« Dis-moi un Po-Aime »… Aujourd’hui la contribution de Sybille…

ImpressionLa classe de Première S2 du Lycée en Forêt est fière de vous présenter une exposition exceptionnelle : “Dis-moi un Po-aime“… Chaque jour, un(e) élève vous invitera à partager l’une de ses créations poétiques…
Bonne lecture !

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Hier, vendredi 14 février : Auréline G.
Aujourd’hui, samedi 15 février, la contribution de Sybille M.
(*)
Demain, dimanche 16 février : Oscar P.

« Une forêt de béton »

par Sybille M.
Classe de Première S2

Peu à peu, la forêt se meurt.
Les mythes sont devenus rumeurs,
Le métal coule dans les branches
Et sur le béton je m’épanche.

Les sons ne font pas frémir mes oreilles,
Nouvelle forêt au réveil :
Dans la rue, tous les mouvements,
Chuchotements et bruits violents.

Entre les immeubles sans âme,
Le vent, près de l’acier, sans flamme.
Il souffle toujours dans les cimes,
S’agite, discret, infime.

Oh ! Il m’ennuie, le bruit des feuilles,
Je préfère le silence
De cette ville qui m’accueille
En son vide, immense.

(*) Ce poème a obtenu le troisième prix du Concours “Écriture en Forêt”, lancé cette année au Lycée…

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 « le silence de cette ville qui m’accueille en son vide, immense… »

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Le point de vue de l’auteure…

L’idée de départ de ce poème m’a été suggérée par le concours « Écriture en Forêt » auquel j’ai participé. Pourtant, je vous avouerai que je ne me sens pas particulièrement attirée par la nature, je trouve cela agréable mais sans plus ; aussi ai-je décidé de parler de quelque chose qui me fascine plus, la ville : non pas la ville en tant que simple univers référentiel urbain, mais la ville dont la mythologie irradie les rêves et les cauchemars contemporains.

Dans mon imaginaire, la ville a quelque chose de fascinant, d’illimité, de démesuré… Ainsi, tout comme on pourrait parler d’une forêt de sentiments, j’ai voulu détourner la thématique d’une forêt d’arbres en évoquant une forêt urbanisée, une forêt de béton : la ville n’est-elle pas une forêt de bitume, d’usines, une forêt d’immeubles plantée d’humains ?

Pour établir ce parallélisme entre la forêt et la ville j’ai utilisé le mot « mythes » qui a un aspect presque ancien, intemporel et mystique, et les rumeurs qui peuvent circuler dans les villes : « Les mythes deviennent rumeurs »… La ville, c’est la menace permanente de la rumeur, c’est le triomphe des mythes et paradoxalement leur disparition : le mythe de l’urbanisation a remplacé la mythologie de la forêt, un peu comme si, dans l’imaginaire social, la forêt s’était à jamais perdue dans les villes…

Par contraste j’ai axé mon texte sur quelque chose d’infime et de sensoriel : les sons. J’ai par exemple essayé de jouer avec les sonorités et le signifié des mots. J’ai aussi tenté de jouer avec les rythmes (souvent octosyllabiques) et les sons en travaillant les homophonies accentuées par les rimes féminines, qui sonnent un peu de la même manière, de façon à évoquer le caractère standardisé de la ville :

Entre les immeubles sans âme,
Le vent, près de l’acier, sans flamme

Je parle également des « Chuchotements et bruits violents », et enfin du silence à la fin du texte. C’est par référence aux bruits sur tout un jour : violents la journée, plus ténus le soir, et enfin le silence de la nuit, que je trouve agréable et angoissant à la fois parce qu’il nous ramène à notre propre existence, à notre propre silence. C’est ainsi que j’ai souhaité privilégier un rythme descendant (8/7/8/5) à la fin de mon texte, comme pour marquer par ce rétrécissement syllabique l’immensité de l’univers urbain (« en son vide, immense… »), et amener à une dimension plus métaphysique.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le poème se referme sur des rimes féminines. Cette récurrence de sonorités douces contraste avec la thématique évoquée, celle de la ville, synonyme de mécanisation et de bruit, et celle de l’homme moderne confronté à la solitude des « forêts urbaines », là où dans le silence du soir, il pense quelquefois à ces tours qui ont remplacé les grands arbres, et à ces chemins de traverse, larges et immenses qu’on appelle des autoroutes…

© Sybille M., classe de Première S2 (promotion 2013-2014), février 2014.
Lycée en Forêt/Espace Pédagogique Contributif

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brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques