La poésie… Ça n’a pas de prix !
par Timothy A.
(classe de Première S2) La classe de Première S2 du Lycée en Forêt (Promotion 2010) a eu l’occasion de défendre haut et fort la Poésie à travers une écriture d’invention intitulée ”La poésie… Ça n’a pas de prix !”… Parmi tous les textes rédigés, toujours de grande qualité, deux contributions m’ont paru suffisamment remarquables pour être publiées dans l’Espace Pédagogique Contributif : celles de Sofiène M. et celle de Timothy A. Je vous laisse découvrir ici le texte de Timothy A.
ans un monde où tout est matériel et consommation, la poésie se distingue. En effet, « les poètes sont morts de faim à l’ombre du show-business ». Cette citation de Charles Aznavour montre que la poésie n’a aucune valeur marchande : elle transcende tout consumérisme. Ainsi, a-t-elle une valeur inestimable à mes yeux. Chers lycéens, je vais vous prouver que la poésie est un art à part qui n’a pas d’égal.
Le premier facteur de mon attirance pour la pratique de la poésie est cette liberté que l’on ressent. De fait, l’écriture de poèmes n’est-elle pas le meilleur outil d’expression qui existe ? Dans un monde où il est parfois difficile de s’exprimer, la poésie nous offre un recours. On peut écrire tout ce que l’on a sur le cœur. On peut dénoncer des injustices, se libérer de l’emprise du contingent, faire part de ses sentiments. Dans ce passage de René par exemple, Chateaubriand expose ses émotions à travers un épanchement que l’on ne saurait oublier :
Comment exprimer cette foule de sensations fugitives que j’éprouvais dans mes promenades ? Les sons que rendent les passions dans le vide d’un cœur solitaire ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d’un désert ; on en jouit, mais on ne peut les peindre.
L’automne me surprit au milieu de ces incertitudes : j’entrai avec ravissement dans le mois des tempêtes. Tantôt j’aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes ; tantôt j’enviais jusqu’au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l’humble feu de broussailles qu’il avait allumé au coin d’un bois. J’écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l’homme est triste, lors même qu’il exprime le bonheur…
Des mots comme « mélancoliques », « triste », « bonheur », « joie », « tourmenté » montrent bien cette union intime des sentiments extrêmes qui s’affrontent en l’homme. Comme le disait si bien Hugo, « l’art n’a que faire des lisières, des menottes, des bâillons, il vous dit : Va ! et vous lâche dans ce grand jardin de poésie, où il n’y a pas de fruit défendu ». Cet extrait de la Préface des Orientales insiste sur le fait que la poésie est un art dénué des règles du commun, chaque poète est libre !
Oui, ce voyage imaginaire que la poésie nous propose est véritablement libérateur. Nous voguons au gré des mots vers des mondes utopiques dans lesquels la solitude et le silence règnent, et nous nous affranchissons ainsi du tumulte des multitudes. Loin de l’agitation stérile, la « montagne », le « fleuve », le « lac », les « bois sombres », la « colline » chantés dans “L’isolement” par Lamartine nous procurent une réelle envie de quitter notre quotidien banal pour rejoindre les essentiels. Lire un poème donne de l’ampleur au rêve, du sens à l’exotisme. Imaginez alors quelles sont les sensations que procure l’écriture d’un poème ! On a vraiment l’impression de ne plus se trouver sur Terre. Je peux vous assurez qu’aucun autre genre littéraire ne provoque une telle exultation ! Et sans doute cette sensation de voyage métaphorique encourage-t-elle la pratique de la poésie : ne sommes-nous pas tous à la recherche du rêve ?
Mais la principale propriété de la poésie est peut-être cette richesse de la langue, cette émotion du Verbe qu’elle enseigne, et qui fait d’elle l’art le plus noble. Tout d’abord, la poésie est un art harmonieux. Les rimes et les correspondances sonores créent une dimension musicale extraordinaire : le poème est un espace sonore avant d’être un texte lu. Et ces milliers de figures de style qui le composent réinventent chaque fois le pouvoir des mots. Le poète procède à l’utilisation d’images qui amènent à se réapproprier le texte. J’ai en mémoire le troisième quatrain des “Séparés” de Marceline Desbordes-Valmore :

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
Les personnes qui ont l’habitude de lire des livres où tout est exprimé de manière explicite, dans lesquels il n’y a rien à déchiffrer ne verront rien que de banal dans ce passage alors qu’il est magnifique. Dans un premier temps, on identifie une épanodiplose, qui, par la répétition de l’impératif « N’écris pas » à la fin du texte fait penser au poignant refrain d’une chanson. Ensuite, au niveau de l’intertextualité, l’auteur se compare dans le troisième vers à Tantale, personnage de la mythologie grecque, et nous comprenons qu’il doit rester éternellement tenaillé par la soif d’un amour irrémédiablement hors de sa portée. Enfin, la métaphore comparant une écriture à un portrait vivant met en exergue le fait que le narrateur souffre de la séparation : il voit l’image de la personne qui lui écrit sans pour autant voir cette personne en vrai. Quel plaisir, en commentant un poème, de s’ouvrir à cette richesse symbolique du texte ! Ce dernier argument me tient à cœur car il me paraît très important de comprendre et maitriser la langue afin de s’approprier le sens des choses : posséder le langage, c’est posséder le monde tout entier !
Timothy, 1S2
Du même auteur :
“L’hyperbole de l’amour” et “Le chant des lyres” (poèmes rédigés en collaboration avec Robin C.)
Les lecteurs intéressés par cet article peuvent également lire avec profit les contributions d’élèves suivantes :
Sofiène M. (Première S2), “La poésie, ça n’a pas de prix !“
Honorine B. (Première L2), “Lettre ouverte à la grisaille du quotidien“
Nicolas B. (Première L2), “Lettre ouverte à la grisaille du quotidien“
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