Exposition de poésies… 1ère ES2 : Dis-moi un « poaime ». Aujourd’hui, la contribution de Pauline


EPC-accroche_dis-moi-un-poaime_2016_Rigolt_3

 


La classe de Première ES2 du Lycée en Forêt est fière de vous présenter une exposition exceptionnelle : « Dis-moi un Po-aime »… Plusieurs fois par semaine, les élèves vous inviteront à partager l’une de leurs créations poétiques…
Bonne lecture !

frise_1

Aujourd’hui, mercredi 1er juin, la contribution de Pauline
Précédentes publications : vendredi 20 mai, Agatha et Léa ; dimanche 15 mai : Furkan ; samedi 14 mai : Céline ; mardi 10 mai : Alyssa et Ninon ; dimanche 8 mai, Aymmy ; vendredi 6 mai, Aymeric ;
Prochaine publication de la semaine : dimanche 5 juin : Emma et Noémie ; mardi 7 juin : Lou ;
dimanche 12 juin : Lucie

_

« Une histoire d’amour et d’eau fraîche »

par Pauline L.
Classe de Première ES2

Les flots ont emporté l’écho du silence.

Le soleil se lève sur les rivages de mon cœur

Vide ! Tels sont les rives sans amour.

Sans amour, mon âme lève l’ancre

Vers un voyage mystique

À la rencontre de ton cœur solitaire

Perdu dans une mélancolie sombre.

frise_1


En été, sur la Méditerranée_Copyright_Bruno Rigolt_2015_2016« En été, sur la Méditerranée , un soir » : © août 2015-juin 2016, Bruno Rigolt
Photographie retouchée numériquement

Le point de vue de l’auteure…

André Breton (1896-1966) et Philippe Soupault (1897-1990), deux auteurs majeurs du Surréalisme, écrivaient dans Les Champs magnétiques qu’il fallait « soustraire les mots à leur usage purement utilitaire », « les émanciper et […] leur rendre leur pouvoir »… Ces expressions que j’ai découvertes au hasard d’une lecture¹ m’ont interpellée : de même qu’André Breton suggérait que pour composer un poème, il fallait tirer des mots jetés au hasard dans un chapeau, je me suis moi-même amusée à composer mon texte au hasard des mots : les choisissant au gré de mon imagination, ou en tournant arbitrairement les pages d’un livre…

Or, quelle n’a pas été ma surprise de constater que ce que je croyais entièrement dépendant du hasard était bien guidé en réalité par mon inconscient : quand j’ai commencé à associer les mots entre eux, je me suis rendu compte qu’ils étaient presque toujours centrés sur les thèmes de l’amour et du voyage. Sans doute les avais-je choisis moins arbitrairement que je le croyais de prime abord ! De fait, surtout quand on est adolescent, ne rêve-t-on pas de partir vers d’autres rivages ? Cette envie d’ailleurs est je crois à la base de tout poème : avant de nous rapprocher du réel, la poésie au contraire nous en éloigne.

Même si le Surréalisme m’a influencée au niveau des procédés d’écriture, c’est plus fondamentalement le mouvement romantique qui m’a profondément marquée au niveau de la thématique du texte : comme le chantait la poétesse Anna de Noailles dans « Le port de Palerme », « […] j’entendais jaillir/Cet éternel souhait du cœur humain : partir ! ». La poésie est en effet un voyage immobile, un voyage métaphorique. En écrivant par exemple « Les flots ont emporté l’écho du silence », ou « mon âme lève l’ancre », j’ai voulu suggérer cet embarquement, ce voyage au pas des mots, qui est aussi un voyage au pays du rêve.

Le registre lyrique, qui privilégie l’expression des sentiments, met évidemment en valeur le thème de l’amour que j’évoquais précédemment et dont le champ lexical parcourt le texte. Mais en réalité, c’est plutôt l’absence d’amour qui domine : tout se résume donc à la confrontation de deux concepts : amour et absence comme en témoigne l’enjambement des vers 2 et 3 renforcé par la tonalité exclamative : « Le soleil se lève sur les rivages de mon cœur/Vide ! ». Par définition, l’amour romantique est une telle quête d’absolu qu’il ne trouve malheureusement dans la réalité qu’un écho vide à cette quête ardente et quasi mystique. Tel est le sens qu’il convient d’accorder par exemple à ces vers :

mon âme lève l’ancre
Vers un voyage mystique
À la rencontre de ton cœur solitaire

Cette vision mélancolique qui se dessine peu à peu de l’amour, associée à la tonalité élégiaque du texte est intensifiée par la répétition de l’expression « sans amour » qui accentue ce sentiment de vide et d’absence. Le personnage de ce poème semble ainsi en quête d’un amour d’autant plus beau qu’il est impossible : au désespoir du poète, seul répond « l’écho du silence », dont l’expression est presque un oxymore : on peut se demander en effet comment le silence peut avoir un écho. J’ai voulu ici mettre en évidence l’idée selon laquelle le silence est presque une musique dont il faut écouter les paroles : car c’est bien d’une quête qu’il s’agit, d’un déchiffrement.

J’en viens justement à la dimension symbolique du poème. Qu’il me soit tout d’abord permis de revenir sur le mot “vide” que j’ai employé au vers 3. Le fait qu’il soit placé en rejet montre bien cette solitude : un peu comme si le mot lui-même était marginalisé, à la dérive de la phrase… Parce qu’il est écrit en vers libres, mon poème évoque selon moi cette quête d’infini et d’idéal que j’ai souhaité mettre en valeur.  Enfin, le dernier élément qui marque bien le symbolisme est la métaphore de « l’âme [qui] lève l’ancre », référence à l’appareillage d’un navire quittant le port pour un voyage infini, très loin, à l’autre bout du monde : « voyage mystique » qui trouve des échos dans la poésie de Baudelaire ou de Mallarmé : seule l’exaltation du Grand Amour permet d’accéder à l’essentiel.

Voici pourquoi, pour moi, quand je regarde un paysage, ce n’est pas la réalité qui m’intéresse mais plutôt l’allégorie, le symbole, et pourquoi pas son aspect mystique et métaphysique : l’au-delà. Cette « histoire d’amour et d’eau fraîche » dont il est question ici, et que connaissent tous les adolescents est bien plutôt une histoire triste comme un rendez-vous d’amour manqué : histoire de larmes, histoire d’un non-amour. Ainsi le personnage du texte semble parti à la recherche de l’impossible lieu de l’impossible rêve de l’impossible amour… Comme en témoignent les derniers mots du texte :  « À la rencontre de ton cœur solitaire /Perdu dans une mélancolie sombre »…

© Pauline L., classe de Première ES2 (promotion 2015-2016), mai 2016.
Espace Pédagogique Contributif

  1. Marc Saporta, Henri Béhar, André Breton ou le surréalisme, même. Textes réunis par Marc Saporta avec le concours d’Henri Béhar, éd. L’Âge d’homme, Lausanne 1998,  page 19.

Publié par

brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques