BTS Session 2012 Epreuve de Culture Générale… Premiers éléments d'analyse…

C’est donc le premier thème sur le rire qui a été l’objet de l’épreuve de culture générale cette année. Le corpus, assez classique au demeurant mais difficile malgré des apparences trompeuses, ne présentait pas de document iconographique. Portant sur le rôle social du rire et sa fonction régulatrice, un thème largement abordé dans les entraînements proposés sur ce site, il opposait la moquerie et le rire comme expression d’une volonté de puissance au rire “existentiel” et libérateur dont l’humour constitue l’aspect le plus subtil.

BTS 2012… Premiers éléments d’analyse

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♦ Pour Bergson qui aborde dans son essai la question des rapports sociaux, le rire répond à certaines exigences de la vie en commun. En tant que phénomène collectif, il a d’abord une fonction régulatrice. Le rire serait ainsi une sorte de geste social ayant le pouvoir “d’intimider en humiliant” (Bergson parle de “correction”). On pourrait évoquer ici La Bruyère, qui rappelle combien les rieurs ne pardonnent rien à la personne raillée,  “ni son ton de voix, ni son silence, ni sa taille, ni son visage, ni son habillement, ni son entrée, ni la manière dont elle est sortie”.

Si la société peut ainsi se défendre par le rire, c’est au détriment et aux dépens d’autrui. Les étudiants les plus curieux auront peut-être en mémoire la théorie bergsonienne du “mécanique plaqué sur du vivant” : il y est fait d’ailleurs allusion à la fin du passage quand le philosophe dit que le rieur “tendrait à considérer la personne d’autrui comme une marionnette dont il tient les ficelles”.

De fait, le rire suscite auprès des rieurs moins de réflexion qu’il ne flatte leur instinct de supériorité. Ni bon ni mauvais (“le rire ne peut pas être absolument juste. Répétons qu’il ne doit pas non plus être bon. Il a pour fonction d’intimider en humiliant” rappelle Bergson), le rire se caractérise par l’indifférence et l’insensibilité du rieur qui n’a de cesse de créer grâce au rire une sorte de lien social entre les autres rieurs. On l’aura compris, pour Bergson, la fonction du rire est avant tout positive puisqu’elle remplit le rôle d’un langage de renforcement : en riant d’autrui, les rieurs affirment leur consensus en sanctionnant les attitudes ou les comportements déviants.

 

♦ L’approche de La Bruyère, si elle rejoint d’une certaine façon les remarques de Bergson quant à la fonction sociale du rire, en diffère sensiblement par l’objet même que poursuit l’auteur des Caractères : en moraliste railleur, l’auteur fait dans ce passage la satire des “bourgeois-gentilhommes” qui cherchent à imiter la cour. Forçant le trait jusqu’au pittoresque quand il décrit la fragmentation de l’espace urbain présenté comme un conglomérat de microsociétés, le satiriste dresse une critique acerbe des institutions sociales.

Pour La Bruyère, si le rire est rassembleur, c’est seulement dans la mesure où il y a consensus des rieurs sur l’objet de la moquerie, mais celle-ci est cependant assez proche chez le moraliste du “divertissement pascalien” : ce que révèle finalement le rire, c’est la misère de l’homme ; il y a en effet une sorte de vacuité des rieurs. Comme nous le voyons, cette approche diffère sensiblement de celle de Bergson. En outre, chez La Bruyère, la verve moqueuse l’emporte quand il évoque “un peuple qui cause, bourdonne, parle à l’oreille, éclate de rire, et qui retombe ensuite dans un morne silence” : si le rire est utilisé comme arme aux dépens d’autrui, il est en réalité une façon d’échapper à un profond vide existentiel. À la fragmentation de l’espace urbain que nous notions précédemment, correspond la discordance sociale, c’est-à-dire l’impossibilité d’établir des relations humaines purement authentiques.

 

♦ Le troisième document est extrait d’un ouvrage d’Axel Kahn, essayiste et généticien de renom. Dans ce passage, l’auteur aborde lui aussi le phénomène du rire. Il sera aisé de mettre en relation certaines remarques avec les documents précédents, par exemple quand il rappelle que “la dérision s’accompagne d’une vacuité émotionnelle insultante pour qui se voit de la sorte notifier son insignifiance”. Mais l’auteur délaisse aussitôt ce terrain pour aborder un autre aspect du rire qui évoque plus explicitement le titre de son essai : L’Homme ce roseau pensant.

Pour Kahn en effet, le rire est avant tout “existentiel” et libérateur  : il a une fonction transgressive et contestataire qui “libère ou préserve de la sujétion”. En ce sens, comme Bergson, l’essayiste estime que ce “potentiel séditieux” du rire est positif car il est “toujours valorisant de railler quelqu’un, c’est-à-dire de se positionner, au moins quant à l’objet des moqueries, au-dessus de lui”. Ce rire de supériorité, qui s’en prend au pouvoir et à ceux qui le condamnent, n’est semble pas moins légitime : à l’humilité, il substitue l’orgueil, l’ambition de celui qui sait rire, et qui entretient une relation dialectique avec celui qui est raillé.

 

♦ Quant au quatrième document, il est extrait d’une contribution de Dominique Noguez à un ouvrage collectif publié récemment sous la direction de Jean Birmbaum, Pourquoi rire. L’auteur adopte un point de vue qui pourrait sembler à première vue paradoxal : “l’humour contre le rire”. La relation entre humour et rire ne va en effet pas de soi : l’humour contribue au comique par la médiation de la “subtilité” et de “l’impassibilité”, c’est-à-dire d’une sorte de surmoi et de distanciation du rieur par rapport à son propre rire.

Réinvestissant tout d’abord l’analyse bergsonienne du rire, l’auteur montre que l’humour est une façon d’échapper aux dérives et aux sectarismes de la moquerie. L’autodérision nous décharge du risque du conformisme : rire de soi plutôt que des autres est en effet la meilleure arme du combat contre soi-même. L’humour demande à ce titre du discernement : il est donc un plaidoyer contre la moquerie, le rejet, contre ce que Dominique Noguez nomme les “zones tristes, voire noires et macabres, de la réalité”. En ce sens, il faut différencier l’humour du rire. L’humour comme nous le voyons renvoie à des problèmes subtils et complexes de rapport socioculturel au rire.

 

Le temps me manque (étant donné ma charge importante de travail) pour détailler davantage. Un corrigé de la synthèse sera prochainement mis en ligne. Attention : ces premières remarques, rédigées assez rapidement, ne sont que des indications… Dans tous les cas, ne vous découragez pas : donnez le meilleur de vous-même dans toutes les épreuves et particulièrement les disciplines professionnelles. Quelles que soient vos impressions, soyez positifs !

Bonne chance à toutes et à tous !

Bruno Rigolt

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brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques