Entraînement BTS : exercice de synthèse + proposition de corrigé…
est-il risible ?
Ce sujet inédit, que je propose avec un corrigé, amène à s’interroger sur l’art du comique : derrière ses apparences burlesques ou bouffones, le talent de faire rire n’est-il pas fondamentalement le résultat d’un travail exigeant, tant sur le plan artistique que didactique, permettant à l’homme de participer, par le rire, à son propre questionnement ?
Synthèse : 40 points
Vous ferez de ces quatre documents une synthèse objective, concise et ordonnée.
- Image du film Les Temps modernes, 1936
- Marcel Pagnol, Le Schpountz, 1938
- François Rabelais, Gargantua, « Prologue », 1534
- Jean-Robert Probst, Chicky, une vie de clown, légende vivante du cirque, 2008
Écriture personnelle : 20 points
Dans le Schpountz (document 2), Irénée déclare : « celui qui rit d’un autre homme, c’est qu’il se sent supérieur à lui. Celui qui fait rire tout le monde, c’est qu’il se montre inférieur à tous. » Partagez-vous cette opinion ?
Autre sujet possible, déjà proposé : Dans le Schpountz (document 2), Irénée définit un spectacle comique comme « un spectacle qui ne nous fera pas penser, qui ne nous posera aucun problème ». Partagez-vous cette opinion ?
Corpus
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Document 1 : image du film Les Temps modernes (1936), réalisé et interprété par Charlie Chaplin.
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Document 2 : Marcel Pagnol, Le Schpountz, 1938
Irénée, un provincial naïf qui rêve de devenir acteur tragique, a été engagé dans un film pour incarner à son insu un personnage comique. Le jour de la sortie, son amie Françoise lui rend compte des réactions du public et lui apprend qu’il a fait rire, en particulier dans la grande scène d’amour. Irénée comprend alors qu’on s’est joué de lui et qu’il n’est en fait qu’un « Schpountz ».
IRÉNÉE — Faire rire ! Devenir un roi du rire ! C’est moins effrayant que d’être guillotiné, mais c’est aussi infamant.
FRANÇOISE — Pourquoi ?
IRÉNÉE — Des gens vont dîner, avec leur femme ou leur maîtresse. Et vers les neuf heures du soir, ils se disent : « Ah, maintenant qu’on est bien repu, et qu’on a fait les choses sérieuses de la journée, où allons-nous trouver un spectacle qui ne nous fera pas penser, qui ne posera aucun problème et qui nous secouera un peu les boyaux, afin de nous faciliter la digestion ? »
FRANÇOISE — Mais vous exagérez tout !
IRÉNÉE — Oh non, c’est même encore pire : ce qu’ils viennent chercher, quand ils viennent voir un comique, c’est un homme qui leur permette de s’estimer davantage. Alors pour faire un comique, le maquilleur approfondira une ride, il augmentera un petit défaut. Au lieu de corriger mon visage, au lieu d’essayer d’en faire un type d’homme supérieur, il le dégradera de son mieux, avec tout son art. Et si alors j’ai un grand succès de comique, cela voudra dire que dans toute la France, il ne se trouvera pas un homme qui ne puisse pas se dire : « ce soir je suis content, parce que j’ai vu – et j’ai montré à ma femme – quelqu’un de plus bête et de plus laid que moi. » (Un temps, il réfléchit.) Il y a cependant une espèce de gens auprès de qui je n’aurai aucun succès : les gens instruits, les professeurs, les médecins, les prêtres. Ceux-là, je ne les ferai pas rire, parce qu’ils ont l’âme assez haute pour être émus de pitié. Allez, Françoise, celui qui rit d’un autre homme, c’est qu’il se sent supérieur à lui. Celui qui fait rire tout le monde, c’est qu’il se montre inférieur à tous.
FRANÇOISE — Il se montre, peut-être, mais il ne l’est pas.
IRÉNÉE — Pourquoi ?
FRANÇOISE — Parce que l’acteur n’est pas l’homme. Vous avez déjà vu sur l’écran Charlot recevoir des coups de pied au derrière. Croyez-vous que dans la vie, M. Chaplin accepterait seulement une gifle ? Mais il en donnerait plutôt… C’est un grand chef dans la vie, M. Chaplin.
IRÉNÉE — Alors, pourquoi s’abaisse-t-il à faire rire ?
FRANÇOISE — Ceux qui font rire sur la scène ou sur l’écran ne s’abaissent pas, bien au contraire. Faire rire ceux qui rentrent des champs, avec leurs si mains tellement dures qu’ils ne peuvent plus les fermer ; ceux qui sortent des bureaux avec leurs petites poitrines étroites qui ne savent plus le goût de l’air. Ceux qui reviennent de l’usine, la tête basse, les ongles cassés, avec de l’huile noire dans les coupures de leurs doigts… Faire rire ceux qui mourront, ceux qui ont perdu leur mère, ou qui la perdront…
IRÉNÉE — Mais qui c’est ceux-là ?
FRANÇOISE — Tous… Ceux qui n’ont pas encore perdu la Mère, la perdront un jour… Celui qui leur fait oublier un instant les petites misères… la fatigue, l’inquiétude et la mort ; celui qui fait rire des êtres qui ont tant des raisons de pleurer, celui-là leur donne la force de vivre, et on l’aime comme un bienfaiteur…
IRÉNÉE — Même si pour les faire rire il s’avilit devant leurs yeux ?
FRANÇOISE — Mais s’il faut qu’il s’avilisse, et s’il y consent, le mérite est encore plus grand, puisqu’il sacrifie son orgueil pour alléger nos souffrances… On devrait dire saint Molière, on pourrait dire saint Charlot…
IRÉNÉE — Mais le rire, le rire… C’est une espèce de convulsion absurde et vulgaire…
FRANÇOISE — Oh! non, ne dites pas de mal du rire. Il n’existe pas dans la nature ; les bêtes ne rient pas, les arbres ne rient pas, les montagnes n’ont jamais ri… Les hommes seuls, les hommes et même les tout petits enfants, ceux qui ne savent pas encore parler… Le rire est une chose humaine, qui n’appartient qu’aux hommes ; et c’est une chose que Dieu leur a peut-être donnée pour les consoler d’être intelligents…
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Document 3, François Rabelais, Gargantua, « Prologue », 1534
Buveurs très illustres, et vous Vérolés très précieux (c’est à vous, à personne d’autre que sont dédiés mes écrits), dans le dialogue de Platon intitulé Le Banquet, Alcibiade faisant l’éloge de son précepteur Socrate, sans conteste prince des philosophes, le déclare, entre autres propos, semblable aux Silènes. Les Silènes étaient jadis de petites boîtes comme on en voit à présent dans les boutiques des apothicaires ; au-dessus étaient peintes des figures amusantes et frivoles : harpies, satyres, oisons bridés, lièvres cornus, canes bâtées, boucs volants, cerfs attelés et autres semblables figures imaginaires, arbitrairement inventées pour inciter les gens à rire, à l’instar de Silène, maître du bon Bacchus. Mais à l’intérieur, on conservait les fines drogues comme le baume, l’ambre gris, l’amome, le musc, la civette, les pierreries et autres produits de grande valeur. Alcibiade disait que tel était Socrate, parce que, ne voyant que son physique et le jugeant sur son aspect extérieur, vous n’en auriez pas donné une pelure d’oignon tant il était laid de corps et ridicule en son maintien : le nez pointu, le regard d’un taureau, le visage d’un fol, ingénu dans ses mœurs, rustique en son vêtement, infortuné au regard de l’argent, malheureux en amour, inapte à tous les offices de la vie publique ; toujours riant, toujours prêt à trinquer avec chacun, toujours se moquant, toujours dissimulant son divin savoir. Mais en ouvrant une telle boîte, vous auriez trouvé au-dedans un céleste et inappréciable ingrédient : une intelligence plus qu’humaine, une force d’âme prodigieuse, un invincible courage, une sobriété sans égale, une incontestable sérénité, une parfaite fermeté, un incroyable détachement envers tout ce pour quoi les humains s’appliquent tant à veiller, courir, travailler, naviguer et guerroyer.
À quoi tend, à votre avis, ce prélude et coup d’essai ? C’est que vous, mes bons disciples, et quelques autres fous oisifs, en lisant les joyeux titres de quelques livres de notre invention, comme Gargantua, Pantagruel, Fesse pinte, La Dignité des braguettes, Des pois au lard avec commentaire, etc., vous pensez trop facilement qu’on n’y traite que de moqueries, folâtreries et joyeux mensonges, puisque l’enseigne extérieure (c’est le titre) est sans chercher plus loin, habituellement reçue comme moquerie et plaisanterie. Mais il ne faut pas considérer si légèrement les œuvres des hommes. Car vous-mêmes vous dites que l’habit ne fait pas le moine, et tel est vêtu d’un froc qui au-dedans n’est rien moins que moine, et tel est vêtu d’une cape espagnole qui, dans son courage, n’a rien à voir avec l’Espagne. C’est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est traité. Alors vous reconnaitrez que la drogue qui y est contenue est d’une tout autre valeur que ne le promettait la boite : c’est-à-dire que les matières ici traitées ne sont pas si folâtres que le titre le prétendait. Et en admettant que le sens littéral vous procure des matières assez joyeuses et correspondant bien au titre, il ne faut pourtant pas s’y arrêter, comme au chant des sirènes, mais interpréter à plus haut sens ce que le hasard vous croyiez dit de gaieté de cœur.
Avez-vous jamais crocheté une bouteille ? Canaille ! Souvenez-vous de la contenance que vous aviez. Mais n’avez-vous jamais vu un chien rencontrant quelque os à moelle ? C’est, comme dit Platon au livre II de la République, la bête la plus philosophe du monde. Si vous l’avez vu, vous avez pu noter avec quelle dévotion il guette son os, avec quel soin il le garde, avec quelle ferveur il le tient, avec quelle prudence il entame, avec quelle passion il le brise, avec quel zèle il le suce. Qui le pousse à faire cela ? Quel est l’espoir de sa recherche ? Quel bien en attend-il ? Rien de plus qu’un peu de moelle. Il est vrai que ce peu est plus délicieux que le beaucoup d’autres produits, parce que la moelle et un aliment élaboré selon ce que la nature a de plus parfait, comme le dit Galien au livre III Des Facultés naturelles et au deuxième de L’Usage des parties du corps.
À son exemple, il vous faut être sages pour humer, sentir et estimer ces beaux livres de haute graisse, légers à la poursuite et hardis à l’attaque. Puis, par une lecture attentive et une méditation assidue, rompre l’os et sucer la substantifique moelle, c’est-à-dire —ce que je signifie par ces symboles pythagoriciens— avec l’espoir assuré de devenir avisés et vaillants à cette lecture. Car vous y trouverez une bien autre saveur et une doctrine plus profonde, qui vous révèlera de très hauts sacrements et mystères horrifiques, tant sur notre religion que sur l’état de la cité et la gestion des affaires.
Au cours de leur carrière, les Dubsky jouèrent un certain nombre d’entrées classiques, parmi lesquelles celle du taxi en folie, qui rencontre toujours un énorme succès. Très simple, la trame tient en quelques lignes. Une famille, qui veut partir en vacances, commande un taxi. Mais la voiture se montre plutôt récalcitante. Elle perd ses portières, le toit se déchire, les phares tombent sur le capot et finalement le moteur explose, pour la plus grande joie des enfants. Et aussi de leurs parents. Qui n’a jamais été confronté à des ennuis causés par sa propre voiture ? […].
Chaque membre de la troupe avait son rôle à jouer, et il devait faire preuve d’une précision extrême, pour que les effets tombent au bon moment. Souvent, on compare les entrées clownesques à un mouvement d’horlogerie. Il est vrai que le timing s’avère très important. Une demi-seconde d’hésitation et le gag tombe à plat. Ce n’est pas étonnant si l’on compare le célèbre clown Grock à un horloger. Alors que son numéro paraissait tenir de l’improvisation, chaque geste était parfaitement synchronisé et tombait pile au bon moment. […].
Parce qu’il n’avait pas les moyens de se faire couper un costume de clown sur mesure, Chicky avait emprunté un vêtement à un parent genevois. Comme ce dernier était de forte constitution, le costume flottait passablement. C’est exactement l’effet qui était recherché. Il compléta l’habillement en dénichant des chaussures de taille énorme, qu’il bourra de papier pour qu’elles tiennent aux pieds. Et il enfila une perruque à cheveux oranges, qu’il avait achetée au cours de ses pérégrinations à un coiffeur de théâtre. Un nez rouge, quelques touches de maquillage et le personnage était prêt à entrer en piste.
Corrigé
Le talent de faire rire a toujours suscité des réactions contrastées : on peut voir ainsi dans le comique un relâchement du niveau mental, au point de s’abaisser à une certaine trivialité, ou au contraire associer le rire à une esthétique et à une pensée philosophique sérieuses : tel est l’enjeu de ce corpus qui nous invite à dépasser la légèreté apparente et trompeuse du rire pour en éclairer plus profondément le sens.
Le premier document, qui est une image tirée des Temps modernes de Chaplin, donne le ton du corpus : qu’il s’agisse du dialogue du Schpountz de Marcel Pagnol, ou de l’extrait de la biographie que Jean-Robert Probst a consacrée au clown Chicky, le rire interroge autant qu’il interpelle : aussi doit-il être pris au sérieux, comme nous le rappelle le célèbre prologue de Gargantua, rédigé par Rabelais en 1534.
Nous analyserons cette problématique selon une triple perspective : après avoir dans une première partie rappelé combien l’aspect facétieux, plaisant, voire bouffon du comique pouvait le dévaluer comme genre mineur, nous chercherons à montrer qu’il repose en fait sur une véritable exigence, autant esthétique qu’artistique. Enfin, il conviendra d’étudier la dimension à la fois didactique mais aussi humaniste du rire.
[Développement] Le développement exige : 1. Une lecture attentive du corpus : on attend du candidat une restitution fidèle des documents, ce qui suppose une compréhension de leur contenu et des relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Cela implique la circulation d’un document à l’autre à chaque étape de la progression : n’oubliez pas de mettre en relation les documents (il ne faut jamais les traiter isolément). 2. Un parcours argumentatif : la synthèse dans son ensemble et dans chacune de ses parties doit être construite sur une progression d’idées. La dynamique de la composition et l’équilibre des parties sont des critères d’appréciation essentiels pour le lecteur de la copie qui doit être guidé par une hiérarchisation des arguments dans chaque partie, comme par la hiérarchisation des parties entre elles.
[Première partie : c’est l’aspect facétieux et bouffon du comique qui provoque le rire]
Le premier élément qui vient spontanément à l’esprit quand on aborde le phénomène comique est de l’associer à ce qui fait rire et donc de l’opposer à ce qui est sérieux. Le légendaire film de Charlie Chaplin, les Temps modernes, tourné en 1936, nous en fournit une excellente illustration : qu’importe que les pitreries de Charlot soient la conséquence d’une aliénation de l’homme à la machine, nous rions de bon cœur, et sans nous poser trop de questions devant les mimiques et la pose facétieuses de ce personnage devenu fou en train d’effectuer avec deux clés à molette un mouvement expressif dansé digne du ballet classique ! Comme le remarque avec justesse, mais non sans amertume Irénée, l’acteur comique bien malgré lui du film de Marcel Pagnol, le Schpountz sorti en 1938, il est possible de résumer un spectacle qui fait rire à un spectacle qui “ne nous fera pas penser, qui ne nous posera aucun problème”.
Ce qui fait rire repose donc d’abord sur l’effet burlesque : dans sa biographie consacrée en 2008 au clown suisse Chicky (Chicky, une vie de clown, légende vivante du cirque), Jean-Robert Probst évoque une entrée devenue un classique dans laquelle un départ familial en taxi sur la route des vacances se métamorphose en un truculent et joyeux cauchemar “pour la plus grande joie des enfants. Et aussi de leurs parents”. Nous rions, bien malgré nous, de celui qui s’abaissant pour provoquer l’hilarité, comme le déplore Irénée, donne l’impression de n’être qu’un Schpountz, c’est-à-dire un charlot, un clown. Mais faut-il s’en tenir à ces stéréotypes, quelque peu réducteurs ? C’est tout le génie de Rabelais de convoquer le rieur au tribunal de la raison, et de lui rappeler que derrière les manières joyeuses et cocasses des Silènes se cache en fait une profonde vérité du rire qu’il faut interpréter allégoriquement.
[Faire rire relève d’une véritable exigence, autant esthétique qu’artistique]
Tel est l’art de l’illusion comique : comme le note plaisamment Rabelais, “l’habit ne fait pas le moine”, propos pleins de sagesse qui trouvent un écho dans cette réplique apaisante que Françoise adresse à Irénée en lui rappelant que “l’acteur n’est pas l’homme”. Si faire rire à ses dépends peut susciter la moquerie, il n’en va pas de même de celui qui, relevant le défi de faire rire, se révèle être un artiste. À ce titre, les pitreries de Charlot sont-elles d’abord le fruit d’un extraordinaire travail de mise en scène : la pose du personnage, savamment étudiée, vise surtout à susciter la charge émotionnelle. Ainsi relève-t-elle d’une véritable stratégie artistique. Dans le même ordre d’idée, Jean-Robert Probst n’hésite pas à comparer le timing des numéros de clowns à un “mouvement d’horlogerie” apte à provoquer l’implication spectatorielle. Il en va de même de l’accoutrement vestimentaire du clown Chicky, résultat d’un incessant travail de perfectionnement.
De toutes ces remarques, il ressort l’idée d’une dimension culturelle et esthétique du faire rire, particulièrement mise en évidence dans les documents du corpus : que l’art du comique résulte en effet de la participation du corps ou d’un exigeant travail sur la littérarité, il nous amène à comprendre qu’il n’est pas donné à tous de savoir rire. Car le rire, à un niveau d’interprétation plus fécond, exige de la part du spectateur ou du lecteur une certaine connivence ainsi qu’un travail de déchiffrement symbolique : c’est ainsi que le grotesque rabelaisien, qui fourmille de propos grivois comme “Fesse pinte, La Dignité des braguettes, Des pois au lard avec commentaire” est un appel à l’attention sur l’esthétique du rire autant qu’un réquisitoire contre l’immobilisme social. Le rire de la farce, envisagé dans sa dimension allégorique est donc un rire qui met à distance le risible pour remplir avant tout une fonction didactique et morale.
[La dimension à la fois didactique et humaniste du rire]
Comme nous le comprenons, le rire s’accompagne d’une profonde réflexion sur les enjeux qu’il provoque : qu’il s’agisse de permettre l’identification projective des spectateurs comme le suggère brièvement Jean-Robert Probst à propos du “Taxi en folie” ou d’aider le public à mieux affronter les épreuves bien souvent douloureuses de la vie, selon les propos de Françoise à Irénée dans le Schpountz, le comique est toujours significatif. Ainsi est-il investi d’une fonction sociale majeure : la photographie extraite des Temps modernes par exemple perdrait de sa valeur si l’on faisait abstraction du contexte historique qui a marqué les bouleversements socio-économiques multiples après la grande dépression dans les années Trente ainsi que le passage brutal et souvent inhumain vers un monde voué au machinisme et à l’industrialisation. Derrière les pitreries d’un Charlot devenu fou, c’est bien le nihilisme moral de notre monde qui est dénoncé.
Le rire est donc d’abord et surtout un humanisme : Marcel Pagnol, par la voix de Françoise, en appelle à cette supériorité du comique, apte à faire oublier à l’homme de la rue le sentiment de son échec existentiel. Cette fonction démiurgique du rire incarnée par le clown ou l’acteur comique est ainsi salvatrice : elle préexiste dans l’homme et confère au pouvoir de faire rire une valeur profondément morale et philosophique. Tel est le sens qu’il convient d’attribuer aux propos de Rabelais : les allusions marquées à Socrate, aux silènes et aux symboles pythagoriciens sont riches d’enseignement… Par le rire, l’homme se grandit lui-même pour atteindre la “substantifique moelle”, c’est-à-dire l’ascèse. Ainsi le rire le fait-il sortir de sa passivité en le faisant participer à sa propre instruction : le rire de provocation de Charlot ou celui de l’intrépide buveur rabelaisien est donc un rire d’engagement, épris d’humanité et de tolérance…
© Bruno Rigolt
Espace Pédagogique Contributif/Lycée en Forêt, février 2012.
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