Le “75 minutes”, c’est quoi ?
Pour vous aider dans vos révisions, je vous propose 1 à 2 fois par semaine jusqu’à l’épreuve, un “75 minutes” sur l’un des deux thèmes proposés à l’examen. Obligez-vous à respecter le timing : 1h15 pas plus, pour confronter trois documents, faire une fiche de synthèse à partir de la problématique abordée, et vous entraîner en temps limité sur quelques sujets-type. Bien entendu, rien ne vous empêche ensuite d’approfondir un ou plusieurs aspects, mais obligez-vous la première fois à travailler dans le temps imparti : 75 minutes ! Chronométrez-vous en n’oubliant pas qu’un temps limité est toujours mieux utilisé !
Révisions Thème 2
Cette part de rêve que chacun porte en soi…
Voir aussi : “Le rêve comme déchiffrement : du visible à l’invisible”
→ Entraînement. Pour accéder au document, cliquez ici.
Problématique de ce “75 Minutes” : dans quelle mesure le rêve est-il une piste vers la connaissance de soi et la quête de sens ? Première partie (cliquez ici pour accéder à la deuxième partie de ce “75 minutes”). mots clés : Gérard de Nerval ; orinomancie ; rêve et réalité ; rêve et spiritualité ; rêve et poésie Dans un remarquable ouvrage intitulé L’Art du sommeil, Sophie de Sivry et Philippe Meyer écrivent : « Entre le XVIIe et le début du XXe siècle, les spécialistes se sont rarement penchés sur la mécanique des rêves, que Descartes et Buffon voyaient comme une propriété de l’« animal machine », clairement distincte de l’âme. […] Trente ans plus tard, Locke est sur la même ligne : le rêve est un dérèglement naturel et ne mérite pas qu’on s’y attarde […]. Pour Leibniz, l’âme pense toujours pendant le sommeil, mais les rêves ne s’expriment pas. Le langage du docteur Bordeu, personnage du Rêve de d’Alembert de Diderot, conserve la même tonalité de croyances sans fondement, de théories sans justification et d’imagination […]. La revanche du rêve est d’abord littéraire. En rupture avec une conception trop rationaliste du comportement humain, les romantiques et les symbolistes redécouvrent au XIXe siècle l’attraction des rêves. […] En France, le mouvement romantique est incarné par Gérard de Nerval… » Sophie de Sivry, Philippe Meyer, L’Art du sommeil, petite histoire sociale symbolique médicale poétique et amoureuse du sommeil, Paris, Éditions du Sextant bleu (“Les empêcheurs de tourner en rond”), 1995, pages 92, 96. |
→ Étape 1 : la prise de notes (45 minutes) : Document 1 (Gérard de Nerval) : 30 minutes ; textes 2 et 3 : 15 minutes. Lisez les textes en relevant les informations vous paraissant les plus utiles au traitement de la problématique : relevez synthétiquement le thème précis, la thèse de l’auteur ou l’enjeu posé, ainsi que quelques arguments ou exemples représentatifs. Ne rentrez pas dans les détails : allez toujours vers l’interprétation textuelle GLOBALE.
1. Gérard de Nerval (1808-1855), Aurélia, 1853
Gérard de Nerval est un auteur majeur du romantisme français. Fortement marqué par la misère de la condition humaine, il portera toute sa vie le fardeau douloureux du manque affectif, et n’aura de cesse, pour mieux retrouver son identité enfouie, de se réfugier dans un monde de rêves et de mythes qui le conduira progressivement à vivre jusqu’à la mort l’expérience de la folie.
Le manuscrit d’Aurélia fut retrouvé dans les vêtements de Gérard de Nerval, peu après son suicide, lorsque les amis du poète vinrent reconnaître le corps. Dans ce récit poignant, le narrateur (mais il s’agit évidemment de Nerval) décrit avec lucidité sa “descente aux enfers”, comme il l’appelle lui-même, c’est-à-dire l’histoire de sa folie et le conflit entre “le rêve et la vie”, le moi réel et le moi rêvé. Dans ce texte, “Nerval joue avec l’ombre, avec son double, avec les fantasmes oniriques et réels de son monde halluciné et hallucinant. Il joue avec sa propre peur pour retrouver dans le “délire créatif” la métaphore poétique. Le poète ré-vèle et dé-voile, rend visible la figure voilée, le négatif…” (Salomon Reznik, La Mise en scène du rêve, Payot 1984, pages 192-193).
Pour Nerval en effet, la folie permet l’accès à une autre réalité : “je compris, en me voyant parmi les aliénés, que tout n’avait été pour moi qu’illusions jusque-là”. En ce sens, le rêve devient une voie d’exploration du moi : “Le rêve et l’aliénation que le moi implique font partie intégrante de la connaissance de soi, ce ne sont pas des entités qu’il faut réprimer et censurer mais au contraire il faut leur donner libre cours et les laisser s’exprimer à travers la conscience de l’individu. Cette approche propre à Nerval […] était tout à fait nouvelle au dix-neuvième siècle où le rêve était considéré comme un temps mort où tout était au repos. Ceci va à l’encontre des théories de Descartes qui apparente le rêve à la folie ; le rêve, parce qu’il est flou et mouvant détruit la certitude du moi” [Laetitia Gouhier, Gérard de Nerval et Charles Nodier : le rêve et la folie, Thèse pour l’obtention du Master of Arts, Miami University Oxford, Ohio, 2003].
« Le Rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’oeuvre de l’existence. C’est un souterrain vague qui
s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : — le monde des Esprits s’ouvre pour nous.
Swedenborg appelait ces visions Memorabilia ; il les devait à la rêverie plus souvent qu’au sommeil ; L’Âne d’or d’Apulée, La Divine Comédie de Dante, sont les modèles poétiques de ces études de l’âme humaine.
Je vais essayer, à leur exemple, de transcrire les impressions d’une longue maladie qui s’est passée tout entière dans les mystères de mon esprit ; – et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moi-même, je ne me suis senti mieux portant. Parfois, je croyais ma force et mon activité doublées ; il me semblait tout savoir, tout comprendre ; l’imagination m’apportait des délices infinies. En recouvrant ce que les hommes appellent la raison, faudra-t-il regretter de les avoir perdues ? »
Parvenu au terme de son récit, le narrateur revient sur les raisons qui l’ont poussé à écrire :
« C’est ainsi que je m’encourageais à une audacieuse tentative. Je résolus de fixer le rêve et d’en connaître le secret. — Pourquoi, me dis-je, ne point enfin forcer ces portes mystiques, armé de toute ma volonté, et dominer mes sensations au lieu de les subir ? N’est-il pas possible de dompter cette chimère attrayante et redoutable, d’imposer une règle à ces esprits des nuits qui se jouent de notre raison ? Le sommeil occupe le tiers de notre vie. Il est la consolation des peines de nos journées ou la peine de leurs plaisirs ; mais je n’ai jamais éprouvé que le sommeil fût un repos. Après un engourdissement de quelques minutes, une vie nouvelle commence, affranchie des conditions du temps et de l’espace, et pareille sans doute à celle qui nous attend après la mort. Qui sait s’il n’existe pas un lien entre ces deux existences et s’il n’est pas possible à l’âme de le nouer dès à présent ?
Dès ce moment, je m’appliquai à chercher le sens de mes rêves, et cette inquiétude influa sur mes réflexions de l’état de veille. Je crus comprendre qu’il existait entre le monde externe et le monde interne un lien ; que l’inattention ou le désordre d’esprit en faussaient seuls les rapports apparents, — et qu’ainsi s’expliquait la bizarrerie de certains tableaux semblables à ces reflets grimaçants d’objets réels qui s’agitent sur l’eau troublée.
Telles étaient les inspirations de mes nuits ; mes journées se passaient doucement dans la compagnie des pauvres malades, dont je m’étais fait des amis. La conscience que désormais j’étais purifié des fautes de ma vie passée me donnait des jouissances morales infinies ; la certitude de l’immortalité et de la coexistence de toutes les personnes que j’avais aimées m’était arrivée matériellement, pour ainsi dire, et je bénissais l’âme fraternelle qui, du sein du désespoir, m’avait fait rentrer dans les voies lumineuses de la religion.
[…]
Telles sont les idées bizarres que donnent ces sortes de maladies ; je reconnus en moi-même que je n’avais pas été loin d’une si étrange persuasion. Les soins que j’avais reçus m’avaient déjà rendu à l’affection de ma famille et de mes amis, et je pouvais juger plus sainement le monde d’illusions où j’avais quelque temps vécu. Toutefois, je me sens heureux des convictions que j’ai acquises, et je compare cette série d’épreuves que j’ai traversées à ce qui, pour les anciens, représentait l’idée d’une descente aux enfers.
2. Salomon Reznik, La Mise en scène du rêve, Payot 1984, page 212
Ce deuxième texte sur lequel je vous invite à réfléchir est particulièrement intéressant pour l’étude du thème. Le psychanalyste et psychiatre argentin Salomon Resnik y définit le rêve par rapport à une éthique de la vérité. Comme il le dit dans un autre passage de son ouvrage : “Déchiffrer le secret du rêve, le rendre apparent, est un défi, un risque, une “transgression”. Pénétrer dans l’étoffe onirique est une vocation, un désir et une curiosité pour la vérité cachée”…
L’interprétation des rêves est une façon de transgresser et de pénétrer le monde des démons et des dieux qui habitent en nous ; une façon aussi d’aborder ce qui est habituellement voilé ou interdit.
Le parcours de l’orinomancien est, comme le parcours du poète, un labyrinthe mystérieux qui conduit à l’idée de sacré et au respect pour l’inconnu et pour l’espace divin. Le surnaturel, impliqué dans la notion de divin, ne doit pas s’aliéner le monde naturel. […] André Breton écrit, dans les “Vases communicants”, qu’il faut s’arrêter d’opposer arbitrairement le rêve à la réalité. Le poète est un révolutionnaire, dit-il, qui se heurte et s’oppose au divorce des deux réalités. L’ambition du poète serait de faire un nœud indestructible entre l’une et l’autre, de créer et re-créer un “imaginaire de la nature”. […]
Le lien entre réalité onirique et réalité quotidienne, “vivre au monde”, implique une transformation, une activité ludique et une communication symbolique.
3. Françoise Parot : L’Homme qui rêve, collection “Premier cycle”, Presses Universitaires de France, pages 57-58.
[Pour les Romantiques, l’inconscient] ne désigne pas […] ce que la psychanalyse freudienne y mettra […]. Il est l’émanation d’une réalité supérieure et universelle […]. Sans que nous en ayons conscience, par des voies divines incompréhensibles, l’idée de Dieu, qui est le point de départ de la vie spirituelle, se forme et s’éveille peu à peu ; elle devient alors “âme”, mais son stade suprême est l’esprit. Les zones inférieures et supérieures de la vie spirituelle sont inaccessibles à la conscience.
Le sommeil, le rêve bien sûr, sont le moment de ce lieu-là, le moment où l’on peut y renouer avec l’univers et la Création. Là, quand le sommeil est au plus profond endormissement de la conscience, surgissent les vérités, les rêves prophétiques, les visions à distance ; le rêve est l’essentiel d’un monde essentiel, plus vrai que notre monde de veille.
Mais, et c’est là un point essentiel, le rêve est révélateur poétiquement, il exprime ce monde profond sur le même mode que la poésie… il est donc vain de prétendre l’interpréter puisque la traduction dans le langage de la veille est un exercice rationnel. Dans les années 1820, Steffens écrit sur ce point : “C’est folie de vouloir expliquer les rêves, la part positive du sommeil, en partant de l’état de veille seulement, selon cette méthode d’exégèse psychologique qui ne voyait dans les rêves que les idées et les images à demi-refoulées de la conscience.” Charge prémonitoire contre le freudisme… Il est vain de rationaliser le rêve, d’y voir par exemple des restes diurnes ; les rêves sont des métaphores ou des allégories plutôt, comme la poésie, et la raison n’y peut rien comprendre, elle habite une autre planète. Au rêve, on s’abandonne ; il est un cadeau de clairvoyance, pas de compréhension.
Certains grands romantiques bien sûr vont étudier le rêve, ce moment de cristal de l’existence [… ], pour mieux appréhender l’âme et donc le monde divin. En se fondant sur les théories occultistes pour lesquelles tout est signe envoyé par des forces cachées, occultes, selon lesquelles tout est sens, ils cherchent le rapport entre le langage du rêve, de la poésie, et celui de la Nature, c’est-à-dire de Dieu. Ainsi, le rêve serait en nous le discours d’un poète caché qui dirait notre destin, le prophétiserait, l’embrasserait […].
→ Étape 2 : le réinvestissement des notes (30 minutes)
- Essayez d’abord de répondre très brièvement aux questions suivantes en vous obligeant à réinvestir vos notes pour chacune de vos réponses, qui seront structurées autour d’un argument, illustré par un exemple précis.
– Dans quelle mesure pour Nerval le rêve est le lieu où s’accomplit la quête de vérité ?
– Pourquoi peut-on dire que le rêve transfigure le réel ?
– Nerval dit du rêve qu’il “est une seconde vie” : expliquez.
– En quoi rêver, c’est s’aventurer vers l’inconnu ?
– “Le rêve est l’essentiel d’un monde essentiel, plus vrai que notre monde de veille” : étayez ces propos de Françoise Parot (doc. 3) en vous aidant des autres documents.
- Enfin, choisissez l’un de ces questionnements et essayez de construire un plan d’écriture personnelle en moins de 10 minutes.
Bon courage à toutes et à tous pour l’examen ! Prochains rendez-vous “75 minutes” : mardi 22 avril (thème : Paroles…”) ; vendredi 25 avril (Thème : Cette part de rêve…)
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