« Dis-moi un Po-Aime »… L’expo continue… Aujourd’hui la contribution de Louis…

ImpressionLa classe de Première S2 du Lycée en Forêt est fière de vous présenter une exposition exceptionnelle : “Dis-moi un Po-aime“… Chaque jour, un(e) élève vous invitera à partager l’une de ses créations poétiques… Bonne lecture !

Textes déjà publiés : Auréline G. “Je me souviens” ; Sybille M. “Une forêt de béton” ; Oscar P. “D’ailleurs” ; Manon B. “Peine naturelle” ; Alexia D. “Énigmatique forêt” ; Charlotte L. et Clémentine L. “L’Isula di Capezza” ; Slimane H.-M. “Le Royaume” ; Camille V. “Voyage mélancolique” ; Héla G. “Noël robotique” ; Arthur M. “La lune tombe” ; Manon B. “Compagne impromptue“…

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Lundi 17 mars, Manon B.
Aujourd’hui, dimanche 30 mars, la contribution de Louis
Demain, lundi 31 mars : Sybille M.

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« Arpège »

par Louis A.
Classe de Première S2

 

Je regarde le sombre rideau exiler
Les suprêmes désirs d’autres mondes idolâtres :
Nouveaux paysages, terribles théâtres
Où mener en arpège leurs cœurs arrachés.

À peine chansons, ineffables mélodies,
Les chants des sillons ne s’entendent plus la nuit.
Néanmoins leur silence, tout juste acquis,
N’est que la quintessence de leur déni.

Robert Delaunay_Rythme« À peine chansons, ineffables mélodies… »

Robert Delaunay (1885-1941) , “Rythme” (c. 1932)
Coll. privée

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Le point de vue de l’auteur…

Dans une conférence sur la poésie surréaliste, Paul Éluard affirmait : “Le surréalisme est un état d’esprit”, et c’est justement guidé par cet “état d’esprit” que j’ai décidé d’aborder l’écriture de ce poème. Ainsi, me suis-je détaché d’une logique constructive et par trop rationnelle. J’ai tout d’abord privilégié les codes surréalistes, en particulier les codes de l’inconscient et de l’écriture automatique, et cherché à produire quelques associations spontanées dont le caractère insolite correspondait à mes visions du moment.

En produisant des associations séduisantes et surprenantes, l’écriture automatique est d’autant plus troublante qu’elle “nous tourne vers le langage sans silence, infiniment ouvert près de nous, sous notre parole commune, vers la parole qui précède la possibilité de la parole”. Ces propos de Philippe Fries me semblent très représentatifs de ce que j’ai moi-même éprouvé en commençant à rédiger. De fait, j’ai été très intéressé par cette spontanéité de l’écriture, cette libération des codes et cette rupture avec les contraintes de la raison que permet l’écriture automatique.

Néanmoins, mon travail d’écriture ne pouvait pas s’arrêter là. Je ressentais le besoin de charpenter l’ensemble et d’exprimer plus consciemment ce que m’avait inspiré l’écriture automatique. Il me fallait non seulement associer les mots, mais aussi associer les phrases, les mettre en relation et former un véritable poème qui ne soit pas qu’un fait de hasard. J’avais besoin de travailler ma poésie et de retrouver ce que Roman Jakobson exprime à propos de la fonction poétique du langage : cette importance des effets rythmiques, des mots, de leur agencement syntaxique et sonore, qui sont des éléments essentiels de l’imaginaire poétique. 

En outre, ainsi que le lecteur pourra le lire, mon poème est doté d’une forte sensibilité musicale. Comme Mallarmé dont la poésie se nourrissait constamment d’une réflexion sur la musique, et qui affirmait que chaque poète devait  traduire, par la musique des mots, les idées et les émotions, j’ai voulu moi-même que ma poésie puisse se faire chanson intérieure, tant il est vrai qu’il existe bien une musique du poème. La mélodie d’un vers ou l’harmonie d’une rime participent ainsi au chant poétique : voici pourquoi le réseau lexical de la musique est si perceptible dans le texte : “arpège”, “chansons”, “mélodies”, “chants”…

À ce titre, le lecteur peut observer un jeu constant sur le rythme et les sons, à travers les rimes tout d’abord, puis à l’intérieur même des vers avec un système de parallélismes sonores et de jeux phoniques. Par exemple :

Néanmoins leur silence, tout juste acquis
N’est que la quintessence de leur déni.

De même, certains parallélismes sonores (« chansons/ chants des sillons » « mélodies/la nuit ») étaient pour moi importants afin de retrouver cette vocation originelle de la poésie, qui est d’être un chant.

Enfin la poésie, comme l’ont si bien compris les Symbolistes, doit ouvrir à un déchiffrement et à un dévoilement. Voici pourquoi j’ai voulu suggérer d’autres thématiques pour amener une part de mystère et ainsi inviter le lecteur à une appropriation subjective du texte. Qui sont par exemple les détenteurs des « suprêmes désirs » aux « cœurs arrachés » ? Que représentent ces « chants des sillons » ? En invitant au déchiffrement du sens, le Verbe poétique suggère une quête de l’ineffable, car il nous élève au-dessus de ce qui est. Le poème est ainsi pareil à l’albatros de Baudelaire : un “compagnon de voyage” qui met en musique le livre de la vie : c’est par les mots que la musique s’envole…

© Louis A., classe de Première S2 (promotion 2013-2014), mars 2014.
Bruno Rigolt/Espace Pédagogique Contributif

Publié par

brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques