Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Forough Farrokhzad

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Forough Farrokhzad (1934 — 1967, Téhéran)… IRAN

Hier, mardi 13 août : Georges Duhamel… FRANCE
Demain, jeudi 15 août : Marguerite Yourcenar… FRANCE/ÉTATS-UNIS

 

Le vent nous emportera

Dans ma nuit brève, hélas
le vent a rendez-vous avec les feuilles.
dans ma nuit brève il y a la peur
et l’effroi dévastateur          

Écoute !
Entends-tu le souffle des ténèbres ?
Je regarde ce bonheur avec les yeux d’un étranger.
Je me suis accoutumée à mon désespoir.
Écoute !
Entends-tu le souffle des ténèbres ?

En cet instant, en cette nuit,
quelque chose survient. La lune
est inquiète et rouge ; les nuages
forment un cortège funèbre
attendant de pleurer sur le toit du ciel
ce toit friable sur le point de s’écrouler.

Un instant,
Puis rien.

Derrière cette fenêtre, tremble la nuit
Et la terre s’est arrêtée de tourner. 

Par delà cette fenêtre, les yeux de l’inconnu
Se posent sur toi et moi.
Ô toi verdoyante, des pieds à la tête —
Pose le souvenir fébrile de tes mains dans les miennes…
______________________Mes mains qui t’aiment.

Et abandonne tes lèvres
______________________Dans la chaleur de la vie
À la caresse de mes lèvres qui t’aiment.
Un jour le vent nous emportera.
Le vent nous emportera.

Forough Farrokhzad
Source : Furūgh Farrukhzād, Selected Poems of Forugh Farrokhzad, Translated bay Sholeh Wolpé. University of Arkansas Press 2007. page 34

Traduction française (à partir du texte anglais de S. Wolpé) : Bruno Rigolt

 Illustration : © Bruno Rigolt
« Arbres dans le vent », juin 2013

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Georges Duhamel

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Georges Duhamel (Paris, 1884 — Valmondois, 1966)… FRANCE

Hier, lundi 12 août : Stefan George… ALLEMAGNE
Demain, mercredi 14 août : Forough Farrokhzad… IRAN

 

Élégies

Le vent venait du haut de la mer éclatante ;
Un vent sans âme et sans souvenir, mais si pur,
Mais si plein de vertus égales que son souffle
Passait comme l’éternité sur nos visages.

Le littoral, avec ses campagnes, ses routes
Et les maisons de ses villages familiers
Nous offrait maintenant cette face étrangère
Que la mémoire prête aux hommes et aux choses.

De jeunes matelots faisaient ployer les rames
Et la barque rendait un bruit vibrant et creux.
Je vois encore, auprès de tes pieds nus, dormir
Des crustacés captifs aux pinces mutilées.

Le beau silence était fidèlement hanté
Par la détonation lointaine du rivage ;
Nous gagnions un récif solitaire où veillait
Un luisant cormoran qui regardait la mer.

Pensais-je à ce péril qui crispait nos poitrines ?
Pensais-je à l’oiseau noir saignant sur mes genoux ?
Ou bien au coup de feu qui transperça le monde
Quand le héron tomba du faîte des rochers ?

Qu’en sait-elle, aujourd’hui, cette âme partagée
Qui, dans l’universel et vert crépitement,
Calculait âprement, de seconde en seconde,
Ce que vaudrait cette heure au fond de l’avenir ?

Georges Duhamel
Élégies, Mercure de France, Paris 1920

 Illustration : © Bruno Rigolt, août 2013 (Peinture numérique et photomontage)
Sources : Gustave Le Gray, « La grande vague » (1857) ; Aivazovsky, « Calme sur la mer Méditerranée » (1892) ; Modigliani, « Jeanne Hébuterne au chapeau » (1917)

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Stefan George

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Stefan George
(1868, Bingen am Rhein — 1933, Locarno)… ALLEMAGNE

Hier, dimanche 11 août : Renée Guirguis… ÊGYPTE
Demain, mardi 13 août : Georges Duhamel… FRANCE

 

Komm in den totgesagten park und schau

Komm in den totgesagten park und schau :
Der schimmer ferner lächelnder gestade.
Der reinen wolken unverhofftes blau
Erhellt die weiher und die bunten pfade.

Dort nimm das tiefe gelb, das weiche grau
Von birken und von buchs, der wind ist lau.
Die späten rosen welkten noch nicht ganz.
Erlese küsse sie und flicht den kranz.

Vergiss auch diese lezten astern nicht.
Den purpur um die ranken wilder reben
Und auch was übrig blieb von grünem leben
Verwinde leicht im herbstlichen gesicht.

Stefan George
Das Jahr der Seele (L’Année de l’âme), 1897

                                

On dit que les jardins sont morts

On dit que les jardins sont morts ; viens et regarde
Le reflet de ces bords lointains et souriants ;
Et des nuages purs l’azur inespéré
Éclaire les étangs et les couleurs des sentes.

Prends ce jaune profond, le moelleux de ces gris
Parmi les buis et les bouleaux ; la brise est tiède ;
Tardives ne sont point encore flétries les roses,
Choisis-les, baise-les et tresse la couronne.

Songe à n’oublier point les derniers des asters
Ni la pourpre enroulée à la vigne sauvage
Prends ce qui reste encor de vivante verdure
Fonds-le d’un doigt léger dans l’image automnale.

Stefan George
 Das Jahr der Seele (L’Année de l’âme), 1897

in Stefan George, Choix de poèmes, Première période : 1890-1900
Traduit, préfacé et commenté par Maurice Boucher
Aubier, éditions Montaigne, Paris 1941. Page 165.

 Illustration : Armand Charnay (1844-1915), « Soirée d’automne sur la terrasse » (détail)
Fin 19e, premier quart du 20e siècle. Charlieu, musée Hospitalier. Crédit photographique :  Emma Artige.

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Renée Guirguis

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Renée Guirguis (1921 — 1985, Le Caire)… ÉGYPTE
Écrivaine égyptienne d’expression française

Hier, samedi 10 août : Edmond Haraucourt FRANCE ; Hélène Vacaresco… ROUMANIE/FRANCE
Demain, lundi 12 août : Stefan George… ALLEMAGNE

 

Récit II
(extrait)

J’ai dit

Et j’ai croisé le rythme des rames
Sur l’écume des tendresses vives
J’ai blessé ma soif concrète
Aux rochers des mers qui s’entrouvrent
J’ai appelé dans le vent qui traînait
Lourd des horizons pris en écharpe
Des horizons qui se noient sans mourir
Et meurent pour que le sang revive
Quelle histoire de cadavres heureux
Racontent les barques renversées et ces voiles
Tombées comme un vol bas qui agonise

Oui je te vois jour qui m’arrête
Aux portes des tombes marines.
Tu parles haut au plus haut des vagues
Dont le jet lance des ébauches de croix
Je sais que les mots ont peur
Des signaux que la nuit fait à la nuit…

Renée Guirguis
Récits, éd. G.L.M., Paris 1952

Citée par Jean-Jacques Luthi, Anthologie de la poésie francophone d’Égypte. Vingt-huit poètes d’Égypte,
L’Harmattan, Paris 2002. Page 243.

 Illustration : Félix Ziem (1821-1911), « Crépuscule sur les bords du Nil à Damanhour » (détail), c. 1859
Rennes, Musée des Beaux-arts

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Hélène Vacaresco

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Hélène Vacaresco
(Elena Văcărescu, 1864 Bucarest — 1947 Paris)… ROUMANIE/FRANCE

Hier, vendredi 9 août : Moshé Dor ISRAËL

Ce matin : Edmond Haraucourt FRANCE
Demain, dimanche 11 août : Renée Guirguis… ÉGYPTE

 

Détachée

Mes yeux, ne suivez plus la lune langoureuse !
Mes mains, n’égarez point vos caressants loisirs
Dans l’herbe souple et drue ou dans la source heureuse !
Je veux vous détacher, mes yeux, de vos désirs.

De tout ce qui vous plaît mes mains, je vous détache :
Que tiédeur et fraîcheur vous manquent tour à tour !
Et vous qui poursuivez tout ce que l’ombre cache,
Mes yeux, reposez-vous d’avoir vu tout l’amour !

Ne touchez plus la flamme, ô mes mains dévorantes,
Frêles de contenir votre propre chaleur,
Et vous, mes doigts glacés aux frissons des attentes,
Ne plongez plus dans l’air votre geste enjôleur !

Ne cherchez plus une eau pour vous revoir vous-mêmes,
Mes yeux, pleins de vertige et de fatalité,
Car vous portez en vous les horizons extrêmes,
Ô mes yeux voyageurs, où vous avez été !

Mes bras, ne bercez point les voluptés éteintes
Dont vous ne pouvez plus ni blêmir ni brûler !
Fermez-vous, mes regards, fermez-vous, mes étreintes,
Car l’espace et l’ardeur n’ont rien à vous donner.

Hélène Vacaresco
La dormeuse éveillée, 1914

 Illustration : Sally Mann « Last Measure » (Battlefields)
Copyright © 2010 by Sally Mann. All Rights Reserved.

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Edmond Haraucourt

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Edmond Haraucourt (Bourmont, 1856 — Paris, 1941)… FRANCE

Hier, vendredi 9 août : Moshé Dor ISRAËL

Cet après-midi : Hélène Vacaresco (Elena Văcărescu)… ROUMANIE/FRANCE
Demain, dimanche 11 août : Renée Guirguis… ÉGYPTE

 

Rondel de l’adieu

                

Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime :
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu.

C’est toujours le deuil d’un vœu,
Le dernier vers d’un poème ;
Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime.

Et l’on part, et c’est un jeu,
Et jusqu’à l’adieu suprême
C’est son âme que l’on sème,
Que l’on sème à chaque adieu :
Partir, c’est mourir un peu…

Edmond Haraucourt
Seul, Bibliothèque Charpentier, Paris 1891

Source du manuscrit : BNF-Gallica
Poètes contemporains, Anthologie.
Collection des Amitiés françaises, Firmin-Didot, Paris 1938. Page 12

Illustration : Bruno Rigolt
Composition originale d’après Yohan Jacob Bennetter (1822-1904), « L’appareillage » (détail)

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Moshé Dor

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Moshé Dor (1932 Tel Aviv —        )… ISRAËL

Hier, jeudi 8 août : Amina Saïd TUNISIE
Demain, samedi 10 août : 2 livraisons
– Edmond Haraucourt… FRANCE (publication du matin)
– Hélène Vacaresco (Elena Văcărescu)… ROUMANIE/FRANCE (publication de l’après-midi)

 

שלום

Shalom

Deux syllabes plus basses que l’herbe dans un monde
bruyant de grands mots. La lumière
transparente se faufile dans ses nervures, sans qu’un
ange vienne frapper leur modeste tête, sans
qu’un arbre généalogique les protège de son ombre.

Mon amour, du blanc se faufile déjà dans tes
cheveux
comme le givre d’un pays lointain mais
tes mains pour moi restent chaudes et l’herbe
pleine de bruit. Ne vois-tu pas en face
de grands soldats qui passent.

Sur ton cœur aussi le vent est passé
et s’est calmé. Deux syllabes
seulement y restent accrochées
plus basses que l’herbe, très
légères.

 

Moshé Dor
Cité par Nicole Gdalia, Ruth Kartun-Blum, Chant d’Israël, Anthologie de la poésie hébraïque moderne
Éd. Caractères, Paris 1984

Illustration : Bruno Rigolt (photomontage), août 2013

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Amina Saïd

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Amina Saïd (1953 Tunis —         )… TUNISIE
Écrivaine tunisienne d’expression française. Réside en France depuis 1979.

Hier, mercredi 7 août : Shiki Masaoka… JAPON
Demain, vendredi 9 août : Moshé Dor… ISRAËL

 

Sentier de lumière
(extraits)

[…] je suis née plusieurs fois de chaque étoile
je suis morte autant de fois du soleil des jours
j’ai pris très tôt des bateaux pour nulle part
j’ai demandé une chambre dans la patrie des autres
je n’avais rien accompli avant nos adieux
j’ai habité le couchant le levant et l’espace du vent
j’étais cette étrangère qu’accompagnait le soir
deux fois étrangère entre nord et sud
j’ai gravé des oiseaux tristes sur des pierres grises
j’ai dessiné ces pierres et les ai habitées
j’ai construit des radeaux où il n’y avait pas d’océans
j’ai dressé des tentes où n’étaient nuls déserts
des caravanes m’ont conduite vers un rêve d’orient
mes calligraphies ont voyagé sur le dos des nuages
je me suis souvenue de la neige des amandiers
j’ai suivi la route aérienne des oiseaux
jusqu’au mont de la lune aux duvets des naissances
j’ai appris et oublié toutes les langues de la terre
j’ai fait un grand feu de toutes les patries
j’ai bu quelques soirs au flacon de l’oubli
j’ai cherché mon étoile dans le lit des étoiles
j’ai gardé ton amour au creux de ma paume
j’ai tissé un tapis avec la laine du souvenir
j’ai déplié le monde sous l’arche des commencements
j’ai pansé les plaies du crépuscule
j’ai mis en gerbes mes saisons pour les offrir à la vie
j’ai compté les arbres qui me séparent de toi
nous étions deux sur cette terre nous voilà seuls
j’ai serré une ceinture de mots autour de ma taille
j’ai recouvert d’un linceul l’illusion des miroirs
j’ai cultivé le silence comme une plante rare lueur après lueur
j’ai déchiffré la nuit
[…]

 

Amina Saïd
La Douleur des seuils
La Différence, Paris 2003

Illustration : Fernand Léger (1881-1955), « Paysage romantique », huile sur toile (1946)
Belfort, musée d’Art et d’Histoire. Cliché : BR (août 2012, Musée Chagall, Nice)

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Shiki Masaoka (Shiki)

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Shiki Masaoka (1867 Matsuyama — 1902 Tokyo)… JAPON
Masaoka Shiki,
connu sous son prénom Shiki (« Petit Coucou ») est considéré comme l’un des maîtres du haïku  avec Bashō, Buson, et Issa.

 

Hier, mardi 6 août : Lucie Delarue-Mardrus… FRANCE
Demain, jeudi 8 août : Amina Saïd… TUNISIE

 

Haïkus

                         

_____Longueur du jour
le bateau devise
_____avec la grève

(Printemps)

Utagawa Hiroshige (1797-1858), « Yui-shuku » (ukiyo-e, c. 1830), Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō

                             

_____Houle des nuages bas
amoncelés
 _____sur la ligne lointaine de la mer

(Été)

Katsushika Hokusai (1760-1849), « La Grande Vague de Kanagawa » (ukiyo-e, 1831)

                                                    

_____Un oiseau chanta —
tomba au sol
_____une baie rouge

(Automne)

Katsushika Hokusai (1760-1849), « Hibiscus et moineau » (ukiyo-e, c. 1830)

                                    

_____Clair de lune d’hiver —
l’ombre de la parole de pierre
 _____l’ombre du pin

(Hiver)

Kawase Hasui (1883-1957), « Lune d’hiver à Toyamagahara » (ukiyo-e, c. 1931)


Textes extraits de Haïkus anthologie
avant-propos et texte français de Roger Munier, préface de Yves Bonnefoy
Éd. du Seuil. Collection Points poésie, Paris 2006 (p. 45, 97, 157, 207)
.

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Lucie Delarue-Mardrus

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Lucie Delarue-Mardrus
(Honfleur, 1874 — Château-Gontier, 1945)… FRANCE

Hier, lundi 5 août : Birago Diop… SÉNÉGAL
Demain, mercredi 7 août : Shiki Masaoka… JAPON

 

Le cri des femmes dans la nuit

Nous sommes devant vous l’être faible et doré,
 _____
Nudité sage sous la robe,
Et notre vrai regard à vos yeux se dérobe ;
Mais quel beau monstre, en nous, cherche à se libérer !

Votre amour masculin, forme de votre haine,
 _____Ne nous laisse, pour liberté,
Que le cri naturel de la maternité.
En elle seulement notre instinct se déchaîne.

Or voyez de quel bras nous serrons nos enfants
 _____Sur nos poitrines nourrissantes !
Se donnent-elles mieux, bêlantes, rugissantes,
La lionne à ses lionceaux, ou la biche à ses faons ?

Sauf cet instinct permis, ce n’est que peur et honte.
 _____Nous tremblons devant votre loi,
Mais il serait aussi la tempête qui monte,
Notre baiser, sans les scrupules, sans la foi !

Nous sommes plus que vous de la race des faunes,
 _____Notre désir est incessant.
Parmi les printemps verts et les automnes jaunes,
Vous devriez nous suivre à nos traces de sang.

Vous avez bien voulu que nous fussions des mères,
 _____Vous, les maîtres, vous les plus forts,
Mères, oui, mais non pas amantes tout entières,
Parce que vous craigniez le cri de notre corps.

Certes, vous le savez, hommes, votre puissance
 _____N’est pas tout ce que nous voulons.
Et, par les belles nuits, nos sanglots sourds et longs
Clameraient vainement votre insuffisance.

Vous êtes tout, logique et science et raison,
 _____Mais vous n’êtes pas nos vrais mâles.
Vous êtes trop humains pour nous trop animales :
La bête féminine aime en toute saison.

Oui, soyez orgueilleux de posséder les femmes !
 _____Mais elles sont comme la mer,
Et toute la ferveur de vos petites âmes
Ne satisfera point l’océan de leur chair !

 

Lucie Delarue-Mardrus
Par vents et marées, 1910

 Illustration : Sarah  Charlesworth (1947-2013), « Figures » (détail), 1983 (Objects of Desire)
New York, Brooklyn Museum
 © Sarah Charlesworth

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Birago Diop

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Birago Diop (1906 — 1989 Dakar)… SÉNÉGAL

Hier, dimanche 4 août : Fernando Pessoa… PORTUGAL
Demain, mardi 6 août : Lucie Delarue-Mardrus… FRANCE

                         

Misère

Larme, larme importune
qui choit sans bruit, dans la nuit
Comme un rayon de lune
dans la nuit qui fuit.
Le cœur vaste comme
un rêve un rêve d’enfant
Souffrant ailleurs
Vous pleure
Serments, leurres
des heures
d’antan.

Murmures, murmures indistincts
qu’on égrène sans fin
qu’on égrène en vain
sur les longs chemins,
Sur les chemins indistincts.
Les peines,
Les petites peines,
Les grandes peines
les peines lointaines
Reviennent
Ternir
le souvenir.

Plainte, plainte douce
sans cesse envolée
Que pousse
l’âme esseulée
Sur l’aile d’un rêve
Elle crève
Comme le sachet
d’un
parfum
secret.

 

Birago Diop
Novembre 1929

Poème publié dans Anthologie de la poésie africaine, Six poètes d’Afrique francophone,
Choix et présentation par Alain Mabanckou, 
Points Poésie 2010, pages 39-40.
Voyez aussi le site Biragodiop.com, remarquablement constitué.

Illustration : Pablo Picasso, « La femme qui pleure avec un mouchoir », huile sur toile (1937)
Madrid, Museo Reina Sofía

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Fernando Pessoa

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Fernando Pessoa (1888 — 1935, Lisbonne)… PORTUGAL

Hier, samedi 3 août : Charlotte Brontë… GRANDE-BRETAGNE
Demain, lundi 5 août : Birago Diop… SÉNÉGAL

Não basta abrir a janela

Não basta abrir a janela
Para ver os campos e o rio.
Não é bastante não ser cego
Para ver as árvores e as flores.
É preciso também não ter filosofia nenhuma.
Com filosofia não há árvores: há ideias apenas.
Há só cada um de nós, como uma cave.
Há só uma janela fechada, e todo o mundo lá fora;
E um sonho do que se poderia ver se a janela se abrisse,
Que nunca é o que se vê quando se abre a janela.

Fernando Pessoa
Poemas Inconjuntos
1913-1915
Pour découvrir d’autres poèmes de Pessoa (en portugais),
cliquez ici.

                                                                   

Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre

Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre,
pour voir les champs et la rivière.
Il ne suffit pas de n’être pas aveugle
pour voir les arbres et les fleurs.
Il faut également n’avoir aucune philosophie.
Avec la philosophie il n’y a pas d’arbres : il n’y a que des idées.
Il n’y a que chacun d’entre nous, telle une cave.
Il n’y a qu’une fenêtre fermée, et tout l’univers à l’extérieur ;
Et le rêve de ce qu’on pourrait voir si la fenêtre s’ouvrait,
Et qui jamais n’est ce qu’on voit quand la fenêtre s’ouvre.

Fernando Pessoa, 1913-1915
 Poèmes désassemblés

 in Fernando Pessoa, Anthologie des hétéronymes,
coll. « L’œil du poète », éd. Textuel, Paris 2004, page 51
Poèmes traduits du portugais par Maria Antonia Câmara Manuel, Michel Chandeigne, Armand Guibert et al.

Pour écouter ce poème lu en portugais, cliquez ici.
Pour mieux comprendre la dimension symbolique de ce texte, cliquez ici
(Judith Balso, Pessoa, le passeur métaphysique, éd. du Seuil, Paris 2006)

Illustration : Pierre Bonnard (1867-1947), « La petite fenêtre au Cannet » (1946). Huile sur toile
Coll. privée. Crédit photographique : Giraudon

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Charlotte Brontë

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Charlotte Brontë
(1816, Thornton — 1855, Haworth)… GRANDE BRETAGNE 

Hier, vendredi 2 août : Catherine Pozzi… FRANCE
Demain, dimanche 4 août : Fernando Pessoa… PORTUGAL

Evening Solace

The human heart has hidden treasures,
In secret kept, in silence sealed;
The thoughts, the hopes, the dreams, the pleasures,
Whose charms were broken if revealed.
And days may pass in gay confusion,
And nights in rosy riot fly,
While, lost in Fame’s or Wealth’s illusion,
The memory of the Past may die.

But, there are hours of lonely musing,
Such as in evening silence come,
When, soft as birds their pinions closing,
The heart’s best feelings gather home.
Then in our souls there seems to languish
A tender grief that is not woe;
And thoughts that once wrung groans of anguish,
Now cause but some mild tears to flow.

And feelings, once as strong as passions,
Float softly back — ­a faded dream;
Our own sharp griefs and wild sensations,
The tale of others’ sufferings seem.
Oh ! when the heart is freshly bleeding,
How longs it for that time to be,
When, through the mist of years receding,
Its woes but live in reverie!

And it can dwell on moonlight glimmer,
On evening shade and loneliness;
And, while the sky grows dim and dimmer,
Feel no untold and strange distress­
Only a deeper impulse given
By lonely hour and darkened room,
To solemn thoughts that soar to heaven,
Seeking a life and world to come.       

Charlotte Brontë
1846 

                          

Apaisement du soir

Le cœur humain renferme des trésors cachés
Gardés en silence, scellés en secret ;
Des pensées, des espoirs, des rêves, des plaisirs,
Dont les charmes seraient brisés s’ils étaient révélés.
Et les jours passent dans une vaine confusion,
Et les nuits se consument dans un tumulte futile,
C’est alors que, perdue dans l’illusion de la gloire ou de la richesse,
La mémoire du passé peut mourir.

Mais il est des heures de rêverie solitaire,
Où dans le silence venu du soir,
Doux comme des oiseaux dont les ailes se referment,
S’unissent les plus purs mouvements du cœur.
Alors dans notre âme semble languir
Non la désolation mais un chagrin tendre ;
Et les pensées torturées  autrefois par des gémissements d’angoisse,
S’écoulent désormais en des larmes légères.

Des sentiments auparavant aussi forts que les passions
Remontent doucement tel un rêve fané.
Et nos propres peines si aiguës et nos propres tourments
Semblent raconter la souffrance du monde.
Oh ! quand le cœur saigne encore,

Comme il désire qu’arrive enfin le temps
où dans la brume des années qui s’estompent,
Ses tourments s’abandonnent dans la rêverie !

Le cœur peut alors se blottir dans la lueur vacillante du clair de lune
Et la solitude des ombres du soir ;
Et dans le ciel qui s’éteint peu à peu
Non point succomber à quelque étrange et indicible détresse
Mais sentir dans le souffle profond
Venu de l’heure solitaire et des murs endormis,
Les pensées solennelles s’envoler vers le ciel,
À la recherche d’une vie et d’un monde à venir.

Charlotte Brontë
1846

Traduction : Bruno Rigolt
(à ma connaissance, ce texte n’a jamais été traduit dans son intégralité en Français)
Many thanks to Mr. and Mrs. Lister (SC, USA) for the translation help !

Illustration : Thomas Cole (1801-1848), « Romantic Landscape with Ruined Tower » (1832-1836)
New York, Albany Institute of History and Art

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Catherine Pozzi

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Catherine Pozzi (1882 — 1934 Paris )… FRANCE

Hier, jeudi 1er août : Roberto Juarroz… ARGENTINE
Demain, samedi 3 août : Charlotte Brontë… ROYAUME-UNI

Vale¹

La grande amour que vous m’aviez donnée
Le vent des jours a rompu ses rayons —
Où fut la flamme, où fut la destinée
Où nous étions, où par la main serrée
Nous nous tenions

Notre soleil, dont l’ardeur fut pensée
L’orbe pour nous de l’être sans second
Le second ciel d’une âme divisée
Le double exil où le double se fond

Son lieu vous apparaît cendre et crainte,
Vos yeux vers lui ne l’ont pas reconnu
L’astre enchanté qui portait hors d’atteinte
L’extrême instant de notre seule étreinte
Vers l’inconnu.

Mais le futur dont vous attendez vivre
Est moins présent que le bien disparu.
Toute vendange à la fin qu’il vous livre
Vous la boirez sans pouvoir être qu’ivre
Du vin perdu.

J’ai retrouvé le céleste et sauvage
Le paradis où l’angoisse est désir.
Le haut passé qui grandit d’âge en âge
Il est mon corps et sera mon partage
Après mourir.

Quand dans un corps ma délice oubliée
Où fut ton nom, prendra forme de cœur
Je revivrai notre grande journée,
Et cette amour que je t’avais donnée
Pour la douleur.

1. Vale signifie « adieu » en latin

 

Catherine Pozzi
Première version du poème
provenant du Journal de Catherine Pozzi (1926)

Poème publié dans Œuvre poétique de Catherine Pozzi, éd. La Différence, Paris 1988

Catherine Pozzi peinte par Paul Valéry (aquarelle, Journal de C. Pozzi, 13 décembre 1927)
Source : Françoise Simonet-Tenant, « Le cahier août-décembre 1927 de Catherine Pozzi », Genesis, 32 | 2011, pages 155-176.

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Roberto Juarroz

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Roberto Juarroz (1925 — 1995 Buenos Aires)… ARGENTINE

Hier, mercredi 31 juillet : Nazim Hikmet… TURQUIE
Demain, vendredi 2 août : Catherine Pozzi… FRANCE

También hemos traicionado al agua.

La lluvia no se reparte para eso,
el río no corre para eso,
el charco no se detiene para eso,
el mar no es presencia para eso.

Otra vez hemos perdido el mensaje,
las vocales abiertas
del lenguaje del agua,
su inaudita transparencia palpable.

Ni siquiera supimos
beber la transparencia.
Beber algo es aprenderlo.

Y aprender la transparencia es el comienzo
de aprender lo invisible.

                            

Nous avons aussi trahi l’eau.

La pluie ne tombe pas pour cela,
le fleuve ne coule pas pour cela,
l’eau de la flaque ne stagne pas pour cela,
la mer n’est pas présente pour cela.

