Les entraînements BTS
Entraînement n°4. Thème 1 : Faire voir. Le modernisme est-il “l’ère du vide” ?
Je vous propose dans cet entraînement de mener une réflexion critique à partir d’un extrait de l’Ère du vide de Gilles Lipotevsky. Publié en 1983 chez Gallimard, cet essai regroupe une série d’enquêtes sociologiques menées aux États-Unis, et qui ont pour but de démasquer ce que l’auteur appelle “l’individualisme contemporain”, selon lui source d’hédonisme, d’indifférence, de séduction et de narcissisme. Dans ce passage, le sociologue suggère que le modernisme en art, même s’il est fortement lié à l’idéal démocratique, pourrait être corrélatif à ce qu’on a appelé “la fin du politique”, caractéristique d’un certain nihilisme propre à la société postmoderne.
Niveau de difficulté : ** (* accessible ; ** moyennement difficile ; *** difficile)
_______________Texte
“Le modernisme est d’essence démocratique : il détache l’art de la tradition et de l’imitation, simultanément il enclenche un processus de légitimation de tous les sujets. Manet rejette le lyrisme des poses, les agencements théâtraux et majestueux, la peinture n’a plus de sujet privilégié, n’a plus à idéaliser le monde […]. Avec les Impressionnistes, l’éclat antérieur des sujets fait place à la familiarité des paysages de banlieue, à la simplicité des berges de l’Île-de-France, des cafés, rues et gares ; les Cubistes intégreront dans leurs toiles dans leurs toiles des chiffres, des lettres, des morceaux de papier, de verre ou de fer. Avec le ready-made il importe que l’objet choisi soit absolument “indifférent” disait Duchamp, l’urinoir, le porte-bouteilles entrent dans la logique du musée, fût-ce pour en détruire ironiquement les fondements. Plus tard, les peintres pop, les Nouveaux Réalistes prendront pour sujet les objets, signes et déchets de la consommation de masse (*). L’art moderne assimile progressivement tous les sujets et matériaux, ce faisant il se définit par un procès de désublimation des œuvres, correspondant exact de la désacralisation démocratique de l’instance politique, de la réduction des signes ostentatoires du pouvoir […].”
Gilles Lipotevsky, L’Ère du vide, © Gallimard, Paris 1983
(*) Voir aussi l’article de Renaud Revel “Des poubelles et des hommes” sur le site de l’Express. Lisez également le paragraphe d’un de mes supports de cours intitulé “Image, contreculture et désublimation” (in “Les Métamorphoses de l’image : de Lascaux à Big Brother“) et l’article “Les “People” et l’image : entre sublimation et désublimation“.
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Proposition de réflexion personnelle : en quoi ces trois images pourraient-elles servir d’illustration au texte de Gilles Lipotevsky?
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Gerrit van HONTHORST (Utrecht, 1590 – 1656) “L’adoration des bergers” (huile sur toile, Wallraf-Richartz-Museum, Cologne)
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Couverture du livre de Janis Mink, Duchamp, © Taschen 2000
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Couverture du DVD The Simple life (© Aventi, sortie en juin 2009)
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