Entraînement à l’épreuve de Culture générale et expression du BTS “Invitation au voyage”. La route : une invitation au voyage.

Entraînement à l’épreuve de Culture générale et expression du BTS

Thème 2023-2024 : “Invitation au voyage”

Entraînement n°1
Thème au programme : Invitation au voyage

Sujet complet conforme au BTS
Les corrigés sont disponibles en cliquant ici.

La route : une invitation au voyage

Crédit iconographique : © Bruno Rigolt, 2009.
(photomontage et peinture numérique)

Du vagabondage territorial à la quête existentielle…

Qu’est-ce qu’une route ? Comme le rappelle Régis Debray, c’est tout d’abord une “trace tangible inscrite matériellement dans le sol”1. Le CNRTL précise ainsi la définition : “Voie de communication importante (par opposition à chemin) qui permet la circulation de véhicules entre deux points géographiques donnés, généralement deux agglomérations”.

Mais à ce déplacement spatial, géographique, horizontal, se superpose un déplacement vertical : en ce sens la route, loin de se limiter à une vision purement utilitaire destinée à relier les villes, à organiser les territoires, occupe une place à part dans nos imaginaires. Face à l’engluement dans le conservatisme, les stéréotypes et les clichés, la route, c’est d’abord l’affranchissement, la liberté.

De fait, le voyage ne saurait s’apparenter à un simple déplacement. Faire ses valises, partir, c’est accepter de voir le monde différemment, s’arracher de son quotidien, changer de façon de vivre pour découvrir le monde et se confronter à l’inconnu afin de se découvrir soi-même, loin des pressions sociales et familiales.

Comme le rappelle le dictionnaire Littré, la route signifie en effet la rupture (étymologie de route = ruptus2), elle fait perdre tout contact avec l’enracinement sédentaire et ses normes. Parce qu’elle s’inscrit dans l’imaginaire des grands espaces propre à la civilisation de la voiture, la route permet d’ouvrir son regard sur le monde, sur d’autres modes de vie.

De fait, le mythe fondateur de la route, c’est l’exploration de l’inconnu, le désir d’aventure, qui permet une autre relation au monde et à la réalité des choses. Des chemins de Saint-Jacques de Compostelle à la célèbre route 66, la route édifie toute une mythologie qui impose une façon d’être : rompre avec ses racines, se dégager de sa condition sociale, parfois de la morale.

Le vagabondage renvoie ainsi à la jeunesse, au héros aventurier, synonyme d’errance et de désir d’anti-conformisme par opposition à la norme sociale. Comme vous le verrez en parcourant les documents de ce corpus, le voyage par la route devient un besoin physique de fuite en avant et de découvertes : c’est un état d’esprit permettant de réfléchir sur le sens de la vie.

Le succès américain du livre de Jon Krakauer, Into the Wild : voyage au bout de la solitude2, met en évidence cette dimension initiatique du voyage, comme le révèle le pseudonyme d’Alexander Supertramp, le vagabond3. Un tel choix suppose l’acceptation d’un certain dénuement : renouvellement de la personne, quête quasi existentielle. À travers le voyage initiatique, il s’agit de chercher à se découvrir afin de se construire pour atteindre la vérité.

Loin des bonheurs superficiels, la route est ainsi le miroir d’un ailleurs fantasmé, qui passe plus ou moins par le rejet de la terre-mère, le rêve de liberté et la volonté d’échapper à l’ordre établi, aux préjugés et à l’hypocrisie d’un monde de compromis. Quête mystique, perte des repères, voyage intérieur… la route s’apparente à une sorte de quête impossible de la Terre promise… B. R.

NOTES

1. Régis Debray, « Rhapsodie pour la route », Les Cahiers de médiologie, 2, 1996, p. 6. Cité par Caroline Courbières dans “La route, milieu mythique”, Communication & langages 2018/1 (N° 195). |lien|
2. Bourguig. rôte ; du bas-lat. via rupta, voie rompue, voie qu’on a faite en rompant la forêt et le terrain (voy. ROMPRE). Source : https://www.littre.org/definition/route
3. Le livre a été magnifiquement adapté au cinéma par Sean Penn en 2007 (Into the Wild).

NIVEAU DE DIFFICULTÉ : ** (* ACCESSIBLE ; ** MOYENNEMENT DIFFICILE*** DIFFICILE)

Activités d’écriture : 

♦ Synthèse : Vous réaliserez une synthèse concise, ordonnée et objective des documents suivants :

  1. Isabelle Eberhardt, “Vagabondages”, 1902. Œuvres complètes : Écrits sur le sable, Tome I, Grasset 1989, p. 25-26.
  2. Jack Kerouac, Sur la route (On the road), 1957
  3. Jean-Jacques Goldman, “On ira”, 1997
  4. Eric Bournot, Joana Boukhabza, Road trips en van : Itinéraires sauvages et bucoliques sur les plus belles routes de nos régions, 2022

♦ Écriture personnelle :

  • Sujet 1 : Dans quelle mesure le dépaysement permet-il de réfléchir différemment sur soi ?
  • Sujet 2 : Vous est-il arrivé de vouloir tout quitter pour partir sur les routes ?

Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos connaissances personnelles.

Document n°1 : Isabelle Eberhardt, “Vagabondages”, 1902.

Isabelle Eberhardt (Genève, 1877 – Aïn-Sefra, Algérie, 1904) est une exploratrice, journaliste et écrivaine née suisse de parents d’origine russe, et devenue française par son mariage. Morte accidentellement lors de la crue d’un oued à la frontière algéro-marocaine, c’est une femme de lettres d’une très grande érudition. Polyglotte accomplie, elle se passionne pour le Maghreb, la culture arabe et la civilisation islamique. Très critique à l’égard de la colonisation française, elle mène une vie de nomade, mêlant son existence à celle des peuples de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie auxquels elle vouait une véritable admiration. Vous pouvez consulter sur Gallica un de ses ouvrages majeurs, Pages d’Islam, et plus particulièrement cette nouvelle : “Cheminot”, dont la lecture (très brève) est judicieuse pour le thème (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5516207x/f160.item).

[…] le vagabondage, c’est l’affranchissement, et la vie le long des routes, c’est la liberté.
Rompre un jour bravement toutes les entraves dont la vie moderne et la faiblesse de notre cœur, sous prétexte de liberté, ont chargé notre geste, s’armer du bâton et de la besace symboliques, et s’en aller !
Pour qui connaît la valeur et aussi la délectable saveur de la solitaire liberté (car on n’est libre que tant qu’on est seul), l’acte de s’en aller est le plus courageux et le plus beau. Égoïste bonheur peut-être, mais c’est le bonheur pour qui sait le goûter.
Être seul, être pauvre de besoins, être ignoré, étranger et chez soi partout, et marcher, solitaire et grand à la conquête du monde.
Le chemineau solide, assis sur le bord de la route, et qui contemple l’horizon libre, ouvert devant lui, n’est-il pas le maître absolu des terres, des eaux et même des cieux ?
Quel châtelain peut rivaliser avec lui en puissance et en opulence ?
Son fief n’a pas de limites, et son empire pas de loi.
Aucun servage n’avilit son allure, aucun labeur ne courbe son échine vers la terre qu’il possède et qui se donne à lui, toute, en bonté et en beauté.
Le paria, dans notre société moderne, c’est le nomade, le vagabond, « sans domicile ni résidence connus ».
En ajoutant ces quelques mots au nom d’un irrégulier quelconque, les hommes d’ordre et de loi croient le flétrir à jamais.
Avoir un domicile, une famille, une propriété ou une fonction publique, des moyens d’existence définis, être enfin un rouage appréciable de la machine sociale, autant de choses qui semblent nécessaires, indispensables presque à l’immense majorité des hommes, même aux intellectuels, même à ceux qui se croient le plus affranchis.
Cependant, tout cela n’est que la forme variée de l’esclavage auquel nous astreint le contact avec nos semblables, surtout un contact réglé et continuel.
J’ai toujours écouté avec admiration, sans envie les récits de braves gens qui ont vécu des vingt et trente ans dans le même quartier, voire dans la même maison, qui n’ont jamais quitté leur ville natale.
Ne pas éprouver le torturant besoin de savoir et de voir ce qu’il y a là-bas, au-delà de la mystérieuse muraille bleue de l’horizon….Ne pas sentir l’oppression déprimante de la monotonie des décors…regarder la route qui s’en va toute blanche, vers les lointains inconnus, sans ressentir l’impérieux besoin de se donner à elle, de la suivre docilement, à travers les monts et les vallées, tout ce besoin peureux d’immobilité, ressemble à la résignation inconsciente de la bête, que la servitude abrutit, et qui tend le cou vers le harnais.

Isabelle Eberhardt, “Vagabondages”, 1902.
Œuvres complètes : Écrits sur le sable, Tome I, Grasset 1989, p. 25-26.

Document n°2 : Jack Kerouac, Sur la route (On the road), 1957.

Chef de file de la « Beat Generation », Jack Kerouac (1922-1969) est un écrivain américain d’origine canadienne-française. Très représentative de la Contreculture et largement controversée de son vivant, son œuvre est anticonformiste et annonce la période de contestation sociale qui bouleversera la fin des années Soixante aux États-Unis. Sur la route (rédigé en 1951 mais publié en 1957) se présente à ce titre comme une ode audacieuse à la liberté et au “dérèglement de tous les sens”, pour reprendre une expression de Rimbaud. L’impression qui ressort à la lecture de cette immense fresque, partagée entre les paysages uniques de l’Amérique et les dérives de toute sorte, est le don poétique de Kerouac, apte à nous faire ressentir, à travers l’exil des routes, l’immensité même du « paysage humain ». De fait ce roman, largement autobiographique, se lit un peu comme un road movie : la route elle-même devient intrigue et le voyage cheminement spirituel, moyen de s’emparer, en le parcourant, du monde qui nous entoure. 

Il y eut de la bruine et du mystère dès le début du voyage. Je me rendais compte que tout cela allait être une vaste épopée de brume. « Hou ! » gueula Dean. « En route ! » Et il se coucha sur le volant et écrasa le champignon ; il était de nouveau dans son élément, c’était visible. On était tous aux anges, on savait tous qu’on laissait derrière nous le désordre et l’absurdité et qu’on remplissait notre noble et unique fonction dans l’espace et dans le temps, j’entends le mouvement. Et quant à se mouvoir, on le faisait ! On passa dans un éclair, quelque part dans la nuit du New Jersey, les mystérieux symboles blancs qui indiquent : SUD (avec une flèche) et OUEST (avec une flèche) et on bifurqua au Sud. La Nouvelle-Orléans ! Elle flamboyait dans nos têtes. Quittant les neiges fangeuses1 de […] New York, […] on roulait vers la végétation et le parfum fluvial de la vieille Nouvelle-Orléans aux confins délavés de l’Amérique ; ensuite ce serait l’Ouest. Ed était sur le siège arrière ; Marylou, Dean et moi étions assis devant et tenions les discussions les plus passionnées sur l’excellence et les charmes de la vie. Dean devint tendre tout à coup. « Eh bien, bon Dieu, tenez, tous autant que vous êtes, nous devons reconnaître que tout est beau et qu’il n’y a aucune nécessité en ce monde de se faire du souci et, de fait, nous devrions nous rendre compte de ce que signifierait pour nous la COMPRÉHENSION de ceci, que nous n’avons RÉELLEMENT AUCUN souci. N’ai-je pas raison ?» On était tous d’accord.« Allons-y, on est tous ensemble… Qu’est-ce qu’on a foutu à New York ? Passons l’éponge. » Nous avions laissé derrière nous toutes nos querelles. « Tout ça est dans notre dos, il suffit d’allonger les milles et descendre nos penchants naturels. Nous avons mis le cap sur la Nouvelle-Orléans pour savourer Old Bull Lee2 : ne sera-ce pas formidable, non ? et puis écoutez, voulez-vous, ce vieil alto crever le plafond – il fit si fort gueuler la radio que la bagnole en vibrait – et écoutez-le raconter son histoire, nous dire ce que c’est, le vrai repos et la pure connaissance.» On était tous d’accord pour la musique et en pleine harmonie. La pureté de la route. La ligne blanche du milieu de l’autostrade se déroulait et léchait notre pneu avant gauche comme si elle avait collé à notre étrave. […] Tout seul dans la nuit, je m’abandonnais à mes pensées et maintenais l’auto le long de la ligne blanche de la route sacrée. Qu’est-ce que je faisais ? Où j’allais ? Je le découvrirais bientôt. J’étais claqué après Macon3 et je réveillai Dean pour qu’il me relaie. On sortit de l’auto pour prendre l’air et soudain on fut tous deux abasourdis de joie quand on se rendit compte que, dans l’obscurité autour de nous, s’étendaient de verts pâturages embaumés et montaient des relents de fumier frais et d’eaux tièdes. « On est dans le Sud ! On a grillé l’hiver ! » L’aube pâle illumina des arbustes verdoyants au bord de la route. Je gonflai d’air mes poumons; une locomotive hurla dans l’obscurité, filant sur Mobile4. Nous aussi, nous y filions. J’enlevai ma chemise, plein d’allégresse. Dix milles plus loin, Dean entra dans une station d’essence, les gaz coupés, vérifia que l’employé dormait à poings fermés sur le bureau, sortit d’un bond, remplit tranquillement le réservoir d’essence, prit garde que la sonnette ne tinte pas, et mit les voiles comme un Bédouin avec un réservoir plein de cinq dollars d’essence pour notre pèlerinage.
Je m’endormis et m’éveillai au bruit d’une musique loufoque et triomphante; Dean et Marylou discutaient tandis que défilait l’immensité verdoyante. « Où on est ?

— On vient de traverser le bout de la Floride, mon pote… Flomaton5, ça s’appelle. » La Floride ! On roulait vers la plaine côtière et Mobile ; droit devant nous, de grands nuages planaient sur le Golfe du Mexique. Il y avait seulement trente-deux heures qu’on avait quitté nos amis dans la neige du Nord. […] À l’entrée de Mobile, sur la longue route inondée aux grandes marées, on enleva toutes nos fringues d’hiver et on savoura la température du Sud.

Jack Kerouac, Sur la route (On the road), 1960 pour la traduction française.
© Folio Gallimard 2022. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Houbart. Préface de Michel Mohrt. pages 189-190 ; 195-196.

1. fangeuses : boueuses.
2. Old Bull Lee : William S. Burroughs (1914-1997), un des écrivains majeurs de la Beat Generation. Ce mouvement symbole de l’Amérique des années 50-60 revendiquait des engagements politiques extrêmes à l’opposé de toutes les conventions sociales et refusait le capitalisme sous toutes ses formes.
3. Macon : ville située au centre de la Géorgie.
4. Mobile : ville de l’Alabama située au centre de la Côte du Golfe du Mexique.
5. Flomaton : ville du comté d’Escambia, en Alabama.
 

Document n°3 : Jean-Jacques Goldman, “On ira”, 1997.

On partira de nuit, l’heure où l’on doute

Que demain revienne encore
Loin des villes soumises, on suivra l’autoroute
Ensuite on perdra tous les Nords

On laissera nos clés, nos cartes et nos codes,
Prisons pour nous retenir
Tous ces gens qu’on voit vivre comme s’ils ignorent
Qu’un jour il faudra mourir

Et qui se font surprendre au soir
Oh belle, on ira
On partira toi et moi, où ? Je sais pas
Y’a que les routes qui sont belles
Et peu importe où elles nous mènent
Oh belle, on ira
On suivra les étoiles et les chercheurs d’or
Si on en trouve, on cherchera encore

On n’échappe à rien, pas même à ses fuites
Quand on se pose on est mort
Oh j’ai tant obéi, si peu choisi petite
Et le temps perdu me dévore

On prendra les froids, les brûlures en face
On interdira les tiédeurs
Des fumées, des alcools et des calmants cuirasses
Qui nous ont volé nos douleurs

La vérité nous fera plus peur
Oh belle, on ira
On partira toi et moi, où ? Je sais pas
Y’a que des routes qui tremblent
Les destinations se ressemblent
Oh belle, tu verras
On suivra les étoiles et les chercheurs d’or
On s’arrêtera jamais dans les ports, jamais

Oh belle, on ira
Et l’ombre ne nous rattrapera peut-être pas
On ne changera pas le monde
Mais il ne nous changera pas
Oh ma belle, tiens mon bras
On sera des milliers dans ce cas, tu verras
Et même si tout est joué d’avance,
On ira, on ira

Même si tout est joué d’avance
À côté de moi
Tu sais y’a que les routes qui sont belles
Et crois-moi, on partira, tu verras
Si tu me crois, belle
Si tu me crois, belle
Un jour on partira
Si tu me crois, belle
Un jour…

© Jean-Jacques Goldman, Album En passant, 1997.

Clip réalisé par Gérard Namiand (comédienne : Élodie Navarre)

Document n°4 : Eric Bournot, Joana Boukhabza, Road trips en van : Itinéraires sauvages et bucoliques sur les plus belles routes de nos régions, 2022.

Joana & Éric, voyageurs à plein temps en van(s) aménagé(s), créateurs et auteurs du site ” Des Fenêtres sur le Monde”

Originaires tous deux du sud de la France, nous sommes passionnés de nature, de voyage et de vieille mécanique mais surtout de Combis Volkswagen.
Nous nous sommes rencontrés pendant nos études et nous avons cette chance d’être à la fois similaires et complémentaires. Nous nous retrouvons autour de mêmes passions et mêmes envies, de regards semblables mais différents sur ce qui nous entoure, et une soif intarissable d’apprendre et de découvrir.
[…] Architectes de formation, en 2015, nous avons fait le choix de quitter un schéma de vie « classique » pour une vie un peu plus à notre image… aventureuse, créative ! Une vie faite d’Ailleurs, d’inattendu et de rencontres.

Nous avons donc rendu notre appartement, vendu nos affaires et quitté la France pour le Canada où nous avons acheté notre van « Popo », un Volkswagen T3 de 1984, et effectué un premier road trip de plus de 77 000 km à travers le pays des caribous et les États-Unis.

À force de randonnées, bivouacs, observations d’animaux sauvages, paysages de carte postale, incroyables rencontres et, il faut le dire aussi, quelques galères, nous sommes devenus totalement accros à ce style de voyage. Et au fil des kilomètres, le road trip s’est transformé en un mode de vie que l’on appelle désormais le vanlife.

Presque 200 000 km et plusieurs années après, nous vivons/ voyageons à temps plein sur les routes, avec l’envie d’aller toujours plus loin. Ce petit van orange ne nous a plus quittés. De l’Alaska au Guatemala, notre compagnon de route est devenu, au-delà de notre maison sur roues, un membre de notre famille, un cocon, symbole des possibles.

Nous passons notre vie que la route à découvrir ce qui nous entoure, mais aussi à nous découvrir nous-mêmes.
[…] Une obsession du voyage, de l’outdoor et de la découverte, une nécessité d’être toujours en mouvement qui nous poussent à vouloir en voir toujours plus à travers les fenêtres de nos vans. Parce que le voyage est sans nul doute une fabuleuse ouverture sur le monde, impossible maintenant pour nous d’enclencher la marche arrière…

Rien n’est linéaire, et si nous avons appris une chose toutes ces années de vie sur la route, c’est qu’il faut s’adapter, oser et vivre.


Pour aller plus loin…

Afin de nourrir votre réflexion pour l’écriture personnelle, inspirez-vous de ces références culturelles…

“Song of the Open Road” (I) (1856)
Walt Whitman (1819-1892)

Afoot and light-hearted I take to the open road,
Healthy, free, the world before me,
The long brown path before me leading wherever I choose.

Henceforth I ask not good-fortune, I myself am good-fortune,
Henceforth I whimper no more, postpone no more, need nothing,
Done with indoor complaints, libraries, querulous criticisms,
Strong and content I travel the open road.

The earth, that is sufficient,
I do not want the constellations any nearer,
I know they are very well where they are,
I know they suffice for those who belong to them.

(Still here I carry my old delicious burdens,
I carry them, men and women, I carry them with me wherever I go,
I swear it is impossible for me to get rid of them,
I am fill’d with them, and I will fill them in return.)

Chanson de la grand-route

Debout et le cœur léger je pars sur la grand-route,
En pleine santé, libre, le monde est devant moi,
Le long sentier brun devant moi me mène où bon me semble.

Désormais je ne demande pas la chance, je suis moi-même la chance,
Désormais je ne pleurniche plus, je n’ajourne plus, je n’ai plus besoin de rien,
Fini les plaintes routinières, les bibliothèques, les critiques querelleuses,
Fort et content, je voyage sur la grand-route.

La terre, ça suffit,
Je ne veux pas que les constellations se rapprochent,
Je sais qu’elles sont très bien là où elles sont,
Je sais qu’elles suffisent à ceux qui les habitent.

(Encore ici je porte mes précieux fardeaux d’autrefois,
Je les porte, hommes et femmes, je les porte partout où je vais,
Je jure qu’il m’est impossible de m’en débarrasser,
J’en suis rempli, et je les remplirai en retour.)

[traduction : BR]

Bernard Lavilliers, “On the road again” (1988)
Album If (Barclay). Paroles : B. Lavilliers. Musique : Sebastian Santa Maria.

Jack Kerouac, Sur la route

« Nos bagages cabossés étaient de nouveau empilés sur le trottoir ; nous avions encore bien du chemin à faire. Mais qu’importait, la route, c’est la vie. »

Our battered suitcases were piled on the sidewalk again; we had longer ways to go. But no matter, the road is life.

Jack Kerouac, Sur la route, Folio Gallimard, p. 300.

Jean-Jacques Goldman, “Là-bas” (1987)
Album : Entre gris clair et gris foncé. Paroles et musique : Jean-Jacques Goldman 

Là-bas
Tout est neuf et tout est sauvage
Libre continent sans grillage
Ici, nos rêves sont étroits”

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Émile Verhaeren

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Émile Verhaeren
(1855, Saint-Amand, Belgique — Rouen, France, 1916, ) 
Belgique

Avec ce poème s’achève l’édition 2022 d’Un été en poésie…

Vaguement

Voir une fleur là-bas, fragile et nonchalante,
En cadence dormir au bout d’un rameau clair,
En cadence, le soir, fragile et nonchalante,
Dormir ; — et tout à coup voir luire au clair de l’air,
Luire, comme une pierre, un insecte qui danse,
Instant de nacre en fuite au long d’un rayon d’or ;
— Et voir à l’horizon un navire qui danse
Sur ses ancres et qui s’enfle et tente l’essor,
Un navire lointain vers les grèves lointaines,
Et les îles et les hâvres et les départs
Et les adieux ; — et puis, à ces choses lointaines,
A ces choses du soir confier les hasards :
Craindre si la fleur tombe ou si l’insecte passe
Ou s’il part le navire à travers vents, là-bas,
Vers la tempête et vers l’écume et vers l’espace
Danser, parmi la houle énorme, au son des glas…
Ton souvenir ! — et le mêler à ces présages,
À ce navire, à cet insecte, à cette fleur,
Ton souvenir qui plane, ainsi que des nuages,
Au couchant d’ombre et d’or de ma douleur.

(1886)

Émile Verhaeren, Poèmes, Les Bords de la route (1882-1894), “Décors tristes”
Paris, Mercure de France, 1895, p. 15-16. 

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« Ton souvenir qui plane, ainsi que des nuages,
Au couchant d’ombre et d’or de ma douleur 
»…

Illustration : Bruno Rigolt, “Barque au couchant”
peinture numérique
© août 2022, Bruno Rigolt

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui May Ziadé

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… May Ziadé
(1884, Nazareth, Israël — 1941, Le Caire, Égypte) Liban

vendredi 12 août : Émile Verhaeren

Une petite histoire

Ce n’est pas le récit du navire novice
Qui n’avait de sa vie encore navigué ;
À la lire on y trouve un… un presque délice,
C’est un délassement pour l’esprit fatigué.
Aussi n’est-elle ni longue, ni languissante,
N’a rien d’impénétrable ou de mystérieux ;
Elle est très, très courte et, peut-être, intéressante !
Prêtez-moi pour l’entendre un intérêt sérieux.

Avis :

Mon histoire est un peu géographique.

J’étais en pension.
_______________La ville nostalgique
Que baigne l’Océan vous tous la connaissez ;
Ses sables sont toujours par les flots caressés…
Et c’est Beyrouth… Beyrouth la porte de Syrie,
Dont l’azur est riant et la rive fleurie.

Et c’était l’examen qu’on dit semestriel.
Notre examinateur, un excellent mortel,
Avait mis de côté tout intérêt de science
Et n’agissait qu’avec une extrême indulgence ;
Devant lui l’élève à l’autre se succédait,
Écoutait tous ses mots, pensait, y répondait.

Arrivait le beau tour d’une enfant. Fort à l’aise
En face d’un dessin de la terre Française,
Elle attendait un geste, un mot, une question.
« Où sont les Alpes ? » dit-il d’un aimable ton.
Le doigt fier, esquissant un fort immense geste,
D’une voix qui voudrait être toute céleste
Elle répondit . . . . . . . . . . . .
« Les Alpes sont dans la mer Méditerranée ! »

May Ziadé, Fleurs de rêve*, Le Caire, Boehme et Anderer, 1911.
Ouvrage publié sous le pseudonyme d’Isis Copia**.
*Ouvrage rédigé en français et dédié au poète Alphonse de Lamartine.
** Isis Copia : pseudonyme choisi en référence à la déesse égyptienne Isis, sœur et épouse d’Osiris, protectrice de l’enfance. Quant au nom Copia, il désigne en latin l’abondance et la richesse.
   __

« D’une voix qui voudrait être toute céleste
Elle répondit . . . . . . . . . . . .
« Les Alpes sont dans la mer Méditerranée !
»…

Illustration : Bruno Rigolt, août 2022
photomontage et peinture numérique

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Jules Supervielle

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Jules Supervielle
(1884, Montevideo, Uruguay — 1960, Paris) France

jeudi11 août : May Ziadé

Paquebot

L’Atlantique est là qui, de toutes parts, s’est généralisé depuis quinze jours,
avec son sel et son odeur vieille comme le monde,
qui couve, marque les choses du bord, s’allonge dans la chambre de chauffe, rôde dans la soute au charbon,
enveloppe ce bruit de forge, s’annexe sa flamme si terrestre,
entre dans toutes les cabines,
monte au fumoir, se mêlant aux jeux de cartes,
se faufilant entre chaque carte,
si bien que tout le navire, et même les lettres qui sont dans les enveloppes cinq fois cachetées de rouge au fond des sacs postaux,
tout baigne dans une buée, dans une confirmation marine,
comme ce petit oiseau des îles dans sa cage des îles.

La voici la face de l’Atlantique dans cette grande pièce carrée si fière de ses angles en pleine mer,
ce salon où tout feint l’aplomb et l’air solidement attaché
de graves meubles sur le continent,
mais souffre d’un tremblement maritime
ou d’une quiétude suspecte,
même la lourde cheminée avec ses fausses bûches éclairées à l’électricité
qui joue la cheminée de château assise en terre depuis des siècles.

Que prétend ce calendrier, fixé, encadré, et qui sévèrement annonce samedi 17 juillet,
ce journal acheté à la dernière escale et qui donne des nouvelles des peuples,
ce vieux billet de tramway retrouvé dans ma poche et qui me propose de renouer avec la Ville?

Que témoignent toutes ces têtes autour de moi,
tous ces agglomérés humains, qui vont et viennent sur le pont de bois mouvant entre ciel et vagues,
promenant leur bilan mortel,
leurs chansons qui font ici des couacs aigrelets,
et prétendent qu’il faudrait à cette mer qui prend toujours et se refuse,
quelques cubes en pierre de taille avec fenêtres et pots de géranium,
un coteau dominé par la gare d’un funiculaire et un drapeau
tandis que sur le côté,
des recrues marcheraient une, deux, une, deux,
sur un terrain de manœuvre.

Mais sait-elle même qu’il existe l’homme qui fume ces cigares
accoudé au bastingage,
le sait-elle, la mer, cette aveugle de naissance,
qui n’a pas compris encore ce que c’est qu’un noyé
et le tourne et le retourne sous ses interrogations ?

Jules Supervielle, Débarcadères, 1922.
Poésie/Gallimard : Gravitations précédé de Débarcadères, Préface de Marcel Arland, 1966, 2017.
   __

Bruno_Rigolt_Copyright 2016_En_Voyage_2

« L’Atlantique est là qui, de toutes parts, s’est généralisé depuis quinze jours »…

Illustration : Bruno Rigolt, © juillet 2016, « En Voyage »
photomontage et peinture numérique

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Joyce Mansour

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Joyce Mansour (née Joyce Patricia Adès) *
(1928, Boyden, Royaume-Uni — 1986, Paris) Égypte

mercredi 10 août : Jules Supervielle

* Poétesse égyptienne d’expression française, Joyce Mansour est  l’une des grandes représentantes du mouvement surréaliste.

Le grand jamais1

à H. M.2

La roue cesse de tourner
Tourne encore
Rires perpétuels des faiseurs de pluie
Le noir centrifuge éclate sur le papier
Telle l’ombre venue de la forêt
L’image peureuse amorce un pas dans la clairière
Signe visible de la grenouille
Dans le vide vécu
L’écorce fond l’après-midi
L’aile du voyageur vogue à la dérive
Voilà l’eau de l’aquarelle
L’itinéraire du rêve dirigé au crayon
Labyrinthes de marbre
Silhouettes instables
Plages de silence flottantes comme une chandelle
Celui qui voit éclaire.

Joyce Mansour, première publication : La Quinzaine Littéraire du 16 janvier 1973.
Publié dans Faire signe au machiniste (couverture et illustrations de Jorge Camacho)
Paris, Le Soleil noir, 1977.
1. Lettre sous forme de poème de Joyce Mansour à Henri Michaux, début des années soixante-dix, archives Micheline Phankim-Koupernik.
2. Henri Michaux.
   __

« Labyrinthes de marbre
Silhouettes instables
 »…

Henri Michaux (1899-1984), composition sans titre (Rythmes), c. 1960 |source|
Crédit photographique : © Galerie La Pochade (Paris)

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Cécile Sauvage

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Cécile Sauvage
(1883, La-Roche-sur-Yon — 1927, Paris) France

Mardi 9 août : Joyce Mansour

Le merisier
sous le brouillard…

Le merisier sous le brouillard
Aura sa rouge chevelure
Pleine d’oiseaux dont le départ
Est annoncé par la froidure,
Et ce merisier émouvant
Comme une personne inconnue
Se dressera pour ma venue
Avec sa chevelure au vent.

Cécile Sauvage, “Mélancolie”, Le Vallon, Paris, Mercure de France, 1913, p. 167.
   __

« Le merisier sous le brouillard
Aura sa rouge chevelure
Pleine d’oiseaux
 »…

Photographie : Bruno Rigolt, “Arbre dans le vent” (photographie retouchée numériquement)
© août 2022, Bruno Rigolt

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Louis Aragon

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Louis Aragon
(1897, Paris — 1982, Paris) France

Lundi 8 août : Cécile Sauvage

Que la vie en vaut la peine

C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes

Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
D’autres viennent. Ils ont le cœur que j’ai moi-même
Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix

D’autres qui referont comme moi le voyage
D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
Qui se retourneront pour leur nom murmuré
D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages

II y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
II y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant

C’est une chose au fond, que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre

Oui je sais cela peut sembler court un moment
Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine
Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine
Et la mer à nos soifs n’est qu’un commencement

[…]
Louis Aragon, “Que la vie en vaut la peine” (extrait)
in : Les Yeux et la mémoire, “Chant II”, Paris, Gallimard 1954.
   __

« Et la mer à nos soifs n’est qu’un commencement »…

Illustration : © août 2022, Bruno Rigolt

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Léopold Sédar Senghor

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Léopold Sédar Senghor
(1906, Joal, Sénégal — 2001, Verson, France) Sénégal

Dimanche 7 août : Louis Aragon

Joal1

Joal !
Je me rappelle.
Je me rappelle les signares2 à l’ombre verte des vérandas
Les signares aux yeux surréels comme un clair de lune sur la grève.

Je me rappelle les fastes du Couchant
Où Koumba N´Dofène3 voulait faire tailler son manteau royal.

Je me rappelle les festins funèbres fumant du sang des troupeaux égorgés

Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots.
Je me rappelle les voix païennes rythmant le Tantum Ergo4
Et les processions et les palmes et les arcs de triomphe.

Je me rappelle la danse des filles nubiles
Les chœurs de lutte – oh ! la danse finale des jeunes hommes, buste

Penché élancé, et le pur cri d´amour des femmes – Kor Siga5 !

Je me rappelle, je me rappelle…
Ma tête rythmant
Quelle marche lasse le long des jours d´Europe où parfois
Apparaît un jazz orphelin qui sanglote, sanglote, sanglote.

Léopold Sédar Senghor, Chants d’ombre (1945), in Poèmes, Seuil, 1964, p. 15.
   __
1. Joal : lieu de naissance de Senghor, Joal est un village du Sénégal, au sud-est de Dakar.
2. Signares (de senhoras, les dames, en portugais) : femmes noires ou métisses qui vivaient avec des Français dans les comptoirs puis les villes coloniales.
3. Koumba N´Dofène : ancien roi du Sine, royaume pré-colonial le long de la rive nord du delta du Saloum dans l’actuel Sénégal.
4. Tantum Ergo : célébration du salut du Saint-Sacrement.
5. « Kor Siga ! » : cri d’encouragement qu’on adresse aux lutteurs (la lutte est un art ancestral au Sénégal).

« Je me rappelle, je me rappelle »…

Illustration : © août 2022, Bruno Rigolt

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Alda Merini

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Alda Merini
(1931, Milan — 2009, Milan) Italie

Jeudi 4 août : Léopold Sédar Senghor

La carne e il sospiro

a Sergio Bagnoli

Io sono la tua carne,
la carne eletta del tuo spirito.
Non potrai mai visitarmi nel giorno
prima che il puro lavacro del sogno
mi abbia incenerita
per restituirmi a te in pagine di poesia,
in sospiri di lunga attesa.
Temo per il mio dolore,
come se la tua dolcezza
potesse farlo morire
e privarmi così di quel paesaggio misterioso
che sono i ricordi.
Sono piena di riti
e della logica dei ricordi
che viene dopo, quando si affaccia alla mia vita
il rendiconto della verità giornaliera,
il sogno affogato nell’acqua.
Sono misteriosa come tutti,
ogni mio movimento è un miracolo
e tu lo sai,
ma il grande passo
che io possa fare è quello di venire da te
(un viaggio infinito senza ristoro,
forse un viaggio che mi porterebbe a morire
perchè io sono il canto e la lunga strada).

Il canto muore, va a morire
nelle viscere della terra
perchè io sono la misura
del tuo grande spettacolo di uomo;
sono lo spettatore vivo
delle tue rimembranze ma anche l’insetto,
l’animale che sogna e che divora.

Prima della poesia viene la pace,
un lago sempiterno e pieno
sopra il quale non passa nulla,
neanche un veliero;
prima della poesia viene la morte,
qualche cosa che balza e rimbalza
sopra le acque; il lungo cammino
di una folla di genio e di malizia
che porta lontano.

Ma io e te siamo soli
come se fossimo stati creati
primi e per la prima volta;
io e te siamo riemersi dal fango della folla
e giornalmente tentiamo di rimanere soli
in questa risma di carte
che è il grande spettacolo dei vivi.
Io e te siamo esangui,
senza voglia di finire questo incantesimo.
Incolori e indomiti, siamo soli
nel limbo del nostro piacere
perchè io e te
siamo pieni di amore carnale,
Io e Te.

Alda Merini. La volpe e il sipario, Poesie d’amore Nuova edizione accresciuta A cura di Benedetta Centovalli © 1997 Girardi Editore © 2004 RCS Libri S.p.A., Milano
   

La chair et le souffle

Je suis ta chair,
la chair élue de ton esprit.
Tu ne pourras me voir
Que le jour où le pur baptême du rêve
m’aura consumée
pour me donner à toi en pages de poésie,
en souffles de longue attente.
J’ai peur pour mon chagrin,
comme si ta douceur
pouvait le faire mourir
et me priver ainsi de ce mystérieux paysage
que sont les souvenirs.
Je suis pleine de rituels et de leur logique mémorielle,
quand le récit de la vérité quotidienne
entre dans ma vie, tel un rêve qui s’est noyé dans l’eau.
Comme n’importe qui, je suis un mystère
et tu le sais,
chacun de mes gestes est un miracle
mais le plus grand pas
que je peux faire est de venir vers toi
(un voyage sans fin sans repos,
peut-être un voyage qui me rapprocherait de la mort
car je suis la chanson et la longue route).

La chanson meurt, elle va mourir
dans les entrailles de la terre
car c’est moi qui juge
ton grand spectacle d’homme ;
je suis le spectateur vivant
de tes souvenirs mais aussi l’insecte,
l’animal qui rêve et qui dévore.

Avant la poésie était la paix,
un lac éternel et plein
sur lequel rien ne passe,
pas même un voilier ;
Avant la poésie était la mort,
quelque chose qui bondit et rebondit
sur les eaux ; la longue marche
qui mène loin
tout un peuple de génie et de malice.

Mais toi et moi sommes seuls
comme si nous avions été créés
d’abord et pour la première fois ;
Toi et moi avons émergé de la multitude boueuse
Et chaque jour nous essayons d’exister
dans ce jeu de rôles
qui est la grande comédie des vivants.
Toi et moi sommes exsangues,
sans désir aucun de mettre fin à cet enchantement,
Transparents et indomptables, seuls
dans les limbes de notre bonheur
parce que toi et moi
sommes pleins d’amour charnel
Toi et moi.

Traduction française : Bruno Rigolt. Dernière révision : août 2022.

« mais toi et moi sommes seuls
comme si nous avions été créés
d’abord et pour la première fois »…

Illustration : © Bruno Rigolt, 2009, 2022

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Jean-Jacques Goldman

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Jean-Jacques Goldman
(1951, Paris  —    )France

Mercredi 3 août : Alda Merini

On ira

On partira de nuit, l’heure où l’on doute

Que demain revienne encore
Loin des villes soumises, on suivra l’autoroute
Ensuite on perdra tous les Nords

On laissera nos clés, nos cartes et nos codes,
Prisons pour nous retenir
Tous ces gens qu’on voit vivre comme s’ils ignorent
Qu’un jour il faudra mourir

Et qui se font surprendre au soir
Oh belle, on ira
On partira toi et moi, où ? Je sais pas
Y’a que les routes qui sont belles
Et peu importe où elles nous mènent
Oh belle, on ira
On suivra les étoiles et les chercheurs d’or
Si on en trouve, on cherchera encore

On n’échappe à rien, pas même à ses fuites
Quand on se pose on est mort
Oh j’ai tant obéi, si peu choisi petite
Et le temps perdu me dévore

On prendra les froids, les brûlures en face
On interdira les tiédeurs
Des fumées, des alcools et des calmants cuirasses
Qui nous ont volé nos douleurs

La vérité nous fera plus peur
Oh belle, on ira
On partira toi et moi, où ? Je sais pas
Y’a que des routes qui tremblent
Les destinations se ressemblent
Oh belle, tu verras
On suivra les étoiles et les chercheurs d’or
On s’arrêtera jamais dans les ports, jamais

Oh belle, on ira
Et l’ombre ne nous rattrapera peut-être pas
On ne changera pas le monde
Mais il ne nous changera pas
Oh ma belle, tiens mon bras
On sera des milliers dans ce cas, tu verras
Et même si tout est joué d’avance,
On ira, on ira

Même si tout est joué d’avance
À côté de moi
Tu sais y’a que les routes qui sont belles
Et crois-moi, on partira, tu verras
Si tu me crois, belle
Si tu me crois, belle
Un jour on partira
Si tu me crois, belle
Un jour…

© Jean-Jacques Goldman, Album En passant, 1997.

Clip réalisé par Gérard Namiand (comédienne : Élodie Navarre)

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Alfonsina Storni

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Alfonsina Storni
(1892, Capriasca, canton suisse du Tessin  — 1938, Mar del Plata, Argentine) Argentine

Lundi 1er août : Jean-Jacques Goldman

Yo en el fondo del mar

En el fondo del mar
hay una casa
de cristal.

A una avenida
de madréporas
da.

Un gran pez de oro,
a las cinco,
me viene a saludar.

Me trae
un rojo ramo
de flores de coral.

Duermo en una cama
un poco más azul
que el mar.

Un pulpo
me hace guiños
a través del cristal.

En el bosque verde
que me circunda
—din don… din dan—
se balancean y cantan
las sirenas
de nácar verdemar.

Y sobre mi cabeza
arden, en el crepúsculo,
las erizadas puntas del mar.

Alfonsina Storni, ​Mundo de siete pozos​, 1935.
Antología mayor,Jesús Munárriz (éd.), Jorge Rodríguez Padrón (Introduction), Madrid, Hiperión, 2005.
   __

Moi au fond de la mer

Au fond de la mer
Il y a une maison
de verre.

Elle donne
sur une avenue
de madrépores¹.

Un grand poisson d’or,
à cinq heures,
vient me saluer.

Il m’apporte
un bouquet rouge
de fleurs de corail.

Je dors dans un lit
un peu plus bleu
que la mer.

Un poulpe
me fait un clin d’œil
À travers la vitre.

Dans la forêt verte
qui m’entoure
—ding dong… ding dang—
se balancent et chantent
les sirènes
de nacre vert de mer

Et au-dessus de ma tête
brûlent, dans le crépuscule,
les pointes hérissées de la mer.

1. madrépore : variété de corail très ramifié que l’on trouve dans les mers chaudes.

Traduction française : BR

« Un grand poisson d’or,
à cinq heures,
vient me saluer
 »…

Illustration : BR

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Michel Butor

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Michel Butor
(1926, Mons-en-Barœul — 2016, Contamine-sur-Arve) France

Dimanche 31 juillet : Alfonsina Storni

Bienvenue au Rhode Island

_________Cinq heures à
MIDDLETOWN.
[…]
La mer,
_________tout ce qu’elle cache,
rejette,
_________imbibe,
transforme,
_________reprend.
L’étang de Chapman, « Hello, Steve ! »
_________MIDDLETOWN, CONN.¹
JAMESTOWN, comté de Newport.
La mer,
_________tous ceux qu’elle tente,
poursuit,
_________séduit,
emporte,
_________change.
[…]
Esso, – les étangs Watchaug et Worden.
HARRISVILLE, co. de Providence, R.I.²
[…]
La mer,
_________milliers de griffes,
milliers de crocs,
_________milliers de langues,
milliers de ventouses,
_________milliers de suçoirs.
Un vieux camion rouge conduit par un jeune Noir maigre très noir à chemise blanche, qui dépasse largement la vitesse autorisée, double une Nash ananas conduite par une jeune Blanche mince très rose en robe grise, dont la radio hurle « Bugle Call Rag », « il faut aller à droite », – les réservoirs de Quidnick, Coventry et de la Rivière-Plate.
WARREN, Bristol.
La mer,
_________milliers de suaires³,
de corridors mouvants,
_________de salles de soie,
d’étouffements,
_________d’épaves.
[…]
Les réservoirs de Scituate et Westconnaug, – quand le soleil se couche à
NEWPORT,
Michel Butor, Mobile, Étude pour une représentation des États-Unis
Gallimard NRF 1962, p. 187-188.
1. Conn. : Connecticut
2. co. de Providence, R.I. : Comté de Providence, Rhode Island
3. suaire : linceul dans lequel on ensevelit un mort.

« La mer,
milliers de suaires,
de corridors mouvants
 »…

Illustration : Bruno Rigolt, “Au bout du monde” (2012, 2022)
Photographie modifiée numériquement

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Marguerite Yourcenar

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Marguerite Yourcenar *
(1903, Bruxelles — 1987, Bar Harbor, États-Unis) États-Unis

* femme de lettres française naturalisée américaine en 1947.

Vendredi 29 juillet : Michel Butor

Gares d’émigrants :
Italie du sud

Fanal rouge, œil sanglant des gares ;

Entre les ballots mis en tas,
Longs hélements, sanglots, bagarres ;
Emigrants, fuyards, apostats,
Sans patrie entre les états ;
Rails qui se brouillent et s’égarent.

Buffet : trop cher pour y manger ;
Brume sale sur la portière ;
Attendre, obéir, se ranger ;
Douaniers ; à quoi sert la frontière ?
Chaque riche a la terre entière ;
Tout misérable est étranger.

Masques salis que les pleurs lavent,
Trop las pour être révoltés ;
Etirement des faces hâves ;
Le travail pèse ; ils sont bâtés ;
Le vent disperse ; ils sont jetés.
Ce soir la cendre. À quand les laves ?

Tantôt l’hiver, tantôt l’été ;
Froid, soleil, double violence ;
L’accablé, l’amer, l’hébété ;
Ici plainte et plus loin silence ;
Les deux plateaux d’une balance.
Et pour fléau la pauvreté.

Express, lourds, sectionnant l’espace,
Le fer, le feu, l’eau, les charbons
Traînent dans la nuit des wagons
Des dormeurs de première classe.
Ils bondissent, les vagabonds.
Peur, stupeur ; le rapide passe.

Bétail fourbu, corps épuisés,
Blocs somnolents que la mort rase,
Ils se signent, terrorisés.
Cri, juron, œil fou qui s’embrase ;
Ils redoutent qu’on les écrase,
Eux, les éternels écrasés.

Marguerite Yourcenar, 1934. Les Charités d’Alcippe, Gallimard NRF, 1956, 1984. 

« L’accablé, l’amer, l’hébété ;
Ici plainte et plus loin silence
 »…

Illustration : Angelo Tommasi (1858-1923), “Gli emigranti” (1896).
Rome, Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporanea

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Fernando Pessoa

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Fernando Pessoa
(1888
, Lisbonne — 1935, Lisbonne) Portugal

Mercredi 27 juillet : Marguerite Yourcenar

Sou um evadido

Sou um evadido.
Logo que nasci
Fecharam-me em mim,
Ah, mas eu fugi.

Se a gente se cansa
Do mesmo lugar,
Do mesmo ser
Por que não se cansar?

Minha alma procura-me
Mas eu ando a monte,
Oxalá que ela
Nunca me encontre.

Ser um é cadeia,
Ser eu não é ser.
Viverei fugindo
Mas vivo a valer.

Fernando Pessoa, Poesias Inéditas (1930-1935), Lisboa, Ática, 1955 (imp. 1990), p. 44.

Je suis un évadé

Je suis un évadé.
Dès que je suis né
Ils m’ont enfermé en moi,
Ah ! Mais je me suis enfui.

Comme l’on se lasse
Du même lieu,
Comment ne pas se lasser
D’être soi-même ?

Mon âme me recherche
Mais je suis en liberté,
Puisse-t-elle
Jamais me trouver.

Être un c’est s’enchaîner,
Être moi c’est ne pas être.
Je vivrai en fugitif
Mais vivant pour de vrai.

(Traduction française : Bruno Rigolt)

« Être un c’est s’enchaîner,
Être moi c’est ne pas être.
 »…

Illustration : Edvard Munch (1863-1944), « Le Cri » (« Skrik », 1893, détail).
Oslo, Nasjonalgalleriet

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Anna de Noailles

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Anna de Noailles
(1876
, Paris — 1933, Paris) France

Lundi 25 juillet : Fernando Pessoa

Les voyages

Un train siffle et s’en va, bousculant l’air, les routes,
L’espace, la nuit bleue et l’odeur des chemins,
Alors ivre, hagard, il tombera demain
Au cœur d’un beau pays, en sifflant sous les voûtes…

Tant de rêves, brûlant aux chaleurs des charbons
Tandis que le train va, par saccades pressées,
Éparpillant les champs, les villes dépassées,
Cinglant le vent sans force et déchirant les ponts !

— Le confiant espoir, l’allégresse naïve,
De croire que plus loin d’autres cieux, d’autres mains,
Donneront de meilleurs et plus chers lendemains
Et que le bonheur est aux lieux où l’on arrive…

Ah ! la claire arrivée, au lever du matin !
Les gares, leur odeur de soleil et d’orange,
Tout ce qui sur les quais s’emmêle et se dérange.
Ce merveilleux effort d’instable et de lointain.

[…]

Je porte tout cela dans mon cœur élancé,
Aujourd’hui où debout sur la colline verte,
J’écoute haleter vers les routes ouvertes
Le beau train violent, si rude et si pressé.

Il siffle, quel appel, vers quelle heureuse Asie
Ah ! ce sifflet strident, crieur des beaux départs !
Moi aussi, m’en aller vers d’autres quelque part,
Ô maître de l’ardente et sourde frénésie ! …

Anna de Noailles, L’Ombre des jours, Paris, Calmann-Lévy, 1902, p. 41 et s..

« Ah ! ce sifflet strident, crieur des beaux départs !
Moi aussi, m’en aller vers d’autres quelque part
 »…

Illustration : © Bruno Rigolt (“Orient Express”, juillet 2022)
(Photomontage et peinture numérique)

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Lucien Fabre

“Un été en Poésie”… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Lucien Fabre
(1889
, Pampelonne [Tarn, France] — 1952, Paris) France

Samedi 23 juillet : Anna de Noailles

Le Poëte¹ à l’île dormant

L’âme claire veloute aux vapeurs d’un nuage
Le délice moelleux du songe et les rinceaux
Du lieu surnaturel surgi parmi les eaux ;
Que nos mots soient trop vieux pour des songes nouveaux

Et trop dense la nue, et l’étoile des mages
Lointaine, puisque l’île a des soleils si beaux
Qu’importe ! Et la langueur des antiques berceaux
Et des vieux mots usés par la grâce des âges…

Qu’importe ! si je cueille au vent de ses roseaux
La parole inouïe… Ah ! son vague visage
Varie au vol rêvant sur le voile de l’eau

Et vers les voluptés, arrivés au mirage,
Les souffles favoris de l’image volage
Font virer vainement l’azur de quelque oiseau.

Or, dévidé le songe où s’effile un délice,
Cette parole, issue au cœur de son azur,
Pour fixer l’éphémère et cet instant si pur
Que figure un oiseau tremblant sur un calice,

Palpite insaisissable aux roseaux du futur.
Ah ! Cette aile mobile… et cette fleur qui glisse,
Ces songes… Mais, les traits de ton visage obscur,
Qui les pénétrera, ô parole propice ?

Tant de fois pressentie aux vagues du sommeil,
Mais non ravie à l’âme amollie, évasive,
D’être enfin délivrée espérant et craintive

Des noirs roseaux, piège mouvant près de ta rive,
La parole ineffable épie un beau réveil…
La saisir ! se risquer hors l’île et le soleil ?…

Lucien Fabre, Vanikoro, poëmes1 (Paris, Éditions de la NRF), 1923.

1. Poëme, poëte : variante orthographique de poème, poète en usage avant la réforme de l’orthographe française de 1878 (septième édition du Dictionnaire de l’Académie française).

« Tant de fois pressentie aux vagues du sommeil,
Mais non ravie à l’âme amollie, évasive,
D’être enfin délivrée espérant et craintive
 »…

Crédit iconographique : Madeleine Mirbeau, “Le songe du poète” (détail), 1980
(huile sur toile, collection particulière)

Un été en Poésie… 20 juillet-12 août 2022… Aujourd’hui Renée Vivien

“Un été en Poésie” revient… du mercredi 20 juillet 2022 au vendredi 12 août inclus.

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe… L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et « faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu »¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie…

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 « Invitation au voyage » : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195

Aujourd’hui… Renée Vivien (Pauline Mary Tarn)
(1877, Londres — 1909, Paris) Grande-Bretagne

[Renée Vivien est une poétesse britannique de langue française]

Jeudi 21 juillet : Lucien Fabre

Aurore sur la mer

Je te méprise enfin, souffrance passagère !
J’ai relevé le front. J’ai fini de pleurer.
Mon âme est affranchie, et ta forme légère
Dans les nuits sans repos ne vient plus l’effleurer.

Aujourd’hui je souris à l’Amour qui me blesse.
Ô vent des vastes mers, qui, sans parfum de fleurs,
D’une âcre odeur de sel ranimes ma faiblesse,
Ô vent du large ! emporte à jamais les douleurs !

Emporte les douleurs au loin, d’un grand coup d’aile,
Afin que le bonheur éclate, triomphal,
Dans nos cœurs où l’orgueil divin se renouvelle,
Tournés vers le soleil, les chants et l’idéal !

Renée Vivien, Études et Préludes, Alphonse Lemerre, 1901, p. 31-32.

« Ô vent du large ! emporte à jamais les douleurs !
Emporte les douleurs au loin, d’un grand coup d’aile »…

Illustration : Bruno Rigolt, “Sur les ailes de l’aurore” (peinture numérique), 2022
© juillet 2022, Bruno Rigolt

Bientôt… Un été en poésie… 20 juillet – 12 août 2022

Thématique de l’exposition 2022 :

Un été en Poésie :
Invitation au Voyage

Sur les chemins du voyage…

Cette année, « Un été en Poésie » a pour thème le voyage : voyages réels ou voyages extraordinaires qui laissent la porte ouverte à l’imaginaire, au fantasme ou au mythe…

L’écriture poétique, parce qu’elle est une terre d’exploration, permet de prendre le large, s’ouvrir au monde et “faire l’expérience de soi-même face aux autres, face à l’inconnu”¹. Comme l’écrivait justement le philosophe Vladimir Jankélévitch, « l’aventure n’est pas sans l’ouverture »² : la lecture d’un poème est d’abord un voyage : voyage à travers soi et à travers l’autre… 

Entre errances et partances, frontières et rencontres, dépaysement et quête d’humanité, le voyage, parce qu’il défie la vision figée de l’existence, débouche dans l’océan infini de la vie… 

Rendez-vous le 20 juillet 2022

Crédit iconographique : Bruno Rigolt
Photographie et peinture numérique. © juillet 2022, Bruno Rigolt

1. Thème concernant l’enseignement de culture générale et expression en deuxième année de BTS, session 2023 “Invitation au voyage” : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo7/ESRS2201905N.htm
2. Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Flammarion, Champs Essais, 2019, p. 195.

Un Automne en Poésie Saison 11 : 2021-2022… Troisième livraison

« Un Automne en Poésie »
— Saison 11 —

Poésies du Rêve et d’AilleursMaquette graphique : © Bruno Rigolt, décembre 2021

Une invitation au voyage…

Les élèves de Seconde 13 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous inviter à l’exposition 2021-2022 “Un Automne en Poésie”, manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.

La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à l’évasion : “Poésies du Rêve et d’ailleurs”… Manière d’évoquer la nature profonde du fait poétique, qui est d’être dans le monde pour se faire signe d’un autre monde… Comme une porte qui s’ouvre à la réalité de l’infini.

Voici la deuxième livraison de textes : découvrez les contributions de Madisson, Aurore, Léna, Matthyeu, Agathe, Iris, Meryem.
Chaque semaine, de nouveaux textes seront publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif
jusqu’au 28 décembre 2021 (dernière livraison).

Pour accéder à la première livraison de textes, cliquez ici.
Pour accéder à la deuxième livraison de textes, cliquez ici.

 

Prochaine livraison : mardi 28 décembre.

  

Sous l’abri bleu du ciel

par Madisson-Esther S.-N. 
Classe de Seconde 13

 

Sous l’abri bleu du ciel,
Le vent émet un bruit silencieux.
Aussi courte ma vitalité soit-elle,
Mon désir de vivre, comme la mer, est infini.

Beauté illusoire,
Illustration au-delà de mes rêves,
La mer dissimule peu à peu les larmes du ciel.
La rage brûlante de sa colère,
Le maintien de son sang hivernal,
Ou encore le foudroiement des dieux.

La vie m’a tout l’air signifiante,
Elle m’a l’air d’un passage
S’ouvrant sur des douceurs noires et grises,
Qui se lèvent vers le paradis perdu de surface.

« La vie m’a tout l’air signifiante,
Elle m’a l’air d’un passage
… »

Illustration : Vincent Van Gogh, “La mer aux Saintes-Maries”, 1888.
Moscou, Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine.

_

_

Le temps d’un songe

par Aurore T.
Classe de Seconde 13

a beauté de mon île reste gravée dans ma vie,
Te regarder t’éloigner de moi à travers le hublot
Me fend le cœur comme un vieux rafiot brisé des vagues,
Saint Denis m’a accueilli et Sainte Rose m’a élevée
Paris m’a souri après mon départ
Le 27 au soir, je suis partie
De ma belle île: la Réunion.

L’avion que j’ai emprunté ne peut m’emmener
dans la paix guerrière que j’ai créée.
Le jour de mon départ, je pensais te dire au revoir
Mais tu es restée là, figée comme une peinture vivante.
Tel un chapeau de paille et devant moi tu t’éloignes.

Dans cette baignoire remplie de mon désespoir
Mon désir s’éclaire d’une lumière sombre
Tel le souvenir de te voir partir
La tristesse châtain de mes yeux
Devient ce large champ amer
Et la mer à perte de vue, à perte de vie…

Je me réveille soudain: serait ce un songe ?
Me rappelant ainsi de l’océan indien
J’ai ressenti une douce nostalgie,
Une odeur blanche chrysanthème me parvint alors.
Soudain en moi fleurit,
La fleur de l’envie..

« Le jour de mon départ, je pensais te dire au revoir
Mais tu es restée là, figée comme une peinture vivante.
Tel un chapeau de paille et devant moi tu t’éloignes
…»

Illustration : © décembre 2021, Bruno Rigolt (photomontage et peinture numérique).

Un voyage bleu de nuit

par Léna B.
Classe de Seconde 13

Arrivera t-il,
Devant les dunes infinies du soir ?
Reviendra-t-il, le jaune du soleil
Après cette pluie de larmes ?

Après cette neige rose comme le coucher du soleil
Tu remets ton masque
Comme si la pandémie avait toujours été là…

Tournent les aiguilles
Mais le temps ne change toujours pas
Le soleil d’été s’éteint
C’est un voyage bleu de nuit, un voyage sans fin.

Le jour a remis son manteau de neige
Laissant place au froid de l’hiver
Devant les vagues sombres
Tu remets ton masque
Comme si la pandémie avait toujours été là.

Tournent les aiguilles
Comme des étoiles jetées au hasard
Dans l’infini de la nuit.

Reviendront-ils, les mots
Après cette page blanche ?
Les mots tout tremblants, vides de sentiments ?

La mélancolie arrive
Et tu attends son appel
Tu remets ton pull
Mettant avec lui un sentiment de joie
Tu te sens seul, entouré d’une foule
Comme un coquillage échoué sur la plage.

Tu songes à un voyage sans fin, un voyage bleu de nuit.

« Tu songes à un voyage sans fin, un voyage bleu de nuit… »

Claude Monet, “Le Port du Havre, effet de nuit”, 1873 (coll. privée)
Crédit iconographique : akg-images

Rêveur solitaire

par Matthyeu R.
Classe de Seconde 13

uand je ferme les yeux,
Me voilà transporté dans mes pensées :
Nuit douce éclairée, étoiles cristal…
Me voici sur un lac étoilé
La lune est le lampadaire de la Nuit
Qui illumine le soir de couleurs et de fruits

J’ai suivi l’étoile qui me guide
Perdu dans mes pensées,
Parmi le sol de cette Terre,
Le long d’un ruisseau…
Et je vois le ciel
Recouvert de blancheur nuagée.

L’odeur sinistre de la solitude
Est mon guide, Elle me mène
Vers le bout de mon rêve
J’ai vu les meilleures choses partir,
Laissant mes sentiments dans ce lieu de désirs.
Voici que j’ouvre les yeux et tout s’envole.

« Nuit douce éclairée, étoiles cristal… »

Vincent Van Gogh, « La nuit étoilée sur le Rhône » (huile sur toile), 1888.
Paris, Musée d’Orsay

Au-delà des brumes

par Agathe W.
Classe de Seconde 13

À chaque pluie d’été remplie de souffrance,
Tu me perdais dans un sombre bonheur,
Je devenais la mer et le vent,
Tourmentée comme tes promesses d’exodes.

Tu menaçais notre paradis de s’effondrer,
Plafonnée à des idées que seule moi pouvais confronter,
Ne plus sentir ton espoir lorsque je suis partie pour mon odyssée,
Ne m’a pas manqué quand je t’ai quitté.

Pourtant mes voyages prennent une nouvelle tournure,
J’aperçois au-delà des brumes,
Les îles respirant les joies de la solitude,
Mes sens fleurissent à la vue de cet azur.

Les couchers de soleil fragmentés d’aube rosée,
Me remémorent la nostalgie de nos douloureux moments,
Mais au-delà de l’écume de mes larmes
J’entends enfin le chant des blés d’or…

« J’aperçois au-delà des brumes,
Les îles respirant les joie de la solitude
..
 »

Caspar David Friedrich, “Falaises de craie sur l’île de Rügen”, 1818.
Crédit iconographique : Winterthour (Suisse), Museum Oskar Reinhart am Stadtgarten.

Histoire et Conscience

par Iris M.- G.
Classe de Seconde 13

Vague réminiscence
La lune versa son pâle enchantement :
Des historiettes racontées en chemin
Des histoires d’horreur,
Des histoires enfantines, surnaturelles
Accompagnées de quelques frissons de douceur bleus

Vague réminiscence
Un plaisir romanesque,
Où règne l’admiration éternelle,
Ou la puissance de la mer,
Amère et salée
Régnait en nous

Vague réminiscence
Raison et Pouvoir
Histoire et Conscience…
Un groupe solidaire à la guerre
Un groupe qui partait à la mer
Se voyait mourir en enfer

« Un groupe solidaire à la guerre
Un groupe qui partait à la mer
Se voyait mourir en enfer… 
»

Illustration: BR (photomontage et peinture numérique).
D’après “Débarquement du 6 juin 1944 en Normandie” (Photo : US Army Coll. Archives Larousse)

Toi, mon âme
(Je veux t’écrire)

par Meryem Y.
Classe de Seconde 13

Sur mes cahiers jamais utilisés
Sur mon pupitre et les arbres écorchés
Sur le sable froid, la neige chaude
Je veux t’écrire
Sur toutes les pages où personne n’osait,
Sur toutes les pages où l’artiste peint
Pierre, feuille, oiseau ou les cendres des flammes,
Sur les tableaux dorés, admirés,
Je veux t’écrire
Sur le sang des victimes et des innocents,
Sur la couronne que portent les êtres
Sur la jungle et le désert parcourus
Je dessine les saisons,
J’écris les oiseaux
Sur les crises de mon adolescence.
Sur les mille nuits où les contes sont contés,
Sur le pain perdu du tiers-monde s’écrit ma vie
Et sur les saisons déréglées,
J’écris le ciel bleu.
Sur la soie enfin chiffonnée,
Sur le soleil et la lune mariés,
Sur le lac des cygnes où l’on danse
Sur les champs où j’ai planté ton amour
Sur chaque regard jeté
Sur la mer où les oiseaux naviguent,
Sur les montagnes des aigles
Sur les nuages
J’aimerais t’écrire,
J’aimerais t’aimer
Sur les foudres qui bâtissent notre monde,
Sur les étoiles qu’on essaye de pêcher
Sur la vérité de notre âme
Et sur la raison
Du chemin à prendre
Je veux t’écrire,
Sur les routes dessinées a la main,
Sur la terre coupée en parts inégales,
Sur les immenses lits de nos matins,
Sur les envies devant les océans,
Je veux t’écrire.

« Sur la vérité de notre âme / Et sur la raison
Du chemin à prendre / Je veux t’écrire… 
»

Philippe de Champaigne, “Paysage”. Lille, Palais des Beaux Arts.
Crédits : © RMN-Grand Palais 

La numérisation de la troisième livraison de textes est terminée.
Troisième mise en ligne de textes :  mardi 28 décembre 2021.

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).

Un Automne en Poésie Saison 11 : 2021-2022… Deuxième livraison

« Un Automne en Poésie »
— Saison 11 —

Poésies du Rêve et d’AilleursMaquette graphique : © Bruno Rigolt, décembre 2021

Une invitation au voyage…

Les élèves de Seconde 13 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous inviter à l’exposition 2021-2022 “Un Automne en Poésie”, manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.

La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à l’évasion : “Poésies du Rêve et d’ailleurs”… Manière d’évoquer la nature profonde du fait poétique, qui est d’être dans le monde pour se faire signe d’un autre monde… Comme une porte qui s’ouvre à la réalité de l’infini.

Voici la deuxième livraison de textes : découvrez les contributions de Constance, Arno, Lilly, Bénie-Laël, Dylan, Kylian, Élise.
Chaque semaine, de nouveaux textes seront publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif
jusqu’au 28 décembre 2021 (dernière livraison).

Pour accéder à la première livraison de textes, cliquez ici.
Pour accéder à la troisième livraison de textes, cliquez ici.

Prochaine livraison : mardi 21 décembre.

  

Courant vers l’ensommeillé soleil

par Constance H.
Classe de Seconde 13

ans ce monstre de fer courant vers l’ensommeillé soleil,
Assise seule dans le rouge wagon,
J’observais d’un œil distrait sur le répétitif gazon
Quelques eaux tristes, en deuil.
Soudain, le doux murmure d’un cliquetis de chaussures
Attira mon attention.
Je te vis t’asseoir face à moi.

Dans ce monstre de fer courant vers l’ensommeillé soleil,
Tu as sorti de ton encombrant bagage un croquis,
Puis, tu me demandas d’esquisser un sourire.
Je ne pus résister à ton regard azuré.
Ton corps voleta pour me dessiner.
L’œuvre terminée, je m’assis à un centimètre abyssal de toi.

Dans ce monstre de fer courant vers l’ensommeillé soleil,
Tu as pris ma main tressaillante
Et nos lèvres se rencontrèrent

Dans ce monstre de fer courant vers l’ensommeillé soleil,
Assises toutes les deux dans le rouge wagon,
Tout en te replaçant une mèche vanillée,
J’observais d’un œil attentif sous le corps aventureux du soir
Notre relation interdite
Aux parfums de voyage, de secret et d’intrigue.
Et nos lèvres se mélangèrent

Dans ce monstre de fer courant vers l’ensommeillé soleil.

« J’observais d’un œil attentif sous le corps aventureux du soir
Notre relation interdite
Aux parfums de voyage, de secret et d’intrigue….
 »

Illustration : © 2021, Marianne H.

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Le gardien des étoiles

par Arno V.
Classe de Seconde 13

Il fut un temps où j’étais
Le gardien des étoiles
Qui la nuit illuminent mes pensées,
De leurs yeux clairs et solitaires.

Le passé charmant épanouissant du ciel dormant,
Toujours m’émerveille
Tel le soir dénaturé
D’une lune vermeille.

Mes souvenirs de cette étendue d’or végétale
Ont disparu, laissant place à de banals édifices,
Dans un monde bientôt saccagé,
Fatigué de ne pas respirer,

Et je me demande quand la folie des hommes
Sera raisonnée. Enfermées dans cette cage d’acier,
Mes pensées divaguent
Dans la douce mélancolie d’un crépuscule matinal.

« Mes souvenirs de cette étendue d’or végétale
Ont disparu, laissant place à de banals édifices,
Dans un monde bientôt saccagé
…»

Illustration : © Yann Arthus-Bertrand : http://www.yannarthusbertrand2.org/collection/japan/ 

À ma fleur d’oranger

par Lilly R.
Classe de Seconde 13

Pour ma maman, la reine de mon cœur

Quand j’ai peur, je prends ta main
Quand j’ai mal, tu prends mes larmes
Et dans mon cœur entre ta lumière
Tel un rayon de soleil
Pénétrant les verres d’une fenêtre

Mon soleil, mon tout
Rien n’égale l’amour de ma mère
A mon égard

Toi ma jolie maman
Ma mère au grand cœur
Aussi doux qu’un beignet
A la fleur d’oranger
Aussi bon qu’une friandise pour enfants

Cette femme dans la solitude envolée
Vient nous border chaque fois
Que la nuit s’empare du ciel…

« Ma mère au grand cœur
Aussi doux qu’un beignet
A la fleur d’oranger
..
 »

Crédit iconographique : Bruno Rigolt (photomontage et peinture numérique). Décembre 2021.

Dans un bain vanille de liberté

par Bénie-Laël K.
Classe de Seconde 13

Une lourdeur que je ne peux supporter
Ce fardeau lourd à porter plus inévitable qu’hier
Comme une fleur je me fane
Mon rôle s’est achevé avant l’aurore.

N’est-il pas un jour, une semaine
Où l’on pourrait nous laisser baigner
Dans un bain vanille de liberté
Et sans aucune plume d’angoisse ?

Écrire m’emporte dans un tourbillon
Auquel je ne peux échapper : tout se confond,
Et telle une éclipse, la couleur du jour se fond dans l’air.
Je suis à mon apogée, tout s’est affaibli.

N’est-il pas une heure, une minute
Une seconde pour me bercer ?
Comme une enfant, je suis inconsciente
Vivant dans un rêve bleu de l’océan paisible,

Qui m’emmène Insouciante,
Loin, très loin dans un bain vanille de liberté.

« Loin, très loin dans un bain vanille de liberté… »

Crédit iconographique : Bruno Rigolt (photomontage et peinture numérique). Décembre 2021.

Optimisme du V16 Métaphysique

par Dylan K.
Classe de Seconde 13

Comme un danseur dans sa suite
Tout en extase je suis
Sous cette imposante Calandre
me laissant sur les pistons.
Symphonie bombardante
Digne d’une coupe transversale
d’un Aphrodite moteur V16.
Un sublissime moteur à combustion
Pour honorer les curieux V-twin
Des Antiques Harley-Davidson
Avec un système de couvercle de culasse
Convenant à cette noblesse artistique

brabus-geneva (4)«Tout en extase je suis
Sous cette imposante Calandre
 »

Moteur Barbus rocket 900 de 900 chevaux.
Crédit iconographique : © Mercedes (https://mercedesblog.com/geneva-live-ballistic-brabus-gle-63-suv-and-rocket-900-coupe/). Copyright : toutes les marques citées sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs. Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins artistiques.

Le tribunal étoilé de la nuit

par Kylian S.
Classe de Seconde 13

J’impose par la loi de mes désirs
Le soir, la mer, le vent
Et la raison ivre de sentiments.
Mon coeur se remplit de plaisirs
Lorsque je vois le tribunal étoilé de la nuit
Qui pareille à une autorité
Soumet sa juridiction
Au si doux horizon,
Comme un début d’éternité
Au soleil couchant.

« Comme un début d’éternité
Au soleil couchant
..
 »

Georges Lacombe (1868-1916) , « Baie de Saint-Jean-de-Luz », (Côte de Sainte-Barbe), vers 1904
Huile sur toile, collection particulière. Photo : © Musée Maurice Denis

Au-delà des mers et des montagnes

par Élise W.
Classe de Seconde 13

Il y a le vent qui te fait la bise
Et les vagues qui te sautent dans les bras,
Il y a les nuages avec toi
Et la lune déjà partie.

Il y a le soleil très haut dans l’étendue bleue
Et la mer dont le doux bruit me berce
Fait la bise à mes mocassins.
Il y a le sable qui se déplace au rythme de mes pas.

Il y a le mistral qui soupoudre de sucre la montagne
Et l’océan, aux chemins d’écume et de marées
Et puis il y a ceux qui ne sont plus là
Ceux qui sont loin sans toi

Et qui dorment déjà…

« Et puis il y a ceux qui ne sont plus là
Ceux qui sont loin sans toi
Et qui dorment déjà… »

Crédit iconographique : René Magritte, « La Mémoire » (1948). Musée d’Ixelles, Bruxelles

La numérisation de la deuxième livraison de textes est terminée.
Troisième mise en ligne de textes : mardi 21 décembre 2021.

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).

Un Automne en Poésie Saison 11 : 2021-2022… Première livraison

Lancement de l’exposition « Un Automne en Poésie »
— Saison 11 —

Poésies du Rêve et d’AilleursMaquette graphique : © Bruno Rigolt, décembre 2021

Une invitation au voyage…

Les élèves de Seconde 13 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous inviter à l’exposition 2021-2022 “Un Automne en Poésie”, manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne.

La thématique retenue pour cet atelier d’écriture invite à l’évasion : “Poésies du Rêve et d’ailleurs”… Manière d’évoquer la nature profonde du fait poétique, qui est d’être dans le monde pour se faire signe d’un autre monde… Comme une porte qui s’ouvre à la réalité de l’infini.

Voici la première livraison de textes : découvrez les contributions d’Argann, Soane, Monica, Alexandre, Camille, Dora, Lise-Marie.
Chaque semaine, de nouveaux textes seront publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif
jusqu’au 28 décembre 2021 (dernière livraison).

Pour accéder à la deuxième livraison de textes, cliquez ici.
Pour accéder à la troisième livraison de textes, cliquez ici.

Prochaine livraison : dimanche 12 décembre.

  

Le narrateur de la nuit

par Argann D.
Classe de Seconde 13

e soir tombe devant moi, l’univers est infini,
Ma plume est l’épée.
Je marche comme dans un roman policier.
L’âme est blanche comme un ange,
L’amour est fragile comme le quartz rose.
Je suis le narrateur de la nuit.

L’univers est infini, la nuit est bleue
Comme un feu follet, et je marche
Dans l’immense plaine de la solitude.
Devant moi, le chagrin est un lac
S’étendant dans la vallée des larmes,
La colère, un trou noir dévorant l’âme.

L’univers est infini, pareil au vent,
Je vois les étoiles et leur œil omniscient,
Brillant d’un éclat de diamant,
Béni par la fleur du feu :
La fleur aux parfums de soleil couchant…
Je suis le narrateur de la nuit.

« L’univers est infini, pareil au vent
Je vois les étoiles et leur œil omniscient…
 »

Illustration : Vincent Van Gogh, « La Nuit étoilée », 1889. New York, Museum of Modern Art.

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Sous la brume rose de ce cerisier

par Soane B.
Classe de Seconde 13

outes ces nuits blanches où tu m’as tant fais rêver,
Sous la brume rose de ce cerisier, et maintenant, te voici.
Ton agréable parfum s’imprègne des pétales du vent,
La chaleur de tes douces paroles rayonne dans l’obscurité.
Doucement, je me suis logée dans l’amnésie de tes pensées.
Si plaisantes… Je les laisse me guider jusqu’à toi.

Toi qui es prisonnière de ce cœur mortifié,
J’en suis désormais le sentiment clé.
Je sens ton regard étoilé se poser sur moi, mais je ne te vois plus.
Me voici enfin arrivée dans le mirage rose de ce cerisier.
Tu m’as ancrée dans le tableau peint de ton imagination.
Te laissant disparaitre derrière l’horizon…

« Tu m’as ancrée dans le tableau peint de ton imagination.
Te laissant disparaitre derrière l’horizon
…»

Illustration : © 2021, Soane B.

Structure bleutée de la mer

par Monica D.
Classe de Seconde 13

L’Horloge file à toute allure
Comme la mer qui s’étend sur ta liberté :
Longues vagues d’un bleu azur
Éclairées sur le papier.

L’Horloge file à toute allure
Et tu écris de bleu sur le papier
La mer crée une structure
Dans laquelle tout est mesuré.

L’Horloge file à toute allure
Dépêche-toi de descendre les escaliers :
Le stylo veut écrire de tristesse
Et commence à sombrer sur le papier.

L’Horloge file à toute allure
Et je veux te tenir sans limites.
Ton souvenir est l’égal de cette structure bleu azur
Et j’y repense à la fin de chaque soir.

« Ton souvenir est l’égal de cette structure bleu azur
Et j’y repense à la fin de chaque soir
 »

Crédit iconographique : Dalí (1904-1989), « La Persistance de la mémoire » (détail), 1931
THE MUSEUM OF MODERN ART, NEW YORK. © 2008 SALVADOR DALÍ, FUNDACIÓ GALA-SALVADOR DALÍ / ARTISTS RIGHTS SOCIETY (ARS), NEW YORK

Billet retour vers la liberté

par Alexandre R.
Classe de Seconde 13

Un court message griffonné
Au dos d’un avion de papier
Beaucoup de fautes embarquées
Dans ce billet retour vers la liberté…

Ces mots brisés prennent leur envol
Chargés d’espoir dans cette course folle…
Virage au sud, les phrases décollent
Un seul mot d’ordre : suivre la boussole

C’est cette nuit que je les ai écrits
Lui à qui on a coupé les ailes
Écrasé trop loin de son nid
Lance son appel vers le ciel

Première escale dans des lieux
Où personne ne s’installe
Première escale où l’espoir malchanceux
Attends un nouveau décollage

Une nuit puis deux bloquées au sol
Une nuit puis deux l’espoir s’envole
La pluie l’efface, les ailes se froissent
Mais dans le ciel un ange passe

Trois, six, dix appareils planent
Petits cerfs-volants sans ficelle.
Prêt à défier les éléments,
Je pars vers le soleil couchant.

« Prêt à défier les éléments,
Je pars vers le soleil couchant…
 »

Crédit iconographique : photomontage et peinture numérique ; d’après une illustration de Michal Reinis.

La Valse de la Vie

par Camille D.
Classe de Seconde 13

Dans la poche de mon jean, le rêve et l’amour cohabitent,
Et le regret s’échappe avec l’aiguille de l’horloge.
L’imagination me fait penser à toi,
L’avion nous embarque dans le voyage :

Une évasion temporaire vers l’inconnu.
Oubliant le noir et le gris,
Une bulle de savon m’envahit,
Entourée de la vie qui nous regarde.

Dans la poche de mon jean, le rêve et l’amour cohabitent,
Mes sentiments me donnent le tournis
Comme la valse de la vie,
Et le regret s’échappe avec l’aiguille de l’horloge.

Très loin de toi, mon cœur s’immerge de larmes
Éclairées par les étoiles qui dansent.
Ma joie s’est recouverte d’un brouillard d’eau salée,
Envahi de riches secrets qui réchauffent mes larmes.

«Très loin de toi, mon cœur s’immerge de larmes
Éclairées par les étoiles qui dansent
 »


Crédit iconographique : D’après Caspar David Friedrich, “Homme et femme contemplant la lune”. Vers 1824 (Berlin (Allemagne), Alte Nationalgalerie).
Détail. Image modifiée numériquement.

Une ballade en joie…

par Dora S.
Classe de Seconde 13

Je m’évade dans le ciel noir
Aussi libre qu’une vague
Une ballade en joie
Un voyage d’émotion
Les nuages passionnés me survolent

La nuit ensoleillée me comble de bonheur
La liberté appelle le temps
Mon cœur s’envole en courant
Le romantisme et ses désillusions
Ne sont qu’éphémères lumières

Et la méditation semblable à ma solitude
Trace un long chemin
Droit dans mon cœur
Une ballade en joie
Un voyage d’émotion

« Aussi libre qu’une vague
Une ballade en joie
Un voyage d’émotion
 »

Crédit iconographique : Hokusai, “La Grande Vague de Kanagawa”, c. 1830.

Voici la mer

par Lise-Marie J.
Classe de Seconde 13

oici la mer,
Tapis d’eau bleu azur qui reflète le ciel
Je me suis perdue dans l’océan aussi grand que l’infini
Tous les grains d’or qui glissent sur mes pieds
Étincellent, ils brillent sous le soleil

Voici la nuit qui tombe
Et le tapis d’eau bleu se transforme en tornade noire
Les cailloux blancs dans le ciel font de l’ombre sur ma peau dorée
Et les piques d’eau me transpercent le cœur
Comme le doux regard de la nuit

Voici mon cœur aussi noir que l’obsidienne*
Aussi fragile que le cristal
Mes idées obscures me suivent
À travers l’œuvre de la vie
C’est une réflexion véritable sur notre destin

Et puis voici l’aube
Les douces passions violentes foudroient la terre
Le bout du monde s’est perdu du désert à la mer
Et mon sourire, entre deux univers.
Le feu d’écailles et d’éclairs se mélange…

* obsidienne : roche volcanique vitreuse d’origine éruptive de couleur foncée.

« Et puis voici l’aube
Les douces passions violentes foudroient la terre
Le bout du monde s’est perdu du désert à la mer
 »

Crédit iconographique : Bruno Rigolt (décembre 2021). Photographie et peinture numérique.

La numérisation de la première livraison  de textes est terminée.
Deuxième mise en ligne de textes : dimanche 12 décembre 2021.

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).

Découvrez bientôt l’édition 2021-2022 d’ “Un Automne en Poésie”…

Bientôt… “Un Automne en Poésie”

Saison 11

Les élèves de Seconde 13 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous annoncer l’édition 2021-2022 d’ “Un Automne en Poésie”, manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne. Près de 30 textes, tous inédits, seront publiés pour cette onzième édition intitulée : “Poésies du Rêve et d’Ailleurs“.

Lancement de l’exposition : lundi 6 décembre 2021

 

Poésies du Rêve et d’Ailleurs
Crédit iconographique : © Bruno Rigolt, décembre 2021
“Poésies du rêve et d’ailleurs” : titre d’exposition sur une idée des élèves de Seconde 13.

Entraînement à l’EAF. Dissertation sur “Les Fleurs du mal” de Baudelaire. Travaux d’élèves. Découvrez le travail de Marion M.

Entraînement à l’EAF
Dissertation sur programme [2021, 2022]

 

  • Objet d’étude : La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle
  • Œuvre intégrale : Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal
  • Parcours associé : Alchimie poétique : la boue et l’or

Il y a quelques semaines, j’ai décidé de proposer à la classe de Première Générale 8 du Lycée en Forêt le sujet de dissertation suivant :

« Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or – voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière mais bien la matière en esprit » (Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord, 1948). Ces propos du poète Pierre Reverdy s’accordent-ils avec votre lecture des Fleurs du Mal ? Votre réflexion prendra appui sur l’œuvre de Baudelaire et votre connaissance du parcours associé.

Le travail, commenté en classe, a donné lieu à l’élaboration collective d’un plan en trois parties. Les élèves avaient ensuite la rude tâche d’élaborer leur dissertation. Parmi tous les travaux qu’il m’a été donné de lire, quelques-uns, particulièrement remarquables, seront publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif.

Après avoir publié la dissertation d’Océane S., je vous laisse découvrir aujourd’hui la dissertation de Marion M.*. (Classe de Première générale 8, promotion 2020-2021).
Note obtenue : 20/20. Bravo à elle pour ce travail de haute tenue intellectuelle.

* Découvrez une autre contribution de Marion sur ce blog pédagogique : https://brunorigolt.org/2020/11/22/un-automne-en-poesie-saison-10-2020-2021-troisieme-livraison/#marionm 

Rappel du sujet :

« Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or – voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière mais bien la matière en esprit » (Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord,1948). Ces propos du poète Pierre Reverdy s’accordent-ils avec votre lecture des Fleurs du Mal ? Votre réflexion prendra appui sur l’œuvre de Baudelaire et votre connaissance du parcours associé *.

*  Même si Marion n’a pas exploité le parcours mais uniquement Les Fleurs du Mal, sa dissertation n’en est pas moins très probante.

______Parce qu’elle est associée au Ciel, c’est-à-dire à un processus de révélation, la poésie est l’art de la transmutation du profane au sacré grâce au pouvoir des mots : elle est la confidente des émotions créatrices les plus intimes et les plus fortes. Au sein de leurs œuvres, les poètes ont toujours cherché à réenchanter et à réinventer le monde en le rendant meilleur ou plus idéal. C’est ainsi que dans Le livre de mon bord, recueil de notes écrites entre 1930 et 1936, Pierre Reverdy écrit à propos de la poésie : “Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or – voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière, mais bien la matière en esprit”.

______Nous pouvons nous demander en quoi cette citation, qui met au jour les secrets de la fabrique poétique, s’accorde avec Les Fleurs du Mal de Baudelaire, recueil poétique souvent associé aux images négatives altérant cette alchimie du bonheur dont parle si bien Pierre Reverdy. Comme nous le comprenons, la problématique qui se dégage de ces premières impressions amène à questionner l’essence même de la poésie : amène-t-elle nécessairement au beau ?

______Certes, comme nous le verrons dans une première partie, les propos de Pierre Reverdy sont très représentatifs de la quête d’une beauté idéale entreprise par Baudelaire. Cependant, cette affirmation trouve aussi ses limites comme le montre l’attirance, voire la fascination pour le mal qui semble parcourir d’un souffle fiévreux la poésie baudelairienne. Nous achèverons notre réflexion en montrant dans notre troisième partie combien au-delà de cette crise du sens, la poésie amène par la transmutation de “la matière en esprit”, à une quête idéale de sens.

*      *
*

______En premier lieu, la poésie est l’une des conditions qui permet à l’humain de satisfaire ses désirs en produisant du beau. Comme le suggère Pierre Reverdy, elle opère la transmutation de “la misère en bonheur”. À ce titre, si la poésie de Baudelaire puise son inspiration dans les sphères de la réalité immédiate et matérielle, c’est pour s’en abstraire grâce au pouvoir de l’imagination créatrice, apte à métamorphoser la condition humaine, malheureuse et vulgaire, par l’alchimie du Verbe.

______La poésie a tout d’abord pour dessein de transmuer un monde matériel bien souvent déceptif en une ivresse apte à éveiller l’espoir ou l’amour. Si Baudelaire paraît si attiré par cette notion d’alchimie, c’est sans doute parce qu’il se transforme en un magicien, capable de transmuer, à la manière d’un alchimiste, les mots et les sentiments pour nous emporter vers l’ailleurs. C’est ainsi que l’appel du voyage, thème particulièrement récurent dans Les Fleurs du Mal, apparaît comme la possibilité d’échapper au spleen. Cette urgence irrépressible du voyage serait comme ce qui permet au poète d’accéder à une réalité épanouissante : face à ce monde sans merveille, monotone et misérable, le voyage permet au contraire d’accéder à un monde extraordinaire. La recherche de l’exotisme et de l’ailleurs permet donc d’accéder à une forme de plénitude : le voyage en effet n’est pas forcément un déplacement physique en poésie, il peut être un simple appel à rêver, à rechercher le bonheur, là où on ne le voit pas forcément. Dans l’un de ses poèmes intitulé “Le Flacon”, Baudelaire évoque cet exotisme suggestif par lequel les parfums qui jaillissent de celui-ci, semblent évoquer toute la magie de l’Orient. Cet appel au voyage, rien qu’en humant les odeurs d’un vieux flacon retrouvé, nous amène à comprendre ce pouvoir évocateur de la poésie.

______N’est-elle pas en effet ce qui permet à l’humain d’appréhender la richesse d’un monde dont notre compréhension reste bien souvent provisoire et partielle ? Marcel Proust, dans La Prisonnière, écrivait que “le seul véritable voyage […] ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux”. La poésie serait alors, comme nous le montrerons plus fondamentalement dans notre troisième partie, ces “autres yeux” permettant au poète, en s’évadant de la société, d’accéder à la révélation du mystère afin d’atteindre l’idéal par le pouvoir de l’imaginaire. Remarquons à ce titre que cette quête de l’idéal est aussi une quête du bonheur. Dans Le Peintre de la vie moderne, Baudelaire définissait le Beau comme “promesse du bonheur” : voici sans doute pourquoi dans Les Fleurs du mal l’imaginaire et le sensoriel sont si entremêlés. Comment ne pas évoquer ici le poème “Parfum exotique”, illustration parfaite de la doctrine des synesthésies, chère à Baudelaire ? Par le mélange des sensations qui semblent se fondre et fusionner entre elles, le poète semble passer du monde matériel visible vers le monde invisible de l’idéal : mystérieuse alchimie dans laquelle chacune des qualités sensorielles des objets naturels entre en dialogue avec les autres sensations. Comme on le voit, la mystérieuse sensualité de ce paysage exotique fait de la poésie l’expression d’un paysage rêvé et idéalisé.

______En recherchant, à travers différentes dimensions, à la fois sensitives et sensorielles, des éléments positifs qui lui apporteraient un certain bonheur, le poète parvient à établir des correspondances entre le monde matériel et le monde spirituel, afin de dépasser le spleen pour le transmuer en beauté. Cette quête de l’idéal se retrouve particulièrement dans la recherche de la femme aimée. Quête platonique de l’amour et quête de l’immortelle beauté des choses ne font qu’un : la pureté angélique qui se dégage de la femme remplit le poète d’admiration. C’est ce rapport émerveillé au réel que la poésie intériorise. Ce point de vue est parfaitement illustré par le poème “À une passante” : le poète croise dans la rue une femme qui l’attire et qui est de très grande « beauté », elle le fait « renaître » sur le moment, offrant un sentiment de bonheur intense, entrelacement contradictoire de sensualité et de métaphysique, qui s’évanouit plus tard et le pousse à rechercher cette femme lorsqu’il comprend qu’il ne la reverra sans doute plus. C’est précisément l’impossibilité de cette quête qui en fonde paradoxalement la possibilité : comme si l’émerveillement devant la mystérieuse inconnue débouchait sur la quête d’une beauté pure, en réaction à la société bourgeoise, matérialiste et vulgaire. L’émerveillement amoureux apparaît donc comme un moyen d’appréhender plus intimement le monde, même quand sa compréhension nous échappe.

*      *
*

______La poésie des Fleurs du mal, comme nous avons essayé de le montrer dans cette première partie, apparaît comme une transmutation de “la misère en bonheur”, pour reprendre les propos de Pierre Reverdy. Mais on peut cependant s’interroger sur sa capacité à donner un sens positif à l’indéterminé, à l’incertain, à l’inconnu, Certes, Baudelaire exprime, au travers de l’alchimie poétique, l’appel du voyage de même que de la quête de la beauté, mais cette transmutation de la misère en bonheur est souvent périlleuse, au point d’apparaître comme la négation de l’idéal. D’ailleurs, ainsi que nous allons l’étudier dans notre deuxième partie, le poète n’exprime pas toujours le positif, bien au contraire ! Il peut également chercher à exprimer la douleur, l’imperfection ou le négatif.

*      *
*

______Ce qui symbolise aux yeux d’une majorité de lecteurs l’univers baudelairien est bien l’alchimie négative : si le poète effectue une transmutation, c’est souvent une transmutation du bien en mal. D’où cette fascination pour la dissonance, le difforme, la laideur, voir le satanique qui caractérisent particulièrement Les Fleurs du mal.

______Nous pouvons observer de prime abord un profond mal-être qui prend à la fois les caractéristiques du désespoir et de la provocation. Par leur contact mortifère, “ces fleurs maladives” métamorphosent le bien en mal : les fleurs naissent du désespoir. Ainsi transparait dans les poèmes de Baudelaire un accablement douloureux, profondément spirituel et cérébral qui affecte le lecteur comme dans le poème “Spleen” (n° 78, Spleen et Idéal) : Baudelaire semble exprimer autant ses désillusions sociales qu’une souffrance personnelle : “de longs corbillards défilent lentement dans mon âme” : le mal ici n’a rien de passager ; c’est bien un mal métaphysique qui s’exprime dans un univers déboussolé et absurde. À un niveau existentiel, le poème évoque bien la vacuité et la vanité de la vie face à laquelle l’homme ne parvient pas à se résigner, cherchant toujours un impossible sens. Mais nous pourrions également interpréter l’œuvre comme une ultime provocation dans le but de “bousculer” les lecteurs, les choquer et ainsi les faire réfléchir sur eux-mêmes. Il apparaît chez Baudelaire une attirance pour le mal qui est consubstantielle à l’alchimie du Verbe : figurer l’infigurable par plaisir et par sentiment de puissance. Baudelaire est en effet un poète maudit, incompris de la société et conscient de sa propre altérité : au-delà de la censure dont plusieurs poèmes ont fait l’objet comme “Les Bijoux”, “Lesbos” ou encore “Les Métamorphoses du vampire”, ce que révèlent ces pièces condamnées, c’est la volonté très nette chez Baudelaire de repousser les limites de la transgression et de plonger dans les profondeurs de l’âme humaine, en quête d’un art absolu.

______En outre, nous voyons que Baudelaire esthétise énormément la laideur au point d’amener à un renversement de la beauté. Rompant avec la tradition classique, le poète se plait à introduire la trivialité, le choquant ou le cauchemardesque au sein de l’œuvre d’art : cette alchimie négative trouve son inspiration dans le médiocre ou le laid, et la transmutation d’une chose belle et précieuse en laideur. C’est ainsi que dans le poème “Horreur sympathique” (FM, “Spleen et Idéal”, n° LXXXIV), le poète s’exclame : “Vos vastes nuages en deuil / Sont les corbillards de mes rêves”. De même, dans l’« Ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du mal » (1861), Baudelaire affirme : « tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Adressés à Paris, ces propos sont la consécration du pouvoir maléfique du poète qui au contraire de Midas, change le bien en mal. Il y a donc une esthétisation de la laideur, élevée au rang de beauté inversée : dans le laid, on retrouve le beau, mais un beau antithétique, à l’opposé des thèmes préférés des romantiques : ainsi l’amour est-il à la fois “paradis” et “enfer”. Cette alchimie inversée se perçoit également très bien dans les “Litanies de Satan” : dans ce poème subversif qui est une sorte de contre-prière, Satan est imploré, glorifié. Cela témoigne, encore une fois, de l’attirance pour le mal que Baudelaire ressent, mais une attirance esthétique : le laid, donc le mal, est régulièrement sublimé, voire complétement esthétisé dans une sorte de sorcellerie évocatoire dominée par les pouvoirs du Verbe et les vertus de la forme poétique.

______Enfin, si dans un grand nombre de ses poèmes, Baudelaire embellit ou enlaidit, parfois de manière si exagérée les personnages et les situations, c’est sans doute pour conférer à l’art une place prépondérante : la misère du spleen ou la laideur de l’art se transmuent en beauté négative, seule manière d’exprimer des sentiments authentiques. Métaphore de l’illusion et du rêve, le “fond du gouffre” (“Le voyage”) est pour Baudelaire le lieu de la révélation. Extraire la beauté de la laideur la plus hideuse par la “sorcellerie évocatoire” du langage, là est sans doute l’effet magique de la poésie. Comme l’affirmait Michel Ribon dans Archipel de la laideur (1995), “[…] la chose laide, dès qu’elle surgit devant nous, repousse tout notre être dans la nausée ou le dégoût, la répugnance, l’indignation ou la révolte. […] Mais, par sa fascination même, la laideur, qui multiplie dans le réel ses figures d’archipel, se propose à l’artiste comme un défi à relever […]”. C’est donc dans l’exagération même que réside l’art véritable : en glorifiant certains aspects par exemple, ou en exagérant à l’inverse les défauts, le poète devient créateur : la femme parfaite idéalisée dans « A une passante » n’est pas si différente de la « mendiante Rousse » dont le « haillon trop court » la rend totalement laide. Dans les deux cas, le réalisme des images cède le pas au à la souffrance, à la déviation, à la douleur ou au bizarre : comme s’il fallait embrasser la tentation du mal pour trouver l’inspiration. La beauté et l’amour ne suffisent pas à la quête de l’idéal : le poète doit assumer sa part d’obscurité, aussi malheureux soit-il, pour trouver la Lumière…

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______Au terme de ces deux premières parties, il apparaît que la poésie chez Baudelaire incarne une tension parfaitement résumée par les termes de spleen et d’déal. Pour extraire la quintessence de toute chose, le poète comme nous l’avons vu, procède à une alchimie verbale qui consiste à trouver dans la souffrance le salut. Il nous faut désormais interroger plus profondément cette poésie à la lumière de la citation de Pierre Reverdy : alchimie malheureuse qui « change l’or en fer et le paradis en enfer », la poésie n’est-elle pas plus fondamentalement une quête spirituelle, ou plutôt une fusion de la matière et de l’esprit ?

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______Lorsque Pierre Reverdy dit de la poésie qu’elle transmue “la matière en esprit”, il montre qu’elle opère à la manière d’un principe créateur. En ce sens, dans Les Fleurs du mal, Baudelaire ne cherche-t-il pas, par la Parole, à transmuer la matière en Lumière ? Ainsi comprise, la poésie devient quête spirituelle par laquelle s’opère la métamorphose du visible vers l’invisible.

______En premier lieu, nous allons montrer que la quête de l’indicible et du spirituel que l’on retrouve dans le recueil des Fleurs du Mal peut s’apparenter chez Baudelaire à une imitation du principe créateur : l’artiste a pour but d’exprimer l’inexprimable, et sa quête de l’idéal s’apparente à cette “Alchimie du Verbe” dont rêvait Rimbaud. En cherchant à faire voir le monde autrement qu’il n’est, le poète “transmue la parole du monde en parole de lumière et les clefs de son langage sont les symboles de la science d’Hermès parce que ce sont les signes que le poète aperçoit immédiatement et déchiffre d’emblée, dans la nature et dans l’art. Sa poésie est aussi naturellement alchimique que l’alchimie est naturellement poétique, et leurs métamorphoses ne font qu’un seul chant” [1]. Ces propos fondamentaux de Roger Parisot nous semblent s’appliquer parfaitement aux Fleurs du Mal : ce n’est pas une simple alchimie qu’opère Baudelaire : il transforme la boue en or spirituel : le langage incarne ici la réflexion, l’esprit et l’inexprimable que veut évoquer le poète : cet or spirituel représente donc toute une réflexion, et toute une symbolique. Comme le montre très bien Marc Eigeldinger dans Le Soleil de la poésie, essai consacré à Baudelaire, Gautier et Rimbaud : “Tel un alchimiste, Baudelaire opère la transmutation de la substance matérielle en substance poétique, il transfigure les objets par la vertu du langage et métamorphose la boue de la capitale en or spirituel […]” [2]. Nous pourrions évoquer ici le poème “L’Aube spirituelle” dans lequel Baudelaire semble chercher l'”inaccessible azur” dans le souvenir d’une femme aimée. S’il est attiré par le gouffre, le poète, “être lucide et pur”, aspire à la lumière et au spirituel : véritable quête de l’indicible, qu’il combine à une quête du spirituel.

______Par ailleurs, le poète est un déchiffreur : il perçoit “ce que l’homme a cru voir”, comme disait si bien Rimbaud dans “Le bateau ivre” : il voit l’invisible. Au-delà des éléments banals de la vie, des déceptions récurrentes, le poète explore un tout autre univers grâce à cette alchimie spirituelle qui consiste, en détournant le monde de lui-même, à concevoir un autre monde, ou à faire surgir une autre vision du monde. Dans “La lettre du Voyant” rédigée en mai 1871, Rimbaud dit qu’il « faut être voyant, se faire voyant ». Cette expression signifie que le poète doit dépasser les apparences afin de voir l’invisible afin d’avoir la révélation de l’inconnu, c’est-à-dire voir le monde comme il n’a jamais été vu. Cet aspect, très prôné par le surréalisme, cher à Reverdy, et surtout le symbolisme, fait du poète le créateur ultime. Ce culte d’un renouveau métaphysique et mystique, amplifié par le refus de la vie quotidienne dans son conformisme banal, conduira les auteurs à une volonté de recréation du langage qui va ouvrir la voie à une poétique nouvelle, plus abstraite et conceptuelle. C’est ainsi que la poésie symboliste se plaît à déchiffrer les mystères du monde grâce à des symboles qui restent inaccessibles au non initié. Grâce aux symboles, le poète cherche à atteindre une sensibilité et une vérité supérieures. Nous pourrions évoquer ici le poème « Élévation » dans lequel Baudelaire affirme qu’il “comprend sans effort/Le langage des fleurs et des choses muettes”. Ces « choses muettes » ne sont-elles pas ici “l’invisible”, “l’indicible” ? Ainsi, Il réinvente le monde en lui donnant une autre vie.

______En définitive, ne faut-il pas aborder Les Fleurs du Mal comme une œuvre profondément symboliste ? Rappelons que pour ce mouvement, qui s’est développé dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, la poésie doit puiser dans l’imaginaire des symboles pour construire du sens. Les sensations et les impressions sont favorisées plutôt que les descriptions trop concrètes ou trop réalistes, car la poésie symboliste proclame le pouvoir de l’Esprit sur les sens, de l’art sur la nature, de la subjectivité sur l’objectivité, de l’imaginaire sur le réel. Nous retrouvons très bien cet aspect dans “l’Albatros”, Baudelaire symbolise le poète non compris par la société au travers de l’oiseau, véritable allégorie du poète maudit. Tantôt « Albatros », tantôt « Vampire » ou « Étranger », le poète, s’il puise dans le monde la matière de son inspiration, s’en détache pour mieux le recréer. Ainsi amène-t-il à porter un regard renouvelé sur le monde qui nous entoure. Dans le poème « Correspondances », Baudelaire traduit par un jeu de synesthésies les liens invisibles qui se tissent entre le monde banal et quotidien, et le monde de la création : “Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants/Doux comme les hautbois, verts comme les prairies…”. Par le jeu des correspondances, dans chaque couleur ou sensation semble s’épanouir une autre vision du monde, dont la fonction herméneutique est essentielle [3] : en parfait alchimiste, le poète nous invite à comprendre que la véritable poésie repose sur une quête : elle engage le lecteur dans un voyage, une errance qui se révèlent être une aventure extraordinaire et transfiguratrice. Au-delà de cette quête de l’indicible et du spirituel que nous évoquions, la poésie apparaîtrait ainsi plus qu’une transmutation de la matière en esprit : mais par le pouvoir de l’esprit, elle permet de toucher la matière pure.

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______Pour conclure, si le poète baudelairien, comme nous avons essayé de le montrer tout au long de notre travail, est tellement en quête de cette alchimie poétique qui fascine tant les créateurs, c’est que le poète tient en ses mains le bien et le mal : la poésie est son libre-arbitre. Voici pourquoi il peut tantôt chercher l’idéal mais aussi succomber au mal : le but de l’art est ainsi d’amener à une quête idéale de sens. Au-delà du bien et du mal, l’objet même de la poésie réside peut-être dans cette quête d’un autre monde, capable de restituer l’ordinaire de façon extraordinaire, en amenant un peu d’humanité et en étant au plus près de la condition humaine. Pierre Reverdy écrivait à ce titre que “le poète ne vit guère que de sensations, aspire aux idées, et en fin de compte n’exprime que des sentiments”. De tels propos invitent à comprendre la dimension proprement humaine de l’alchimie poétique. Par la poésie, le banal, le futile, l’anodin prennent paradoxalement une valeur transcendante car ils sont riches d’un monde à explorer, dans lequel l’insignifiant devient signifiant…

©  Marion M.(Lycée en Forêt, Classe de Première Générale 8), novembre 2020.
Relecture du manuscrit  corrections et ajouts éventuels : Bruno Rigolt, février 2021.

NOTES

[1] Roger Parisot, « Poésie alchimique et matière de l’œuvre chez Robert Marteau », in :  Richard Millet (dir.), Pour saluer Robert Marteau, Cahier d’hommages, Champ Vallon p. 186.

[2] Marc Eigeldinger, Le Soleil de la poésie, 1991, Braconnière p. 96

[3] Herméneutique : c’est-à-dire le déchiffrement, le décryptage, l’interprétation des symboles.

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Entraînement à l’EAF. Dissertation sur “Les Fleurs du mal” de Baudelaire. Travaux d’élèves. Découvrez le travail d’Océane S.

Entraînement à l’EAF
Dissertation sur programme [2020-2021]

 

  • Objet d’étude : La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle
  • Œuvre intégrale : Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal
  • Parcours associé : Alchimie poétique : la boue et l’or

Il y a quelques semaines, j’ai décidé de proposer à la classe de Première Générale 8 du Lycée en Forêt le sujet de dissertation suivant :

« Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or – voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière mais bien la matière en esprit » (Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord, 1948). Ces propos du poète Pierre Reverdy s’accordent-ils avec votre lecture des Fleurs du Mal ? Votre réflexion prendra appui sur l’œuvre de Baudelaire et votre connaissance du parcours associé.

Le travail, commenté en classe, a donné lieu à l’élaboration collective d’un plan en trois parties. Les élèves avaient ensuite la rude tâche d’élaborer leur dissertation. Parmi tous les travaux qu’il m’a été donné de lire, quelques-uns, particulièrement remarquables, seront publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif.

Je vous laisse découvrir aujourd’hui la dissertation d’Océane S*. (Classe de Première générale 8, promotion 2020-2021).
Note obtenue : 20/20. Bravo à elle pour ce travail de haute tenue intellectuelle.
Lisez également le travail de Marion M. qui porte sur le même sujet.

* Découvrez une autre contribution d’Océane sur ce blog pédagogique : https://brunorigolt.org/2020/11/22/un-automne-en-poesie-saison-10-2020-2021-troisieme-livraison/

Rappel du sujet :

« Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or – voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière mais bien la matière en esprit » (Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord,1948). Ces propos du poète Pierre Reverdy s’accordent-ils avec votre lecture des Fleurs du Mal ? Votre réflexion prendra appui sur l’œuvre de Baudelaire et votre connaissance du parcours associé.

______Associée aux sciences occultes du Moyen-Âge, l’alchimie est l’art de la transmutation, permettant de convertir les métaux les plus vils en or. C’est également le cas de l’art poétique qui dans sa quête d’une transformation spirituelle par la parole, métamorphose le monde, donnant une forme transcendante à la réalité. À ce titre, le poète Pierre Reverdy écrivait dans Le Livre de mon bord : « Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or – voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière mais bien la matière en esprit ». Ces propos qui mettent en évidence l’association entre quête alchimique et quête poétique, nous amènent cependant à nous interroger : la poésie, comme dans l’art alchimique, ne serait-elle qu’un moyen de transformation du mal, afin d’atteindre l’idéal ? Le poète a-t-il seulement pour but d’esthétiser et d’embellir la réalité ?

______Ces questionnements fondent la problématique de notre travail à laquelle nous répondrons selon une triple perspective : si la poésie comme nous le montrerons tout d’abord, transmue la misère en bonheur, le poète peut aussi être attiré par le mal, et s’y abandonner. Enfin, il conviendra de dépasser ce dualisme quelque peu réducteur : indépendamment du bien et du mal, l’art poétique ne constitue-t-il pas, comme le suggère Pierre Reverdy, un dépassement du réel, et une alchimie de « la matière en esprit » ? Nous étayerons notre démonstration par Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire ainsi que le parcours qui lui est associé « Alchimie poétique : la boue et l’or ».

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______En premier lieu, nous pouvons considérer que la poésie est un moyen d’idéaliser la banale réalité. Dans Les Fleurs du Mal, Baudelaire évoque à de nombreuses reprises cette aspiration à l’élévation et à la beauté, notamment par un appel de l’ailleurs, qui apparaît comme une sorte d’échappatoire à la misérable condition humaine. C’est ainsi que dans le poème « L’invitation au voyage », le poète s’évade là où « tout n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté » : évocation lyrique et presque surnaturelle d’un monde enchanteur et d’un bonheur primitiviste que la vie quotidienne dans son conformisme banal serait incapable de comprendre. C’est en effet cette quête onirique, toujours caractérisée par une éternelle insatisfaction, voire un refus du monde présent, qui pousse le poète à partir à la recherche d’un ailleurs vague et imprécis, tel que le dépeint Mallarmé dans « Brise marine » [1] : « Fuir ! Là-bas fuir ! Je sens que les oiseaux sont ivres / D’être parmi l’écume inconnue et les cieux ! ». En contrepoint de ce sentiment d’échec existentiel, la poésie procède donc à la fois d’un appel à se libérer des vestiges du quotidien et d’une invitation à entreprendre le voyage rêvé qui est au cœur des ambitions métaphysiques du symbolisme. Le voyage apparaît ici comme une fuite hors du monde, sans réelle attache ni destination : fuite vers un ailleurs plus beau, où les sensations ne seraient plus émoussées par le vulgaire et le banal. Voici sans doute pourquoi la quête du bonheur s’accompagne toujours d’un voyage idéalisé. Plus qu’un simple dépaysement, le voyage est prétexte à une quête de l’inspiration.  Mallarmé annonce dans ce même poème l’idée d’un voyage métaphorique, d’une évasion par le rêve et l’imagination grâce au pouvoir évocateur de la poésie : « Mais ô mon cœur, entends le chant des matelots ! ». Ainsi, la poésie peut-elle « transmuer la misère en bonheur » pour reprendre les mots de Pierre Reverdy, puisqu’elle permet l’idéalisation du réel.

______D’autre part, cette quête du Bonheur va avec celle de l’amour. Envisagé comme quête de l’inaccessible, l’idéal baudelairien est indéniablement sentimental et féminin : cette aspiration à la perfection, au divin, au beau, se manifeste en effet à travers la femme, partagée entre la beauté de Vénus et la grâce spirituelle de la Vierge. « Fugitive beauté / Dont le regard m’a fait renaître » : ainsi la décrit-il dans « À une passante » (Tableaux parisiens) où l’instantanéité du moment et la rencontre qui n’a pas eu lieu est ce qui justement la rend si fascinante, puisqu’elle laisse place aux espoirs et à l’imaginaire fantasmé du poète. Comme un lieu inaccessible, la femme idéale reste à jamais hors du temps, car elle n’existe pas : elle est l’expression tourmentée d’un rêve utopique parfaitement exprimé dans le poème « Un hémisphère dans une chevelure » [2] : « Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes cheveux ! […] Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical […] ». Nous pourrions rattacher ces exemples à la théorie de « l’art pour l’art » fondée sur le culte de la beauté, « déesse et immortelle » tel que la décrit Baudelaire dans « L’étranger » (Le Spleen de Paris). A cette quête de la beauté personnifiée dans la femme comme source inspiratrice, correspond la perfection du langage poétique, comme quête de l’art pour l’art. Il n’est donc pas étonnant que Baudelaire s’exclame : « La poésie, pour peu qu’on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d’enthousiasme, n’a pas d’autre but qu’elle-même […] » [3]. La poésie n’aurait ainsi de dessein qu’elle-même, à l’opposé de toute préoccupation utilitaire ou matérialiste.

______Pourtant, la poésie ne serait-elle que purement « gratuite » ? N’est-elle pas au contraire la révélation de la condition humaine.? Au-delà de sa propre personne, Baudelaire est en effet sensible à la misère du monde qu’il superpose à la sienne. Dès lors, nous pouvons affirmer que la poésie, comme quête du sens, vise à transmuer la misère humaine : en cherchant à métamorphoser la société vulgaire, le poète métamorphose « la boue en or » et la douleur en plénitude. De fait, les poèmes des Fleurs du Mal, bien que représentatifs d’un profond désespoir intérieur, nous paraissent refléter un état d’âme commun à tous les mortels, dont la triste condition ne pourrait être soulagée que par l’art. C’est ainsi que dans « Les petites vieilles », les femmes décrépies dont il est question sont des « monstres » qui gardent pourtant un semblant de beauté, car leurs yeux sont des « puits faits d’un million de larmes / Des creusets qu’un métal refroidi pailleta ». Le poète est donc celui qui réécrit et par la même occasion embellit le monde grossier par la quête d’une vérité supérieure. Comment ne pas évoquer ici les deux derniers vers du « Mendiant » de Victor Hugo (Les Contemplations) : « Et je regardais, sourd à ce que nous disions, / Sa bure où je voyais des constellations » ? Ainsi, les poètes voient-ils et prennent-ils conscience de ce que les autres méprisent et rejettent.  « La poésie est l’étoile », rappelle à ce titre Hugo dans « La fonction du poète » : comparable à un guide, le poète en éclaireur de l’humanité, conduit les hommes vers la quête du sens. C’est dans cette transmutation que réside le bonheur : telle est la mission, le rôle social du poète, car celui-ci a l’aptitude de voir l’inestimable dans la boue, prélude d’une sorcellerie évocatoire dont il s’agit de découvrir la formule magique. Nous pouvons donc considérer que le poète est un alchimiste de la misère en bonheur : son or n’a rien de métallique ni de vulgaire, il est par une quête de l’idéal, la noble perfection de l’âme qu’il réenchante par le Verbe créateur.

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______Au terme de ces premières réflexions, nous devons cependant nous interroger : la poésie se limite-t-elle seulement à cette alchimie positive ? L’œuvre de Baudelaire n’est-elle pas une « œuvre au noir » qui apparaît, sous de nombreux aspects, à l’opposé du « bien » et du bonheur ?

______Il faut tout d’abord rappeler le rejet de la société et de ses valeurs morales de la part du poète, qui n’y occupe plus qu’une place marginale : il s’y sent étranger et « maudit » pour reprendre la célèbre expression de Paul Verlaine [4]. Cette discrimination amène alors un désir de provocation de la société bourgeoise et une totale contradiction avec les codes de l’époque, allant même jusqu’à une propension au négativisme parfaitement exprimée dans la célèbre dédicace à Théophile Gautier : « Au poète impeccable […] je dédie ces fleurs maladives ». Par leur contact mortifère, les poèmes métamorphosent le bien en mal : les fleurs naissent du désespoir. Ainsi transparait dans les poèmes de Baudelaire un accablement douloureux, profondément spirituel et cérébral qui affecte le lecteur comme dans le poème « Spleen » (n° 78, Spleen et Idéal) : « […] l’Espoir,/ Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique, / Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir ». On retrouve dans ces derniers vers la consécration du Spleen comme négation de « l’Idéal ». À la quête artistique et amoureuse que nous évoquions dans notre première partie, succède le désespoir. L’idéal semble en effet tellement inaccessible que la désillusion suit. Cette opposition Spleen/Idéal qui compose la première partie des Fleurs du Mal est d’autant plus frappante que les deux thèmes se côtoient tout au long de la section. Nous observons peu à peu l’idéal et l’espoir décroitre et le spleen émerger puis triompher à la fin de la section :

« Par toi je change l’or en fer
Et le paradis en enfer ;
Dans le suaire des nuages

Je découvre un cadavre cher,
Et sur les célestes rivages
Je bâtis de grands sarcophages. »

Alors que dans le projet d’épilogue, la poésie présente cette vertu alchimique de transfigurer la « boue » en « or », c’est-à-dire le spleen en idéal, dans « Alchimie de la douleur », la douleur se change, non en or, mais en images funèbres. Cette alchimie inversée exprime autant l’horreur que la fascination : s’il se lamente sur sa douloureuse condition, c’est pour mieux assumer ce choix du malheur ; ultime provocation permettant à l’artiste de féconder sa création.

______Qu’on ne s’y trompe pas en effet : il apparaît chez Baudelaire une attirance pour le mal qui est consubstantielle à l’alchimie du Verbe. Rien que par son titre oxymorique, Les Fleurs du Mal est un recueil qui ne cesse de fasciner par la métaphore alchimique qu’il met en œuvre : figurer l’infigurable. Au-delà de la censure dont plusieurs poèmes ont fait l’objet comme « Les Bijoux », « Lesbos », « Femmes damnées » ou encore « Les Métamorphoses du vampire », ce que révèlent ces pièces condamnées, c’est la volonté très nette chez Baudelaire de repousser les limites de la transgression et de plonger dans les profondeurs de l’âme humaine, en quête d’un art absolu. Au-delà de l’imaginaire occulte et monstrueux qui a tant fasciné le XIXe siècle, c’est donc le Diable en lui-même qui intrigue le poète, qui bien que croyant, n’hésitera pas à le mentionner à de nombreuses reprises dans ses poèmes, lui accordant ainsi une place sans précédent que Sainte-Beuve a bien mis en évidence dans une lettre qu’il adressa à Baudelaire le 20 juillet 1857 : « Vous vous êtes fait Diable ». Satan, que l’on peut associer à la monstruosité morale, à la déchéance de l’être humain et à la manifestation de tous ses vices, constitue alors une part du poète, qui essaye en tant qu’alchimiste de comprendre cette « boue » afin de façonner son esprit à la noire lumière de la corruption. De là, peut-on encore affirmer que Baudelaire est un poète de l’idéal et du beau ? Comme nous le comprenons, il n’y a pas de « poésie heureuse » pour Baudelaire. S’il s’est fait Diable, c’est peut-être pour mieux nous interpeller sur ce qu’il y a de faux et d’hypocrite dans la rêverie. D’où cette fascination, voire cette obsession pour le mal : n’est-elle pas ce qui justement fait de son recueil une œuvre originale, où sont mêlés intimement les deux opposés ? En faisant du mal son sujet, Baudelaire le met en valeur, le rend presque moralement nécessaire, consubstantiel à la beauté et à l’idéal.

______Enfin, la poésie de Baudelaire est caractérisée par une esthétisation de la laideur, indépendamment de toute considération morale. Cette prise de conscience vise à « émotionnaliser » l’art afin d’en découvrir la vérité idéale. Mais cette vérité n’est pas belle à voir : elle pousse le poète à rechercher et extraire la beauté dans ce qu’il y a de plus laid et de plus trivial, comme pour nous révéler l’image de notre humble condition. Et cela dans le travail même des mots, qui grâce à l’or poétique prennent une toute autre dimension. Cet intérêt pour ce que le monde rejette sert aussi à interpeller le lecteur, qui se remet alors en question. Par exemple, dans le poème « Une charogne », le poète compare la femme aimée à un cadavre en décomposition, et au-delà de la simple provocation, il s’agit surtout de transformer l’immonde en objet poétique :

Alors, ô ma beauté ! Dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !

Esthétiser le déchet par le renversement de la beauté en laideur, c’est aussi s’inscrire dans la tradition lyrique pour mieux la détourner ; l’idylle amoureuse devient un memento mori : façon de nous interpeller sur le rôle de l’art. Loin de l’esthétique habituelle, le poète nous oblige à voir la surface rugueuse de la beauté. De cette poésie de la laideur, qui est aussi une méditation sur la mort et l’amour, nous retiendrons un aspect essentiel de l’œuvre du poète, qui est la dualité entre le bien et le mal, entre la joie et la douleur, entre l’ombre et la lumière… « J’aime l’araignée et j’aime l’ortie », écrivait justement Victor Hugo dans Les Contemplations (XXVII), où il appelle à « aimer » les êtres les plus vils. Dans le même ordre d’idées, nous pourrions citer Baudelaire qui affirmait : « Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu’il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie naïve, non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau ». Ces propos [5] sont riches d’enseignement : le langage ne dit donc pas nécessairement le beau, mais il permet au contraire une interrogation sur notre façon de juger la beauté et la laideur. Si Baudelaire rejette tant la doctrine classique, avec sa mesure, sa bienséance et son bon goût, c’est certes pour provoquer mais plus fondamentalement pour nous amener à percevoir différemment le monde. Nous pouvons ainsi en déduire que le mal sous toutes ses formes fait partie intégrante de la poésie qui sert non seulement à l’exprimer, mais aussi, par le biais de celui-ci, à amener à un profond questionnement existentiel.

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*

______Parvenus à ce point de notre réflexion, il nous faut dès lors questionner plus profondément les propos de Pierre Reverdy : qu’est-ce que réellement la poésie ? Quelle vérité primordiale s’en dégage ? Quelle dimension peut prendre l’art poétique au-delà de la dialectique négative que nous avons étudiée entre le bonheur et la misère, le spleen et l’idéal, le bien et le mal ? Nous allons donc voir en quoi la poésie permet de transmuer la « matière en esprit ».

______Quêteur d’invisible, le poète est tout d’abord à la recherche d’une poésie pure. Grâce à la mystérieuse alchimie qui préside à la création, la poésie nous amène inévitablement à une quête spirituelle et salvatrice incontestablement présente dans l’œuvre de Baudelaire. Celui-ci cherche par l’art poétique un monde supérieur au réel et à la matérialité : « C’est à la fois par la poésie et à travers la poésie […] que l’âme entrevoit les splendeurs situées derrière le tombeau ; et quand un poème exquis amène les larmes au bord des yeux, ces larmes ne sont pas la preuve d’un excès de jouissance, elles sont bien plutôt le témoignage […] d’une nature exilée dans l’imparfait et qui voudrait s’emparer immédiatement, sur cette terre même, d’un paradis révélé » [6]. Ces propos de Baudelaire sont révélateurs : l’aspiration poétique vers l’au-delà et le Ciel ramène ici à une dimension spirituelle que seuls les poètes peuvent entrevoir. Marc Eigeldinger évoque très bien cet aspect dans Le Soleil de la poésie, essai consacré à Baudelaire, Gautier et Rimbaud : « Tel un alchimiste, Baudelaire opère la transmutation de la substance matérielle en substance poétique, il transfigure les objets par la vertu du langage et métamorphose la boue de la capitale en or spirituel […] » [7]. Ainsi le poète devient-il un véritable magicien des mots et de la réalité, et la poésie l’expression harmonieuse et sublimée de ce qu’il y a de plus universel dans l’homme : poésie de l’âme ou « poésie pure » selon l’expression de Paul Valéry, apte à nous faire pénétrer au plus profond du secret du monde. Nous pouvons donc considérer que la vraie poésie n’est ni bien ni mal, mais qu’elle possède plutôt ce caractère presque mystique qui permet au poète d’exprimer l’ineffable et de reconstruire spirituellement l’univers.

______Il ressort de nos considérations précédentes que le poète est celui qui perçoit l’invisible, l’immatériel, car il dépasse les apparences pour avoir la révélation de l’inconnu : il voit le monde comme il n’a jamais été vu. Il s’agit en effet d’accéder par la poésie à un autre univers, ignoré du commun des mortels. Comment ne pas songer ici à la « Lettre du voyant » de Rimbaud : « Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant ». Ainsi, la poésie, parce qu’elle mène à la quête d’une « Alchimie du Verbe » (Rimbaud) est un art d’initiés qui seuls saisissent le sens de sa dimension spiritualiste et mystique. Cette vision élitiste est exprimée par Baudelaire dans « Elévation » : le poète est un être supérieur qui « comprend sans effort / Le langage des fleurs et des choses muettes ! ». Nous pourrions également mentionner ces propos si célèbres de Mallarmé, affirmant en 1884 que « la poésie est l’expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l’existence ; elle doue ainsi d’authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle ». C’est à juste titre qu’on a souligné les dérives hermétiques de la poésie symboliste, en particulier celle de Baudelaire ou de Mallarmé dont le langage introduit de la subjectivité dans toute représentation artistique, au risque de devenir parfois quelque peu « artificiel ». De fait, ce « désir de forger, par la syntaxe aussi bien que par le vocabulaire, par l’archaïsme ou le néologisme, une langue poétique absolument distincte de la langue courante » [8] aboutit immanquablement à la quête de l’idéalité, en réaction contre le réalisme et le naturalisme. Il faut comprendre que la poésie « transforme la matière en esprit » uniquement pour ceux qui la conçoivent : c’est le poète qui choisit son lecteur, celui-là qui sera capable de voir et saisir le sens de l’invisible.

______Enfin, « transformer la matière en esprit » revient à transmuer le langage ordinaire en chant poétique, c’est-à-dire à conférer aux mots toute leur puissance évocatrice. Le langage poétique devient alors la forme matérielle et visible de l’idée, donnant au réel un caractère sublime, épuré puisqu’il est suggéré seulement par l’abstraction : « Ce toit tranquille où marchent des colombes », magiquement évoqué par Paul Valéry dans « Le Cimetière marin », n’est-ce pas aussi la poésie « mise au monde » par l’homme ? Tant il est vrai que toute connaissance est une « co-naissance ». Grâce à la métaphore in absentia, la mer et ses voiliers deviennent un « toit » et des « colombes ». Cette recherche de l’abstraction, de l’ambiguïté, du mystère, amène à une forme d’idéalisation stupéfiante : les images, par leur hermétisme même, concourent à la création d’un univers dont le contenu réel nous échappe parce qu’il ouvre à l’insondable : ce n’est pas un paysage maritime qui est représenté, mais un paysage pensé, façonné par le mystère de la langue, né d’une véritable fusion de l’homme et de l’univers, permettant de suggérer peu à peu, et conférant au réel force et pureté. Mallarmé dira même que « nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve » [9]. Le symbolisme, c’est donc aussi et surtout ce pouvoir de suggestion de la poésie, qui permet de recréer le réel, faisant des poètes les déchiffreurs du monde où le réel et l’immatériel s’entrecroisent, où s’unissent la matière et l’esprit : cette union intime de l’idéal et de la poésie fait du poète un prophète, c’est-à-dire, étymologiquement parlant, un interprète de Dieu, dont le langage est sacré et le souffle inspirateur. La poésie devient ainsi acte de connaissance mais aussi acte de foi et de création grâce à l’écriture.

*      *
*

______Comme nous avons essayé de le montrer en suivant les propos de Pierre Reverdy, la poésie des Fleurs du Mal, plus qu’une dualité douloureuse entre l’expérience de la réalité et l’aspiration à la beauté, amène par l’esprit à un véritable déchiffrement et une renaissance de la vision du monde. C’est cette alchimie poétique qui éloigne le poète du contingent, et qui paradoxalement le rattache pourtant au réel. S’il transmue « la matière en esprit » grâce au langage, véritable creuset d’une alchimie du Verbe, le poète a besoin de cette matière : c’est résolument dans l’humain que se situe sa poésie. Comme l’écrivait justement Pierre Reverdy dans Pour en finir avec la poésie, « s’il n’a pas en lui la matière ou, du moins, s’il n’a pas le pouvoir de garder le contact puissant avec la vie — s’il n’est pas en communion peut-être douloureuse mais profondément intime avec elle, s’il n’est pas un creuset où toutes les sensations que la vie peut donner à un être viennent se fondre, il trébuchera au seuil de l’expression et sa plume ne tracera jamais autre chose que des lignes de cendre sur une feuille de papier ». Ces propos confèrent à l’art poétique toute sa mission transformatrice et humaniste, faisant du poète le grand alchimiste de la vie. Ainsi que l’affirmait Victor Hugo dans la préface des Orientales, « tout est sujet ; tout relève de l’art ; tout a droit de cité en poésie […]. Le poète est libre » et tout, dans le monde, est matière à esprit…

©  Océane S.(Lycée en Forêt, Classe de Première Générale 8), novembre 2020.
Relecture du manuscrit  et ajouts éventuels : Bruno Rigolt, janvier 2021.

NOTES

  • [1] Mallarmé, Poésies. Du Parnasse contemporain, 1866.
  • [2] Petits poèmes en prose, XVII, 1857.
  • [3] Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Allan Poe, 1857.
  • [4] Paul Verlaine, Les Poètes maudits, 1884.
  • [5] Baudelaire, Exposition Universelle de 1855.
  • [6] Baudelaire, L’Art romantique, 1869.
  • [7] Marc Eigeldinger, Le Soleil de la poésie, 1991, Braconnière p. 96
  • [8] Bertrand Marchal, Le Symbolisme, A. Colin (« Esthétique Lettres Sup. ») Paris 2011, page 21.
  • [9] Réponse de Mallarmé à Jules Huret dans l’Enquête sur l’évolution littéraire. Mallarmé, Œuvres complètes II. Bibl. de la Pléiade, Paris 2003, p. 700.

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Un Automne en Poésie Saison 10 : 2020-2021… Cinquième livraison

Fin de l’exposition « Un Automne en Poésie »
— Saison 10 —

Maquette graphique : © Bruno Rigolt, novembre 2020

Une invitation au voyage…

Les élèves de Seconde 14 et de Première 8 sont fiers de vous présenter l’édition 2020-2021 d’Un automne en poésie. La thématique retenue cette année invitera à réfléchir au rapport intime qui existe entre le réel et la manière dont la poésie parvient à transcender la réalité pour faire naître du banal et de l’ordinaire la métamorphose et l’imaginaire. À travers ces “poésies dérivantes”, partez en voyage : voyage extraordinaire, voyage proche ou voyage lointain vers des mondes où l’écriture donne sens à la Vie…

Voici la cinquième et dernière livraison de textes.
Chaque semaine, de nouveaux textes seront publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif.

Dernière livraison

  

Vie

par Priscilla D.
Classe de Seconde 14

              

Perdue dans cette immense école
Où les mots sont aussi tranchants qu’un couteau,
Assise dans ce coin de couloir,
Elle repense à ces joyaux du monde
Ensevelis sous les vagues.

Les genoux repliés contre sa poitrine,
Elle songe à ces hauteurs alpines
Où les étoiles sont pareilles à des hémisphères
Qu’effleurent les perles du secret.

Tenter de tourner le dos aux ombres…
Elle s’évade dans un autre monde :
Tout y est délicat et apaisant,
Tel le bleu d’azur de l’océan.

À travers le miroir elle observe
L’encre tachant les roses de son imaginaire,
Les gouttes d’or caressant son esprit.
Elle ouvre alors le dictionnaire,
Et trébuche sur le mot « vie ».

« À travers le miroir elle observe
L’encre tachant les roses de son imaginaire,
Les gouttes d’or caressant son esprit…
»

Illustration : © 2020, Priscilla D.

 

 

Un soir, là-bas

par Caroline M.
Classe de Première Générale 8

Un soir, là-bas,
Les arbres pleuraient de désespoir,
Les nuages versaient des gouttes de joie :
La haut il faisait beau, ici il fait froid.

Au petit matin,
L’orchestre noir de mon âme
Résonne de tristesse.
Au fond de mon cerveau,
Une incessante horloge tic-taque¹
Quand mon cerveau pense à toi.
Là-haut il faisait beau, ici il fait froid.

Par tes fenêtres
Je peux apercevoir
Ton âme qui fleurit le printemps.
Arrive l’heure où tu pleures,
Là-bas le tic-tac cesse,
S’arrêtent les aiguilles du temps,
Le tonnerre inonde tes pensées.

S’effacent les beaux souvenirs.
La pluie de tes yeux
S’acharne sur la terre.
Et puis, plus rien, le vide.
Là-haut il faisait beau, ici il fait froid.

Un jour les échos de l’orchestre
Noir de mon âme disparaîtront.
Les rires éteindront la douleur,
Allumeront peut-être,
Un jour ou jamais,

Les aurores boréales de la vie.
Un jour ou jamais,
Les larmes s’évaporent pour former les nuages
Qui verseront sur mon cerveau des gouttes de joie.

Un jour peut-être le beau temps…

1. Tic-taque : néologisme verbal à partir de l’onomatopée “tic-tac”. Le verbe exprime ici l’écoulement  régulier des jours, comme celui d’un mouvement uniformément répété (NDLR).

« Les larmes s’évaporent pour former les nuages
Qui verseront sur mon cerveau des gouttes de joie…
 »

Illustration : © 2020, Caroline M.

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Le beau mensonge

par Émilie J.
Classe de Seconde 14

 

Une petite fille se cache dans la ruelle
« Marre, marre de toute cette cruauté
Marre, marre de ces combats et de la guerre »
Elle n’avait qu’une seule envie,
Pouvoir enfin rentrer chez elle

Mais sa maison était vide
Donnant un peu un aspect de génocide
Des murs de ronces, un plafond délabré…
Montant les marches une à une
L’enfant prit sa peluche magique

Qui lui permettait de s’enfuir dans le pays des songes
Loin de la guerre et des bombes.
Elle lâcha un pauvre sourire
« Oui je suis heureuse ! »
Devant elle, se trouvait un manoir

Peuplé de tous les amis de la petite :
La joie et les sourires y régnaient
« Ne plus jamais revenir, ne plus jamais rentrer
Rester pour toujours
Loin des batailles et de la peur »

Elle s’aventura dans cette demeure
Qui ressemblait étrangement au ciel
Bleue comme la mer, comme l’océan
Les vagues étaient des larmes d’amour
Les larmes des vagues à l’âme.

Il se mit à pleuvoir de gros flocons
(On avait annoncé un bombardement sur la ville)
La petite nageait dans une mer de neige rose
Puis la neige se mit à fondre
Elle ouvrit les yeux et vit les lumières de l’été.

« Les vagues étaient des larmes d’amour
Les larmes des vagues à l’âme…
 »

Illustration : © 2020, Émilie J.

Quelques mots de l’auteure…

J’ai choisi de sensibiliser les lecteurs au thème de la guerre, et plus particulièrement aux conséquences de celle-ci sur les populations les plus jeunes, et donc les plus fragiles et les plus vulnérables¹. Les conséquences de la guerre et de la brutalité sont terribles et entraînent des traumatismes psychosociaux dont nous n’avons pas idée en Occident. J’ai voulu évoquer dans mon texte la manière dont les violences guerrières détruisent à jamais les enfants qui ne comprennent pas ce qui leur arrive.

J’avais en mémoire des témoignages bouleversants de l’UNICEF concernant les enfants victimes de la guerre en Afghanistan : on ne saurait imaginer les traumatismes provoqués par les combats et les millions d’obus et de grenades, de mines et de bombes qui ont détruit à jamais la vie d’enfants mêlés malgré eux à l’atrocité des guerres.

La petite fille dont il est question dans le texte est à l’image de ces enfants abandonnés, qui perdent peu à peu leur famille et tombent dans le désespoir. Les sociétés développées ne parlent pas assez de ce qui se passe dans ces pays.

Je voudrais enfin évoquer le sacrifice de nos soldats, qui vont dans ces zones reculées au péril de leur vie pour protéger des idéaux, des valeurs et la liberté des peuples.

Émilie

1. Voir à ce sujet l’article de Margot Desmas dans Le Monde du 19 février 2018 : “Du Moyen-Orient à l’Amérique centrale, près de 8 % des enfants du monde vivent aujourd’hui en zones de guerre. Dans son rapport annuel « La Guerre faite aux enfants », publié le 15 février, l’ONG Save the Children alerte sur le sort des mineurs dans les pays en guerre, qui seraient au nombre de 16 millions.

 

 

Seul, sur le navire de mon esprit

par Alexandre P.
Classe de Première Générale 8

 

Les aventures commencent toujours dans le bonheur
En entendant le doux chant des oiseaux comme un signe venu d’ailleurs.
Par vents et marées, le bateau tangue sur la mer
Voyageant dans l’incompris. Seul sur le navire

De mon esprit, au large dans la nuit,
Dans mon triste bonheur, l’échec n’est qu’ironie.
Voir à l’horizon de simples nuages aux parfums de voyage.
Nulle avarie ne me fera tourner la page.

Emmené par le doux bruit des vagues
Vers un flou total comme celui de mon ombre dans la nuit,
Homme vertueux, attendant des réponses à ses questions,
Marchant triste et seul, vers l’au-delà du Temps..

« Voir à l’horizon de simples nuages aux parfums de voyage… »

Illustration : © 2020, Alexandre P. (NDLR : image modifiée numériquement)

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Toi

par Zaina A.
Classe de Seconde 14

              

C’était lui, c’était moi
Suspendus au milieu du ciel
La lune coulait sa lumière froide sur la Terre
Son nez levé vers la nuit qui étendait son immense couverture au-dessus de ce coin du monde
Il me rappelle le flou entre l’obscurité et la lumière,
Une frontière entre l’espace du chaos et ce que nous savons, en tant que vie.

C’était le silence sous les étoiles
La nuit poudrée d’or striée par les traînées lumineuses
Qui mouraient à l’autre bout du monde.
La nuit ressemblait à une broderie orientale
« Tout ce que j’ai toujours voulu, c’est tendre la main et toucher un autre être humain non seulement avec mes mains mais avec mon cœur », a-t-il dit.
Ils se sont embrassés et pendant un instant, rien d’autre n’a compté.
Un astéroïde aurait pu frapper la terre et elle ne s’en serait même pas souciée.

Ensemble, ils regarderaient tout ce qui était si soigneusement planifié s’effondrer,
Et ils souriraient à la beauté de la destruction.

« La nuit poudrée d’or, striée par les traînées lumineuses qui mouraient à l’autre bout du monde… »

Illustration : © 2020, Zaina A.

Étoiles inconnues

par Aymeric D.
Classe de Première Générale 8

Je me rappelle étant plus jeune,
Avoir feuilleté Poussières d’étoiles
D’Hubert Reeves. Entre les systèmes et les rêves
Séjournaient des êtres démentiels

Dans le ciel rougeoyant voyageaient des astres bleus
J’imaginais au détour des pages
Des lumières violettes perdurant
Perdues quelque part dans les ténèbres des novas.

L’Homme a parcouru les noirs plaisirs
De l’éternité, la volupté de l’espace inatteignable
Du monde des vivants pour y trouver
Des galaxies indicibles et d’ineffables songes.

Je ne dirais pas que je suis perdu,
Mais où en est-on finalement ?
Dans ces constellations très, très lointaines
J’entrevois des réalités altérées par nos visions

À sa disparition, par diffraction,
La lumière solaire illumine les êtres célestes.
Le Soleil, une boule de gaz éblouissante, incandescente,
Une parmi tant d’autres dans la Voie Lactée.

« Le Soleil, une boule de gaz incandescente, éblouissante,
Une parmi tant d’autre dans la Voie Lactée…
»

Quelques mots de l’auteur…

Pour écrire ce poème je me suis inspiré d’une magnifique nuit étoilée sans la présence de la Lune, On pouvait très bien voir la Voie Lactée dans le ciel. Ce spectacle m’a fait réfléchir : Copernic et Galilée ont découvert la nature de notre galaxie. Ils ont entrevu d’autres galaxies, d’autres étoiles bien plus grandes que le soleil.

Il y a sans aucun doute un nombre astronomique de galaxies et d’endroits inconnus, inexplorés. Dans Poussières d’étoiles, un ouvrage qui m’a fasciné, l’astrophysicien Hubert Reeves affirme ” Ce livre voudrait être une ode à l’Univers. J’ai tenté de rendre hommage à sa splendeur et son intelligibilité, d’exprimer à la fois sa créativité et sa richesse. J’ai voulu donner à contempler et à comprendre”.

Très modestement, je dirais que mon poème s’inscrit dans cette démarche critique. Nous sommes à l’aube d’avancées technologiques sans précédent qui pourraient potentiellement nourrir d’incommensurables rêves. Mais à quel prix ? Nous faisons partie d’un univers dont nous ne connaissons qu’une infime représentation. Est-ce là la vérité ? Que sommes-nous parmi une infinité de mondes ?

Aymeric

L’éclat de cet orage

par Hanna T.
Classe de Première Générale 8

Tu m’as touchée et ce fut un foudroiement
J’aimerais te l’avouer, tu m’as éclairée, électrisée
L’éclat de cet orage m’a transpercée
Dès lors, tu hantes mes pensées,
Ton charme m’a ensorcelée

Le cœur envoûté, possédé j’ai fini par sombrer
La marée est montée, et mon cœur s’est déchiré
Tel un bateau de papier qui part en voguant.
L’amour est un voyage aux confins de soi-même,
Un voyage agité aux diverses destinations

A cause de toi, j’ai toujours les idées sombres
Ma noirceur a perdu toute lumière
Ma plume voyageant de cœur en cœur
N’a toujours pas trouvé sa propre couleur
Juste un long récit qui se finit sur cette excursion

« Je t’aperçois au loin, fondant le bitume comme une fusée en vol
Qui t’amène sur le podium des grands champions !
 »

Crédit iconographique : © 2020, Hanna T. 

Quelques mots de l’auteure…

Ce poème parle de l’amour, et plus particulièrement du voyage de l’amour : c’est un voyage compliqué, mouvementé, avec des hauts et des bas, des aléas. On croit être arrivée, et puis on se rend compte que la route est longue. Mais c’est justement  ce qui fait le prix de ce voyage : partir pour ne pas arriver, espérer transformer le rêve en réalité : n’est-ce pas ce que nous espérons tous ?

Hanna

Chemin vers le rêve

par David C.
Classe de Première Générale 8

Le crépuscule commence à tomber,
La lune se lève ; les astres brillent
Et je me couche à l’horizon des rêves.
Je sens que je dérive peu à peu :

Plus je glisse sur mon imagination,
Plus je monte vers le ciel libérateur
Pour arriver à l’étendue des rêves :
L’espoir y est doré comme cette mer !

À bord de ma voile je la traverse,
Quand je nage sur cette étendue de liberté,
Je suis un oiseau voguant dans le ciel
À travers l’océan de la vie.

Et je dois fuir, fuir la réalité cruelle :
Que le soleil ne se réveille pas !
Que je ne me lève pas ! Je suis un oiseau
Volant dans les chemins du ciel…

« Je suis un oiseau voguant dans le ciel
À travers l’océan de la vie
 »

Crédit iconographique : © 2020, David C.
(NDLR : photographie modifiée numériquement)

Une vie rêvée

par Romane L.
Classe de Première Générale 8

Alors à quoi sert de vivre,
De devenir ivre
De ma propre imagination ?
Nos rêves ne sont qu’illusion
D’une vie que nous espérons…

Alors j’aurais préféré partir
Seulement pour croire et vivre
Que ce rêve est vraiment réalité
Et que je pouvais tout espérer,
L’esprit plein de merveilles…

Alors le vent m’emporte
Dans un profond sommeil
Parmi la nuit. Je me sens pleine de pensées
Comme un enfant qui s’émerveille,
Enfin libre de pouvoir penser.

« Le Soleil, une boule de gaz incandescente, éblouissante,
Une parmi tant d’autre dans la Voie Lactée…
»

Illustration à venir

Quelques mots de l’auteure…

J’ai choisi d’écrire un poème sur ce thème car l’imagination et le rêve sont les seules choses qui permettent de s’évader hors de la réalité et de pouvoir croire en la réalité de ce que nous espérons. Mon poème évoque ainsi le contraste entre le monde réel, souvent déceptif et le monde imaginaire. En rupture avec une conception trop rationaliste du comportement humain, le rêve nous plonge dans le possible : « Enfin libre de pouvoir penser ». Pour moi, ce monde de liberté et de création est propre à l’enfance : tout semble utopique et idéal. Nos pensées et nos rêves deviennent réalisables…

Romane

Tombe l’hiver

par Laurelle R.
Classe de Seconde 14

L’Arbre marche et s’ancre dans la noirceur du vent,
Un cristal gelé, puis deux, puis trois inondent la nuit blanche d’un parterre scintillant.
L’heure se déforme, la nature ternie est en attente d’une renaissance florissante.
Le miroir d’eau reflète le vide où se balade, seule, une perle d’espoir, elle est si petite.
L’horizon se voile d’un drap de brume bleue où baignent les pleurs des arbres,
L’aube dorée rattrape la nuit, s’étire en harmonie et vient troubler la paix qui se meurtrit.
L’Arbre perd sa dernière feuille, le dernier fragment d’une nervure vidée, et,
Dans un dernier souffle, il s’emplit soudain d’une sérénité vagabonde.
Une vague d’adieu submerge sa silhouette dénudée
Et la plonge dans le froid sommeil d’un désert brillant…

« Une vague d’adieu submerge sa silhouette dénudée
Et la plonge dans le froid sommeil d’un désert brillant
 »

Crédit iconographique :© 2020, Laurelle R. (NDLR : image modifiée numériquement)

Quelques mots de l’auteure…

J’ai choisi pour mon poème de travailler sur le thème de l’hiver. Le fait d’évoquer les saisons était important pour moi car je trouve que c’est quelque chose de très beau à décrire et à raconter. Dans mon travail, j’ai employé diverses figures de style telles que l’anaphore, la métaphore ou encore la personnification en évoquant un arbre qui marche, qui vit. Le choix d’écrire en vers libres s’est imposé naturellement afin de me libérer des contraintes de la rime. De fait, mon texte est plutôt surréaliste et a un aspect envoûtant, il défie le temps qui semble être ralenti…

Pour illustrer mon poème, j’ai choisi une photographie d’un arbre à contre-jour pour représenter cette silhouette qui « s’ancre dans la noirceur ». Le ciel aux tons bleus violets évoque la brume bleue dans laquelle pleure l’arbre. 

Laurelle

Comme l’enfant cherchant son destin

par Agathe S.
Classe de Seconde 14

Comme l’enfant cherchant son destin,
Au bord du ruisseau elle dansa.
Son âme par la folie se dispersa
Par un brouillard sentimental…
La mer partie en exil,
Elle trouva l’inspiration.
Sa conscience soumise à la tyrannie
Dans d’étranges circonstances.
Un homme s’avance et lui fait face
Vêtu d’un costume de mort
La grandeur de cette belle disproportion
Fait de ce personnage son inspiration.
Les coupures sur ses lèvres
Causées par l’épée ;
Ce charmant mélange de ciel et de magie…
Elle se résolut à baisser les armes

« Les coupures sur ses lèvres
Causées par l’épée »

Crédit iconographique : © 2020, Agathe S.

Quelques mots de l’auteure…

J’ai choisi d’écrire ce poème en atelier d’écriture, il évoque symboliquement le passage douloureux du monde de l’enfance au monde adulte par l’intermédiaire d’une agression : celle d’un homme (dans le poème “Vêtu d’un costume de mort” signifiant bien par ce costume l’acte sur le point de se passer) sur une fille (“l’enfant cherchant son destin”). C’est bien précisé donc : que la victime est une enfant. J’ai voulu évoquer ce thème douloureux car les abus sexuels touchent un nombre important d’enfants, particulièrement de filles avant l’adolescence.

Dans la dernière strophe, “les coupures sur ses lèvres” font référence aux blessures causées par l’homme, qui abuse de sa situation pour séduire sa victime. Tout ceci montre bien qu’il y a eu une agression, peut-être un viol. Je n’avais pas pensé à cette hypothèse en écrivant le poème, les phrases sont venues seules.

Agathe

Le voyage féérique

par Emma Q.
Classe de Première Générale 8

Ce rêve merveilleux qui semble paisible
Illumine d’une lumière intense
Le bleu accessible.
Au loin sur le rivage, le bleu va et revient
Comme une caresse.

Ce bleu est semblable au ciel
Sur lequel vogue un navire.
Derrière ce navire une aurore se dessine,
J’aperçois l’équipage du bateau marcher
Jusqu’à la lune.

Ce navire est devant une terre recouverte d’un souffle Angélique.
Cette terre semble imaginaire,
Enveloppée d’une lumière douce et chaude.
Sur la plage la lune avec ses longs cheveux
Ressemble à une fée.

La maison flottante semble vouloir atteindre
Ces îles bondées de magie féerique.
La lune belle attend les passagers pour leur faire découvrir
Le monde de l’imaginaire
Aux rimes de vent et de voyage.

« Au loin sur le rivage, le bleu va et revient
Comme une caresse.
Ce bleu est semblable au ciel
Sur lequel vogue un navire
 »

Crédit iconographique : © 2020, Emma Q. (NDLR : image modifiée numériquement)

Quelques mots de l’auteure…

Ce poème est en vers libres : les lois de la versification ne sont pas respectées mais il comporte de nombreux parallélismes sonores. Il parle d’un voyage imaginaire qui serait incroyable car c’est un rêve et des événements surréalistes s’y produisent.

La première strophe évoque d’emblée la possibilité du rêve : la mer est atteignable et devient « ce bleu accessible ». Au large, les vagues vont et reviennent calmement.

Dans la deuxième strophe, on retrouve la métonymie de la mer désignée par « ce bleu semblable au ciel ». La réalité se déconstruit progressivement : l’équipage du navire marche sur l’aurore pour aller jusqu’à la lune. La dimension surréaliste du texte invite en effet à une déconstruction de la réalité : la « terre recouverte d’un souffle Angélique » donne un aspect de magie. Cette terre semble ne pas exister et se confond avec la mer.

Dans la troisième strophe, la personnification de la lune aux « longs cheveux » métaphorise le réel. Le bateau est évoqué par le biais d’une périphrase : « la maison flottante » : comme si la Terre et la Mer se confondaient en lui. On a l’impression que la lune attend l’équipage du bateau comme une personne : « la lune belle attend les passagers pour leur faire découvrir / Le monde de l’imaginaire ».

Cette dimension allégorique est essentielle car elle débouche dans la dernière strophe sur une réflexion sur la poésie. Acte libérateur, la création poétique pourrait même favoriser une délivrance venue d’un ailleurs insondable : ce “monde de l’imaginaire aux rimes de vent et de voyage”, c’est bien sûr la Poésie, envisagée dans son essence spirituelle : véritable langage de l’âme.

Emma

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Le voyage, un secret bien caché

par Gaëlle H.
Classe de Première Générale 8

Une tulipe poussant devant la Lune cache son sourire,
Le soleil effleure l’horizon
Qui dessine au loin la mer en buée.
L’odeur de la chaleur efface nos malheurs,
Le fruit du bonheur est de partager nos douceurs.

Les guirlandes de muguet ont des parfums de voyage
Ton visage parmi le paysage
Permet le reflet des étoiles qui me paraissent banales.
Là-haut dans les cieux se trouvent de jolis yeux
Le paradis est une fête, la générosité y est invitée.

Au loin les colombes laissent une traînée
Difficilement visible a cause d’une nuée de confettis.
À travers le hublot, un spectacle s’offre a nous,
Le monde marin nous partage son quotidien.
Le rêve est la clé pour sublimer la réalité.

« Le soleil effleure l’horizon
Qui dessine au loin la mer en buée
 »

Crédit iconographique : © 2020, Gaëlle H. (NDLR : image modifiée numériquement)

L’inconnue

par Hugo M.
Classe de Première Générale 8

Au cours de mon dernier voyage,
J’ai rencontré une inconnue.
Elle est telle la circonférence
Du cercle mystérieux du théorème

Comme la variable du programme,
Le degré de ma pensée est exponentiel
Et la probabilité que je la revoie est nulle.
Mon but est de déterminer la solution de cette équation.

Il y a tant de réels mais seulement une unité
Et j’ai tant de mal à déduire un ensemble
De son cœur hyperbolé

Mon évolution dans cet exercice est vaine
Je ne trouve toujours pas la solution
Serait-ce une inéquation ?

« Il y a tant de réels mais seulement une unité
Et j’ai tant de mal à déduire un ensemble
De son cœur hyperbolé
 »

Crédit iconographique : © 2020, Hugo M. (photomontage et peinture numérique)

 

        

La numérisation de la cinquième livraison de textes est terminée.
Quelques poèmes seront rajoutés ultérieurement.

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).

Un Automne en Poésie Saison 10 : 2020-2021… Quatrième livraison

Suite de l’exposition « Un Automne en Poésie »
— Saison 10 —

Maquette graphique : © Bruno Rigolt, mai 2016,, novembre 2020

Une invitation au voyage…

Les élèves de Seconde 14 et de Première 8 sont fiers de vous présenter l’édition 2020-2021 d’Un automne en poésie. La thématique retenue cette année invitera à réfléchir au rapport intime qui existe entre le réel et la manière dont la poésie parvient à transcender la réalité pour faire naître du banal et de l’ordinaire la métamorphose et l’imaginaire. À travers ces “poésies dérivantes”, partez en voyage : voyage extraordinaire, voyage proche ou voyage lointain vers des mondes où l’écriture donne sens à la Vie…

Voici la quatrième livraison de textes.
Chaque semaine, de nouveaux textes seront publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif.

Prochaine livraison : fin décembre 2020

  

Comme une âme égarée

par Clara D. C.
Classe de Première Générale 8

Comme une âme égarée par le son de ta voix
Je murmure un silence entourant l’univers
Oublieux de ma peur je m’éloigne de moi
Puis, ivre de toi, je n’aspire qu’au mystère

Pourtant impénétrable, tu te mets à nu
Par un soupir qui parfume le vent
Je te vois en secret : affinités ingénues
Rêves doux loin de tout, je t’en prie : sois mon temps !

Ton âme curieuse, délicate étincelle
Sondait les abysses d’un savoir sensible
Apeurée, elle l’était, mais tournée vers le ciel
Elle trouva son courage, héliotrope invincible.

L’attente, encore et toujours m’envahit et me noie
Un cri déchire le silence, profond et amer
Comme désarticulé, mon cœur s’apitoie
Sur mon âme esseulée, pitoyable, éphémère.

« L’attente, encore et toujours m’envahit et me noie
Un cri déchire le silence, profond et amer
Comme désarticulé, mon cœur s’apitoie…
 »

Illustration : © 2020, Clara D. C.

Quelques mots de l’auteure…

J’ai souhaité travailler sur l’abstrait et l’imaginaire. Le sujet qui m’a le plus parlé, en lien avec cette thématique est « l’âme » car pour moi l’âme est à la fois concrète et abstraite : elle est le principe de vie et de pensée humaine dans la conscience de nous-même.

Mais l’âme se rapporte à l’imagination, qui est le centre même de toute réalité, comme l’ont si bien montré les romantiques et plus tard les surréalistes. De toutes les facultés de l’âme, l’imagination permet en effet de redécouvrir un autre réel, une autre sensibilité et d’autres valeurs spirituelles. Le dessin que j’ai réalisé correspond à l’« héliotrope invincible » évoqué dans le texte. La fleur donne en outre naissance à un aspect essentiel du poème : le coeur. Car le cœur comprend mieux que la raison. Il est la porte d’entrée de la vérité…

Clara

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Un soir d’été

par Inès B.- P.
Classe de Seconde 14

 

Un soir d’été, c’est un coucher de soleil,
C’est un ami qui sait te remonter le moral
Quand tout va mal,
Quand tu ne sais quoi faire,
Quand tu es aux portes de l’enfer.

Un soir d’été, c’est ton sourire qui m’émerveille,
C’est un coucher de soleil,
Une couleur corail portée par les nuages
Et ce soleil orange sur le rivage
Et ce sourire d’ange sur ton visage.

Un soir d’été, c’est une ami, un SOS,
une adresse, un dernier secours
Pour t’apprendre l’amour
C’est un soleil fatigué dont la chaleur
Se dépose sur les visages d’enfants.

Un soir d’été, c’est un ami tout simplement,
Un être heureux de pouvoir sécher tes pleurs
Pour ton bonheur. C’est un rêve qui sourit,
Pour fasciner les cœurs aimants
Dans le lever du soleil redevenu gloire.

« Un soir d’été, c’est ton sourire qui m’émerveille,
C’est un coucher de soleil,
Une couleur corail portée par les nuages…
 »

Illustration : © 2020, Inès (NDLR : photographie modifiée numériquement)

 

Destinée astrale

par Andréa M.-B.
Classe de Première Générale 8

 

Je vois au loin le reflet de mon incroyable destinée :
Je marchais tel l’oiseau sur l’océan de vertu,
J’étais émerveillée par le ciel coloré de ses ailes
Qui voyageait vers un autre monde.

Arrivé au dessus de l’horizon,
Le soleil illuminait ma destinée.
Était-ce le chemin à suivre ou éviter ?
Tout choix n’est qu’illusion :
Je suis condamnée à errer

Dans l’océan de vertu noyé de vagues chaotiques
Qui se déchaînent comme la tempête.
Ces obstacles empêchent mon destin de s’illuminer
Réussirais-je à les surmonter ?

Je vois au loin l’astre disparaître dans l’horizon
Laissant peu à peu place à l’obscurité
Je semble cloisonnée telle la blanche colombe enfermée
Qui riait avant que le jour ne soit levé.
Une fois le soleil apparu, l’oiseau disparaît.

« Je vois au loin l’astre disparaître dans l’horizon
Laissant peu à peu place à l’obscurité
Je semble cloisonnée telle la blanche colombe enfermée …
 »

Illustration : © 2020, Andréa

Quelques mots de l’auteure…

Ce poème peut se lire comme on cherche à lire sur le fil invisible de la vie : il est à la fois un voyage et un retour ; un questionnement et une réponse aux questions… Voici pourquoi j’ai choisi l’univers maritime pour illustrer cette réflexion. Dans mon poème, je compare le reflet du coucher de soleil sur l’eau à mon destin, à ma vie. Malgré les vagues sur l’eau qui sont représentatives des obstacles, des difficultés de la vie, il y a toujours de meilleurs moments, quand l’eau est paisible et que les vagues s’apaisent.

De plus, je dis que dans la vie, il est important de faire preuve de vertu face au cahot. L’image de l’oiseau sur “l’océan de vertu” invite à questionner le comment et le pourquoi de la vie… Dans les strophes 1 et 2, j’aborde le thème du destin. Puis dans la strophe 3, “vagues chaotiques / Qui se déchaînent comme la tempête” sont représentatives des difficultés de la vie. Dans la strophe 4, le thème du coucher de soleil représente sur un mode plus délibératif la difficulté de faire des choix dans une situation difficile. Enfin, dans la dernière strophe, je me compare à la blanche colombe car elle est le symbole de la liberté dans la loi : « Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Malgré le fait d’une sensation d’emprisonnement (parfois on peut avoir l’impression d’être pris au piège face à une situation houleuse), il y a toujours un moyen d’être libre et de s’en sortir : c’est ma définition de la citoyenneté.

Comme je l’indiquais au début de ma présentation, le thème du voyage structure le texte. D’un point de vue formel, l’anaphore « je vois » dans la strophe 1 et la strophe 4 montre cette réflexion sur la vie. Les enjambements concourent également à cette lecture dynamique. De fait, notre destinée n’est pas écrite : c’est un chemin imaginaire car il n’est pas tracé, c’est nous qui le traçons chaque jour… 

Andréa

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Percussion des couleurs de mes sentiments

par Anissa C.
Classe de Seconde 14

              

Sous ce manteau étoilé je m’intrigue :
Quelles merveilles et tragédies m’attendent !
Guidé alors par mon craintif subconscient,
Absorbé par l’espoir,
Empli par la passion du champ astral,
Mon coeur dévoile ses ambitions,

C’est alors que je m’envole
Dans cette étreinte qui m’attire :
Une étrange dimension de paix,
Une étrange dimension de bonheur
Dirigeant les formes du paysage.
Je découvre alors l’exaltation de la solitude,

Cette toile se dévoile
Alors qu’une sublime pensée me traverse,
Le paradis se cache dans les prairies ambrées,
J’y crée mon Eden,
Tandis que ce passage pourpre guide mes actions,
Soudain il ne sait où s’orienter…

Perdue dans l’azur étoilé,
Je cherche le chemin de la vie.
Après une réflexion sans fin,
Je me réveille et c’est déjà demain.
Après un sommeil infini,
Je sus comment réveiller mon esprit.

« Cette toile se dévoile
Alors qu’une sublime pensée me traverse,
Le paradis se cache dans les prairies ambrées,
J’y crée mon Eden..
»

Illustration à venir

Quelques mots de l’auteure…

Dans ce poème, je voulais exprimer le passage à l’âge adulte ainsi que les pensées et émotions qui l’accompagnent. Le sentiment de solitude, qui au début est comme un vide, amène au questionnement :

Sous ce manteau étoilé je m’intrigue,
Quelles merveilles
et tragédies m’attendent,

Le “manteau étoilé” est une nuit sombre qui représente la solitude et les étoiles sont les merveilles et tragédies ide la vie, menant anxieusement à mille et une issues.

Or, dès la deuxième strophe, on peut voir que cette solitude n’est plus si pesante et amène même à avancer plus fort qu’auparavant :

C’est alors que je m’envole dans cette étreinte qui m’attire :
Une étrange dimension de
paix,
Une étrange dimension de bonheur

On voit donc qu’après avoir arrêté de résister à ses émotions et les avoir acceptées, cette solitude qui fut dévorante, n’est plus si sombre et que cela devient une force plutôt qu’une inquiétude. Par la suite ces peurs et angoisses ne sont que le passé et serviront à mieux modeler le futur et en combattre les obstacles :

Dirigeant les formes du paysage,
Je découvre alors l’exaltation de la solitude,

Cette toile se dévoile…

L’enjambement entre les strophes 2 et 3 traduit une dynamique de vie, un élan : on voit qu’a présent son destin est pris en main et que personne ne pourra influencer ce qui se produira. Mais il y a également un lexique d’accomplissement qui traduit l’envie de se libérer et s’exprimer : “je m’envole, étreinte qui m’attire, paix, bonheur dirigeant les formes du paysage, je découvre…”

Enfin en pleine possession de sa liberté et de ses sentiments on voit qu’il est plus simple de vivre et de ressentir des émotions positives :

Le paradis se cache dans les prairies ambrées,
J’y crée mon Eden,

Tandis que ce passage pourpre guide mes actions

Les “prairies ambrées” sont un champ de courage et de joie car l’ambre est une couleur associée au courage. Avec ses tons jaunes, elle peut évoquer l’allégresse, cet épanouissement permet de “créer mon Eden” ou règne un simple bonheur dans lequel on est conduit par un “passage pourpre”, métaphore des passions et de l’amour. Pour terminer, les derniers vers évoquent un retour a la réalité, présenté comme le douloureux réveil d’un doux rêve éphémère :

Après une réflexion sans fin,
Je me réveille et c’est déjà demain…

La fin du poème est néanmoins ouverte et suggère une dynamique positive d’espoir : on se lève chaque matin et nous devons dépasser les tristesses, les espoirs déçus. L’expression “et c’est déjà demain” célèbre ainsi les pouvoirs de l’espoir.

Anissa

L’hippocampe ailé

par Alexis G.
Classe de Première Générale 8

Paisiblement au-dessus des Alpes suisses
Cet aigle de fer
Fendant l’air et la lumière
Paisiblement comme un océan
Traversait la Terre.

“Air France 170*…
Gauche cap 270*…
Réduisez 300 nœuds*…
Descendez niveau 195*…
Léger silence sur la fréquence
Les Alpes enneigées
Dormaient paisiblement
Sur les ailes du vent.

Puis,
“Gauche au cap 260*,
Réduction à 300 nœuds*…
Copié pour la descente au niveau 195*
Air France 166*”
Clap ! Un claquement de fin de transmission,
Et presque aussitôt
Se mit à descendre le bel oiseau

Durant ce vol d’été
Comme hors du temps
Pendant que nous surveillions nos cadrans
Appréciant la volupté des cieux
Et des cumulus bourgeonnants…

* Les mesures et indications simulant la descente finale sur un aéroport sont purement fictives (NDLR).

« Les Alpes enneigées
Dormaient paisiblement
Sur les ailes du vent…
»

 

Quelques mots de l’auteur…

Passionné d’aviation, j’ai décidé d’écrire ce poème d’après les souvenirs que j’avais d’un atterrissage dans le cockpit d’un Boeing 777 d’Air France en provenance d’Hô Chi Minh-Ville (Saïgon). Ce fut un merveilleux moment, plein de magie parmi ce  milieu aéronautique que je connaissais déjà mais qui m’était presque encore inconnu dans ces conditions-ci.

En raison de mon attrait prononcé pour Air France et pour le 777, plus grand bimoteur jamais construit, j’ai souhaité évoquer en outre cette magie de l’atterrissage dans les Alpes suisses.

Le titre (les passionnés l’auront deviné) provient du logo propre à Air France, le « Pégase à queue de dragon », emblème repris à son prédécesseur Air Orient. Ainsi l’hippocampe ailé, présent sur tous les appareils d’Air France, reste pour moi un symbole d’aventure extraordinaire et de dépaysement. J’ai essayé dans mon poème de traduire cette magie du vol aérien à travers les mots.

Victorieuse victoire

par Aurélien L.
Classe de Première Générale 8

Le circuit illumine le soir magique et dense,
Qui met en beauté ces monoplaces sur la grille.
Une flèche d’argent s’avance en tête
Chauffant, glissant, grisant le bitume et les pneus

De sa fumée ardente sortant du moteur
Surgit un vrombissement intense
Comme cette foule en furie tremblante
De cette passion que j’ai depuis l’enfance.

Les lumières vertes, puis le bruit, les cris –Vraoum
Devant les gorges serrées de la foule.
Cette voiture grise qui m’a donné tant d’admiration,
Te verrai-je encore à la première place ?

Mes pulsations commencent à s’accélérer
Dès cette fameuse dernière chicane,
Je t’aperçois au loin, fondant le bitume comme une fusée en vol
Qui t’amène sur le podium des grands champions !

« Je t’aperçois au loin, fondant le bitume comme une fusée en vol
Qui t’amène sur le podium des grands champions !
 »

Crédit iconographique : © 2020, Aurélien L. (photomontage)

Quelques mots de l’auteur…

À travers ce poème j’ai voulu partager ma passion de la Formule 1. Une passion que j’ai découverte enfant et dont j’aimerais faire mon métier. Cette vocation, je l’ai exprimée aux vers 7-8 : ” Comme cette foule en furie tremblante / De cette passion que j’ai depuis l’enfance”.
L’enjambement entre les deux vers évoque l’entièreté du temps passé à regarder ces courses, véritables chevauchées fantastiqques des temps modernes.
Pour écrire ce poème j’ai utilisé le champ lexical de la course automobile :
“Circuit” (v. 1), “monoplace” (v. 2), “grille” (V2), “flèche d’argent” (v. 3), “bitume” (v. 4), “pneus” (v. 4), “fumée” (v. 5), “moteur” (V5), “vrombissement” (V6), “chicane” (v. 14), Podium (v. 16), etc. 

De plus, j’ai mis en valeur, cette fameuse “Flèche d’argent”, automobile mythique s’il en est  qui évoque la légende des Mercedes-Benz. Ce poème est également pour moi un moyen de faire voyager le lecteur dans le monde de la Formule 1 à travers une course mythique, le Grand Prix automobile de Singapour. J’ai choisi cette ville car c’est un circuit urbain qui se dispute la nuit. Personnellement, la nuit est un moyen de s’évader plus facilement, comme un rêve éveillé. Mon illustration représente la piste de nuit de Singapour avec au premier plan la Flèche d’argent et la Ferrari. Au second plan, on aperçoit la ville de Singapour sous la Lune et les étoiles. J’ai réalisé un photomontage d’une piste vide où j’ai rajouté deux monoplaces, ainsi qu’un ciel étoilé. J’ai également introduit dans l’image de la fumée pour accentuer l’effet de vitesse, évoqué au au vers 15 : “Je l’aperçois au loin, fondant le bitume comme une fusée en vol,”

Aurélien

Lorsqu’elle danse

par Énora G.
Classe de Seconde 14

Sous la lumière lunaire
Une petite fille danse
Son ombre pour cavalière
Sa valse s’élance

Chorégraphie imparfaite
Elle apprend sur le tas
L’astre la guide dans ses pas
À l’aide de sa silhouette

Une valse rythmée
Pour un cœur essoufflé
Des sentiments déchaînés
Pour une fille enchaînée

Lorsqu’elle danse, ses souvenirs s’effacent
Laissant derrière elle une traînée de poussière de fée
Le miroir présent devant elle se casse
Comme une âme en peine délaissée

Le temps passe, des nuages d’or se faufilent
Dehors les saisons défilent
Son sourire éblouit de ses rayons la pluie
Ses cicatrices presque parties

« Sous la lumière lunaire
Une petite fille danse
Son ombre pour cavalière
Sa valse s’élance
 »

Crédit iconographique : © 2020, Énora G.

Quelques mots de l’auteure…

Ce poème représente plusieurs émotions par lesquelles on passe tout au long de notre vie. Pour chacun existe une façon d’oublier et de ne pas se laisser submerger par ses sentiments. Pour la petite fille dans le texte, c’est la danse. Lorsqu’elle danse, son esprit se vide et sa concentration n’est portée que sur sa danse avec la nuit : elle se sent bien malgré le sentiment de brûlure dans ses poumons produit par cette danse rythmée dans laquelle elle laisse transparaître ses émotions.
J’ai choisi l’image d’une petite fille pour représenter la pureté de cette âme en peine. La traînée de poussière de fée est une métaphore qui représente pour moi les cendres de son passé.
Les nuages d’or sont en réalité des moments de bonheur qui apparaissent dans le sombre quotidien qu’avait la petite.
Au début de ce poème elle est seule et un peu dans le déni mais le temps répare ses plaies, elle devient heureuse à la fin de celui-ci .
Énora

Une vie rêvée

par Séphora S.
Classe de Première Générale 8

Aujourd’hui,
Ta vie est comme un pétale de rose
Voici la nuit et la neige bleue
L’oiseau vêtu de noir et blanc
M’a apporté un flacon de sable doré

Pour toi
Voici le givre et le sucre fin
L’été sera brûlant et long
Tu verras un joli bouquet de fleurs
Sœur souriante
Une belle coccinelle heureuse et courageuse

Aujourd’hui
Ta vie est comme un pétale de rose
Voici l’oiseau vêtu de soir et d’aube
Et ce si beau soleil ultramarin
Qui réchauffe mon cœur.

Du fond de l’océan bleu
Se cachent des étoiles nouvelles

Tu verras un joli bouquet de fleurs de lune et d’hibiscus
Sœur souriante,
Une perle si rare dans l’océan de mes yeux

« Du fond de l’océan bleu
Se cachent des étoiles nouvelles
Tu verras un joli bouquet de fleurs de lune et d’hibiscus.
..
 »

Crédit iconographique : © 2020, Séphora S.

Quelques mots de l’auteure…

J’ai écrit ce poème pour ma petite sœur : elle était une enfant aimée, courageuse malgré la souffrance qu’elle portait.
Elle était une petite fille souriante, elle s’est battue battu jusqu’à à la fin…
Elle était un rayon de soleil dans nos vies ; et elle aimait partager avec moi notre amour de la Guadeloupe. C’est une île que j’adore, car c’est là que j’ai vécu. J’ai souhaité mêler à mes émotions personnelles des sensations liées à cet archipel des Caraïbes : sept îles qui sont comme un rayon de soleil. Quand tout nous accable est que la mélancolie s’empare de moi, je repense à la Guadeloupe qui ne cesse de me faire rêver et de m’apaiser.

Séphora

Réveil du rivage

par Léa G.
Classe de Seconde 14

Dans la nuit rose, le sable étincelle
comme des pépites d’or.
Tout là-bas, des oiseaux aux yeux bleus
Guident le chemin le long du rivage,

Laissant imaginer un trésor enfoui
Dans cette nature encore sauvage.
Le calme de cette nuit magique
permet de percevoir le léger clapotis de l’eau.

À l’aube, le rivage se réveille doucement,
Sous les premiers chants des oiseaux,
Laissant disparaître le calme de la nuit rose.

Les premiers reflet du soleil faisaient briller le sable encore endormi,
Une eau bleu turquoise et limpide apparaissait,
Sous le chant mélodieux des oiseaux au yeux bleus.

« Tout là-bas, des oiseaux aux yeux bleus
Guident le chemin le long du rivage,
Laissant imaginer un trésor enfoui… »

Crédit iconographique :© 2020, Léa G. (image modifiée numériquement)

Quelques mots de l’auteure…

En écrivant ce poème j’ai voulu montrer que le long du rivage, la nuit et le jour invitent à une autre vision du monde. Ainsi, quand vient le soir, la réalité semble différente : tout devient calme, le léger clapotis de l’eau est comme un voyage mystérieux. De même, au lever du jour il y a des chants mélodieux d’oiseaux. J’ai pris cette photographie pour illustrer cette sensation de dépaysement que j’éprouve lorsque je marche le long du rivage en contemplant le ciel. On peut voir les couleurs merveilleuses d’un lever de soleil qui m’ont inspirée pour rédiger le texte.

Léa

Poussière

par Yasemin T.
Classe de Première Générale 8

Rien ne peut arrêter cette traversée
De particules très fines et très légères ;
Pas même la nuit éclairée par son scintillement
Ni tous les obstacles l’arrêtant
Jusqu’à regagner son Idéal.

Terre sèche réduite en particules
Se déplaçant sous le coucher rose du Soleil
Cachée par les volets sombres de la fenêtre,
Le vol continue sa traversée
L’ultime obstacle de notre esprit lui est fatal.

Nous passons devant sans la voir,
Cette traînée lumineuse traversant la fenêtre,
Ces millions de particules invisibles
Se déplaçant tel le vol des oiseaux
Au-dessus de la fragilité de la vie.

Les Traînées de matière semblables à la Vérité,
Poussières dans l’œil, poussières d’États…
Les obstacles du Mensonge ne l’empêchent pas de passer,
Seul mon regard l’empêche d’éclater.
L’humain n’est que poussière. Qu’est-ce que la Vérité ?

« Terre sèche réduite en particules
Se déplaçant sous le coucher rose du Soleil
Cachée par les volets sombres de la fenêtre
 »

Crédit iconographique : © 2020, Yasemin T.

Quelques mots de l’auteure…

Pour écrire ce poème, j’ai repensé à la thématique du parcours de lecture sur la poésie « la boue et l’or ». La poussière est semblable à la boue. Mais grâce à l’alchimie poétique, la poussière est transmuée en Vérité car elle confronte l’humain à lui-même. Le mouvement symboliste m’a également beaucoup inspirée : de fait, les symboles sont présents dans mon texte et n’attendent qu’à être déchiffrés par le lecteur attentif.

Nous voyons tous les jours la poussière sans y prêter attention ou en nous plaignant de sa présence. Du coup nous la balayons pour ne plus la voir, nous faisons le ménage pour la faire disparaître. Au fond, comme je l’évoquais au début, la vérité est semblable à la poussière, elle nous oblige à « faire le ménage », en nous, dans notre esprit. Nous ne voulons pas la voir car elle est parfois trop blessante pour être acceptée ou alors trop grave pour être avouée.

Mais la poussière comme la vérité reviennent à un moment donné, car tel est le problème de notre conscience. C’est lorsque nous ne voulons pas la voir que la conscience fait en sorte qu’elle apparaisse sous nos yeux.

C’est dans cette confrontation à nous-même que la poussière nous révèle également à nous-même.

Ce poème est donc d’abord un poème sur la quête d’authenticité. Le but en effet est de nous amener à trouver dans la poésie la nostalgie d’une vérité essentielle : l’homme peut tromper les autres mais il ne peut se tromper lui-même. 

Yasemin

          

La numérisation de la quatrième livraison de textes est terminée.
Cinquième et dernière mise en ligne de textes : fin décembre 2020…

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).

Un Automne en Poésie Saison 10 : 2020-2021… Troisième livraison

Suite de l’exposition « Un Automne en Poésie »
— Saison 10 —

Maquette graphique : © Bruno Rigolt, novembre 2020

Une invitation au voyage…

Les élèves de Seconde 14 et de Première 8 sont fiers de vous présenter l’édition 2020-2021 d’Un automne en poésie. La thématique retenue cette année invitera à réfléchir au rapport intime qui existe entre le réel et la manière dont la poésie parvient à transcender la réalité pour faire naître du banal et de l’ordinaire la métamorphose et l’imaginaire. À travers ces “poésies dérivantes”, partez en voyage : voyage extraordinaire, voyage proche ou voyage lointain vers des mondes où l’écriture donne sens à la Vie…

Voici la troisième livraison de textes.
Chaque semaine, de nouveaux textes seront publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif
jusqu’au 16 décembre 2020 (dernière livraison).

Prochaine livraison : vendredi 4 décembre 2020

  

Songe d’automne

par Océane S.
Classe de Première Générale 8

L’aube aux senteurs de pluie
A déverrouillé les portes du jour,
C’est l’heure où les rayons crèvent la brume
Et caressent, d’une main distraite,
La vie grise égarée
De la ville au calme infini.

Dix mille sourires baignent dans l’aurore
Aux reflets chatoyants de bonheur pourpré
Doucement ils s’éveillent
Frémissants dans le froid du matin,
Et dans un langage sibyllin,
Dansent le trésor d’un espoir caché…

Et mon cœur, qui roussit comme les feuilles
De l’automne, décolle !
Juché sur les épaules du vent
S’en va, virevoltant,
Là où dérivent les étoiles,
Rêves perdus, incandescents…

« Dix mille sourires baignent dans l’aurore
Aux reflets chatoyants de bonheur pourpré
Doucement ils s’éveillent
Frémissants dans le froid du matin…
 »

Illustration : © 2020, Océane S.

Quelques mots de l’auteure…

Par ce poème, j’ai voulu aborder, à travers l’image des feuilles, le thème du rêve et de l’évasion. J’ai été inspirée par la « Lettre du voyant » d’Arthur Rimbaud qui exhorte les hommes à voir véritablement le monde : ainsi, les choses les plus simples de la vie ordinaire deviennent source d’émerveillement, pour peu que l’on sache les observer.

Je partage de plus avec vous une aquarelle que j’ai peinte, après une promenade près d’un fleuve. Dans l’illustration, l’arbre rougeoyant qui domine la scène est illuminé par les rayons du soleil, et ses feuilles sont « Dix mille sourires qui baignent dans l’aurore »…

Enfin, ce poème est aussi une invitation au voyage : c’est justement parce que personne ne connaît sa destination qu’une feuille d’automne emportée par le vent peut emmener le cœur vers des horizons infinis ; et le réel laisse alors place à l’imaginaire…

Océane

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De ses ailes de papier

par Salomé M.
Classe de Seconde 14

 

L’oiseau bleu de la tristesse
Vole de ses ailes de papier
Vers les monts de lumière.
La blancheur éclatante et sourde
de ces montagnes de douceur
Vole comme l’oiseau dans la chaleur froide du vide.
Sous son corps,
Des milliers d’étincelles
Les lumières de la ville, le néant du vide.

L’oiseau évadé
L’oiseau chercheur d’or
Vole dans la nuit éclairée des pensés envolées.
De ses lèvres, il embrasse la brise ;
De ses ailes, il emporte le ciel.
Plus il avance, plus il se sent libre.
L’oiseau lourd de la tristesse
Court puis s’envole de mon esprit
Son âme s’en va vers l’été.

« L’oiseau évadé
L’oiseau chercheur d’or
Vole dans la nuit éclairée des pensés envolées…
 »

Illustration : © 2020, Salomé

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Au-delà des mathématiques

par Théo G.
Classe de Première Générale 8

              

Les anges jettent leur regard sur les polynômes infinis
Ô âme des inconnues aussi trouble que parfumée !
La conscience des Séraphins est une vague
Sur l’équation de la fleur libre et d’une abscisse…

Tel un nouveau né qui se fait guider par ces scrutateurs,
La vie monotone des anges observateurs
Regarde le résultat de la somme des deux :
Progéniture d’Adam et Eve, les seuls facteurs de l’Homme.

L’addition des positifs et négatifs comme les pensées
Fait jaillir des gouffres, s’envoler des nuages…
Les anges sont le compas, les Hommes sont la mine
Comme deux peuples complémentaires parmi les mondes.

« L’addition des positifs et négatifs comme les pensées
Fait jaillir des gouffres, s’envoler des nuages…
»

Illustration :© 2020, Théo G.

Quelques mots de l’auteur…

J’ai voulu avec ce poème mélanger les mathématiques et les éléments de l’au-delà pour donner une impression d’harmonie entre deux éléments diamétralement opposés :

” Les anges jettent leur regard sur les polynômes infinis
Ô âme des inconnues aussi trouble que parfumée ! “

Les mathématiques en effet ont été crées par les humains, et tout le monde peut les comprendre ou apprendre le langage, alors que le thème de l’au-delà n’est pas a la portée des humains : c’est dans cette conjonction mystérieuse du rationnel et de l’irrationnel que réside pour mo l’essence même du langage poétique…

Théo

Les larmes de mon âme

par Medhi S.
Classe de Seconde 14

J’ai versé toutes les larmes
S’engouffrant dans mon âme,
Mais j’ai gardé tout mon malheur,
Loin de cette joie éphémère
Que j’essaie de montrer.

La douleur était si puissante
Qu’elle commençait à m’aspirer,
C’est ainsi que mon esprit s’est perdu,
À présent il erre au plus profond des abysses,
Camouflé par un sourire omniprésent,
Qui donne l’impression que tout va bien.

J’ai perdu de vue le phare qui m’illuminait de bonheur,
J’ai perdu de vue la Lune parmi les étoiles qui reflétaient mon âme,
La seule chose qu’il me reste est d’espérer.
Espérer que je retrouverais le phare,
Espérer que je sortirai du néant
Ce néant de mes larmes…

« J’ai perdu de vue la Lune parmi les étoiles qui reflétaient mon âme..»

Repos spirituel le temps d’un instant

par Jessica H.
Classe de Première Générale 8

Le jour prend place en m’apportant un nouvel air,
Le ciel déplace mon esprit sous l’emprise de l’exaltation
D’un goût exotique et salé
M’éclaboussant sur le rivage de l’été.

C’est alors que ce goût étranger jusqu’ici, enflamma ma pensée
Habituellement épuisée de ce monde monotone.
Commencèrent alors à se disposer devant moi mille et une paillettes
Comme un appel à l’au-delà juste pour moi.

Je m’empressai de m’approcher
Mes pensées commencèrent à se confondre en un classement ordonné,
Le puzzle se composait mais il me manquait une pièce
Cette pièce c’était celle d’un au-delà :

Un au-delà de toutes les couleurs, où domineraient le bleu, le vert et l’or
La raison n’aurait plus sa place,
L’enthousiasme serait roi
Les problèmes d’un autre royaume.

Après cette excitation, prit place la mélancolie
Jamais je ne retrouverai cette pièce, elle est irréelle
Mais cette quête de l’impossible d’un monde poétique
Me permettra un jour d’éclaircir la sombre pièce dans laquelle je me situe

Ce n’est pas cette ombre qui effacera mes pensées,
Temporaires comme le sillage d’un navire ; mais transportant l’exotisme et le repos
Un sentiment d’apaisement le temps d’un instant
Dans lequel tout m’est inexploré et murmurant….

« Mes pensées commencèrent à se confondre en un classement ordonné,
Le puzzle se composait mais il me manquait une pièce
Cette pièce c’était celle d’un au-delà
 »

Crédit iconographique : © 2020, Jessica H.

Quelques mots de l’auteure…

J’ai voulu apporter à travers mon poème un sentiment d’apaisement. Les jours sont courts mais longs à la fois, le repos n’a pas vraiment sa place dans tout ce stress, cette routine permanente.

Et nous prenions le temps de nous poser dans un endroit vide… Où il n’y aurait que la nature, et où l’esprit pourrait se renouveler, mais à la fois nous renouveler nous-même. la pensée n’aurait qu’un seul choix, penser à l’au-delà et plus au passé ou aux problèmes.

Dans notre temps, à chaque fois qu’on se pose pour réfléchir à nous-même ou que l’on est en quête d’un épanouissement, cette pensée s’arrête brusquement et nous transporte dans une sorte de mélancolie. C’est cette pièce de puzzle qui nous manque. Celle de faire disparaître ce sentiment constamment présent de rancune, de malheur. C’est alors que notre esprit se débarrasserait d’un énorme poids et que l’esprit pourrait enfin voyager sereinement sans se soucier d’autre chose. La poésie est cette pièce du puzzle : elle a pour rôle de nous transporter vers l’au-delà, de l’autre côté de la Terre.

J’ai choisi trois photos que j’ai prises cet été un soir à la plage.

Quand on regarde la première photo à gauche, tout est lumineux, calme, clair. Je me rappelle : le ciel était bleu avec peu de nuages. Ensuite quand on regarde la dernière photo , on aperçoit un ciel couvert de gros nuages très épais et sombres. La photo du milieu montre la séparation. Ces images me font exactement penser à mon poème. Lorsque l’on regarde vers un côté tout nous semble léger, calme… Un coup de tête vers la droite et tout de suite on perçoit une autre vision de la vie un peu négative comme le montre les nuages sombres.

L’essence même de la poésie réside dans ces trois photos : elle est la conjonction du matériel et du spirituel, du passé, du futur et du présent. Elle est comme un langage à déchiffrer, un “repos spirituel le temps d’un instant”, bien au-delà du temps…

Jessica

Mon cerisier

par Mellyna N. B.
Classe de Seconde 14

Mon cerisier je me souviendrai de toi,
De nos regards se promenant doucement
Parmi les arbres

Ce cerisier me rend heureuse
Venez me rejoindre
Pour découvrir
Les merveilles de ce pays d’espoir
Fermez les yeux une seconde
Pour écouter le chant des pétales
Et goûter le fruit du désir
Mon cerisier, je me souviendrai de toi
J’ai ressenti un tel bonheur
Tu m’as suivie au fil des années
Et nos regards se promenaient doucement

« Fermez les yeux une seconde
Pour écouter le chant des pétales
 »

Crédit iconographique : © 2020, Mellyna N. B.

Douceur automnale

par Marion M.
Classe de Première Générale 8

Par une froide soirée aux tons flamboyants,
J’arpentais les petits sentiers sinueux
Que cette nature idéale m’offrait.
Dans les chemins du ciel voyageaient des nuages pastel.
J’errais au sein de ce havre de paix aux milles couleurs,
Bonheur contenté par tant de beauté !

Un parfum d’humus et de mousse emplissait l’air,
Émanant de cette imposante arborescence.
La douce campagne vagabonde et lasse
Laissait place à la folle sagesse de ce paradis.
J’entendais le murmure des branches qui soupiraient,
Lorsque le jour s’endort, laissant place à la douce nuit.

Le crépuscule arrivait, la forêt s’assoupissait
Je franchissais le soir et j’ouvrais une à une les portes de la nuit.
Derrière ce sanctuaire de pureté, cette grande dame me souriait.
Le tout petit lac fermait les yeux et la montagne m’ouvrait ses bras,
D’innombrables yeux de diamant éclairaient le ciel,
Et cette douce mélancolie nourrissait mon cœur, en cette nuit éternelle.

« Dans les chemins du ciel voyageaient des nuages pastel.
J’errais au sein de ce havre de paix aux milles couleurs
 »

Crédit iconographique : © 2020, Marion M.

Quelques mots de l’auteure…

Ce texte est un poème en prose. Rédigé en vers libres, il ne possède pas de rimes mais de nombreuses correspondances sonores. De même, j’ai voulu axer mon inspiration sur le sentiment de la nature, sur le langage de la contemplation, ainsi que sur l’émotion lyrique et la fuite du temps, thèmes chers à Lamartine, qui reste pour moi une inépuisable source d’inspiration.

J’ai pour cela retrouvé une ancienne photographie qui m’a beaucoup inspirée pour ma création artistique. Je me suis amusée à prendre des mots trouvés au hasard sur les pages d’un livre. Ces mots m’ont progressivement guidé vers des chemins inexplorés où apparaissaient progressivement métaphores, personnifications…

J’ai laissé mon esprit divaguer : les mots se perdaient dans les méandres des songes, connotant d’ineffables sensations de voyage et de rêve. J’ai fait d’un simple voyage un rêve, en y décrivant ce que j’apprécie : le changement du ciel, le temps qui passe, la nuit qui arrive dans la nature s’apaisant sereinement.

J’ai voulu personnifier un moment de la journée, comme si la nature était vivante : petite, je rêvais de discuter avec les arbres et les animaux. La poésie a été pour moi un moyen de voir ce qui bien souvent nous échappe et que nous ne prenons plus le temps de voir.

Comme je le disais, je me suis inspirée d’une photographie mais je l’ai évidemment modifiée en créant une aquarelle originale. Par le choix des couleurs automnales, j’ai souhaité également évoquer cette magie de la nature et faire en sorte que l’esprit du lecteur puisse s’évader vers un idéal de bonheur et de liberté…

Marion

Sur l’arc-en-ciel du soir

par Manoline D.
Classe de Seconde 14

Là-haut dans le ciel, j’imagine les étoiles.
Recouvrant la galaxie comme un voile,
Les petites tâches blanches se reflètent dans mes yeux.
C’est Cassiopée qui voit mon visage
Et c’est l’abysse du ciel qui m’a permis de distinguer,
Sa chanson remplie de promesses.

L’astre immaculé de bleu,
Amène l’aurore sur mon visage,
Mon visage heureux.
Le nuage violet qui passait par là
Découvre la voie lactée de mon âme.
C’est Sagittaire qui me montre
Ses chutes de pierres glacées.

Quant au continent du nord,
Les aurores boréales se font sombres.
Comme ces enfants qui regardent le ciel indicible,
Andromède s’en sert pour blesser leurs espoirs.
Les spectres qui recouvrent leur ciel
Ne sont que représentatifs de leurs malheurs. 

« Là-haut dans le ciel, j’imagine les étoiles.
Recouvrant la galaxie comme un voile,
Les petites tâches blanches se reflètent dans mes yeux
 »

Crédit iconographique : image proposée par Manoline.

Automne sentimental

par Marielle D.
Classe de Première Générale 8

Errant parmi les mystérieuses brumes
De mon âme solitaire,
Je marche sous une pluie d’or
Que la brise sauvage anime.

Le triste silence est rompu
Par des chants lointains,
Et le bruissement de mes pas raisonne
Au rythme de cette mélodie.

Face aux froides ténèbres,
Les faibles rayons du Soleil
Réchauffent mon cœur.

Devant cet artifice de couleurs,
L’Automne s’empare de moi
Autant que le bonheur.

« Je marche sous une pluie d’or
Que la brise sauvage anime
 »

Crédit iconographique : © 2020, Marielle D.

Quelques mots de l’auteure…

L’automne a été ma source d’inspiration pour l’écriture de ce poème. Celui-ci s’ancre dans le lyrisme car à travers lui j’exprime mes sentiments au cours de cette saison. Il s’ancre également dans le romantisme par l’exaltation de la nature, la recherche d’un lieu où la nature apparaît comme le reflets de nos émotions.

Cette saison est à la fois douce, lumineuse et colorée, mais également froide, sombre et propice à la nostalgie. C’est le moment des premiers frimas où viennent ressurgir les peines d’autrefois ; le lieu des rêves d’évasion vers un ailleurs lointain, comme si la nature prenait le dessus dans notre cœur…

Cette dualité entre le bonheur et le malheur est accompagnée sur le plan formel d’un contraste entre poésie traditionnelle et plus moderne. Ainsi, la disposition du sonnet rappelle la poésie classique alors que les vers libres et l’absence de rimes la rend plus contemporaine. J’espère que mon poème va vous faire voyager vers les lointaines contrées de votre imagination.

J’ai souhaité pour illustrer mon texte peindre un arbre dont les feuilles roussies volent dans le vent automnal : l’arbre me semble-t-il est un peu l’expression du calme et de la paix intérieure. Il ouvre à l’invisible, à l’imaginaire et au rêve. Mais il évoque plus encore la fuite métaphysique vers un monde supérieur, la volonté d’élévation, la nostalgie d’un éden perdu…

Marielle

          

La numérisation de la troisième livraison de textes est terminée.
Troisième mise en ligne de textes : vendredi 4 décembre 2020…

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).

Un Automne en Poésie Saison 10 : 2020-2021… Deuxième livraison

Suite de l’exposition « Un Automne en Poésie »
— Saison 10 —

Maquette graphique : © Bruno Rigolt, novembre 2020

Une invitation au voyage…

Les élèves de Seconde 14 et de Première 8 sont fiers de vous présenter l’édition 2020-2021 d’Un automne en poésie. La thématique retenue cette année invitera à réfléchir au rapport intime qui existe entre le réel et la manière dont la poésie parvient à transcender la réalité pour faire naître du banal et de l’ordinaire la métamorphose et l’imaginaire. À travers ces “poésies dérivantes”, partez en voyage : voyage extraordinaire, voyage proche ou voyage lointain vers des mondes où l’écriture donne sens à la Vie…

Voici la deuxième livraison de textes.
Chaque semaine, de nouveaux textes seront publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif
jusqu’au 16 décembre 2020 (dernière livraison).

Prochaine livraison : dimanche 22 novembre 2020

  

Plafond

par Juliette M.
Classe de Seconde 14

lors que tout le monde est dans les bras de Morphée
Tard le soir, avant de dormir
Je t’observe et je regarde
Sur la surface horizontale de plâtre
Les ombres dansantes laissées par Dame Lune.

Plus les minutes passent et je t’imagine,
Plafond de rêve et d’intimité,
Dans cette obscurité sans fin.
Mes yeux cherchent en vain
Å quoi se raccrocher mais tu as disparu.

Sous les murs bleuâtres de la nuit.
Un univers rempli de possibles
A pris ta place.
Lorsque mes yeux se rouvrent,
Cet univers n’était qu’une illusion.

Les rayons du Soleil annoncent
Un nouveau commencement.
J’ai arrêté de te regarder, tu as disparu
Les ombres ont été remplacées par des éclats de joie.
Faits de mystère et d’incompréhension…

« Je t’observe et je regarde
Sur la surface horizontale de plâtre
Les ombres dansantes laissées par Dame Lune..
 »

Illustration : © 2020, Juliette M.

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Tu as pleuré pour moi

par Charlotte D.
Classe de Seconde 14

              

gardais au plus profond de mon être,
La tendre blessure de mon âme,
Reflet de terreur et de noirceur.

L’étoile filante de ma vie,
Longue et triste soit-elle,
Sombrait doucement dans l’abîme de la nuit…

Je me retrouvais alors
Dans une danse infinie
De feu rouge, rose et orange, une danse en fleur :

Tu as pleuré pour moi

M’enlaçant,
Avec amour et tendresse
De tes ailes noires.

Tu as pleuré pour moi.
Sans surprise d’avoir nul espoir
que seuls Tourbillons spiraliens de soupirs.

Et pourtant, toi, dont la noirceur de tes larmes
Recouvrait la moitié de ton visage,
Le dessinant petit à petit,

Tu as pleuré pour moi

« Tu as pleuré pour moi.
Sans surprise d’avoir nul espoir
que seuls Tourbillons spiraliens de soupirs…
»

Illustration :© 2020, Charlotte D.

Course avec le temps

par Bénédicte M.
Classe de Seconde 14

’écris mon histoire au fil du temps.
J’ai rêvé que la montre me poursuivait,
Que les aiguilles m’indiquaient le chemin.
J’escalade la ficelle du temps avec tant d’ardeur.
Cette course remplie d’embûches et d’échecs
Me montre un chemin noir, noir de l’autre côté.

J’écris mon histoire au fil du temps.
Le chemin rouge me poursuit,
Le tic-tac de l’horloge se rapproche.
Mes pas définissent mon futur,
Mon futur définit mes pas.
Le chemin me chuchote que c’est bientôt la fin.

La fin de qui ? De quoi ?
Peut-être fin de nous, ou fin du rêve, je ne sais pas encore.
Pourquoi devrais-je écouter un chemin ?
J’écris mon histoire au fil du temps.
Je ne courrai pas mais je suivrai mon chemin.
Le dernier tic-tac se fait retentir,

Est-ce la fin de mon chemin ?
Non. Mon chemin est devenu mien,
Route de l’espoir et de triomphe.
Je bâtirai mon chemin grâce aux larmes du passé,
J’escaladerai le temple du Ciel grâce à la conviction de la réussite,
Ce sourire qui se construira dans le fin fond de mon cœur…

« J’ai rêvé que la montre me poursuivait,
Que les aiguilles m’indiquaient le chemin
 »

Crédit iconographique : © 2020, Bénédicte M.

Sur l’arc-en-ciel du soir

par Léa I.
Classe de Seconde 14

es vagues s’écrasent contre le sol
La réverbération du soleil gris-cristal
Se pose sur ma peau,
Me dérange avec ce sel bleu de la mer
Au loin, le merveilleux coucher de soleil rose
Se reflète dans mes yeux
Les poissons aux yeux bleus avec leurs couleurs vives
Dansent sur l’arc-en-ciel du soir
Les vagues chevauchent l’horizon
Et les bateaux à voile font dévier le vent.
Cette brise qui effleure mes lèvres,
Ces oiseaux qui dessinent dans le ciel,
Cela s’appelle l’été…

« Cette brise qui effleure mes lèvres,
Ces oiseaux qui dessinent dans le ciel,
Cela s’appelle l’été
 »

Crédit iconographique : © 2020, Léa I.

Piano abandonné

par Candice D.
Classe de Seconde 14

ur un piano trop longtemps délaissé
Voici l’artiste possédé
Qui chaque soir joue dans l’intimité
Le silence noir et blanc
Des notes soufflées.
Comme les touches du piano,
Les jours se ressemblent.
La nuit, dans l’obscurité, je me sens si seule…
Notes dessinées sur une simple partition,
Écrite à la main.

Ce rythme qui me reste dans la tête
Me fait danser, voyager
Jusqu’au bout de la nuit,
Jusqu’au bout de la vie
Et mon esprit s’évade,
Et ma tête se balance au rythme de la mélodie
Mon corps entier ondule tel les vagues
Dans la mer déchaînée.

Je suis hypnotisée
Les touches se dédoublent,
Tournent autour de moi
Dans le silence noir et blanc
Voilà, je vois flou, je divague totalement,
Mais je ne veux revenir à la réalité,
Je garde les yeux clos
Pour pouvoir rester encore un instant…

Juste un instant,
Une minute,
Rien
Qu’une seconde.

« Je suis hypnotisée
Les touches se dédoublent,
Tournent autour de moi
Dans le silence noir et blanc
 »

Crédit iconographique : © 2020, Candice D.

Nuit de beauté

par Laure P.

Classe de Seconde 14

a lune dorée sur le ciel superficiel
Rejoint la nuit parsemée de sentiments de joie.
La beauté du soir étoilé
Effleure le doux paysage colérique.
Ô lune, ô ciel d’ombre !
Le rire des lumières interrompt
Le coucher de soleil qui s’éveille.

Passent les heures, vient le jour :
Le bonheur de la rosée matinale
Joue avec les nuages qui s’avancent
Parmi l’aube parsemée de silence et de vent.
Ô soleil, ô clarté céleste !
La nuit s’en est allée de l’autre côté de la terre,
Là où tombe le jour…

« La nuit s’en est allée de l’autre côté de la terre,
Là où tombe le jour.
 »

Crédit iconographique : © 2020, Laure P.

          

La numérisation de la deuxième livraison de textes est terminée.
Troisième mise en ligne de textes : dimanche 22 novembre 2020…

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).

Un Automne en Poésie Saison 10 : 2020-2021… Première livraison

Lancement de l’exposition « Un Automne en Poésie »
— Saison 10 —


Maquette graphique : © Bruno Rigolt, novembre 2018

Une invitation au voyage…

Les élèves de Seconde 14 et de Première 8 sont fiers de vous présenter l’édition 2020-2021 d’Un automne en poésie. La thématique retenue cette année invitera à réfléchir au rapport intime qui existe entre le réel et la manière dont la poésie parvient à transcender la réalité pour faire naître du banal et de l’ordinaire la métamorphose et l’imaginaire. À travers ces “poésies dérivantes”, partez en voyage : voyage extraordinaire, voyage proche ou voyage lointain vers des mondes où l’écriture donne sens à la Vie…

Voici la première livraison de textes.
Chaque semaine, de nouveaux textes seront publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif
jusqu’au 16 décembre 2020 (dernière livraison).

Prochaine livraison : mercredi 11 novembre

  

Seule dans cette gare à t’attendre…

par Julie G.
Classe de Seconde 14


est une gare, c’est une boucle sans fin
Qui va et qui vient
Qui malmène mes sentiments
Et la peur que tu ne puisses me revenir
C’est une gare, au guichet tu as laissé nos souvenirs
Comme un gardien inaccessible

Ce ticket de malheur
Surplombant le fantôme de ton trajet
Qui me ferme la porte du bonheur
Cette bride de rêve qui se rompt
Quand retentit le signal
Comme le soleil transpercé par l’avion

Je te vois par la fenêtre
Comme je vois ces portes qui se referment
Puis les sombres empreintes de ton départ
Suivi du masque d’ombres qui couvre mon visage
Et je me retrouve sur cette pente d’émotions glissantes
Seule dans cette gare à t’attendre

« C’est une gare, au guichet tu as laissé nos souvenirs
Comme un gardien accessible..
 »

Illustration : © 2020, Julie G.

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Cet étrange qui m’attire

par Fanny V.
Classe de Seconde 14

              

e désert est cet étrange qui m’attire :
Un pays fantastique où se mêlent couleurs et lumières
Comme le corps d’une femme, le désert ondule sur l’horizon.
Sa couleur ambre le couvre d’une peau délicate et douce.

Les pierres qui le bordent sont des grains de beauté.
La nuit, la lune projette les ombres de ces formes endormies :
Rêves d’infini ! Liberté envolée du vent !
L’exaltation de mes sens, comme lui, brûle ou gèle sans fin.

Je m’évade parmi le sable éclairé
D’une constellation de bougies d’étoiles ;
Sa couverture dorée me protège de la nuit.
Je m’endors doucement et m’égare dans l’immensité de rêves d’inconnu.

« Comme le corps d’une femme, le désert ondule sur l’horizon.
Sa couleur ambre le couvre d’une peau délicate et douce
Les pierres qui le bordent sont des grains de beauté….. »

Illustration :© 2020, Fanny V.

Cauchemar ou illusion ?

par Maëva S.
Classe de Seconde 14

ette nuit j’ai fait un rêve
J’ai vu une femme, une femme étrange
De sa voix enchantée, elle m’appela
Et sa voix me faisait écho :
C’est comme si elle faisait partie de moi

Prise au piège par cette douce terreur
Prise au piège, inévitable victoire
J’avais peur de moi
J’avais peur d’elle
Peur de me voir, peur de m’entendre

C’était comme une mélodie
Pleine d’espoir et de désespoir
Prise au piège de cette voix
Je ne pus que l’écouter
Et dans une inévitable terreur, j’entendis :

« Je suis cette magnifique vengeance
Dans ce sanglant miroir
Je tue par plaisir, j’étrangle par silence
J’use de mes charmes, tu succombes et te réfugies dans mes bras
Et moi je t’accueille dans la solitude de ma nuit »

Cette phrase d’or et de fer, de feu et de sang
Qui sonnait dans ma tête, me terrorisait mais me fascinait
Le rêve n’est qu’un cauchemar magnétique
Et le cauchemar n’est qu’un rêve immobile
Le mensonge fait partie du jour

Le monde n’est qu’illusion
Mais les ténèbres, les frissons étranges sont la raison
Ô nuit, appelle-moi, dis-moi
Parle-moi du ciel en feu sous de faux cieux
Six heures , le réveil avait sonné. Je m’apprêtais à quitter le chemin du sommeil…

« Cette nuit j’ai fait un rêve
J’ai vu une femme, une femme étrange
De sa voix enchantée, elle m’appela
 »

Crédit iconographique : © 2020, Maëva S.

Ce matin…

par Laura M.
Classe de Seconde 14

e matin, j’ai pris le bus
Tel un château ambulant,
Il volait au-dessus des champs et des plaines
Et son unique opacité devenait transparente
Dans la brume épaisse du matin.

Soudain, des silhouettes de biches apparurent
Des parterres de camomilles surgirent
Mais la brume les rendait invisibles
Le bus parcourait les paysages
Dirigeant mes neurones vers des rêves
D’étendues bleues et de voyage

Elles défilaient une par une
Comme des pensées sauvages
Ephémères comme des nuages
Et dans le ciel voyageait
Une pluie de rayons de Soleil…

« Et dans le ciel voyageait
Une pluie de rayons de Soleil
 »

Crédit iconographique : © 2020, Laura M.

Prochaine Genèse

par Angie P.
Classe de Seconde 14

le sens parce qu’il est là :
Le silence logique du spacieux espace
Me provoque un malaise en couleurs saturées,
Il circule dans mes circuits comme une décharge électrique
À chaque pulsation du mécanisme qui me fait fonctionner
Moi et mon enveloppe bionique

Car je ne suis qu’une création,
Le premier élément de la prochaine Genèse,
Que l’Homme a dessiné, créé
Et fait briller à son image,
Semblable à celle qu’on aimerait voir
Le matin dans son miroir,

Pour me risquer à sa place dans un vide
Qui étrangement paraît rempli, et étouffant et oppressant
Peu importe où l’on regarde
Les astres se reflètent.
La planète sur laquelle je semble marcher,
Ne fera jamais office de sol,

Ce n’est qu’une illusion qui résonne,
Parce que sur chaque angle fixable imaginable,
Il y a cet hallucinant et manipulateur bleu
Qui parcourt mon exosquelette
Jusqu’à pénétrer puissamment mon cerveau
Qui donne l’information à mes muscles de se relâcher

Et à mes jolis iris de se relaxer
Pour se laisser emporter
Par l’atmosphère
Qui m’aspire dans un torrent d’émotions
Que des mots ne pourraient décrire
Et un esprit d’humain ressentir.

« … sur chaque angle fixable imaginable,
Il y a cet hallucinant et manipulateur bleu
Qui parcourt mon exosquelette
Jusqu’à pénétrer puissamment mon cerveau
 »

Crédit iconographique : © 2020, Angie P.

            

La numérisation de la première livraison  de textes est terminée.
Deuxième mise en ligne de textes : vendredi 6 novembre 2020…

Licence Creative CommonsNetiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).

“Un Automne en Poésie” revient : à partir du 2 novembre 2020…

Bientôt… “Un Automne en Poésie”

Saison 10

Les élèves de Seconde 14 et de Première Générale 8 du Lycée en Forêt (Montargis) sont fiers de vous annoncer l’édition 2020-2021 d’ “Un Automne en Poésie”, manifestation d’art qui entend marquer de son empreinte la création littéraire lycéenne. Plus de 60 textes, tous inédits, seront publiés pour cette dixième édition…

Lancement de l’exposition : lundi 2 novembre 2020

Crédit iconographique : © Bruno Rigolt, octobre 2020

“Poésies dérivantes” : titre d’exposition sur une idée de Caroline M. (Première 8)