Aujourd’hui :
Élisabeth Badinter, Émilie, Émilie, ou l’ambition féminine au dix-huitième siècle (Le Livre de Poche, 1997. Cote CDI : 396 17 BAD).
Le sujet…
Histoire étonnante de deux destins similaires : celui de deux jeunes femmes portant le même prénom, possédant les mêmes ambitions et rêvant au même idéal : madame du Châtelet et madame d’Épinal… Même si l’ouvrage d’Élisabeth Badinter est un peu ancien de par sa date de parution, il est néanmoins d’une brûlante actualité ! Question en effet toujours controversée que celle de l’ambition féminine, “la grande affaire des hommes” : socialement et culturellement, une femme qui a de l’ambition est toujours un peu mal vue, et provoque une certaine suspicion. On connaît par exemple madame du Châtelet pour avoir été la compagne de Voltaire, mais sait-on qu’elle traduisit le grand œuvre de Newton, et qu’elle s’imposa à l’égal des savants de son temps ? Sait-on que madame d’Épinay fit valoir du temps de Rousseau des idées pédagogiques qui renouvelèrent l’approche de la maternité ? De fait, comme le dit l’auteure, “rares sont les moments de l’Histoire où l’alliance des deux mots “ambition” et “féminine” n’a pas choqué”… C’est donc dans son acception la plus noble qu’il faut comprendre le terme “ambition” : loin d’être une vanité, l’ambition féminine est ainsi un affranchissement des limites qu’impose la société, une émancipation.
Notre avis…
L’intérêt de cette double biographie, féministe par excellence, est à notre avis de plonger d’abord le lecteur au cœur des Lumières et d’en renouveler subtilement l’approche à travers deux destins de femmes : de fait, Élisabeth Badinter (spécialiste du dix-huitième siècle) nous présente le véritable combat de ces femmes dans leur temps. Nous les découvrons sûres d’elles, soucieuses de leur valeur, prêtes à tout pour faire triompher leurs idées. Écrire pour elles est d’abord une mission : loin d’être des “femmes savantes” (avec toutes les connotations péjoratives de cette expression), elles ont souvent abandonné la vie mondaine et amoureuse pour se consacrer au travail intellectuel, définissant par la même occasion une sorte de “devoir d’écriture”. L’intérêt de l’ouvrage est justement de lever le voile sur le courage et les motivations réelles de ces deux ambitieuses dans un siècle d’hommes… D’ailleurs, le combat féministe est-il pour autant terminé ? N’a-t-on pas tendance, même de nos jours, à évacuer le problème de l’identité féminine et de la fonction sociale des femmes ? Ne cherche-t-on pas à inscrire l’ambition féminine dans des clichés où l’éternel féminin le dispute aux représentations assez stéréotypées de l’accomplissement de la femme dans la séduction ou la maternité ?
Quelques citations…
“En ce temps où l’éducation des filles était si négligée, et se limitait la plupart du temps à un peu d’écriture, de lecture, quelques bribes d’histoire et aux arts d’agrément, Émilie [du Châtelet] fit des études approfondies dont beaucoup d’hommes du monde ne pouvaient même pas se targuer…” (pages 67-68).
“Madame du Châtelet n’a jamais été déchirée entre ses passions et ses devoirs. Ella a toujours fait passer les premières avant les seconds” (page 173).
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