Pour la troisième année, du dimanche 10 juillet 2016 au mercredi 10 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie »… Thématique de l’édition 2016 :
« D’Europe et de Méditerranées… Poésies de tous les rivages ».
Chaque jour, du dimanche au jeudi, un poème sera publié. Cette année, de très nombreux pays seront représentés dans ce voyage en Europe et autour de la Méditerranée, mêlant écriture et arts visuels. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Pays représentés : France, Espagne, Portugal, Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Palestine, Israël, Liban, Syrie, Turquie,
Grèce, Italie.
Pour la troisième année, du dimanche 10 juillet 2016 au mercredi 10 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie »… Thématique de l’édition 2016 :
« D’Europe et de Méditerranées… Poésies de tous les rivages ».
Chaque jour, du dimanche au jeudi, un poème sera publié. Cette année, de très nombreux pays seront représentés dans ce voyage en Europe et autour de la Méditerranée, mêlant écriture et arts visuels. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Pays représentés : France, Espagne, Portugal, Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Palestine, Israël, Liban, Syrie, Turquie,
Grèce, Italie.
Lundi 25 juillet : Amina Saïd… Tunisie
Mercredi 27 juillet : Ghassan Zaqtan… Palestine
« Bleu comme le désert »
Heureux les solitaires
Ceux qui sèment le ciel dans le sable avide
Ceux qui cherchent le vivant sous les jupes du vent
Ceux qui courent haletants après un rêve évaporé
Car ils sont le sel de la terre
Heureuses les vigies sur l’océan du désert
Celles qui poursuivent le fennec au-delà du mirage
Le soleil ailé perd ses plumes à l’horizon
L’éternel été rit de la tombe humide
Et si un grand cri résonne dans les rocs alités
Personne ne l’entend personne
Le désert hurle toujours sous un ciel impavide
L’œil fixe plane seul
Comme l’aigle au point du jour
La mort avale la rosée
Le serpent étouffe le rat
Le nomade sous sa tente écoute crisser le temps
Sur le gravier de l’insomnie
Tout est là en attente d’un mot déjà énoncé
Ailleurs
Joyce Mansour (1928-1986) Poèmes posthumes in Prose et poésie, Actes Sud, 1991, pages 19-20. Sur Joyce Mansour, voir aussi « La citation de la semaine » qui lui est consacrée.
« Tout est là en attente d’un mot déjà énoncé
Ailleurs »
Pour la troisième année, du dimanche 10 juillet 2016 au mercredi 10 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie »… Thématique de l’édition 2016 :
« D’Europe et de Méditerranées… Poésies de tous les rivages ».
Chaque jour, du dimanche au jeudi, un poème sera publié. Cette année, de très nombreux pays seront représentés dans ce voyage en Europe et autour de la Méditerranée, mêlant écriture et arts visuels. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Pays représentés : France, Espagne, Portugal, Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Palestine, Israël, Liban, Syrie, Turquie,
Grèce, Italie.
Hier, lundi 18 juillet : Álvaro de Campos (Fernando Pessoa)… Portugal
Demain, mercredi 20 juillet : Samira Negrouche… Algérie
« L’arbre est féminin »
L’arbre est féminin
au grand dam
de la langue française
Elle arbore ses seins nus
au grand dam des barbus
musulmans de la dernière heure
Elle est la source antique
protégée par les cierges
le scorpion
et le damier du destin
Le ciel en est ébloui
et les oiseaux préfèrent ses branches
aux replis mièvres de l’azur
L’Eden à ses pieds
dispense son eau de jouvence
aux baigneurs en conciliabule
De quoi peuvent-ils débattre
sinon de la douce folie
de la Créatrice ?
Abdellatif Laâbi (1942- ),site webPetit musée portatif, Paris Al Manar 2002
–
« De quoi peuvent-ils débattre
sinon de la douce folie
de la Créatrice ? »
Pour la troisième année, du dimanche 10 juillet 2016 au mercredi 10 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie »… Thématique de l’édition 2016 :
« D’Europe et de Méditerranées… Poésies de tous les rivages ».
Chaque jour, du dimanche au jeudi, un poème sera publié. Cette année, de très nombreux pays seront représentés dans ce voyage en Europe et autour de la Méditerranée, mêlant écriture et arts visuels. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Pays représentés : France, Espagne, Portugal, Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Palestine, Israël, Liban, Syrie, Turquie,
Grèce, Italie.
Aujourd’hui… Catherine Pozzi ♀ (1882 — 1934 Paris ) … FRANCE
Hier, dimanche 10 juillet : Renée Vivien… France
Demain, mardi 12 juillet : Yves Bonnefoy… France
« Maya »
Je descends les degrés de siècles et de sable
Qui retournent à vous l’instant désespéré
Terre des temples d’or, j’entre dans votre fable __________Atlantique adoré.
D’un corps qui ne m’est plus que fuie enfin la flamme
L’Âme est un nom chéri détesté du destin —
Que s’arrête le temps, que s’affaisse la trame,
Je reviens sur mes pas vers l’abîme enfantin.
Les oiseaux sur le vent dans l’ouest marin s’engagent,
Il faut voler, bonheur, à l’ancien été
Tout endormi profond où cesse le rivage
Rochers, le chant, le roi, l’arbre longtemps bercé,
Astres longtemps liés à mon premier visage,
Singulier soleil de calme couronné.
_
Catherine Pozzi (1882-1934) Poèmes, Paris Gallimard 1959
Édition utilisée : Catherine Pozzi, Œuvre poétique, textes recueillis, établis et présentés par Lawrence Joseph. Paris Éditions de la Différence 1988, page 59.
« […] à Flatland, toute la vie sociale repose sur un principe fondamental : la volonté de la Nature, selon laquelle toutes les Figures doivent avoir les côtés égaux. »
the whole of the social life in Flatland rests upon the fundamental fact that Nature wills all Figures to have their sides equal.
[…] à Flatland tous les êtres humains étaient des Figures régulières, c’est-à-dire des Figures de construction régulière. J’entends par là qu’une Femme doit être non seulement une Ligne, mais une Ligne Droite ; qu’un Artisan ou un Soldat doit avoir deux côtés égaux ; que les Commerçants doivent avoir trois côtés égaux ; les Hommes de Loi (catégorie à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir), quatre côtés égaux, et qu’en général chez un Polygone tous les côtés doivent être égaux.
[…] Ce dont je parle, c’est de l’égalité des côtés, et point n’est besoin de beaucoup réfléchir pour comprendre qu’à Flatland toute la vie sociale repose sur un principe fondamental : la volonté de la Nature, selon laquelle toutes les Figures doivent avoir les côtés égaux.
[…]
« L’Irrégularité de Figure » est un terme qui désigne chez nous quelque chose aussi grave au moins que, chez vous, un mélange de distorsion morale et de criminalité ; nous traitons cette perversion en conséquence. Certes, nous avons nos faiseurs de paradoxes qui nient la nécessité d’une relation entre l’Irrégularité géométrique et morale.
« L’Irrégulier, disent-ils, est dès sa naissance dépisté par ses propres parents, accablé de sarcasmes par ses frères et sœurs, négligé par les domestiques, méprisé et soupçonné par la société ; il se voit interdire tous les postes à responsabilités, toutes les situations de confiance, toutes les activités utiles. La police surveille de près chacun de ses mouvements jusqu’à ce qu’il atteigne sa majorité et se présente à l’inspection ; puis, soit il est détruit si l’on constate qu’il dépasse la marge de déviation admise, soit il est enfermé dans un Bureau Gouvernemental en qualité d’employé de septième classe ; il se voit contraint d’exercer pendant toute sa morne existence un métier sans intérêt pour un salaire misérable, obligé de vivre jour et nuit au bureau, de se soumettre même pendant ses congés à une surveillance étroite ; comment s’étonner que la nature humaine, fût-elle de l’essence la meilleure et la plus pure, sombre dans l’amertume et la perversion au milieu de ces circonstances ? »
Ce raisonnement fort plausible ne parvient pas à me convaincre –pas plus qu’il n’a convaincu les plus sages de nos Hommes d’État– que nos ancêtres ont eu tort de poser en axiome politique l’impossibilité de tolérer l’Irrégularité sans mettre en danger la sécurité de l’État. La vie de l’Irrégulier est dure. Cela ne fait aucun doute ; mais les intérêts du Plus Grand Nombre exigent qu’il en soit ainsi. Que deviendraient les agréments de la vie si l’on devait permettre à un homme affligé d’un devant triangulaire et d’un arrière polygonal de survivre et de propager une postérité encore plus irrégulière ? Doit-on modifier les maisons, les portes et les temples de Flatland pour que de tels monstres puissent y accéder librement ?
[…]
Je n’en suis pas pour autant disposé à recommander (du moins pour l’instant) l’emploi des mesures extrêmes adoptées par certains États, où le nouveau-né dont l’angle dévie d’un demi-degré par rapport à la norme est aussitôt détruit sans autre forme de procès. Parmi nos plus grands personnages, nos génies même, il en est qui se sont trouvés affligés, pendant les premiers jours de leur vie, de déviations allant jusqu’à quarante-cinq minutes, ou même au-delà ; et la perte de leur précieuse existence aurait été pour l’État un mal irréparable. En outre, l’art de la médecine a remporté quelques-uns de ses plus beaux triomphes en guérissant, soit partiellement, soit totalement l’Irrégularité par des compressions, des extensions, des trépanations, des colligations et autres opérations chirurgicales ou esthétiques. Optant, par conséquent, pour une Via Media, je ne définirai aucune ligne de démarcation fixe ou absolue ; mais, à l’époque où le corps commence à se charpenter, et si le Conseil Médical déclare que la guérison est improbable, je suggérerai de mettre un terme aux souffrances du rejeton Irrégulier en le faisant passer sans douleur de vie à trépas.
Edwin A. Abbott Flatland, une aventure à plusieurs dimensions, 1884
[…] every human being in Flatland is a Regular Figure, that is to say of regular construction. By this I mean that a Woman must not only be a line, but a straight line; that an Artisan or Soldier must have two of his sides equal; that Tradesmen must have three sides equal; Lawyers (of which class I am a humble member), four sides equal, and, generally, that in every Polygon, all the sides must be equal.
[…] I am speaking of the equality of sides, and it does not need much reflection to see that the whole of the social life in Flatland rests upon the fundamental fact that Nature wills all Figures to have their sides equal. […] “Irregularity of Figure” means with us the same as, or more than, a combination of moral obliquity and criminality with you, and is treated accordingly. There are not wanting, it is true, some promulgatorsof paradoxes who maintain that there is no necessary connection between geometrical and moral Irregularity. “The Irregular,” they say, “is from his birth scouted by his own parents, derided by his brothers and sisters, neglected by the domestics, scorned and suspected by society, and excluded from all posts of responsibility, trust, and useful activity. His every movement is jealously watched by the police till he comes of age and presents himself for inspection; then he is either destroyed, if he is found to exceed the fixed margin of deviation, at an uninteresting occupation for a miserable stipend; obliged to live and board at the office, and to take even his vacation under close supervision; what wonder that human nature, even in the best and purest, is embittered and perverted by such surroundings!”
All this very plausible reasoning does not convince me, as it has not convinced the wisest of our Statesmen, that our ancestors erred in laying it down as an axiom of policy that the toleration of Irregularity is incompatible with the safety of the State. Doubtless, the life of an Irregular is hard; but the interests of the Greater Number require that it shall be hard. If a man with a triangular front and a polygonal back were allowed to exist and to propagate a still more Irregular posterity, what would become of the arts of life? Are the houses and doors and churches in Flatland to be altered in order to accommodate such monsters? […] Not that I should be disposed to recommend (at present) the extreme measures adopted by some States, where an infant whose angle deviates by half a degree from the correct angularity is summarily destroyed at birth. Some of our highest and ablest men, men of real genius, have during their earliest days laboured under deviations as great as, or even greater than forty-five minutes: and the loss of their precious lives would have been an irreparable injury to the State. The art of healing also has achieved some of its most glorious triumphs in the compressions, extensions, trepannings, colligations, and other surgical or diaetetic operations by which Irregularity has been partly or wholly cured. Advocating therefore a Via Media, I would lay down no fixed or absolute line of demarcation; but at the period when the frame is just beginning to set, and when the Medical Board has reported that recovery is improbably, I would suggest that the Irregular offspring be painlessly and mercifully consumed.
Edwin A. Abbott
Flatland, A Romance in Many Dimensions (Londres, Seeley 1884)
→Pour lire en ligne le roman dans son intégralité (en anglais), cliquez ici.
Couverture originale de Flatland (illustration de l’auteur)
Publié en 1884 par Edwin A. Abbott (1838-1926), célèbre théologien et universitaire anglais, Flatland est un court roman allégorique qui relève à la fois de la fable de science-fiction, de la fantaisie mathématique et du conte philosophique. L’histoire, qui donne vie à des figures géométriques, a pour narrateur un carré qui vit dans un monde plat : Flatland. Les personnages y sont des cercles, des triangles, des carrés, des polygones… Dans ce monde dénué de hauteur n’existent que deux dimensions, la longueur et la largeur. Les habitants ne peuvent donc ni monter ni descendre, ni en concevoir la possibilité même.
Toute la première partie de l’ouvrage (Notre monde) décrit la société bidimensionnelle de Flatland. À ce titre, l’ouvrage cache une satire implicite de la société aristocratique victorienne puisque le nombre de côtés des polygones-habitants détermine la classe sociale des individus : plus ce nombre est grand, et plus ils sont élevés hiérarchiquement. Ainsi, dans Flatland, tout s’ordonne selon un principe strict, à savoir que l’ordre naturel de la société repose sur l’égalité des côtés : au sommet la caste des prêtres symbolisée par les Cercles, au bas de l’échelle, les triangles isocèles symbolisant les soldats et la plèbe. Les femmes quant à elles sont réduites à de simples lignes, et les individus déviants sont représentés par des polygones irréguliers dont la difformité géométrique cache une irrégularité morale.
La deuxième partie de l’ouvrage (Autres mondes) est d’une grande originalité, tant scientifique que sociale : alors qu’il médite en l’an 2000 sur son existence dans l’univers bidimensionnel de Flatland, le carré-narrateur reçoit la visite d’un étranger, qui se fait appeler une Sphère. Traversant l’espace plan de son univers que le Carré croyait universel, la Sphère l’entraîne dans un espace à trois dimensions, lui offrant une vision inédite de son propre univers vu du dessus : Flatland devient Spaceland. Bouleversé par la vision de cet espace en trois dimensions, l’infortuné Carré veut témoigner de ce qu’il a vu et compris (la possibilité d’une autre dimension), et faire partager son voyage initiatique à ses concitoyens en propageant « l’Évangile des Trois Dimensions ».
