“Et si c’était un jour leur premier roman?”
Tel pourrait être le titre de cette nouvelle rubrique proposée par les élèves de Seconde 18 et Seconde 7… Au départ, un exercice tout à fait “classique” : rédiger le début et la fin d’un roman… Les élèves les plus assidus à la tâche se sont pleinement investis dans ce challenge : travaillant et retravaillant les manuscrits, corrigeant la grammaire, revoyant la syntaxe, précisant le lexique et surtout s’attelant à la grande question du “style”, afin de proposer la première ébauche de ce qui pourrait bien devenir un jour leur “roman”. Le cahier de texte électronique est fier de vous proposer la lecture de ces textes tous inédits. Même s’il s’agit des premières pages et des dernières pages d’un possible livre, les manuscrits peuvent se lire comme une nouvelle…
Bonne lecture !
Découvrez le manuscrit…
“J’essuierai mes larmes
dans le soir qui tombe”
par Melisa A. (Seconde 18)
Première page du roman…
12 août 1914, Mobilisation : Ce matin, j’ai reçu une lettre de Franck, mon frangin. Il me souhaite bonne chance pour la mobilisation de demain et espère qu’on se retrouvera ensemble au Front. Oui, nous les hommes, nous avons été appelés pour la guerre : « Par décret du Président de la République, la mobilisation des armées de Terre et de Mer est ordonnée… ». Je ne sais pas s’il faut que je pleure ? Pleurer, parce-que la guerre me fait peur. La guerre me tuera peut-être ou me blessera. Ou sourire parce-que la guerre nous amènera peut-être la victoire… La victoire en chantant…
Je me souviens de mon enfance. Quand Franck et moi nous avions sept ans, notre plus grand rêve était de combattre, de faire la guerre. Moi, je voulais devenir un grand soldat, lui, un général. On ramassait des branches de bois pour ensuite les tailler, puis les rassembler et en faire un fusil. On s’amusait beaucoup ensemble, la guerre c’était un jeu.
Beaucoup d’années se sont écoulées depuis… Je crois que Franck a toujours eu envie de faire la guerre… Demain, le train partira vers six heures. Par un beau matin du mois d’août.
13 Août 1914 : Je suis dans ce train depuis deux heures et demie. Papa, Maman et ma sœur me manquent déjà. Je pense à Franck. Il doit être sûrement dans un train semblable, en direction de l’Allemagne. On est quatre dans le compartiment. Ce jeune qui est en face de moi, assis, la tête baissée depuis le début du trajet, il doit avoir à peu près mon âge. L’autre est assis à côté de moi. Il lit un livre paisiblement, tourne les pages une à une. Contrairement à nous, il n’a pas l’air inquiet, ou peut-être fait-il semblant ? Un autre est à ma droite, un mouchoir à la main, il essuie ses larmes et regarde ce paysage qu’il ne reverra plus jamais. Il a le teint si pâle qu’on le croirait déjà mort. Moi aussi je pense à la mort, à ma mort. Est-ce que je vais mourir ? Et si je meurs ? Ce n’est pas le moment ! Je veux vivre bon sang ! J’ai encore beaucoup de choses à faire, à espérer. Mon Dieu, je n’ai que vingt ans, c’est trop tôt !
Dernière page
11 novembre 1919 : Ah! Le fameux 11 Novembre… Ce jour où nous avions gagné la paix au prix des larmes. J’ai perdu les deux jambes, j’ai perdu mon pouvoir de marcher mais la guerre a été gagnée. Je ne peux plus courir comme avant mais on a gagné la guerre. J’ai tout perdu pour une victoire. Déjà un an. Franck est mort sur le front, un petit matin de juin.
Tu me manques tellement. Je me suis reveillé tôt ce matin pour rendre hommage à toi et aux autres. Ce soir, j’essuierai mes larmes dans le soir qui tombe… Mais le sens ? Le sens de tout ça ?
Te rappelles-tu de ces jours « d’avant la guerre ? » On avait sept ans, il y a bien longtemps, on rêvait de faire la guerre…
Eh bien c’est fait. Notre rêve s’est réalisé : on a fait la guerre. Tu es mort presque sans un bruit, dans le soir, en chuchotant quelques mots. Notre victoire à toi et à moi. On devait la fêter ensemble. On a gagné la guerre Franck : toi mort, et moi paralysé. On a gagné la guerre : la victoire en pleurant… Je t’ai trouvé allongé sur les genoux, dans la tranchée, le visage calme, il ne restait plus que toi et le vent glacé du Nord, et puis la neige, et puis la nuit, et le cri des hommes en voyage, là-bas, très loin, à l’autre bout de la terre…
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