Voyage en Orient
La recherche de l’ailleurs a toujours fasciné… La littérature de voyage témoigne particulièrement bien de cette quête de l’altérité et de l’inconnu : métaphoriquement, le mythe de l’Orient au dix-neuvième siècle apparaît comme le contrepoint des valeurs occidentales, bousculées depuis 1789 et dominées par la Révolution industrielle, le culte du progrès et le matérialisme. S‘il est vrai que la représentation que se fait l’Occidental de l’Orient relève parfois davantage d’un certain exotisme romantique que d’une parfaite rigueur didactique, il faut reconnaître au fait colonial d’avoir suscité un intérêt croissant, à la fois littéraire et ethnographique, pour des cultures dont la diversité et la richesse n’ont d’égal que leur mystère. Si vous parcourez ce Voyage (*), publié en 1851 par le grand poète Gérard de Nerval, vous succomberez aux charmes d’une écriture merveilleusement colorée, qui s’emploie à faire vivre au fil des pages le mirage d’une Méditerranée immuable, à la fois réelle et onirique.
Dès les premières pages (“Route de Genève”), vous vous sentirez dépaysés : les alpages en Suisse, l’excursion éclair à Munich puis la visite de Vienne et enfin la traversée de la Grèce sont autant de préludes à l’arrivée en Égypte (page 87), pittoresque et mouvementée. Le témoignage s’attarde d’abord sur les femmes du Caire, dont la rencontre (ardemment désirée et pourtant impossible !) donne lieu à de savoureux passages, tantôt anecdotiques, tantôt plus graves, sur la vie dans les harems et sur l’éternel féminin. Mais progressivement, le récit de Nerval s’apparente à une quête mystique oscillant sans cesse entre l’Orient réel et l’Orient rêvé. La vision des pyramides fournira ainsi à l’auteur l’occasion de remonter le temps et d’interroger notre rapport au passé et à l’Histoire. Enfin, ne ratez pas la description des côtes de Palestine (page 309), tout empreinte de lyrisme et de mélancolie nostalgique envers ces terres lointaines, terres des origines et source du monde, que le poète va bientôt quitter…
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