Arrêté et traduit devant le Conseil pour avoir voulu subvertir l’ordre de la pensée unique, il sera condamné à la détention perpétuelle comme un dangereux révolutionnaire. À cet égard, si la fin de l’ouvrage est empreinte d’un profond pessimisme, elle délivre aussi un message humaniste de tolérance et de paix :
Je n’ai donc absolument aucun disciple et, à ma connaissance, la Révélation millénaire m’a été faite pour rien. Là-haut, à Spaceland, Prométhée fut châtié pour avoir apporté le feu aux mortels, mais moi —pauvre Prométhée de Flatland— je suis en prison sans avoir apporté quoi que ce soit à mes compatriotes. Je survis cependant, en espérant que ces Mémoires parviendront, je ne sais comment, jusqu’à un esprit humain, dans une Dimension quelconque, et susciteront une race rebelle qui refusera de se confiner aux limitations dimensionnelles. (Librio, page 119)
Comme l’a très bien montré Paul Watzlawick¹, « ce que Flatland dépeint avec éclat est la complète relativité de la réalité. Sans doute l’élément le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité est-il l’illusion d’une réalité « réelle », avec toutes les conséquences qui en découlent logiquement. Il faut par ailleurs un haut degré de maturité et de tolérance envers les autres pour vivre avec une vérité relative, avec des questions auxquelles il n’est pas de réponse, la certitude qu’on ne sait rien et les incertitudes résultant des paradoxes. Mais si nous ne pouvons développer cette faculté, nous nous relèguerons, sans le savoir, au monde du Grand Inquisiteur, où nous mènerons une vie de mouton, troublée de temps à autre par l’âcre fumée de quelque autodafé, ou des cheminées d’un crématoire ». ← Edwin Abbott Abbot De fait, si l’ouvrage d’Edwin A. Abbott connut un regain d’intérêt au vingtième siècle grâce aux découvertes d’Einstein quant à la relativité restreinte, il amène fondamentalement à une réflexion critique en matière de rapports de pouvoir sur nos valeurs institutionnelles et morales. C’est ainsi que Flatland peut être replacé dans le contexte particulier de certaines dérives sociales caractéristiques de l’Angleterre victorienne. Il faut rappeler en effet que « le concept moderne d’eugénisme (eugenics) est inventé en 1883 par le statisticien Francis Galton, le cousin du célèbre Darwin »². Par exemple, le passage que j’ai sélectionné pour cette Citation de la semaine peut se lire comme la critique sous-jacente d’une société eugéniste et formatée multipliant les exigences de normalité :
Que deviendraient les agréments de la vie si l’on devait permettre à un homme affligé d’un devant triangulaire et d’un arrière polygonal de survivre et de propager une postérité encore plus irrégulière ? Doit-on modifier les maisons, les portes et les temples de Flatland pour que de tels monstres puissent y accéder librement ?
Comme nous le voyons dans ces lignes, l’action eugénique à l’encontre des individus non conformes amène à une réflexion sur la notion même de normalité, si importante quand on aborde par exemple la liberté face à la conception totalitaire de la rationalité : les figures irrégulières et déviantes constituent ainsi une menace conceptuelle contre l’ordre moral et social. De même, lorsque le personnage narrateur (le Carré) bouscule la logique linéaire des habitants de Flatland, il faut voir dans cette transgression (qui semble préfigurer 1984 d’Orwell, dont le titre ne peut que faire songer à la date de publication du roman d’Edwin A. Abbott) l’impossibilité même de toute pensée autonome.
En ce sens, Flatland apparaît comme une brillante dystopie antiautoritaire. Cette dimension politique de l’œuvre n’a presque pas été étudiée ; elle est néanmoins essentielle et invite le lecteur à une réflexion critique sur les rapports entre pensée et liberté.
Bruno Rigolt
1. Paul Watzlawick, La Réalité de la réalité. Confusion, désinformation, communication, Seuil « Points Essais », Paris 1978. Voyez en particulier cette page.
2. Gilbert Hottois, Jean-Noël Missa, Nouvelle Encyclopédie de bioéthique : médecine, environnement, biotechnologie, De Boeck Université, Bruxelles 2001, page 421.
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Marie Noël (1883 — 1967, Auxerre) … FRANCE
Hier, mercredi 21 août : Georges Séféris… GRÈCE ; Marguerite Duras… FRANCE
Aujourd’hui, jeudi 22 août : 3 livraisons – Nicole Barrière… FRANCE (livraison du matin) – Paul Valéry… FRANCE (livraison de l’après-midi) – Marie Noël… FRANCE ( livraison de la nuit : dernière livraison de l’édition 2013 d’Un été en Poésie).
Chanson
Quand il est entré dans mon logis clos,
J’ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L’hiver dans les doigts, l’ombre sur le dos…
Sais-je depuis quand j’étais là sans être ?
Et je cousais, je cousais, je cousais…
— Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?
Il m’a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
Qu’ils semblaient, —si gais, si légers, si doux,—
Deux petits oiseaux caressant la dalle
De-ci, de-là, j’allais, j’allais, j’allais…
— Mon cœur, qu’est-ce que tu voulais ?
Il m’a demandé du beurre, du pain,
— ma main en l’ouvrant caressait la huche —
Du cidre nouveau, j’allais et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.
Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais…
— Mon cœur, qu’est-ce que tu cherchais ?
Il m’a fait sur tout trente-six pourquoi.
J’ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid, du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres…
Et je causais, je causais, je causais…
— Mon cœur, qu’est-ce que tu disais ?
Quand il est parti, pour finir l’ourlet Que j’avais laissé, je me suis assise… L’aiguille chantait, l’aiguille volait, Mes doigts caressaient notre toile bise…
Et je cousais, je cousais, je cousais… — Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?
Marie Noël Les Chansons et les Heures, 1920
Françoise Duparc (1726-1778), « Femme cousant » c. 1750-1760 Marseille, Musée des Beaux-Arts
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Paul Valéry (1871, Sète — 1945, Paris) … FRANCE
Hier, mercredi 21 août : Georges Séféris… GRÈCE ; Marguerite Duras… FRANCE
Aujourd’hui, jeudi 22 août : 3 livraisons – Nicole Barrière… FRANCE (livraison du matin) – Paul Valéry… FRANCE (livraison de l’après-midi) – Marie Noël… FRANCE ( livraison de la nuit : dernière livraison de l’édition 2013 d’Un été en Poésie).
Sur l’obscur de la mer(*)
__Une mer qui semble unie, — çà et là dans le plan,
çà et là dans le temps — éclate un petit fait d’écume ; __un événement candide sur l’obscur de la mer,
ici ou là ; __Jamais au même lieu ; __un épisode, __un indice de chocs entre des puissances invisibles __et des différences internes, __çà et là, ici ou là. __L’eau changée en neige, l’instant du choc changé
en blancheur, et le mouvement massif en désordre de
gouttes que l’ordre pesant résorbe aussitôt.
(*) titre donné à partir d’une expression du texte, non choisi par P. Valéry
Paul Valéry Poèmes et PPA (Petits Poèmes Abstraits), 1929 Édition utilisée : Paul Valéry, Poésie perdue. Les poèmes en prose des Cahiers Édition de Michel Jarrety, NRF Gallimard, Paris 2000, page 192.
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Nicole Barrière (contemporaine) … FRANCE
Hier, mercredi 21 août : Georges Séféris… GRÈCE ; Marguerite Duras… FRANCE
Aujourd’hui, jeudi 22 août : 3 livraisons – Nicole Barrière… FRANCE (livraison du matin) – Paul Valéry… FRANCE (livraison de l’après-midi) – Marie Noël… FRANCE ( livraison de la nuit : dernière livraison de l’édition 2013 d’Un été en Poésie).
[sans titre]
Revient indemne l’Ombre
L’enfance criant son mutisme
L’énigme du poème qui contient tout entier La même femme
Elle veille la lumière secrète d’autres rêves
Dont tu ne sais rien
Femme debout, de face
Elle a fait la rencontre endeuillée de l’histoire
Tu ne sais rien de sa clarté
Elle a conquis seule la grande plaine du ciel et la liberté d’espace
Tu demeures comme elle, blessé à demi-mot
Tu l’aimeras errante, endormie, enroulée de linceul ou debout face au mur
Défais ta vie de ses fragiles habits
Aime, aime ses chevauchées d’azur dans ton pays écorché
Quand la brise court sur les oliviers
Ose ses lèvres, ose la rose dans sa nacre vivante
Ce monde de beauté où tu la vois dormir.
Nicole Barrière Femmes en parallèle : Anthologie personnelle L’Harmattan, Paris 2010. Page 15.
« Elle a conquis seule la grande plaine du ciel et la liberté d’espace »
Illustration : Kay Sage (1898-1963), « I Saw Three Cities », 1944 Princeton University Art Museum Crédit photographique : Bruce M. White
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Marguerite Duras (1914, Saigon — 1996, Paris)… FRANCE
Hier, mardi 20 août : Marie-Claire Bancquart… FRANCE ; Robert Frost… ÉTATS-UNIS
Ce matin : Georges Séféris… GRÈCE
Demain, jeudi 22 août : 3 livraisons
– Nicole Barrière… FRANCE (livraison du matin)
– Paul Valéry… FRANCE (livraison de l’après-midi)
– Marie Noël… FRANCE ( livraison de la nuit : dernière livraison de l’édition 2013 d’Un été en Poésie).
Les Mains négatives
On appelle mains négatives, les peintures de mains trouvées dans les grottes magdaléniennes de l’Europe Sub-Atlantique. Le contour de ces mains —posées grandes ouvertes sur la pierre— était enduit de couleur. Le plus souvent de bleu, de noir. Parfois de rouge. Aucune explication n’a été trouvée à cette pratique.
Devant l’océan sous la falaise sur la paroi de granit
ces mains ouvertes
Bleues Et noires
Du bleu de l’eau Du noir de la nuit
L’homme est venu seul dans la grotte face à l’océan Toutes les mains ont la même taille il était seul
L’homme seul dans la grotte a regardé dans le bruit dans le bruit de la mer l’immensité des choses
Et il a crié
Toi qui es nommée toi qui es douée d’identité je t’aime
Ces mains du bleu de l’eau du noir du ciel
Plates
Posées écartelées sur le granit gris
Pour que quelqu’un les ait vues.
Je suis celui qui appelle Je suis celui qui appelait qui criait il y a trente mille ans
Je t’aime
Je crie que je veux t’aimer, je t’aime
J’aimerai quiconque entendra que je crie
Sur la terre vide resteront ces mains sur la paroi de granit face au fracas de l’océan
Insoutenable
Personne n’entendra plus
Ne verra
Trente mille ans Ces mains-là, noires
La réfraction de la lumière sur la mer fait frémir la paroi de la pierre
Je suis quelqu’un je suis celui qui appelait
qui criait dans cette lumière blanche
Le désir le mot n’est pas encore inventé
Il a regardé l’immensité des choses dans le fracas des vagues, l’immensité de sa force
et puis il a crié
Au-dessus de lui les forêts d’Europe, sans fin
Il se tient au centre de la pierre des couloirs des voies de pierre de toutes parts
Toi qui es nommée toi qui es douée d’identité
je t’aime d’un amour indéfini
Il fallait descendre la falaise vaincre la peur
Le vent souffle du continent il repousse l’océan Les vagues luttent contre le vent Elles avancent ralenties par sa force et patiemment parviennent à la paroi
Tout s’écrase
Je t’aime plus loin que toi J’aimerai quiconque entendra que je crie que je t’aime
Trente mille ans J’appelle J’appelle celui qui me répondra
Je veux t’aimer je t’aime
Depuis trente mille ans je crie devant la mer le spectre blanc
Je suis celui qui criait qu’il t’aimait, toi.
Marguerite Duras Les Mains négatives, 1978 Marguerite Duras, Le Navire Night – Césarée – Les Mains négatives – Aurélia Steiner Mercure de France, Paris 1979, page 97 et suivantes.
La Cueva de las Manos (la Grotte des mains) Patagonie, Argentine
Le court métrage réalisé en 1979 par Marguerite Duras Sur les images de Paris la nuit, désert, Marguerite Duras interprète comme un appel les traces de mains peintes dans les grottes préhistoriques d’Espagne
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Robert Frost (1874, San Francisco — 1963, Boston )… ÉTATS-UNIS
Hier, lundi 19 août : Anne Hébert… CANADA ; André Pieyre de Mandiargues… FRANCE
Ce matin : Marie-Claire Bancquart… FRANCE Demain, mercredi 21 août : 2 livraisons
– Georges Séféris… GRÈCE (publication du matin)
– Marguerite Duras… FRANCE (publication de l’après-midi)
The Road Not Taken
Two roads diverged in a yellow wood, And sorry I could not travel both And be one traveler, long I stood And looked down one as far as I could To where it bent in the undergrowth;
Then took the other, as just as fair, And having perhaps the better claim, Because it was grassy and wanted wear; Though as for that the passing there Had worn them really about the same,
And both that morning equally lay In leaves no step had trodden black. Oh, I kept the first for another day! Yet knowing how way leads on to way, I doubted if I should ever come back.
I shall be telling this with a sigh Somewhere ages and ages hence: Two roads diverged in a wood, and I— I took the one less traveled by, And that has made all the difference.
Robert Frost Mountain Interval, 1916
La route non empruntée
Deux routes bifurquaient dans un bois jaune
Et au regret de ne pouvoir prendre les deux Car voyageant seul, je suis resté longtemps Les yeux fixés sur l’une des deux aussi loin que je le pouvais Jusqu’à un virage qui se perdait dans les broussailles ;
Alors j’ai suivi l’autre route, tout aussi envisageable Et peut-être même plus justifiée encore Parce que recouverte d’herbes ne demandant qu’à être foulées ; Cependant, ceux qui étaient passés par là Les avaient empruntées de façon assez semblable.
Et toutes deux en ce matin s’étiraient Parmi des feuilles qu’aucun pas n’avait encore souillées Je réservais la première route pour une autre fois Sachant pourtant qu’un chemin menant à un autre chemin, Je doutais d’y revenir jamais.
Un jour, dans des années et des années Je conterai tout cela en soupirant, à savoir que Deux routes bifurquaient dans un bois, et que moi — J’ai suivi celle par laquelle on chemine le moins souvent Et cela a fait toute la différence.
Robert Frost Mountain Interval, 1916
Traduction : Bruno Rigolt
À propos de la traduction : On trouve sur le net quelques traductions plus ou moins heureuses, et souvent contestables de ce très beau texte. Aucune ne répondant à mes attentes, j’ai donc proposé une nouvelle traduction, sachant que la syntaxe française rend difficilement compte de la structure rythmique et métrique très particulière du texte composé d’ennéasyllabes (vers de 9 syllabes). Enfin, ce poème, le premier du recueil Mountain Interval est en italiques dans la première édition (1916). C’est la raison pour laquelle il figure en italiques ici.
Pour en savoir plus sur les interprétations de ce poème complexe et souvent mal compris,voyez cette page (en anglais, mais passionnante à lire, et d’un haut niveau d’analyse, qui m’a été particulièrement utile pour aborder la traduction).
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Marie-Claire Bancquart (1932, Aubin — )… FRANCE
Hier, lundi 19 août : Anne Hébert… CANADA ; André Pieyre de Mandiargues… FRANCE
Cet après-midi : Robert Frost… ÉTATS-UNIS Demain, mercredi 21 août : 2 livraisons
– Georges Séféris… GRÈCE (publication du matin)
– Marguerite Duras… FRANCE (publication de l’après-midi)
UTOPIQUES
Massacres, guerres s’éparpillent
s’écartent
recommencent dans le fracas. Qui a soif de sang, qu’il morde son siècle.
Ah, que les mots se reprennent au fil
d’un futur sans visibilité arrière
qu’ils soient miraculeux feuillages sans racines où le vent jouerait libre jeu.
Mais tuer la mémoire commencer de rien ?
Pas possible
l’inhumain
l’inanimal
n’en finissent pas.
Seulement, comme sourit et parle un grand malade,
remplir une proche seconde
avec le livre ouvert
dans le silence, sauf le bruit de tourner la page.
Marie-Claire Bancquart in Le Nouveau recueil, revue trimestrielle de littérature et de critique Champ Vallon 62, mars-mai 2002.Page 82.
« l’inhumain / l’inanimal / n’en finissent pas »
Illustration : Otto Dix (1891-1969) « Sturmtruppe geht unter Gas vor » (« Assaut sous les gaz »), 1924 Gravure aquatinte. Berlin, Deutsches Historiches Museum
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… André Pieyre de Mandiargues (1909 — 1991, Paris)… FRANCE
Hier, dimanche 18 août : Jean-Baptiste Tati Loutard… CONGO
Ce matin, Anne Hébert… CANADA
Demain, mardi 20 août : 2 livraisons
– Marie-Claire Bancquart… FRANCE (publication du matin)
– Robert FROST… ÉTATS-UNIS (publication de l’après-midi)
Lèvres bleues
Les lèvres bleues du canot
Sur le sable gris de la plage
Qu’un reflet de lune illumine
Dirais-tu qu’elles vont ouvrir
Une bouche de noyée
Pour dire ce que toute femme
Aurait pu dire à tout homme
Et que nulle n’a jamais dit ?
Illustration : Man Ray, 1936. D’après « À l’heure de l’observatoire : les amoureux ». Photographie réalisée pour Harper’s Bazaar : « Modèle allongé bras levé sous un tableau de Man Ray » Image colorisée.
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Anne Hébert (1916 — 2000, province du Québec)… CANADA
Hier, dimanche 18 août : Jean-Baptiste Tati Loutard… CONGO
Cet après-midi : André Pieyre de Mandiargues… FRANCE Demain, mardi 20 août : 2 livraisons
– Marie-Claire Bancquart… FRANCE (publication du matin)
– Robert Frost… ÉTATS-UNIS (publication de l’après-midi)
Les Mains
Elle est assise au bord des saisons
Et fait miroiter ses mains comme des rayons.
Elle est étrange
Et regarde ses mains que colorent les jours.
Les jours sur ses mains
L’occupent et la captivent.
Elle ne les referme jamais
Et les tend toujours.
Les signes du monde
Sont gravés à même ses doigts.
Tant de chiffres profonds
L’accablent de bagues massives et travaillées.
D’elle pour nous
Nul lieu d’accueil et d’amour
Sans cette offrande impitoyable
Des mains de douleurs parées
Ouvertes au soleil.
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Hier, samedi 17 août : Mousse Boulanger… SUISSE Demain, lundi 19 août : 2 livraisons – Anne Hébert… CANADA (publication du matin) – André Pieyre de Mandiargues… FRANCE (publication de l’après-midi)
L’envers du soleil (Des chômeurs dans la nuit)
À présent plus de soleil fertile Où midi cultivait des rayons Pour l’enchantement du retour.
C’est une nuit opaque comme un brouet noir
Dans la grande écuelle du Ciel ;
C’est une nuit qui traverse la terre
Sans son monocle lunaire
Et se brise aux rares lampes du chemin
En fragments jaunâtres dont les noctuelles
Font leur miel et leur feu de joie.
Passe la longue caravane des arbres,
Vers quel autre cirque du lendemain ?
Ceux qui la suivent titubent de fatigue,
Et leurs noms manquent au registre du travail !
Ils ont planté sans répit leurs jambes
Dans la clarté du jour
Et n’ont récolté que le bruit de leurs pas.
Maintenant, ils préfèrent suivre les arbres
Dans la fosse commune de la nuit.
Que son ombre leur soit légère !
Jean-Baptiste Tati Loutard L’Envers du soleil, L’Harmattan, Paris 1978, page 9 Première édition : 1970 (éd. Pierre-Jean Oswald)
Illustration : Leon Bibel (1913–1995) « Unemployed Marchers » (lithographie en couleur, c. 1938)
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Hier, vendredi 16 août : Pablo Neruda… CHILI
Demain, dimanche 18 août : Jean-Baptiste Tati Loutard… CONGO
Quel temps fait-il en moi ?
Les fourmis déménagent
l’innocence meurt
avant l’apprentissage de la morsure
Une mésange picore les moucherons endormis sur le grillage du jardin la pluie du matin coule sur le fil les gouttes se pourchassent comme les enfants partis
Lente extinction de la nuit vers les jades du matin des fleurs d’étoiles traînent sur le jardin
bourdonnement d’abeilles semblable à la marelle des quatre vents
Quel destin a posé un doigt au cœur ? Les larmes se perdent dans un mouchoir
Le ciel reste bleu.
Mousse Boulanger L’Écuelle des souvenirs. Récit-poème L’Âge d’Homme, Lausanne (Suisse) 2000. Page 17 (« Quel temps fait-il en moi ? »), page 13
Illustration : Vincent Van Gogh « Le Jardin de l’hôpital Saint-Paul » (huile sur toile, 1889) collection privée, Genève
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Pablo Neruda (1904, Parral — 1973, Santiago)… CHILI
Hier, jeudi 15 août : Marguerite Yourcenar.. FRANCE/ÉTATS-UNIS
Demain, samedi 17 août : Mousse Boulanger… SUISSE
Poema XV
Me gustas cuando callas porque estás como ausente,
y me oyes desde lejos, y mi voz no te toca.
Parece que los ojos se te hubieran volado
y parece que un beso te cerrara la boca.
Como todas las cosas están llenas de mi alma
emerges de las cosas, llena del alma mía.
Mariposa de sueño, te pareces a mi alma,
y te pareces a la palabra melancolía.
Me gustas cuando callas y estás como distante.
Y estás como quejándote, mariposa en arrullo.
Y me oyes desde lejos, y mi voz no te alcanza:
déjame que me calle con el silencio tuyo.
Déjame que te hable también con tu silencio
claro como una lámpara, simple como un anillo.
Eres como la noche, callada y constelada.
Tu silencio es de estrella, tan lejano y sencillo.
Me gustas cuando callas porque estás como ausente.
Distante y dolorosa como si hubieras muerto.
Una palabra entonces, una sonrisa bastan.
Y estoy alegre, alegre de que no sea cierto.
Pablo Neruda Veinte poemas de amor y una canción desesperada, 1924 Editorial EDAF, Madrid 2009, page 85
Poème XV
Tu me plais quand tu te tais car tu es comme absente, et tu m’entends de loin, et ma voix point ne te touche. On dirait que tes yeux se sont envolés et on dirait qu’un baiser t’aurait scellé la bouche.
Comme toutes les choses sont emplies de mon âme tu émerges des choses, de toute mon âme emplie. Papillon de songe, tu ressembles à mon âme, et tu ressembles au mot mélancolie.
Tu me plais quand tu te tais et sembles distante. Et tu sembles gémir, papillon dans la berceuse. Et tu m’entends de loin, et ma voix ne t’atteint pas : laisse-moi me taire avec ton silence.
Laisse-moi aussi te parler avec ton silence clair comme une lampe, simple comme un anneau. Tu es comme la nuit, muette et constellée. Ton silence est d’étoile, si lointain et simple.
Tu me plais quand tu te tais car tu es comme absente. Distante et endolorie comme si tu étais morte. Un mot alors, un sourire suffisent. Et la joie que ce ne soit pas vrai, la joie m’emporte.
Pablo Neruda Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi de Les Vers du capitaine Traduction de Claude Couffon et Christian Rinderknecht Gallimard « Poésie », édition bilingue, Paris 1998. Pages 66-67.
« Papillon de songe, tu ressembles à mon âme, et tu ressembles au mot mélancolie. »
Illustration : Kay Sage (1898, New York — 1963, Woodbury) « Le Passage » (autoportrait), 1956 (collection particulière)
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
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← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
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Hier, mardi 13 août : Georges Duhamel… FRANCE
Demain, jeudi 15 août : Marguerite Yourcenar… FRANCE/ÉTATS-UNIS
Le vent nous emportera
Dans ma nuit brève, hélas
le vent a rendez-vous avec les feuilles.
dans ma nuit brève il y a la peur
et l’effroi dévastateur
Écoute !
Entends-tu le souffle des ténèbres ?
Je regarde ce bonheur avec les yeux d’un étranger.
Je me suis accoutumée à mon désespoir.
Écoute !
Entends-tu le souffle des ténèbres ?
En cet instant, en cette nuit,
quelque chose survient. La lune
est inquiète et rouge ; les nuages
forment un cortège funèbre
attendant de pleurer sur le toit du ciel
ce toit friable sur le point de s’écrouler.
Un instant,
Puis rien.
Derrière cette fenêtre, tremble la nuit
Et la terre s’est arrêtée de tourner.
Par delà cette fenêtre, les yeux de l’inconnu
Se posent sur toi et moi.
Ô toi verdoyante, des pieds à la tête —
Pose le souvenir fébrile de tes mains dans les miennes… ______________________Mes mains qui t’aiment.
Et abandonne tes lèvres ______________________Dans la chaleur de la vie
À la caresse de mes lèvres qui t’aiment.
Un jour le vent nous emportera.
Le vent nous emportera.
Forough Farrokhzad Source : Furūgh Farrukhzād, Selected Poems of Forugh Farrokhzad, Translated bay Sholeh Wolpé. University of Arkansas Press 2007.page 34
Traduction française (à partir du texte anglais de S. Wolpé) : Bruno Rigolt
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Georges Duhamel (Paris, 1884 — Valmondois, 1966)… FRANCE
Hier, lundi 12 août : Stefan George… ALLEMAGNE
Demain, mercredi 14 août : Forough Farrokhzad… IRAN
Élégies
Le vent venait du haut de la mer éclatante ; Un vent sans âme et sans souvenir, mais si pur, Mais si plein de vertus égales que son souffle Passait comme l’éternité sur nos visages.
Le littoral, avec ses campagnes, ses routes Et les maisons de ses villages familiers Nous offrait maintenant cette face étrangère Que la mémoire prête aux hommes et aux choses.
De jeunes matelots faisaient ployer les rames Et la barque rendait un bruit vibrant et creux. Je vois encore, auprès de tes pieds nus, dormir Des crustacés captifs aux pinces mutilées.
Le beau silence était fidèlement hanté Par la détonation lointaine du rivage ; Nous gagnions un récif solitaire où veillait Un luisant cormoran qui regardait la mer.
Pensais-je à ce péril qui crispait nos poitrines ? Pensais-je à l’oiseau noir saignant sur mes genoux ? Ou bien au coup de feu qui transperça le monde Quand le héron tomba du faîte des rochers ?
Qu’en sait-elle, aujourd’hui, cette âme partagée
Qui, dans l’universel et vert crépitement,
Calculait âprement, de seconde en seconde,
Ce que vaudrait cette heure au fond de l’avenir ?
Georges Duhamel Élégies, Mercure de France, Paris 1920
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Stefan George (1868, Bingen am Rhein — 1933, Locarno)… ALLEMAGNE
Hier, dimanche 11 août : Renée Guirguis… ÊGYPTE
Demain, mardi 13 août : Georges Duhamel… FRANCE
Komm in den totgesagten park und schau
Komm in den totgesagten park und schau :
Der schimmer ferner lächelnder gestade.
Der reinen wolken unverhofftes blau
Erhellt die weiher und die bunten pfade.
Dort nimm das tiefe gelb, das weiche grau
Von birken und von buchs, der wind ist lau.
Die späten rosen welkten noch nicht ganz.
Erlese küsse sie und flicht den kranz.
Vergiss auch diese lezten astern nicht.
Den purpur um die ranken wilder reben
Und auch was übrig blieb von grünem leben
Verwinde leicht im herbstlichen gesicht.
Stefan George Das Jahr der Seele (L’Année de l’âme), 1897
On dit que les jardins sont morts
On dit que les jardins sont morts ; viens et regarde
Le reflet de ces bords lointains et souriants ;
Et des nuages purs l’azur inespéré
Éclaire les étangs et les couleurs des sentes.
Prends ce jaune profond, le moelleux de ces gris
Parmi les buis et les bouleaux ; la brise est tiède ;
Tardives ne sont point encore flétries les roses,
Choisis-les, baise-les et tresse la couronne.
Songe à n’oublier point les derniers des asters Ni la pourpre enroulée à la vigne sauvage Prends ce qui reste encor de vivante verdure Fonds-le d’un doigt léger dans l’image automnale.
Stefan George Das Jahr der Seele(L’Année de l’âme), 1897
in Stefan George, Choix de poèmes, Première période : 1890-1900
Traduit, préfacé et commenté par Maurice Boucher Aubier, éditions Montaigne, Paris 1941. Page 165.
Illustration : Armand Charnay (1844-1915), « Soirée d’automne sur la terrasse » (détail) Fin 19e, premier quart du 20e siècle. Charlieu, musée Hospitalier. Crédit photographique : Emma Artige.
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
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Aujourd’hui… Renée Guirguis (1921 — 1985, Le Caire)… ÉGYPTE Écrivaine égyptienne d’expression française
Hier, samedi 10 août : Edmond Haraucourt… FRANCE ; Hélène Vacaresco… ROUMANIE/FRANCE
Demain, lundi 12 août : Stefan George… ALLEMAGNE
Récit II (extrait)
J’ai dit
Et j’ai croisé le rythme des rames
Sur l’écume des tendresses vives
J’ai blessé ma soif concrète
Aux rochers des mers qui s’entrouvrent
J’ai appelé dans le vent qui traînait
Lourd des horizons pris en écharpe
Des horizons qui se noient sans mourir
Et meurent pour que le sang revive
Quelle histoire de cadavres heureux
Racontent les barques renversées et ces voiles
Tombées comme un vol bas qui agonise
Oui je te vois jour qui m’arrête
Aux portes des tombes marines.
Tu parles haut au plus haut des vagues
Dont le jet lance des ébauches de croix
Je sais que les mots ont peur
Des signaux que la nuit fait à la nuit…
Renée Guirguis Récits, éd. G.L.M., Paris 1952
Citée par Jean-Jacques Luthi, Anthologie de la poésie francophone d’Égypte. Vingt-huit poètes d’Égypte, L’Harmattan, Paris 2002.Page 243.
Illustration : Félix Ziem (1821-1911), « Crépuscule sur les bords du Nil à Damanhour » (détail), c. 1859 Rennes, Musée des Beaux-arts
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
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Ce matin : Edmond Haraucourt… FRANCE
Demain, dimanche 11 août : Renée Guirguis… ÉGYPTE
Détachée
Mes yeux, ne suivez plus la lune langoureuse ! Mes mains, n’égarez point vos caressants loisirs Dans l’herbe souple et drue ou dans la source heureuse !
Je veux vous détacher, mes yeux, de vos désirs.
De tout ce qui vous plaît mes mains, je vous détache :
Que tiédeur et fraîcheur vous manquent tour à tour !
Et vous qui poursuivez tout ce que l’ombre cache,
Mes yeux, reposez-vous d’avoir vu tout l’amour !
Ne touchez plus la flamme, ô mes mains dévorantes,
Frêles de contenir votre propre chaleur,
Et vous, mes doigts glacés aux frissons des attentes,
Ne plongez plus dans l’air votre geste enjôleur !
Ne cherchez plus une eau pour vous revoir vous-mêmes,
Mes yeux, pleins de vertige et de fatalité,
Car vous portez en vous les horizons extrêmes,
Ô mes yeux voyageurs, où vous avez été !
Mes bras, ne bercez point les voluptés éteintes
Dont vous ne pouvez plus ni blêmir ni brûler !
Fermez-vous, mes regards, fermez-vous, mes étreintes,
Car l’espace et l’ardeur n’ont rien à vous donner.
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
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Aujourd’hui… Edmond Haraucourt (Bourmont, 1856 — Paris, 1941)… FRANCE
Hier, vendredi 9 août : Moshé Dor… ISRAËL
Cet après-midi : Hélène Vacaresco (Elena Văcărescu)… ROUMANIE/FRANCE
Demain, dimanche 11 août : Renée Guirguis… ÉGYPTE
Rondel de l’adieu
Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime :
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu.
C’est toujours le deuil d’un vœu,
Le dernier vers d’un poème ;
Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime.
Et l’on part, et c’est un jeu, Et jusqu’à l’adieu suprême C’est son âme que l’on sème, Que l’on sème à chaque adieu : Partir, c’est mourir un peu…
Edmond Haraucourt Seul, Bibliothèque Charpentier, Paris 1891
Source du manuscrit : BNF-Gallica Poètes contemporains, Anthologie.
Collection des Amitiés françaises, Firmin-Didot, Paris 1938. Page 12
Illustration : Bruno Rigolt Composition originale d’après Yohan Jacob Bennetter (1822-1904), « L’appareillage » (détail)
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
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Aujourd’hui… Moshé Dor (1932 Tel Aviv — )… ISRAËL
Hier, jeudi 8 août : Amina Saïd… TUNISIE Demain, samedi 10 août : 2 livraisons – Edmond Haraucourt… FRANCE (publication du matin) – Hélène Vacaresco (Elena Văcărescu)… ROUMANIE/FRANCE (publication de l’après-midi)
שלום
Shalom
Deux syllabes plus basses que l’herbe dans un monde
bruyant de grands mots. La lumière
transparente se faufile dans ses nervures, sans qu’un
ange vienne frapper leur modeste tête, sans
qu’un arbre généalogique les protège de son ombre.
Mon amour, du blanc se faufile déjà dans tes
cheveux
comme le givre d’un pays lointain mais
tes mains pour moi restent chaudes et l’herbe
pleine de bruit. Ne vois-tu pas en face
de grands soldats qui passent.
Sur ton cœur aussi le vent est passé
et s’est calmé. Deux syllabes
seulement y restent accrochées
plus basses que l’herbe, très
légères.
Moshé Dor Cité par Nicole Gdalia, Ruth Kartun-Blum, Chant d’Israël, Anthologie de la poésie hébraïque moderne Éd. Caractères, Paris 1984
Illustration : Bruno Rigolt (photomontage), août 2013
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Amina Saïd (1953 Tunis — )… TUNISIE Écrivaine tunisienne d’expression française. Réside en France depuis 1979.
Hier, mercredi 7 août : Shiki Masaoka… JAPON
Demain, vendredi 9 août : Moshé Dor… ISRAËL
Sentier de lumière (extraits)
[…]
je suis née plusieurs fois de chaque étoile
je suis morte autant de fois du soleil des jours
j’ai pris très tôt des bateaux pour nulle part
j’ai demandé une chambre dans la patrie des autres
je n’avais rien accompli avant nos adieux
j’ai habité le couchant le levant et l’espace du vent
j’étais cette étrangère qu’accompagnait le soir
deux fois étrangère entre nord et sud
j’ai gravé des oiseaux tristes sur des pierres grises
j’ai dessiné ces pierres et les ai habitées
j’ai construit des radeaux où il n’y avait pas d’océans
j’ai dressé des tentes où n’étaient nuls déserts
des caravanes m’ont conduite vers un rêve d’orient
mes calligraphies ont voyagé sur le dos des nuages
je me suis souvenue de la neige des amandiers
j’ai suivi la route aérienne des oiseaux
jusqu’au mont de la lune aux duvets des naissances
j’ai appris et oublié toutes les langues de la terre
j’ai fait un grand feu de toutes les patries
j’ai bu quelques soirs au flacon de l’oubli
j’ai cherché mon étoile dans le lit des étoiles
j’ai gardé ton amour au creux de ma paume
j’ai tissé un tapis avec la laine du souvenir
j’ai déplié le monde sous l’arche des commencements
j’ai pansé les plaies du crépuscule
j’ai mis en gerbes mes saisons pour les offrir à la vie
j’ai compté les arbres qui me séparent de toi
nous étions deux sur cette terre nous voilà seuls
j’ai serré une ceinture de mots autour de ma taille
j’ai recouvert d’un linceul l’illusion des miroirs
j’ai cultivé le silence comme une plante rare lueur après lueur
j’ai déchiffré la nuit
[…]
Amina Saïd La Douleur des seuils La Différence, Paris 2003
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Shiki Masaoka (1867 Matsuyama — 1902 Tokyo)… JAPON Masaoka Shiki, connu sous son prénom Shiki (« Petit Coucou ») est considéré comme l’un des maîtres du haïku avec Bashō, Buson, et Issa.
Hier, mardi 6 août : Lucie Delarue-Mardrus… FRANCE
Demain, jeudi 8 août : Amina Saïd… TUNISIE
Haïkus
_____Longueur du jour
le bateau devise _____avec la grève
(Printemps)
Utagawa Hiroshige (1797-1858), « Yui-shuku » (ukiyo-e, c. 1830), Les Cinquante-troisStations du Tōkaidō
_____Houle des nuages bas
amoncelés _____sur la ligne lointaine de la mer
(Été)
Katsushika Hokusai (1760-1849), « La Grande Vague de Kanagawa » (ukiyo-e, 1831)
_____Un oiseau chanta —
tomba au sol _____une baie rouge
(Automne)
Katsushika Hokusai (1760-1849), « Hibiscus et moineau » (ukiyo-e, c. 1830)
_____Clair de lune d’hiver —
l’ombre de la parole de pierre _____l’ombre du pin
(Hiver)
Kawase Hasui (1883-1957), « Lune d’hiver à Toyamagahara » (ukiyo-e, c. 1931)
Textes extraits deHaïkus anthologie avant-propos et texte français de Roger Munier, préface de Yves Bonnefoy Éd. du Seuil. Collection Points poésie, Paris 2006 (p. 45, 97, 157, 207).
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
En été, hydratez votre cerveau au maximum !
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Lucie Delarue-Mardrus (Honfleur, 1874 — Château-Gontier, 1945)… FRANCE
Hier, lundi 5 août : Birago Diop… SÉNÉGAL
Demain, mercredi 7 août : Shiki Masaoka… JAPON
Le cri des femmes dans la nuit
Nous sommes devant vous l’être faible et doré, _____Nudité sage sous la robe,
Et notre vrai regard à vos yeux se dérobe ;
Mais quel beau monstre, en nous, cherche à se libérer !
Votre amour masculin, forme de votre haine, _____Ne nous laisse, pour liberté,
Que le cri naturel de la maternité.
En elle seulement notre instinct se déchaîne.
Or voyez de quel bras nous serrons nos enfants _____Sur nos poitrines nourrissantes !
Se donnent-elles mieux, bêlantes, rugissantes,
La lionne à ses lionceaux, ou la biche à ses faons ?
Sauf cet instinct permis, ce n’est que peur et honte. _____Nous tremblons devant votre loi,
Mais il serait aussi la tempête qui monte,
Notre baiser, sans les scrupules, sans la foi !
Nous sommes plus que vous de la race des faunes, _____Notre désir est incessant.
Parmi les printemps verts et les automnes jaunes,
Vous devriez nous suivre à nos traces de sang.
Vous avez bien voulu que nous fussions des mères, _____Vous, les maîtres, vous les plus forts,
Mères, oui, mais non pas amantes tout entières,
Parce que vous craigniez le cri de notre corps.
Certes, vous le savez, hommes, votre puissance _____N’est pas tout ce que nous voulons.
Et, par les belles nuits, nos sanglots sourds et longs
Clameraient vainement votre insuffisance.
Vous êtes tout, logique et science et raison, _____Mais vous n’êtes pas nos vrais mâles.
Vous êtes trop humains pour nous trop animales :
La bête féminine aime en toute saison.
Oui, soyez orgueilleux de posséder les femmes ! _____Mais elles sont comme la mer,
Et toute la ferveur de vos petites âmes
Ne satisfera point l’océan de leur chair !
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Hier, dimanche 4 août : Fernando Pessoa… PORTUGAL
Demain, mardi 6 août : Lucie Delarue-Mardrus… FRANCE
Misère
Larme, larme importune qui choit sans bruit, dans la nuit Comme un rayon de lune dans la nuit qui fuit. Le cœur vaste comme
un rêve un rêve d’enfant
Souffrant ailleurs
Vous pleure
Serments, leurres
des heures
d’antan.
Murmures, murmures indistincts
qu’on égrène sans fin
qu’on égrène en vain
sur les longs chemins,
Sur les chemins indistincts.
Les peines,
Les petites peines,
Les grandes peines
les peines lointaines
Reviennent
Ternir
le souvenir.
Plainte, plainte douce
sans cesse envolée
Que pousse
l’âme esseulée
Sur l’aile d’un rêve
Elle crève
Comme le sachet
d’un
parfum
secret.
Birago Diop Novembre 1929
Poème publié dans Anthologie de la poésie africaine, Six poètes d’Afrique francophone,
Choix et présentation par Alain Mabanckou, Points Poésie 2010, pages 39-40. Voyez aussi le site Biragodiop.com, remarquablement constitué.
Illustration : Pablo Picasso, « La femme qui pleure avec un mouchoir », huile sur toile (1937) Madrid, Museo Reina Sofía
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Fernando Pessoa (1888 — 1935, Lisbonne)… PORTUGAL
Hier, samedi 3 août : Charlotte Brontë… GRANDE-BRETAGNE
Demain, lundi 5 août : Birago Diop… SÉNÉGAL
Não basta abrir a janela
Não basta abrir a janela
Para ver os campos e o rio.
Não é bastante não ser cego
Para ver as árvores e as flores.
É preciso também não ter filosofia nenhuma.
Com filosofia não há árvores: há ideias apenas.
Há só cada um de nós, como uma cave.
Há só uma janela fechada, e todo o mundo lá fora;
E um sonho do que se poderia ver se a janela se abrisse,
Que nunca é o que se vê quando se abre a janela.
Fernando Pessoa Poemas Inconjuntos 1913-1915 Pour découvrir d’autres poèmes de Pessoa (en portugais), cliquez ici.
Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre
Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre, pour voir les champs et la rivière. Il ne suffit pas de n’être pas aveugle pour voir les arbres et les fleurs. Il faut également n’avoir aucune philosophie. Avec la philosophie il n’y a pas d’arbres : il n’y a que des idées. Il n’y a que chacun d’entre nous, telle une cave. Il n’y a qu’une fenêtre fermée, et tout l’univers à l’extérieur ; Et le rêve de ce qu’on pourrait voir si la fenêtre s’ouvrait, Et qui jamais n’est ce qu’on voit quand la fenêtre s’ouvre.
Fernando Pessoa, 1913-1915 Poèmes désassemblés in Fernando Pessoa,Anthologie des hétéronymes, coll. « L’œil du poète », éd. Textuel, Paris 2004, page 51 Poèmes traduits du portugais par Maria Antonia Câmara Manuel, Michel Chandeigne, Armand Guibert et al.
Pour écouter ce poème lu en portugais, cliquez ici. Pour mieux comprendre la dimension symbolique de ce texte, cliquez ici
(Judith Balso, Pessoa, le passeur métaphysique, éd. du Seuil, Paris 2006)
Illustration : Pierre Bonnard (1867-1947), « La petite fenêtre au Cannet » (1946). Huile sur toile Coll. privée. Crédit photographique : Giraudon
← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.
Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie« : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.
Aujourd’hui… Charlotte Brontë (1816, Thornton — 1855, Haworth)… GRANDE BRETAGNE
Hier, vendredi 2 août : Catherine Pozzi… FRANCE
Demain, dimanche 4 août : Fernando Pessoa… PORTUGAL
Evening Solace
The human heart has hidden treasures,
In secret kept, in silence sealed;
The thoughts, the hopes, the dreams, the pleasures,
Whose charms were broken if revealed.
And days may pass in gay confusion,
And nights in rosy riot fly,
While, lost in Fame’s or Wealth’s illusion,
The memory of the Past may die.
But, there are hours of lonely musing,
Such as in evening silence come,
When, soft as birds their pinions closing,
The heart’s best feelings gather home.
Then in our souls there seems to languish
A tender grief that is not woe;
And thoughts that once wrung groans of anguish,
Now cause but some mild tears to flow.
And feelings, once as strong as passions,
Float softly back — a faded dream;
Our own sharp griefs and wild sensations,
The tale of others’ sufferings seem.
Oh ! when the heart is freshly bleeding,
How longs it for that time to be,
When, through the mist of years receding,
Its woes but live in reverie!
And it can dwell on moonlight glimmer,
On evening shade and loneliness;
And, while the sky grows dim and dimmer,
Feel no untold and strange distress
Only a deeper impulse given
By lonely hour and darkened room,
To solemn thoughts that soar to heaven,
Seeking a life and world to come.
Charlotte Brontë
1846
Apaisement du soir
Le cœur humain renferme des trésors cachés Gardés en silence, scellés en secret ; Des pensées, des espoirs, des rêves, des plaisirs, Dont les charmes seraient brisés s’ils étaient révélés. Et les jours passent dans une vaine confusion, Et les nuits se consument dans un tumulte futile, C’est alors que, perdue dans l’illusion de la gloire ou de la richesse, La mémoire du passé peut mourir.
Mais il est des heures de rêverie solitaire, Où dans le silence venu du soir, Doux comme des oiseaux dont les ailes se referment, S’unissent les plus purs mouvements du cœur. Alors dans notre âme semble languir Non la désolation mais un chagrin tendre ; Et les pensées torturées autrefois par des gémissements d’angoisse, S’écoulent désormais en des larmes légères.
Des sentiments auparavant aussi forts que les passions Remontent doucement tel un rêve fané. Et nos propres peines si aiguës et nos propres tourments Semblent raconter la souffrance du monde. Oh ! quand le cœur saigne encore, Comme il désire qu’arrive enfin le temps où dans la brume des années qui s’estompent, Ses tourments s’abandonnent dans la rêverie !
Le cœur peut alors se blottir dans la lueur vacillante du clair de lune Et la solitude des ombres du soir ; Et dans le ciel qui s’éteint peu à peu Non point succomber à quelque étrange et indicible détresse Mais sentir dans le souffle profond Venu de l’heure solitaire et des murs endormis, Les pensées solennelles s’envoler vers le ciel, À la recherche d’une vie et d’un monde à venir.
Charlotte Brontë 1846
Traduction : Bruno Rigolt
(à ma connaissance, ce texte n’a jamais été traduit dans son intégralité en Français) Many thanks to Mr. and Mrs. Lister (SC, USA) for the translation help !
Illustration : Thomas Cole (1801-1848), « Romantic Landscape with Ruined Tower » (1832-1836)
New York, Albany Institute of History and Art