Concours AMOPA 2013
Thème : l’émerveillement
La classe de Seconde 9 a choisi de participer au concours d’expression écrite “Défense et Illustration de la langue française”, organisé par l’AMOPA (Association des Membres de l’Ordre des Palmes Académiques). Le thème choisi pour 2012-2013 était l’émerveillement. Étant donné la qualité des écrits (une élève de la classe est même lauréate du premier prix), j’ai décidé de mettre en ligne sur ce site l’ensemble des productions. Aujourd’hui, découvrez le très beau travail de Lucie. Ce texte, qui a été primé au niveau académique (premier accessit départemental), est d’une rare intensité…
Bonne lecture. BR
Autres textes publiés :
– Romane G. : « Quelques miettes de sel et d’eau »
– Amélie S. (Finaliste départementale, deuxième accessit) : « Dans la nuit du monde »
– Léna G.-S. (Premier prix national) : Composition française à partir d’une citation d’Einstein
Près de l’étang du parc
Par Lucie M.
Classe de Seconde 9
Chaque matin, en me rendant au lycée, je croise « la dame ». Une femme d’un âge très avancé, toujours assise sur le banc près de l’étang du parc. Chaque matin, elle contemple l’eau dans son mouvement, comme si sa vie se reflétait dans l’onde. Je la vois chaque soir aussi. Toujours au même endroit. Contemplant désespérément le vide devant elle. Je me suis souvent demandé quelle était son histoire, si elle avait toujours été seule sur ce banc…
L’image paraît banale, on ne s’arrête pas vraiment dessus. Moi-même, à force de temps, je commençais à m’habituer à cette femme. Sa présence se fondait dans le paysage. Mais un jour, pourtant commun à tous les autres, un léger faisceau de lumière est venu éclairer son visage, révélant une larme. Je fus émerveillée par l’image de cette larme traçant tranquillement sa route sur la joue marquée par le temps.
J’étais touchée de voir cette femme abandonnant sa force pour laisser couler sa faiblesse. Je crois bien m’être arrêtée devant elle, regardant à mon tour sans voir réellement. Parce qu’il est impossible de connaître ce que ressent une personne juste en l’observant. Impossible même de comprendre ce qu’elle avait traversé. J’ai bien essayé de deviner toute l’histoire qui se cachait derrière l’impassible visage. Elle m’avait pourtant laissé voir une partie de ses émotions, l’échappement de cette larme était comme un sillage de son passé. Il me semble qu’elle s’est aperçue que je la fixais, alors j’ai repris ma marche.
Ce jour-là, ce jour où j’ai vu l’allégorie que je me faisais de la sagesse répondre aux appels de la nostalgie, a été pour moi le commencement d’un infini questionnement sur la vie et ses raisons. Je me suis rendu compte que, plus que jamais, et comme à chaque seconde, je me rapprochais de ma mort. Était-ce d’ailleurs pour cela qu’elle avait pleuré ? Avait-elle sentie l’Ombre la frôler ? Moi aussi je la sentirai… Rien que l’idée m’enveloppait peu à peu dans un indescriptible état, comme si mon corps se fut gonflé d’un gaz lourd, trop pesant pour le fragile corps humain.
Oui, ce jour-là, je me suis sentie faible et inutile, plus encore qu’une fourmi traversant l’herbe ou que le grain de sable dans son infinité. Alors, j’ai repensé à cette phrase de Gandhi « Tout ce que vous ferez sera insignifiant, mais il est très important que vous le fassiez ». Et dans le jour chargé de signes et de vent, en cette heure merveilleusement humaine, j’ai fini par accepter la fin tragique commune à chaque être.
Cette femme a été pour moi comme un réveil, une révélation : involontairement, elle m’a émerveillée dans son simple échappement d’une larme venue s’échouer dans le matin du monde. Cette femme sur ce banc n’était-elle pas là pour me rappeler que la vie était merveilleuse ? Dans son dénuement même, dans sa pauvreté, dans son délabrement parfois ?
Un matin, me rendant au lycée, je suis passée devant le banc. Il était vide. La dame était absente. Le parc me sembla alors terne, sans goût. Malgré moi, je me suis rendue jusqu’au banc. Mon cerveau semblait déconnecté, mes jambes m’avaient guidée d’elles-mêmes, je ne savais même pas que je marchais, je ne sentais même plus mes pieds frôler la terre endormie.
Je suis donc là, assise sur le banc, et je contemple l’eau désespérément. Les larmes viennent toutes seules, sans contrôle. Mon chagrin qui tombe goutte à goutte, naturellement, involontairement, est lui-même merveilleux, merveilleusement triste, lourdement merveilleux.
Et je pense à cette femme qui était assise là, près de l’étang du parc.
Son empreinte fugace ne réside plus qu’à travers moi, presque déjà effacée par le souffle qui emportera la mienne…
© Lucie M.
Février 2013 (mai 2013 pour la présente publication)
Crédit iconographique : Bruno Rigolt
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