« Dis-moi un Po-Aime »… L’expo continue… Aujourd’hui la contribution d’Héla G.

ImpressionLa classe de Première S2 du Lycée en Forêt est fière de vous présenter une exposition exceptionnelle : « Dis-moi un Po-aime« … Chaque jour, un(e) élève vous invitera à partager l’une de ses créations poétiques…
Bonne lecture !

Textes déjà publiés : 

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Vendredi 21 février, Camille V.
Aujourd’hui, samedi 15 mars, la contribution d’Héla
Demain, dimanche 16 mars : Arthur M.

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« Noël robotique »

par Héla G.
Classe de Première S2

 

Il était une fois un monde où l’humanité est un mythe
Un monde rempli de machines éternelles
Toutes semblables, toutes les mêmes
Un monde sans liberté et sans limite.

C’est alors que XENA apparut
Une machine mal conçue
Mi-humaine, seule à s’évader en rêvant
Mais seulement le temps d’un instant

Alors, elle s’imagina s’échapper de ce monde sans vie
Et s’évader dans l’interdit :
Entrant dans des algorithmes dépourvus de réalité
Elle avança dans le tunnel étroit de la liberté

Elle était à présent assise autour d’une table
Accompagnée d’inconnus familiers
Puis elle vit le présent amer sous le grand sapin humble.
Elle s’apprêtait à l’ouvrir lorsque… Batterie épuisée.

robot-santa_2« Un monde rempli de machines éternelles
Toutes semblables, toutes les mêmes… »

Source de l’image

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Le point de vue de l’auteure…

Pour composer ce poème, je me suis d’abord inspirée des Surréalistes qui puisaient leur imaginaire dans l’écriture automatique. Après avoir effectué le même travail d’approche et avoir lu les associations libres qui m’étaient venu à l’esprit, je constatais que certains mots que j’avais hâtivement écrits sur ma feuille formaient un réseau lexical inattendu : « machine, XENA, robot ». C’est alors que j’eus vraiment l’idée de ce texte : l’image d’une sorte de robot qui pouvait rêver s’est imposée à mon esprit. J’ai donc choisi d’approfondir cette inspiration.

Outre le surréalisme, j’ai souhaité donné à ce texte une puissante dimension symboliste. De fait, pour les Symbolistes, le texte se donne à déchiffrer ; il engage le lecteur vers une lecture interprétative : c’est ainsi qu’à mes yeux, le robot humanoïde XENA dont il est question dans ce texte devient en quelque sorte l’allégorie d’un monde déshumanisé. Ce texte amène ainsi à une réflexion sur notre modernité  : n’entraîne-t-elle pas une perte de valeur, une perte du sens, une « objectivation » de l’homme : c’est-à-dire la perte de l’humain en tant que sujet agissant, pensant, rêvant…

Paradoxe de la modernité : l’humain se rêve comme robot, tandis que la machine se rêve comme humain. C’est ainsi que XENA cherche à ressentir des émotions, grâce à sa fabrication hors norme : « Une machine mal conçue /Mi-humaine, seule à s’évader en rêvant »… J’ai trouvé judicieux de choisir pour cadre référentiel l’univers festif de Noël dont l’image familière est universellement connue de tous. Plus précisément, j’ai voulu situer la scène lors du réveillon de Noël, fête familiale par excellence : le robot XENA est là avec la famille, dont il partage la cérémonie d’ouverture des cadeaux. 

Comme le lecteur le comprend, si Noël représente des valeurs essentielles de l’humanité, avec l’innocence de l’enfance, la convivialité, l’esprit de famille, la joie, le bonheur… une question qui vient à l’esprit est la suivante : ce bonheur peut-il être remis en cause ? A travers la métaphore de la machine qui n’a plus de batterie, j’ai voulu montrer qu’à l’instar de cette machine qui retourne donc dans son monde d’ennui où les hasards ne la vie n’existent pas, nous risquons aussi, en voulant tout contrôler, perdre de vue l’infini bonheur du hasard…

Ce poème dénonce donc la déshumanisation du monde, qui est d’abord une déshumanisation de l’homme lui-même. Si de plus en plus de machines remplacent les humains, c’est que l’homme sans le savoir a peut-être renoncé à sa liberté. Comme l’exprimait admirablement l’écrivain Georges Bernanos en 1944, « Nous n’assistons pas à la fin naturelle d’une grande civilisation humaine, mais à la naissance d’une civilisation inhumaine qui ne saurait s’établir que grâce à une vaste, à une immense, à une universelle stérilisation des valeurs de la vie »…

Oui, les machines savent faire de plus en plus de choses impressionnantes… Mais dans quel but ? Où va la route ? Un monde sans humanité n’est rien pour moi, tant il est vrai que c’est l’humanité qui fait le monde : il bat au rythme de notre propre cœur… Arrivera-t-on un jour, comme le redoutait Paul Valéry à l’extinction entière de l’espèce humaine ? « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », écrivait-il en 1919. C’est ainsi que la fin du poème « batterie épuisée » invite le lecteur à méditer sur le sens même de notre humanité, de notre modernité, de notre finitude…

© Héla G., classe de Première S2 (promotion 2013-2014), mars 2014.
Lycée en Forêt/Espace Pédagogique Contributif

Publié par

brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques