« Dis-moi un Po-Aime »… Aujourd’hui la contribution de Slimane

ImpressionLa classe de Première S2 du Lycée en Forêt est fière de vous présenter une exposition exceptionnelle : “Dis-moi un Po-aime“… Chaque jour, un(e) élève vous invitera à partager l’une de ses créations poétiques…
Bonne lecture !

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Hier, mercredi 19 février : Charlotte L. et Clémentine L.
Aujourd’hui, jeudi 20 février, la contribution de Slimane
Demain, vendredi 21 février : Camille V.

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« Le Royaume »

par Slimane H.-M.
Classe de Première S2

 

La nature sous l’œil de l’astre confus,
Sème de ses mains innocentes la poussière des dieux ;
Le temps s’écoule et passent les saisons
Sur les cheveux d’écume marine.
Enfin, la semence finit par ériger un monde solitaire.

D’une voix solennelle pareille à l’appel
Précédant le départ du navire
Ainsi va le vent emportant avec lui
La lumière d’argent afin d’annoncer
L’arrivée du royaume de l’aube…

Pierre Puvis de Chavannes_Jeunes_filles_au_bord_de_la_mer_1879_détail« Le temps s’écoule et les saisons passent,
Sur les cheveux d’écume marine »

Pierre Puvis de Chavannes
« Jeunes filles au bord de la mer » (détail) c. 1879
Paris, Musée d’Orsay

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Le point de vue de l’auteur…

L’inspiration de ce poème ne m’est pas venue spontanément. Au commencement de cet atelier d’écriture, alors que je découvrais les pratiques littéraires du Surréalisme, j’ai essayé de soustraire mon inspiration à tout contrôle exercé par la pensée et le langage rationnels : ayant noté sur une feuille plusieurs mot au hasard, et sans trop penser à leur sens ou à leur esthétique, je me suis essayé à les mettre en commun selon des associations métaphoriques spontanées. Aussitôt des jeux d’images ont surgi, générant des associations d’idées insoupçonnées.

Mais très vite, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas me contenter de ce seul aspect ludique. Après avoir, par la suite, repris ce premier jet, je me suis rendu compte que dans tous les mots que j’avais écrits, le thème du temps ressortait. J’ai don travaillé cet aspect en centrant mon inspiration sur les thèmes du voyage et du spirituel, si importants dans la poésie symboliste. C’est ainsi que j’ai cherché dans mon poème à formuler les liens secrets qui unissent l’Être à la pensée, la nature à l’idée. Cette recherche de “l’esprit pur” et d’une “conception pure” de la poésie peut se lire dans le titre : “Le Royaume” ou dans certaines métaphores comme lorsque j’évoque la “poussière des dieux”.

Ce poème parle en effet de la création d’un monde propre à chacun où nous aimons nous réfugier. Pour atteindre ce monde il faut voyager. Mais ce voyage ne saurait être matériel : il s’agit d’abord et surtout d’un voyage spirituel :

Le temps s’écoule et passent les saisons
Sur les cheveux d’écume marine.

L’idée de représenter allégoriquement la mer (“les cheveux d’écume marine”), m’a amené à tisser un réseau de significations symboliques, qui ajoute à l’univers des choses visibles une métaphysique de l’invisible et de l’ailleurs : ainsi “l’appel/Précédant le départ du navire” invite le lecteur au voyage et à une méditation sur le temps. “L’arrivée du royaume de l’aube” à la fin du texte accentue cette thématique.

Comme le lecteur l’aura pressenti, dans ce poème, j’interprète en réalité la naissance du monde, et plus particulièrement de quelle manière il apparaît en chacun de nous. L’image de “la semence [qui] finit par ériger un monde solitaire” signifie métaphoriquement que la poésie est un refuge qui sert à ériger le “Royaume” du Verbe et de la quête. Mais cette recherche se construit le plus souvent naturellement, c’est pour cela que je fais référence à la nature dans le texte.

Écrire la « La nature », c’est écrire sous le regard d’une personne chère à notre cœur et qui nous influence : comme le soleil qui n’agit pas directement dans la croissance d’une plante mais sans qui elle ne pourrait plus pousser, l’amour d’un être cher fait croître le poème. Comme le suggère le titre choisi par notre professeur pour cette exposition, “écrire un poème, c’est en effet écrire un po-aime”, c’est-à-dire ouvrir spirituellement son cœur grâce à l’amour d’une personne qui nous est chère, et sans qui nous ne pourrions grandir. 

Ce monde que nous nous bâtissons met du temps à naître : il ne naît pas en un jour et enfin quand il est édifié nous renaissons d’une certaine manière sous un nouveau jour, nous sommes une autre personne aux pensées différentes, tant il est vrai que connaître, c’est naître de nouveau… Ainsi, dans les deux dernier vers du texte, après la création de ce royaume solitaire la nuit fait place au jour, qui est comme une renaissance “pareille à l’appel/Précédant le départ du navire […] afin d’annoncer/L’arrivée du royaume de l’aube”…

© Slimane H.-M., classe de Première S2 (promotion 2013-2014), février 2014.
Lycée en Forêt/Espace Pédagogique Contributif

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brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques