La poésie… Ça n’a pas de prix !
par Sofiène M.
(classe de Première S2) La classe de Première S2 du Lycée en Forêt (Promotion 2010) a eu l’occasion de défendre haut et fort la Poésie à travers une écriture d’invention intitulée ”La poésie… Ça n’a pas de prix !”… Parmi tous les textes rédigés, toujours de grande qualité, deux contributions m’ont paru suffisamment remarquables pour être publiées dans l’Espace Pédagogique Contributif : celles de Sofiène M. et celle de Timothy A. Je vous laisse découvrir ici le texte de Sofiène M.a poésie… Ça n’a pas de prix ! Entendez par là : les poèmes sont inestimables. Littéralement : que l’on ne peut estimer. Mais oui, la magie existe les enfants ! Et pas qu’à Disneyland ! La poésie est un trésor qui dépasse les valeurs communes, à tel point que le monde ne saurait réduire cet art unique à une quelconque valeur marchande. Je vous explique pourquoi en quatre points. Vous allez voir en premier lieu que la poésie ne “remplit” pas de fonction au sens utilitariste et social, et par là-même qu’elle se dérobe aux lois consuméristes de notre époque. Tant il est vrai que si la poésie permet la plus belle des évasions de l’esprit pour échapper au quotidien, c’est qu’elle est une représentation de la force extraordinaire que le poète donne aux mots. Enfin, comme nous le comprendrons, la poésie n’est-elle pas la représentation la plus aboutie de la Beauté par l’Homme ?
“En direct de Wall Street, les cours de la poésie terminent aujourd’hui avec une baisse de 2,5 % ce qui est la plus grosse chute du marché depuis…” Non, ça ne le fait pas ! La poésie ne se vend pas. Elle échappe aux lois du marché et aux valeurs utilitaires. On ne produit pas une poésie en lui donnant une fonction. La poésie ne sert à rien. Tu as bien lu : contrairement à tout produit matériel, que l’on cherche à vendre de la manière la plus rentable, elle reste une entité de l’irréel, un art non palpable qui s’élève au-dessus du monde. Les Romantiques, marginalisés, inadaptés à la société, en quête d’une fuite verticale vers un infini qu’eux seuls savaient percevoir, ont choisi la poésie pour exprimer ce pouvoir démiurgique du verbe : un art qui leur correspond, au-delà du vulgaire et du commun.
Tenez, Mallarmé, cet illustre Symboliste, souhaita toute sa vie partir, réaliser ce grand et impérieux voyage spirituel. Certes, il n’en fut jamais ainsi, mais comme nous le suggère le dernier vers de « Brise marine », il est tout de même parvenu à s’enfuir, grâce à la magie des mots. La poésie nous transporte, nous pénètre, nous possède. Elle permet l’évasion de l’esprit où bon lui semble. Je mets au défi quiconque de me faire ressentir la même émotion que Rimbaud a transmise à son poème « Au Cabaret Vert » en décrivant sur plusieurs vers ce qu’il mangeait (en l’occurrence du jambon, du beurre et des biscottes). Ça vous paraît absurde ? Mais c’est ça, le formidable pouvoir de la poésie. Les mots mènent à tout. Non pas les mots lents du long schéma narratif d’un roman. Non ! Les mots brefs, vifs, les mots inspirés, instinctifs et directs d’un poème. Les mots qui ne se laissent pas avoir dès la première lecture et qu’il faut relire puis interpréter. Les mots simples et mystérieux d’une minute de lecture qui peuvent amener à des heures d’analyse afin de se rapprocher au mieux du Sens Véritable. Ce sont ces mots-là qui font le Poème.
Que l’on utilise des animaux comme le fait La Fontaine pour dénoncer la monarchie ou que l’on apostrophe directement Napoléon III comme ne s’en prive pas Hugo dans « Souvenir de la nuit du 4 », la volonté de critiquer l’ordre établi est la base même du pouvoir poétique. Cet engagement de la poésie a été très efficace pour appeler les Français à la Résistance ou pour convaincre des soldats à cesser le combat (songez à Boris Vian « Monsieur le Président, je vous fais une lettre… » ). On me dira alors : « O.K la poésie a un certain impact mais si elle n’est pas engagée, elle ne sert à rien ! » Et bien la belle Terminale que tu regardes en rêvant marcher dans la cour, pendant tes heures de math, tu ne penses pas qu’un beau poème dans son casier lui ferait plus remarquer ton existence que des « pokes » sur Facebook ?
La poésie est pour beaucoup ce qui se rapproche le mieux de la Beauté. Lisez un recueil de poèmes, romantiques par exemple. Vous allez probablement vous exclamer « P***** ce que c’est beau ! ». Si vous vous extasiez devant les passements de jambes de Christiano Ronaldo, vous allez être ébahis devant les passements de mots de Lamartine. Parfois, quand on lit un poème, on se perd presque dans les rythmes en oubliant de se concentrer sur le sens. Ne vous blâmez pas, ça m’arrive aussi. Devant une ballade, je me surprends à chanter les hémistiches sans en comprendre les mots, en me délectant de la régularité mélodieuse que l’auteur a mise sur un texte. Certains poèmes comme ceux de Ronsard ont même été adaptés en musique. Mais enterrez vos préjugés sur la régularité : les alexandrins ne sont pas souverains. Vous serez surpris de la magnificence de la prose d’Alosyus Bertrand dans « Ondine ». En somme diversifiée mais toujours délicieuse, la poésie provoque un bien-être unique, peut-être même supérieur à celui du… Nutella !
Si avec ça je n’ai pas convaincu les dernières hésitations… oui je reconnais que ce coup fatal était prévu depuis le début. Allons, maintenant tous à nos recueils, tous à nos analyses, tous à la réflexion et à l’admiration des poètes car ils sont ce que l’Homme a de plus beau. Conservons au mieux cet art, qui demeure l’une des seules choses épargnées par la nouvelle habitude des Hommes de donner une valeur monétaire à tout. Et n’hésitez pas à vous essayez à la poésie, vous vous rendrez vite compte qu’on ne fait pas de l’or du premier coup, mais des génies se cachent peut-être en vous. Qui sait, on apprendra peut-être vos poèmes aux enfants du XXIIème siècle…
(Je ne cache pas mon scepticisme… LOL!)
Sofiène, 1S2
Du même auteur :
“Rupture” (poème)
Les lecteurs intéressés par cet article peuvent également lire avec profit les contributions d’élèves suivantes :
Timothy A. (Première S2), “La poésie, ça n’a pas de prix !“
Honorine B. (Première L2), “Lettre ouverte à la grisaille du quotidien“
Nicolas B. (Première L2), “Lettre ouverte à la grisaille du quotidien“
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