Une fois encore, nous avons perdu le message,
les voyelles ouvertes
du langage de l’eau,
sa transparence infiniment palpable.

Nous n’avons pas même su
boire la transparence
Boire quelque chose c’est l’apprendre.

Et apprendre la transparence c’est commencer
d’apprendre l’invisible.

Roberto Juarroz
 Duodécima Poesía vertical (n° 40)
éditions Lohlé, Buenos Aires 1991

Traduction : Bruno Rigolt

« apprendre la transparence c’est commencer d’apprendre l’invisible »

Illustration : Bruno Rigolt, « Tête de Tanagra sur fond Bleu Klein »
Peinture numérique © Bruno Rigolt, août 2013

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Nazim Hikmet

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Nazim Hikmet (1901 Salonique — 1963 Moscou )… TURQUIE

Hier, mardi 30 juillet : Marceline Desbordes-Valmore… FRANCE
Demain, jeudi 1er août : Roberto Juarroz… ARGENTINE

Bugün Pazar

Bugün pazar.
Bugün beni ilk defa güneşe çıkardılar.
Ve ben ömrümde ilk defa
_____gökyüzünün bu kadar benden uzak
_____Bu kadar mavi
_____Bu kadar geniş olduğuna şaşarak
_____Kımıldamadan durdum.
Sonra saygıyla toprağa oturdum.
Dayadım sırtımı duvara.
Bu anda ne düşmek dalgalara,
Bu anda, ne hürriyet, ne karım.
Toprak, güneş ve ben…
Bahtiyarım.

                      

Aujourd’hui c’est dimanche

Aujourd’hui c’est dimanche
Aujourd’hui c’est la première fois qu’ils m’emmènent au soleil.
Et moi pour la première fois de ma vie
           stupéfait de voir le ciel si loin de moi
           si bleu
           si vaste
           je suis resté sans bouger.
Ensuite je me suis assis par terre avec respect.
J’ai appuyé mon dos contre le mur blanc
En cet instant pas de jeux dans les vagues
En cet instant, pas de liberté, pas d’épouse.
Juste la terre, le soleil et moi…
Je suis heureux.

Nazim Hikmet
in Jean Pinquié, Levent Yilmaz, Anthologie de la poésie turque contemporaine,
Préface de Nedim Gürsel, Publisud, Paris 1991, pages 34-35.

Pour écouter ce poème lu en turc, cliquez ici.

Illustration : Nazim Hikmet/Edvard Munch « Mélancolie » (Photomontage, © Bruno Rigolt, juillet 2013)

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Marceline Desbordes-Valmore

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Marceline Desbordes-Valmore
(1786, Douai — 1859, Paris)… FRANCE

Hier, lundi 29 juillet : William Carlos Williams ÉTATS-UNIS
Demain, mercredi 31 juillet : Nazim Hikmet… TURQUIE

Les roses de Saadi

J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir.

Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées.
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.

Marceline Desbordes-Valmore
Poésies inédites, dernier recueil (1860)
Pour voir le texte dans l’édition originale, cliquez ici.

Illustration : Henri Matisse, « Roses devant une fenêtre » (coll. privée), 1925

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : William Carlos Williams

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… William Carlos Williams
(1883 — 1963, Rutherford)… ÉTATS-UNIS

Hier, dimanche 28 juillet : Adélia Prado… BRÉSIL
Demain, mardi 30 juillet : Marceline Desbordes-Valmore… FRANCE

 The Existentialist’s Wife L’Épouse de l’Existentialiste

I used to follow je suivais
the seasons les saisons
in this semi-northern sous ce climat

climate presque du nord
and the Warblers et les Fauvettes
that come qui viennent

in May knew en Mai savaient reconnaître
the Parula from la Parula
the myrtle et le myrte

when I found it depuis que je l’ai trouvée
dead on morte sur
the lawn there is la pelouse il n’y a

no season but de saison
the one plus qu’une seule
for me now pour moi maintenant

William Carlos Williams
Pictures from Brueghel and Other Poems (1962)
Traduction : Bruno Rigolt

Pour lire ce poème dans l’édition originale, cliquez ici.

Illustration : © Bruno Rigolt, « L’oiseau mort » (peinture numérique, 2013)

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Adélia Prado

 

← Illustration : François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Adélia Prado (1935, Divinópolis —      )… BRÉSIL

Hier, samedi 27 juillet : Mohammed Dib… ALGÉRIE
Demain, lundi 29 juillet : William Carlos Williams… ÉTATS-UNIS

 Antes do nome

Não me importa a palavra, esta corriqueira.
Quero é o esplêndido caos de onde emerge a sintaxe,
os sítios escuros onde nasce o « do », o « aliás »,
o « o », o « porém » e o « que », esta incompreensível
muleta que me apoia. 
Quem entender a linguagem entende Deus
cujo filho é o Verbo. Morre quem entender.
A palavra é disfarce de uma coisa mais grave, surda-muda,
foi inventada para ser calada.
Em momentos de graça, infrequentíssimos,
se poderá apanhá-la : um peixe vivo com a mão.
Puro susto e terror.

Adélia Prado
Bagagem, Imago Editora, Rio de Janeiro 1976

Avant le nom

Peu m’importe le mot, ce lieu commun.
Ce que je veux, c’est le chaos splendide d’où émerge la syntaxe,
les zones d’ombre où naît le « de », le « d’ailleurs »
le « ou », le « cependant » et le « que », cette incompréhensible
béquille qui me soutient.
Qui comprend le langage comprend Dieu
dont le fils est le Verbe. Qui comprend meurt.
Le mot est déguisement d’une chose plus grave, sourde-muette,
il a été inventé pour être tu.
En des moments de grâce, si rares,
on pourra le saisir tel un poisson vivant avec la main.
Épouvante pure et terreur.

Adélia Prado
Bagagem (Bagages), Imago Editora, Rio de Janeiro 1976
(Traduction : Bruno Rigolt)

Illustration : Hans Hartung (sans titre, circa 1956), encre de chine sur papier 

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Mohammed Dib

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Mohammed Dib (Tlemcen, Algérie 1920 – La Celle Saint-Cloud, France 2003)… ALGÉRIE
(M. Dib est un écrivain algérien de langue française)

Hier, vendredi 26 juillet : Renée Vivien… FRANCE
Demain, dimanche 28 juillet : Adélia Prado… BRÉSIL

 

épeler l’envers

 

crois mémoire d’arrière-saison
sur l’argile déflorée des glaisières
et fais les jours passer
comme à travers une absence

peut-être prendre la route de désir
que le cœur ne sait plus prolonger
peut-être l’heure de canicule noire
d’un autre désir couché sous les eaux

ou le sable léger confident de l’oubli
et la profondeur solaire que prodigue
une urne de connaissance invisible

souhait inventé par les lois anonymes
saison secondaire qui vends tes secrets
tes morts et les innocences de l’été

Mohammed Dib
Formulaires, éd. du Seuil, Paris 1970
Reproduit dans Œ
uvres complètes de Mohammed Dib, I Poésies. Édition établie et présentée par Habib Tengour,
Éditions de la Différence Paris 2007, page 65.


Illustration : René Magritte, « La Mémoire » (1948). Musée d’Ixelles, Bruxelles

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Renée Vivien

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Renée Vivien
(Pauline Mary Tarn, 1877, Londres — Paris, 1909)… FRANCE

Hier, jeudi 25 juillet : Anne-Marie Alonzo… QUÉBEC
Demain, samedi 27 juillet : Mohammed Dib… ALGÉRIE

 

La Conque

Passants, je me souviens du crépuscule vert
Où glissent lentement les ombres sous-marines,
Où les algues de jade au calice entr’ouvert
Étreignent de leurs bras fluides les ruines
Des vaisseaux autrefois pesants d’ivoire et d’or.
Je me souviens du soir où la nacre s’irise,
Où dorment les anneaux, étincelants encor,
Que donnaient à la mer ses époux de Venise.
Passants, je me souviens du mystique travail
Des vivants jardins qui recèlent, virginales,
L’anémone et la mousse et la fleur du corail
Dont l’effort des remous avive les pétales,
Rose animale et rouge éclose dans la nuit.
Je me souviens d’avoir bu l’odeur de la brume
Et d’avoir contemplé le sillage qui fuit
En laissant sur les flots une neige d’écume.
Je me souviens d’avoir vu, sur l’azur changeant
Des vagues, refleurir les astres du phosphore.
Mon lit d’amour était le doux sable d’argent.
Je me souviens d’avoir frôlé le madrépore
En ses palais, d’avoir vu les lambeaux empreints
De sel, qui furent des bannières déployées,
D’avoir pleuré les yeux et les cheveux éteints
Et les membres meurtris des Amantes noyées…
J’ai connu les frissons de leur baiser amer.
Dans mon cœur chante encor la musique illusoire
De l’Océan. — Je garde en ma frêle mémoire
Le murmure et l’haleine et l’âme de la mer.

Renée Vivien
 
Évocations, 1903
Le texte ainsi que le recueil sont consultables sur BnF-Gallica.

Illustration : Odilon Redon (1840-1916), « La Coquille », 1912 (pastel)
Paris, Musée d’Orsay

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Robert Vivier

 

← Illustration : François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie » : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

                    

Aujourd’hui… Robert Vivier
(Chênée/Liège, Belgique, 1894 — La Celle Saint-Cloud, France, 1989)… BELGIQUE

Hier, mardi 23 juillet : Giuseppe Ungaretti… ITALIE
Demain, jeudi 25 juillet : Anne-Marie Alonzo… QUÉBEC

                        

Chronos rêve

Dans la pénombre sans mémoire où les genoux
Éternisent leurs noirs basaltes de silence
Il advient qu’un ennui vaporeux se condense
En figures de vie. Une fois, ce fut nous

Ces jouets qu’intrigué le dieu flaire et, très doux,
Sur ses paumes longtemps éprouve puis balance,
Tant qu’à force d’y soupeser sa nonchalance
Il les serre d’un point morose et les dissout…

Plus rien, que deux genoux nettoyés par l’espace,
Falaises de l’oubli, cirque d’absence où passent
Immobiles, les bleus chevaux de l’infini.

Chronos rêve. Quelle ombre a frôlé sa paupière ?
Les hauts genoux vacants, tel un avare nid,
Attendent de bercer la nouvelle poussière.

Robert Vivier
Chronos rêve, la Renaissance du livre, Bruxelles 1959

Illustration : Salvator Dali (1904-1989), « La Désintégration de la persistance de la mémoire », 1952-1954 (huile sur toile, détail)
St. Petersburg (États-Unis, Floride), Salvator Dali Museum

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Giuseppe Ungaretti

 

← Illustration : François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie » : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

                       

Aujourd’hui… Giuseppe Ungaretti (1888, Alexandrie — 1970, Milan)… ITALIE

                 

Hier, lundi 22 juillet : Anna de Noailles… FRANCE
Demain, mercredi 24 juillet : Robert Vivier… BELGIQUE

Dove la luce Où la lumière

Come allodola ondosa Comme alouette ondoyante
Nel vento lieto sui giovani prati, Au vent joyeux sur les jeunes prés,
Le braccia ti sanno leggera, vieni. Viens légère dans mes bras.

Ci scorderemo di quaggiù, Nous oublierons ce bas-monde
E del male e del cielo, Et le mal et le ciel,
E del mio sangue rapido alla guerra, Et mon sang trop ardent à la guerre,
Di passi d’ombre memori Les pas d’ombres qui se souviennent
Entro rossori di mattine nuove. En des rougeurs d’aubes nouvelles.

Dove non muove foglia più la luce, Là où pas une feuille ne bouge, plus de lumière,
Sogni e crucci passati ad altre rive, Chagrins et rêves partis vers d’autres terres,
Dov’è posata sera, Là où s’est posé le soir,
Vieni ti porterò Viens, je te porterai
Alle colline d’oro. Aux collines dorées.

L’ora costante, liberi d’età,  Libérés du temps, l’heure immobile
Nel suo perduto nimbo Dans son halo perdu
Sarà nostro lenzuolo. Sera notre linceul.

Giuseppe Ungaretti
Il Porto sepolto, Le Port enseveli (1930)

Traduction : Bruno Rigolt

Illustration : Auguste Pégurier (1856-1936), « Vue s’un cimetière » (Saint-Tropez), 1890 (huile sur toile, détail)
Nice, Musée des Beaux-arts

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd'hui : Giuseppe Ungaretti

 

← Illustration : François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie » : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

                       

Aujourd’hui… Giuseppe Ungaretti (1888, Alexandrie — 1970, Milan)… ITALIE
                 
Hier, lundi 22 juillet : Anna de Noailles… FRANCE
Demain, mercredi 24 juillet : Robert Vivier… BELGIQUE

Dove la luce Où la lumière

Come allodola ondosa Comme alouette ondoyante
Nel vento lieto sui giovani prati, Au vent joyeux sur les jeunes prés,
Le braccia ti sanno leggera, vieni. Viens légère dans mes bras.

Ci scorderemo di quaggiù, Nous oublierons ce bas-monde
E del male e del cielo, Et le mal et le ciel,
E del mio sangue rapido alla guerra, Et mon sang trop ardent à la guerre,
Di passi d’ombre memori Les pas d’ombres qui se souviennent
Entro rossori di mattine nuove. En des rougeurs d’aubes nouvelles.

Dove non muove foglia più la luce, Là où pas une feuille ne bouge, plus de lumière,
Sogni e crucci passati ad altre rive, Chagrins et rêves partis vers d’autres terres,
Dov’è posata sera, Là où s’est posé le soir,
Vieni ti porterò Viens, je te porterai
Alle colline d’oro. Aux collines dorées.

L’ora costante, liberi d’età,  Libérés du temps, l’heure immobile
Nel suo perduto nimbo Dans son halo perdu
Sarà nostro lenzuolo. Sera notre linceul.

Giuseppe Ungaretti
Il Porto sepolto, Le Port enseveli (1930)

Traduction : Bruno Rigolt

Illustration : Auguste Pégurier (1856-1936), « Vue s’un cimetière » (Saint-Tropez), 1890 (huile sur toile, détail)
Nice, Musée des Beaux-arts

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd’hui : Anna de Noailles

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 

Aujourd’hui… Anna de Noailles (1876 — 1933, Paris) FRANCE

Demain, mardi 23 juillet : Giuseppe Ungaretti ITALIE

L’offrande à la Nature

Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n’aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses,
L’eau luisante et la terre où la vie a germé.

La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains,
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.

J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne
Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité,
Mes jeux ont égalé les travaux de l’automne
Et j’ai pleuré d’amour aux bras de vos étés.

Je suis venue à vous sans peur et sans prudence
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d’animal.

Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon cœur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.

Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète,
J’ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au cœur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.

Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature.
Ah ! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour,
Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l’amour…

Anna de Noailles (1876-1933)
Le Cœur innombrable, 1901

Anna de Noailles, autoportrait
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Extrait de : Album de photographies d’Anna de Noailles

Un été en Poésie… 22 juillet-22 août 2013… Aujourd'hui : Anna de Noailles

 

← Illustration : d’après François Bensa (Nice 1811-1895), « Le quartier du Lazaret avec la Réserve » (détail). Nice, Villa Masséna.

En été, hydratez votre cerveau au maximum !

Du lundi 22 juillet au jeudi 22 août inclus, découvrez une exposition inédite : « Un été en poésie«  : chaque jour, un poème sera publié. En tout, plus de vingt pays seront représentés dans ce tour du monde poétique. Conformément au cahier des charges éditorial de ce blog de Lettres, le principe de la parité sera strictement respecté.

 
Aujourd’hui… Anna de Noailles (1876 — 1933, Paris) FRANCE
Demain, mardi 23 juillet : Giuseppe Ungaretti ITALIE

L’offrande à la Nature

Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n’aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses,
L’eau luisante et la terre où la vie a germé.

La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains,
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.

J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne
Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité,
Mes jeux ont égalé les travaux de l’automne
Et j’ai pleuré d’amour aux bras de vos étés.

Je suis venue à vous sans peur et sans prudence
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d’animal.

Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon cœur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.

Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète,
J’ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au cœur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.

Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature.
Ah ! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour,
Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l’amour…

Anna de Noailles (1876-1933)
Le Cœur innombrable, 1901

Anna de Noailles, autoportrait
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Extrait de : Album de photographies d’Anna de Noailles

Concours AMOPA 2013. Lire en ligne… Aujourd’hui la contribution d'Amélie : « Dans la nuit du monde »

Concours AMOPA 2013
Thème : l’émerveillement

Nombreux sont mes élèves de Seconde  qui ont participé cette année au concours d’expression écrite « Défense et Illustration de la langue française », organisé par l’AMOPA (Association des Membres de l’Ordre des Palmes Académiques). Le thème choisi pour 2012-2013 était l’émerveillement. Étant donné la qualité des écrits (une de mes élèves a même terminé ex æquo à la première place du prix national), j’ai décidé de mettre en ligne sur ce site l’ensemble des productions. Aujourd’hui, découvrez le travail d’Amélie, un texte bouleversant, qui a permis à son auteure d’être lauréate départementale (deuxième accessit)
Bonne lecture. BR

Autres textes publiés :
– Lucie M. (Deuxième prix départemental) : « Près de l’étang du parc »
– Romane G. : « Quelques miettes de sel et d’eau »
– Léna G.-S. (Premier prix national) : Composition française à partir d’une citation d’Einstein

                    

Dans la nuit du monde

Par Amélie S.
Classe de Seconde 9

Une feuille qui tombe, une simple feuille qui tombe avec le soir… Pas de quoi s’émerveiller diront certains. Et pourtant voilà mon sujet d’émerveillement. Oh ! Je sais que c’est un émerveillement simple, un émerveillement humble qu’une simple feuille qui tombe. Et pourtant…

Lorsque l’on se surprend à s’émerveiller, le temps s’arrête, plus rien ne bouge autour de nous, tant l’objet de notre émerveillement provoque un sentiment d’admiration intense pour une petite feuille de rien du tout qui tombe dans un soir ordinaire, comme tous les autres soirs.

S’émerveiller devant une feuille tombant d’un arbre est quelque chose de pur. En portant le regard sur une feuille banale, la personne émerveillée invite cette feuille à se sentir existante, alors qu’elle n’est que feuille. Elle s’idéalise aux yeux de l’émerveillé, lui rappelle d’où il vient et où il ira plus tard. Inspirant la nature, cette feuille est un don de la vie. Si elle a été créée, n’est-ce pas dans le but de profiter à quelqu’un sur cette terre si grande ? Une feuille, une simple feuille qui tombe dans le jour enfin tombé, aide peut-être une personne à tout oublier. Une feuille pour oublier ce monde désenchanté. Une feuille pour peut-être tout recommencer…

Quand je vois une feuille, j’oublie parfois le mal-être que je peux ressentir en moi : c’est comme une sensation de voyage et d’ailleurs. Je me demande : où va cette feuille ? Où se dirige-t-elle ? Peut-être vers l’imaginaire et le rêve ? Peut-être veut-elle fuir les vérités banales et matérielles de ce monde ? Alors, elle fait ses bagages, quitte l’arbre trop connu, et le square trop fréquenté pour entreprendre le grand voyage, de branche en branche, de courants d’air en bourrasques, de novembres pluvieux en févriers frileux… Voulant découvrir tout autre chose que son arbre, c’est pour cela peut-être qu’elle s’enfuit : avec quelle légèreté elle se décroche et tombe de l’arbre ! Elle ne se soucie guère du temps qui s’écoule et se laisse tomber purement ; cette feuille est merveilleuse : elle est humaine.

Faisant sa vie sans se préoccuper des autres, elle se promène et entreprend son périple comme bon lui semble de l’autre côté de la terre ou de l’autre côté de la vie. Son voyage peut durer une éternité, jusqu’à ce qu’elle décide de se figer dans le temps et ainsi y rester à jamais en se décomposant. Une petite feuille de rien du tout, comme une petite mort de rien du tout : voilà le merveilleux, le miracle de la vie ! Une petite feuille qui entame son chemin en direction de demain.

Son arbre qui était sa source était son dernier espoir de rester en vie, et pourtant elle s’en sépare. Un au-revoir sur le quai du départ, quelques larmes de pluie : « adieu, ne prends pas froid », comme si elle avait senti que c’était le début de la fin pour elle. Ensuite commence le long voyage… Arrive le moment si redouté de sa décomposition, le moment où la vie s’arrête, où la nuit s’éveille : elle seule a choisi de changer de vie…

Je sens son cœur qui bat dans la nuit du monde…

© Amélie S.
Février 2013 (mai 2013 pour la présente publication)

Crédit iconographique : Bruno Rigolt

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les travaux des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 2.0 France. La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du document cité (URL de la page).

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Concours AMOPA 2013. Lire en ligne… Aujourd’hui la contribution d’Amélie : « Dans la nuit du monde »

Concours AMOPA 2013
Thème : l’émerveillement

Nombreux sont mes élèves de Seconde  qui ont participé cette année au concours d’expression écrite « Défense et Illustration de la langue française », organisé par l’AMOPA (Association des Membres de l’Ordre des Palmes Académiques). Le thème choisi pour 2012-2013 était l’émerveillement. Étant donné la qualité des écrits (une de mes élèves a même terminé ex æquo à la première place du prix national), j’ai décidé de mettre en ligne sur ce site l’ensemble des productions. Aujourd’hui, découvrez le travail d’Amélie, un texte bouleversant, qui a permis à son auteure d’être lauréate départementale (deuxième accessit)
Bonne lecture. BR

Autres textes publiés :
– Lucie M. (Deuxième prix départemental) : « Près de l’étang du parc »
– Romane G. : « Quelques miettes de sel et d’eau »
– Léna G.-S. (Premier prix national) : Composition française à partir d’une citation d’Einstein

                    

Dans la nuit du monde

Par Amélie S.
Classe de Seconde 9

Une feuille qui tombe, une simple feuille qui tombe avec le soir… Pas de quoi s’émerveiller diront certains. Et pourtant voilà mon sujet d’émerveillement. Oh ! Je sais que c’est un émerveillement simple, un émerveillement humble qu’une simple feuille qui tombe. Et pourtant…

Lorsque l’on se surprend à s’émerveiller, le temps s’arrête, plus rien ne bouge autour de nous, tant l’objet de notre émerveillement provoque un sentiment d’admiration intense pour une petite feuille de rien du tout qui tombe dans un soir ordinaire, comme tous les autres soirs.

S’émerveiller devant une feuille tombant d’un arbre est quelque chose de pur. En portant le regard sur une feuille banale, la personne émerveillée invite cette feuille à se sentir existante, alors qu’elle n’est que feuille. Elle s’idéalise aux yeux de l’émerveillé, lui rappelle d’où il vient et où il ira plus tard. Inspirant la nature, cette feuille est un don de la vie. Si elle a été créée, n’est-ce pas dans le but de profiter à quelqu’un sur cette terre si grande ? Une feuille, une simple feuille qui tombe dans le jour enfin tombé, aide peut-être une personne à tout oublier. Une feuille pour oublier ce monde désenchanté. Une feuille pour peut-être tout recommencer…

Quand je vois une feuille, j’oublie parfois le mal-être que je peux ressentir en moi : c’est comme une sensation de voyage et d’ailleurs. Je me demande : où va cette feuille ? Où se dirige-t-elle ? Peut-être vers l’imaginaire et le rêve ? Peut-être veut-elle fuir les vérités banales et matérielles de ce monde ? Alors, elle fait ses bagages, quitte l’arbre trop connu, et le square trop fréquenté pour entreprendre le grand voyage, de branche en branche, de courants d’air en bourrasques, de novembres pluvieux en févriers frileux… Voulant découvrir tout autre chose que son arbre, c’est pour cela peut-être qu’elle s’enfuit : avec quelle légèreté elle se décroche et tombe de l’arbre ! Elle ne se soucie guère du temps qui s’écoule et se laisse tomber purement ; cette feuille est merveilleuse : elle est humaine.

Faisant sa vie sans se préoccuper des autres, elle se promène et entreprend son périple comme bon lui semble de l’autre côté de la terre ou de l’autre côté de la vie. Son voyage peut durer une éternité, jusqu’à ce qu’elle décide de se figer dans le temps et ainsi y rester à jamais en se décomposant. Une petite feuille de rien du tout, comme une petite mort de rien du tout : voilà le merveilleux, le miracle de la vie ! Une petite feuille qui entame son chemin en direction de demain.

Son arbre qui était sa source était son dernier espoir de rester en vie, et pourtant elle s’en sépare. Un au-revoir sur le quai du départ, quelques larmes de pluie : « adieu, ne prends pas froid », comme si elle avait senti que c’était le début de la fin pour elle. Ensuite commence le long voyage… Arrive le moment si redouté de sa décomposition, le moment où la vie s’arrête, où la nuit s’éveille : elle seule a choisi de changer de vie…

Je sens son cœur qui bat dans la nuit du monde…

© Amélie S.
Février 2013 (mai 2013 pour la présente publication)

Crédit iconographique : Bruno Rigolt

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les travaux des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 2.0 France. La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du document cité (URL de la page).

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Prix de l'AMOPA 2013 : le Lycée en Forêt en tête du classement national

L’Association des Membres de l’Ordre des Palmes Académique (AMOPA) vient de décerner son prestigieux Prix d’Expression écrite « Défense et Illustration de la langue française » (Section Lycée) à l’une de mes élèves : Léna GNORRA-SONNERAT (Premier prix national ex æquo, et premier prix départemental) pour sa brillante dissertation qui portait sur le thème de l’émerveillement. Le sujet de composition française, particulièrement ardu, était le suivant : « Un homme qui n’est plus capable de s’émerveiller a pratiquement cessé de vivre ». Dans quelle mesure peut-on adhérer à ce jugement d’Albert Einstein ?

Par ailleurs, trois autres de mes élèves ont été sélectionnées au niveau académique :

  • Lucie M. (deuxième prix départemental),
  • Annaël P. (premier accessit),
  • Amélie S. (deuxième accessit).

Bravo enfin à la classe de Seconde 9 (promotion 2012-2013) pour sa remarquable implication.

Les productions écrites dans leur ensemble vont être mises en ligne sur cet Espace Pédagogique Contributif et feront l’objet d’une publication ultérieure sous forme d’un recueil qui sera consultable au CDI du Lycée.

Prix de l’AMOPA 2013 : le Lycée en Forêt en tête du classement national

L’Association des Membres de l’Ordre des Palmes Académique (AMOPA) vient de décerner son prestigieux Prix d’Expression écrite « Défense et Illustration de la langue française » (Section Lycée) à l’une de mes élèves : Léna GNORRA-SONNERAT (Premier prix national ex æquo, et premier prix départemental) pour sa brillante dissertation qui portait sur le thème de l’émerveillement. Le sujet de composition française, particulièrement ardu, était le suivant : « Un homme qui n’est plus capable de s’émerveiller a pratiquement cessé de vivre ». Dans quelle mesure peut-on adhérer à ce jugement d’Albert Einstein ?

Par ailleurs, trois autres de mes élèves ont été sélectionnées au niveau académique :

  • Lucie M. (deuxième prix départemental),
  • Annaël P. (premier accessit),
  • Amélie S. (deuxième accessit).

Bravo enfin à la classe de Seconde 9 (promotion 2012-2013) pour sa remarquable implication.

Les productions écrites dans leur ensemble vont être mises en ligne sur cet Espace Pédagogique Contributif et feront l’objet d’une publication ultérieure sous forme d’un recueil qui sera consultable au CDI du Lycée.