Guide méthodologique d’aide à l’expression écrite. Corrigé n°2 et entraînement n°3…

Classes de Première S5 et Première ES4.

 

Voici le corrigé du deuxième exercice et le troisième entraînement (à rendre avant le jeudi 9 avril, 21:00). 
Rappel du calendrier d’entraînement :
  • Dimanche 8 mars : exploiter la métaphore filée, les anaphores, les interrogations oratoires
  • Samedi 21 mars : rédiger un réquisitoire ou un plaidoyer (+ corrigé n°1)
  • Jeudi 2 avril : structurer un paragraphe argumentatif (+ corrigé n°2)
  • Jeudi 9 avril : introduire et conclure un écrit d’invention (+ corrigé n°3)

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Entraînement n°2… Le corrigé !

Dans cet entraînement, vous deviez rédiger un discours (réquisitoire ou plaidoyer)…

Rappel du sujet : « Devant un public de députés européens, vous cherchez à justifier ou au contraire à dénoncer la généralisation de l’Anglais comme langue de travail unique au Parlement européen. Quelle que soit votre prise de position, vous rédigerez obligatoirement 3 paragraphes centrés chacun sur UNE seule idée. Vous devez donc trouver en tout TROIS idées, que vous exposerez selon une logique de progression (du moins important au plus important). Bien entendu, vous devez exploiter toutes les techniques oratoires vues jusqu’ici, y compris celles proposées dans le corrigé n°1 »

J’ai été particulièrement sensible à la qualité des travaux réalisés, même si j’ai regretté néanmoins qu’une majorité de textes aient plébiscité l’Anglais comme langue unique en Europe. C’est souvent la raison économique et un certain pragmatisme consumériste qui l’emportent chez les partisans de la généralisation de l’Anglais. Quelques travaux ont également développé un argumentaire qui vise à promouvoir une seule langue comme réponse aux ethnocentrismes et aux divisions culturelles. À l’inverse, ceux qui ont rédigé un plaidoyer en faveur du Français se sont davantage placés sur le terrain « affectif », ce qui leur a permis de belles envolées lyriques parfois. J’ai d’ailleurs trouvé que le « camp anglais » n’avait pas suffisamment exploité les ressources de l’art oratoire : peut-être prisonnier qu’il était du « rationalisme » qu’il cherchait à justifier.

Pour ce qui me concerne, c’est sans surprise que j’ai plébiscité le Français.

Mon corrigé…

Mesdames et Messieurs les Députés européens,

À celles et ceux d’entre vous qui sont favorables à la généralisation de l’Anglais comme langue unique au Parlement européen, je vous annonce une nouvelle que vous attendiez depuis longtemps : vous pourrez peut-être lire bientôt les textes écrits dans la « langue de Molière » dans les musées de l’Histoire, aux heures de visite habituelles. C’en est fait! Après la « monnaie unique », il fallait bien que l’on instaurât une langue unique. Oubliés, les particularismes linguistiques, disparus les traducteurs, mort et enterré le Français au nom de la raison et du pragmatisme économique ! Mais de quelle raison parlez-vous? Je vous le demande ! Oh! J’en vois certains qui se disent : « Parler la même langue est un atout essentiel dans le domaine des échanges économiques ou sociaux ». Les arguments ne manquent pas : le commerce se fera plus facilement en parlant la même langue. N’appelle-t-on pas l’anglo-américain « langue d’échange » au détriment du Français, ravalé au musée poussiéreux des langues dites « de culture » ? Mais en vérité, ce présupposé repose sur une idée fausse, car réductrice, simplificatrice et arbitraire : pourquoi l’économie s’opposerait-elle à la culture? De quel droit, en vertu de quel principe, au nom de quelle légitimité une langue s’arrogerait-elle le privilège d’imposer aux autres le monopole du sens? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Et qu’on ne dise pas que les capacités d’enrichissement et d’adaptation d’une langue sont réservées seulement à l’Anglais : les contacts accrus entre les différentes communautés linguistiques ne peuvent qu’enrichir le patrimoine culturel, linguistique et social de notre monde.

Savez-vous, Mesdames et Messieurs les Députés européens, savez-vous qu’au moins 2500 à 3000 langues parlées actuellement risquent de disparaître d’ici la fin de ce siècle? S’en accommoder serait plus qu’une facilité, ce serait une lâcheté, un renoncement, une démission! Comment accepter que la place du Français comme des langues dites « de culture » soit dorénavant dans des musées, entre les fresques du Parthénon et les ruines du Colisée ! Ce destin des « langues de culture » je le refuse! Je refuse que toutes les deux semaines, une langue s’éteigne dans le monde. Vous me direz qu’il s’agit des langues non écrites, mais il appartient à la France et à la communauté francophone dans son ensemble de relever le défi qu’impose désormais ce nouvel ordre mondial dans lequel nous sommes entrés. L’extinction du Français est accélérée par un ensemble de facteurs liés à la mondialisation et à ce qu’on appelle la « troisième révolution industrielle » : à entendre certains d’entre vous, l’industrialisation ne doit se faire qu’en Anglais ! À vous croire, l’urbanisation et les nouveaux modes de consommation planétaire ne doivent avoir de sens qu’en Américain? Abandonner le vaisseau, voilà votre acte de courage : vous abdiquez quand il faut relever le front ; vous capitulez quand la communauté francophone vous implore de vous battre. Vous vous rendez quand le Conseil international de la langue française veille à intégrer tous les particularismes locaux qui révèlent la vigueur et la diversité de notre, de votre langue, de l’Île de France au Québec, de la Bourgogne au Sénégal, de la Wallonie à la Louisiane, des côtes d’Armor au grand Maghreb. La voilà la France !

Oui, la voilà la diversité de la France, le voilà le facteur d’identité de la francophonie : nos accents nous unissent, nos langages nous apaisent, nos différences nous rassemblent. Quelle langue peut se prévaloir d’un tel privilège? Pouvez-vous accepter en conscience de considérer l’extinction du Français comme une pure et simple fatalité darwinienne ? Alors comme ça, seules les langues les plus aptes seraient amenées à survivre? Non, Mesdames et Messieurs les Députés européens, non, la mondialisation n’est pas un eugénisme, elle est un pluralisme. Il s’agit d’un enjeu qui en vérité dépasse le destin particulier du Français : la mort d’une langue nous appauvrit tous ! On oublie trop souvent que derrière une langue, il y a un peuple, un passé, une Histoire. L’hégémonie d’une seule langue ne saurait donner une véritable chance à toutes les cultures qui sont en fait l’arc-en-ciel du monde. Arrêtons de supposer que seules les langues « les plus aptes » pourront survivre, que seul un modèle fixe devrait s’imposer au détriment des autres langages. Le monolinguisme est loin de refléter l’extraordinaire instrument d’expression, de communication et de diversité qu’est une langue. Par son universalité, et sa capacité si grande à se métisser avec d’autres cultures, le Français est peut-être l’avenir commun de l’humanité. Fenêtre sur le passé et porte vers l’avenir, il est une chance inouïe de vivre demain sur une terre où toutes les cultures, loin de se poser en termes de rapport de force, pourront enfin redessiner les contours du monde et donner une dimension universelle à la diversité. C’est maintenant que l’aventure commence. Je veux le croire…

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Analyse… Apprendre à exploiter le registre « épique »…

Un discours argumentatif est d’abord une prise de position. On attend donc de vous des idées clairement exprimées et développées. Mais un sujet comme celui-ci, dans la mesure où il touche à un domaine « sensible », « affectif », se prête bien à l’éloquence ainsi qu’aux ressources oratoires de la langue. Ici, la tonalité fait alterner plusieurs registres (polémique, lyrique, épique), le style soutenu et parfois plus familier (« Je vous le demande ! Oh! J’en vois certains qui se disent » ; « Alors, comme ça » ; « La voilà la France !/Oui, la voilà la diversité de la France ») dans le but de donner au discours davantage de dynamisme en jouant sur les contrastes et les ruptures.

Vous aurez certainement noté l’importance prise par le registre épique : les phrases souvent longues et complexes servent par exemple à amplifier le discours, de même que la modalité exclamative ou les effets symétriques de parallélisme ou d’affrontement (par exemple dans le deuxième paragraphe remarquez le vocabulaire tantôt dépréciatif, tantôt mélioratif des qualités morales selon une logique manichéenne : « abdiquez/relever le front ; capitulez/vous battre ; vous vous rendez/vigueur ». Regardez aussi la façon dont on peut exploiter l’hyperbole ou les métaphores afin de renforcer l’émotion ou le lyrisme.

Enfin, il est évident que les interrogations oratoires, les gradations ternaires ainsi que les tournures anaphoriques sont essentielles dans la mesure où elles confèrent une certaine solennité empreinte d’emphase et de pathétique à un texte qui reprend la technique du chant épique : « de l’Île de France au Québec, de la Bourgogne au Sénégal, de la Wallonie à la Louisiane, des côtes d’Armor au grand Maghreb. La voilà la France ! Oui, la voilà la diversité de la France, le voilà le facteur d’identité de la francophonie : nos accents nous unissent, nos langages nous apaisent, nos différences nous rassemblent! »

Pour accentuer le caractère épique du texte, j’ai terminé par des mots qui « élargissent » le discours afin d’en renforcer le caractère universel et d’exalter l’idée d’un grand sentiment collectif : « avenir commun de l’humanité », « porte vers l’avenir », « vivre demain sur une terre », « toutes les cultures », « redessiner les contours du monde et donner une dimension universelle à la diversité ». Cette technique vise à passer de l’individuel au collectif, en permettant de donner de l’amplitude à l’idée, et de grandir les situations et les hommes, qui semblent sortir de l’ordinaire, et avoir entre leurs mains un destin à jouer.

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Entraînement n°3 : structurer un paragraphe argumentatif.

Tout paragraphe argumentatif obéit à une structure précise qu’il convient de respecter, a fortiori quand on n’est pas toujours à l’aise avec la formulation des idées.

  1. L’énoncé de l’idée principale : c’est l’idée sur laquelle le paragraphe est construit. N’oubliez pas la règle certes classique mais toujours valable : « un paragraphe par idée, une idée par paragraphe ». Chaque paragraphe ne doit donc en théorie ne contenir qu’une seule idée. Annoncez-la par une phrase claire et courte. 

  2. L’argumentaire quant à lui développe l’idée principale afin de l’étayer par le raisonnement. Sans explicitation, une idée reste en effet une affirmation arbitraire et gratuite.

  3. L’illustration de l’idée par un ou deux exemples. Basés le plus souvent sur des faits, ils ont pour fonction de justifier et d’authentifier le raisonnement en lui donnant un caractère irréfutable qui a le plus souvent valeur de preuve.

Dans cet exercice, vous allez devoir répondre à une question (l’importance de la littérature) à travers deux paragraphes argumentés :

  • La littérature donne à voir (elle éclaire)
  • Elle est une prise de conscience

Vos paragraphes ne comprendront pas moins de quinze lignes chacun. Par leur qualité, vos exemples seront déterminants. Ils seront évidemment empruntés aux œuvres du programme.

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Bonne chance à vous. N’oubliez pas de me remettre vos propositions avant le jeudi  9 avril, 21:00 pour bénéficier du bonus !

Publié par

brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques