lui, avec ses sentiments, sa passion, tournoyant dans une danse enflammée. Puis, dans la deuxième partie, plus lente, la danseuse use de son charme tout en repoussant le danseur. Il insiste, il est en proie au doute, il la prend dans ses bras, danse auprès d’elle, mais elle joue l’indifférente tout en le défiant dans une attitude posturale conquérante.
Alors, les motifs musicaux de la première partie reprennent avec autant d’excitation et de frénésie qu’au début. À chaque nouvelle vibration, le danseur, tel un héros tragique, met tout son cœur, il ne veut pas abandonner. Enfin, suit une dernière partie, mêlant le début du deuxième thème légèrement modifié et le début du premier thème, le tout exécuté avec plus de lenteur, comme si le danseur était fatigué, désespéré, à jamais vaincu : écoutez le lyrisme sentimental de ces notes répétées, si douloureuses et pathétiques… La danseuse a disparu, seul reste le danseur, être voué à la souffrance et à la solitude, à la recherche de cet amour inatteignable.
2. L’imaginaire de la fuite et le thème du voyage dans Asturias
Asturias a été incorporé dans la Suite espagnole n°1 op. 47 qui est l’un des plus grands succès d’Albéniz. Éditée en 1886, elle contient des pièces composées souvent antérieurement. D’ailleurs Albéniz a eu l’idée de leur donner des noms de villes ou de provinces, de fêtes ou de danses de son pays. L’inspiration de ces morceaux a donc une très forte connotation espagnole. Nous retrouvons par exemple le style flamenco dans Granada, Sevilla, Càdiz, de même qu’Asturias ; la jota d’Aragon ; la seguidilla de Castillà ; la sardane de Cataluña, hommage à sa province natale… Ainsi, ce spicilège de huit morceaux constitue-t-il une incroyable conscience régionale, un voyage extraordinaire à travers l’Espagne, en utilisant les danses —jota, flamenco, seguidilla— les rythmes et mélodies caractéristiques du patrimoine ibérique.
Asturias : une allégorie des étapes de la vie
Isaac Albéniz à dix ans
La première partie du morceau, dont nous avons commenté précédemment la mise en ordre narrative, évoquerait presque ici l’ascension difficile et risquée d’une montagne des Asturies. On pourrait aussi noter la dimension très autobiographique du passage : cette ascension, ce pourrait être celle d’Isaac Albéniz lui-même, enfant solitaire à la recherche de son devenir identitaire. Leyenda, appartenant aux Souvenirs de voyage, pourrait à ce titre évoquer les nombreuses fugues du jeune Isaac Albéniz pour échapper à son père. Les documents biographiques que j’ai consultés montrent incontestablement la répulsion et l’ennui qu’Isaac trouve à sa vie alors qu’il n’a pas encore dix ans.
Depuis le début, son père l’utilise en effet afin d’aider pécuniairement sa famille ainsi que par orgueil. Mais, lorsqu’il atteint ses dix ans, il ressent le besoin de tout quitter, de conquérir le monde, de jouer de la musique suivant son humeur. Ainsi, son côté romantique, indépendant, voyageur et fougueux se révèle. De là cette importance du voyage pour Isaac Albéniz ainsi que la découverte des multiples paysages dont il s’est imprégné pour composer sa musique. Le nom Leyenda fait à cet égard penser à ce qu’on pourrait appeler « la légende d’Isaac Albéniz ». Il est donc possible d’imaginer, dans la première partie, Isaac fuyant son père et la société, rencontrant de nombreuses complications : la syntaxe sonore n’évoque-t-elle pas ces multiples références à l’enfance : la difficulté pour un enfant si jeune de lutter et de s’exprimer dans le monde des adultes, mais aussi cette révolte de l’adolescent, solitaire et incompris, qui pense ne plus avoir sa place dans un monde auquel il ne s’identifie plus…
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Dans la deuxième partie, l’enfant est en haut de la montagne devant un paysage fabuleux, fantastique, spectaculaire et inoubliable, qui apparaît comme une prise de conscience identitaire : plaisir transgressif de la liberté, de l’inconnu et du dépaysement total. Presque un autre monde… Isaac observe le paysage dans ses moindres détails afin de le graver dans sa mémoire. Il est indécis, il a toujours cette soif de découvrir cette région à la beauté infinie, soif d’aller plus loin, plus haut, il s’inspire de l’énergie de ce paysage afin de nourrir sa musique, appelée à rendre vie au récit mythique. Le premier thème reprend encore plus fort, plus vite : l’enfant continue son chemin à travers les montagnes abruptes, sous la chaleur suffocante ; des accords résonnent dans sa tête, l’Espagne et sa beauté absolue pénètrent en lui. Sa décision est prise, il fera connaître au monde entier par sa musique le cœur de l’Espagne : à travers cette allégorie psychologique qu’est Asturias, il y a comme une conscience musicale nationale et universelle qui apparaît ici : identité ibérique d’abord.
Un voyage dans le principaut des Asturies…
Si Asturias peut nous rappeler les danseurs de flamenco comme nous l’avons vu précédemment, il peut être aussi perçu comme un hommage à cette province septentrionale de l’Espagne (4). La région des Asturies est à cet égard très montagneuse et possède de magnifiques panoramas, aptes à faire ressentir le caractère authentique de l’Espagne. Entouré à l’ouest par la Galice, à l’est par la Cantabrie, et au sud par la Castille y León, le territoire asturien occupe dans l’histoire de l’Espagne une place à part, et la musique d’Albéniz hérite symboliquement de ce passé, propre aux traditions orales locales et apte à affecter celles-ci d’une identité collective propre.
Somiedo, dans les Asturies
La troisième partie du morceau, ample et solennelle, est comme une méditation : au sentiment de la fuite du temps, de la vie éphémère de l’homme, le musicien romantique semble opposer les vastes mouvements de l’histoire. Un peu comme si Albéniz s’émerveillait devant des paysages de plus en plus éblouissants, dans cette vaste région aux couleurs de l’Espagne, il recherche le paysage idéal, paradisiaque qui touche à l’universalisme : les longues lignes musicales sinueuses suggèrent que la mélodie pourrait durer à l’infini, tant il y a de merveilles à découvrir dans cette région.
Mais Isaac doute et a peur que son père le rattrape. De fait, le premier thème reprend. Isaac trace sa route : le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay… Le final, toujours en suspens, montre qu’Isaac n’a de cesse de fuir, et le morceau semble continuer jusqu’à l’extrême du possible. Si la troisième partie peut faire penser qu’Isaac est retrouvé par son père, il n’abandonne pas son projet de voir le monde entier et de fuguer de nouveau. Il s’agit donc d’un éternel recommencement.
La mythologie romantique d’Asturias : Leyenda ou la légende d’Isaac Albéniz…
Comme nous le comprenons, Asturias connote d’abord l’imaginaire. « Leyenda » signifiant légende peut ainsi évoquer dans la mythologie romantique un imaginaire total, dans un autre monde loin du réel, fait d’allégories et de symboles. Il existe d’ailleurs une importante mythologie asturienne, qui se prête à de nouvelles interprétations : Leyenda peut ainsi raconter une légende nous transportant dans un monde magique, fantastique, mystique qui donne à voir l’unité primordiale où la société n’a pas sa place. La contemplation de la nature se confond avec l’appréhension du divin : seuls les dieux et autres créatures, comme le Cuélebre (mi-dragon, mi-serpent : gardien des trésors cachés) et le Ñuberu (dieu des nuages et des orages), sont présents. La première partie peut donc raconter une aventure où un homme, seul, fuit ces personnages mythologiques sous un violent orage…
Puis, dans la deuxième partie, ayant réussi à leur échapper, il se repose et prend le temps de regarder, d’observer et de découvrir le paysage extraordinaire, merveilleux et irréel qui l’entoure. Il respire de nouveaux parfums qui le plongent dans une ivresse presque immatérielle. Il aperçoit des couleurs inédites, des formes originales. Une aura de flou l’enveloppe tel un rêve. Soudain, près d’une cascade surgit des xanas : nymphes aux cheveux blonds, vêtues de tuniques de lin blanc. Elles essaient de le captiver de leur voix mélodieuse, pour l’attirer et le noyer. Néanmoins, il reste vigilant car l’aventure et l’inconnu sont remplis de dangers. Il est dans une nature primitive, sauvage… Le premier thème revient, l’homme est retrouvé par les personnages mythologiques, et la poursuite reprend. La dernière partie, en suspens, montre ici que cet homme sera pour toujours condamné à fuir dans ce monde imaginaire : mais c’est une marginalité assumée car il possède la chance d’être le seul à pouvoir l’explorer.
3. L’importance de la musique pour les romantiques : l’art musical d’Asturias
Intéressons-nous pour terminer au but de l’art musical selon Albéniz. Comme nous l’avons vu, de multiples interprétations d’Asturias sont possibles, il y en a même une infinité correspondant aux états d’âme de chacun. La musique laisse donc libre cours à l’imagination. Si la musique est à ce point importante pour les romantiques, c’est qu’elle exprime d’abord leurs sentiments profonds, leurs émotions, leur malaise, leur insatisfaction. Le musicien romantique, tout comme le poète, nous fait aussi partager ses états d’âmes en utilisant un langage codé nourri par des notes, des nuances (crescendo, forte, piano,…), des mouvements lents ou rapides, des notes liées ou détachées (piquées) comme c’est le cas dans Asturias.
De surcroît, certains instruments comme le piano et peut-être plus encore la guitare peuvent modifier leur sonorité en enrichissant le travail sur le matériau musical : suivant l’endroit où le guitariste pince ses cordes par exemple, le son paraît tantôt neutre, langoureux, ou au contraire, métallique, passionné. Hugo disait de la forme qu’elle est « le fond rendu visible », et sans doute cette appréciation s’applique-t-elle très bien aux effets de style complexes d’ Asturias : ampleur dramatique, sentimentalité, nostalgie infinie… Comme nous l’avons vu en étudiant les aspects autobiographiques, la musique pour les romantiques est presque un psychodrame, tant elle investit le cœur et l’âme par l’expression de toutes ses nuances.
C’est bien ses états d’âme qu’Albéniz nous fait ressentir dans sa musique. Et sans doute il est vrai que le Romantisme, plus que tout autre art musical, plonge chaque personne dans l’idéal du compositeur. À ce titre, comme pour la poésie, la participation du récepteur est un élément essentiel de cette « psychologie de l’effet » (5) apte à procurer à celui qui sait écouter bonheur, mélancolie, joie ou tristesse. Le but de l’art est bien d’éveiller l’âme au plaisir musical : la musique est donc un intense moment de partage et de communion. Le musicien peut exprimer ses sentiments avec une tout autre voix, beaucoup plus mélodieuse, qui peut faire pleurer les plus sensibles et faire vibrer l’âme des spectateurs si le morceau est bien ressenti.
De cette communion spirituelle, Asturias nous semble un parfait exemple, tant le morceau par ses multiples reprises s’apparente à une sorte de quête de l’idéal. La musique semble alors un art d’extase et de ravissement, sublime, insaisissable, avec une dimension spirituelle et mystique proche du Sacré. Elle permet, comme dans les poèmes romantiques, d’échapper et d’oublier la vie pour partir à la conquête d’un idéal, inaccessible aux lois de l’ordonnance humaine. « Dérèglement de tous les sens » aurait dit Rimbaud, qui nous fait perdre la notion même du réel et du temps… Si la musique nous libère de toutes les obligations sociales, c’est qu’elle est d’abord, dans sa conception profonde, un art du déchiffrement. Ainsi, en filigrane de l’Espagne et de son folklore, apparaît dans Asturias un langage inédit, purifié, universel. À travers lui, le Romantique exprime sa sensibilité. Il en cherche les symboles…
Conclusion
Au terme de ce travail, interrogeons-nous une dernière fois : comme nous l’avons compris, l’Art Musical pour les romantiques et en particulier pour Isaac Albéniz, emprunte son matériel poétique à l’imaginaire. Si tout le monde n’a pas la chance de pratiquer un instrument, il est cependant donné à tous de l’écouter : c’est en ce sens que la musique, parce qu’elle fait appel à l’imaginaire, utilise le pouvoir allégorique des notes pour nous plonger, à travers un voyage spirituel, vers l’infini : Asturias est ainsi une quête de l’idéal, un langage sonore qui vise à reconstruire l’unité perdue. Gabriel Fauré écrivait de la musique qu’elle « consiste à nous élever le plus loin possible au-dessus de ce qui est. » Par sa force oratoire et spirituelle, Asturias nous paraît répondre parfaitement à cette définition.
Merci aux musiciens, à mon professeur de guitare, et à toutes les autres personnes m’ayant donné leur avis et leurs idées afin de réaliser cet exposé sur la musique romantique à travers la guitare, l’Espagne et le morceau « Asturias ».
Roman R.
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