Pour la deuxième année consécutive, du mardi 22 juillet 2014 au vendredi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite :
« Un été en poésie »…
Chaque jour, un poème sera publié. Cette année, quinze pays seront représentés dans ce tour du monde poétique, mêlant écriture et arts visuels. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Maria Luisa Spaziani ♀
Turin, 1922 — Rome, 2014… ITALIE
Hier, dimanche 10 août : Jorge Luis Borges… ARGENTINE
Demain, mardi 12 août : Charles Péguy… FRANCE
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La Cometa
Quel mio amore per lui aveva ali di cera
lunghe le ali sembravano eterne
battevano il cielo sicure, sfioravano picchi,
puntavano al sole con nervature nervine.
Fuse le ali ormai mi ricrescono dentro,
soltanto ora perdute mi diventano vere,
e ai cuori incauti grido : la passione è un fantasma
troppo importante, uomini, per potersi incarnare.
Chiomate vaganti comete di Halley, presagi
disastri prodigi che infiammano e gelano il sangue,
nessuno osi fissarvi, si arrischi a sfiorare
coaguli di pura lontananza – morgane¹.
Maria Luisa Spaziani (1922-2014)
La Stella del libero arbitrio, Milan Mondadori, 1986
La Comète
Mon amour pour lui avait des ailes de cire
de si longues ailes qu’elles semblaient éternelles
elles frappaient avec force le ciel, frôlaient les montagnes,
et de leurs nervures nerveuses pointaient vers le soleil.
Fondues, les ailes désormais poussent au-dedans de moi
maintenant que je les ai perdues, elles me deviennent réelles,
et aux cœurs imprudents je crie : la passion est un fantôme
trop intense, hommes, pour devenir chair.
Comètes de Halley aux chevelures errantes, présages
désastres prodiges qui enflamment et glacent le sang,
nul n’ose vous regarder, ni se risque à effleurer
ces caillots de pure distance — mirages¹.
Maria Luisa Spaziani (1922-2014)
La Stella del libero arbitrio (L’Étoile du libre-arbitre), Milan Mondadori, 1986
Traduction française inédite : Bruno Rigolt
1. morgane/mirages : Une Fata Morgana est un phénomène optique résultant d’une combinaison de mirages. Gianfranco Bertone note que l’on peut en observer parfois « les matins d’été par temps calme à la pointe la plus méridionale de la péninsule italienne, où le détroit de Messine sépare la côte de la Calabre de l’île de Sicile » |*|. Une tradition populaire de la région de Reggio présente Morgane comme une magicienne génératrice d’illusions, d’où le nom de Fata Morgana en Italien. Cette croyance remonte aux légendes de la chevalerie : les Croisés pensaient que les mirages étaient l’œuvre de la fée Morgane, l’élève de Merlin l’enchanteur. Ce personnage légendaire des romans arthuriens avait en effet le pouvoir de provoquer d’incroyables apparitions, particulièrement en Méditerranée. Les fate morgane ou morgane comme dans le texte (nom commun pluriel) désignent donc les mirages.
* Gianfranco Bertone,, Le Mystère de la matière noire : Dans les coulisses de l’Univers, Paris, Dunod 2014.
« Comètes de Halley aux chevelures errantes, présages
Désastres prodiges… »
Illustration : © Bruno Rigolt, « Fata Morgana », août 2014
Photographie et peinture numérique
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