Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Lucie Delarue-Mardrus

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : “Un été en poésie : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Lucie Delarue-Mardrus
(Honfleur, 1874 — Château-Gontier, 1945)… FRANCE

Hier, lundi 5 août : Birago Diop… SÉNÉGAL
Demain, mercredi 7 août : Shiki Masaoka… JAPON

 

Le cri des femmes dans la nuit

Nous sommes devant vous l’être faible et doré,
 _____
Nudité sage sous la robe,
Et notre vrai regard à vos yeux se dérobe ;
Mais quel beau monstre, en nous, cherche à se libérer !

Votre amour masculin, forme de votre haine,
 _____Ne nous laisse, pour liberté,
Que le cri naturel de la maternité.
En elle seulement notre instinct se déchaîne.

Or voyez de quel bras nous serrons nos enfants
 _____Sur nos poitrines nourrissantes !
Se donnent-elles mieux, bêlantes, rugissantes,
La lionne à ses lionceaux, ou la biche à ses faons ?

Sauf cet instinct permis, ce n’est que peur et honte.
 _____Nous tremblons devant votre loi,
Mais il serait aussi la tempête qui monte,
Notre baiser, sans les scrupules, sans la foi !

Nous sommes plus que vous de la race des faunes,
 _____Notre désir est incessant.
Parmi les printemps verts et les automnes jaunes,
Vous devriez nous suivre à nos traces de sang.

Vous avez bien voulu que nous fussions des mères,
 _____Vous, les maîtres, vous les plus forts,
Mères, oui, mais non pas amantes tout entières,
Parce que vous craigniez le cri de notre corps.

Certes, vous le savez, hommes, votre puissance
 _____N’est pas tout ce que nous voulons.
Et, par les belles nuits, nos sanglots sourds et longs
Clameraient vainement votre insuffisance.

Vous êtes tout, logique et science et raison,
 _____Mais vous n’êtes pas nos vrais mâles.
Vous êtes trop humains pour nous trop animales :
La bête féminine aime en toute saison.

Oui, soyez orgueilleux de posséder les femmes !
 _____Mais elles sont comme la mer,
Et toute la ferveur de vos petites âmes
Ne satisfera point l’océan de leur chair !

 

Lucie Delarue-Mardrus
Par vents et marées, 1910

 Illustration : Sarah  Charlesworth (1947-2013), “Figures” (détail), 1983 (Objects of Desire)
New York, Brooklyn Museum
 © Sarah Charlesworth

Publié par

brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques