Concours d’art oratoire 2017 Lycée en Forêt/Rotary. Entraînement n°4 « Faire sensation à l’oral : conclure une prestation… Les techniques de chute »

Faire sensation à l’oral : conclure une prestation… Les techniques de chute

Prérequis : avant d’aborder cet entraînement, il est préférable d’avoir pris connaissance :

« On

a oublié de sortir le train d’atterrissage ? » Même si l’exposé s’est bien déroulé, il est toujours délicat de conclure, et bien souvent le plus dur, après qu’on a multiplié dans les airs les figures de voltige oratoire et autres acrobaties rhétoriques, c’est d’atterrir ! De fait, la « chute » (c’est le cas de le dire !), si elle est mal maîtrisée, risque de s’avérer périlleuse. Voici aujourd’hui, quelques techniques pour vous aider à élaborer une conclusion percutante…

« […] la syntaxe de l’improvisation n’est pas celle de l’écriture.  »

André Malraux, préface aux Oraisons funèbres, 1971

« Dans un souci d’efficacité, mettons-nous à la place du destinataire. Qu’attend-il de la fin d’une réflexion ?  D’une part une réponse claire à la problématique posée par l’introduction et d’autre part une esquisse de réflexion sur la mise en œuvre de cette réponse.  »

Bernard Meyer,  Les Pratiques de communication : de l’enseignement supérieur à la vie professionnelle
Armand Colin, « Cursus », 2e édition, Paris 2007, page 174.

Mirabeau (Le Bignon, 1749 – Paris, 1791)
« L’Orateur » (gravure dessinée par H. Baron, et gravée sur acier par Léopold Massard, 1843)
In : Augustin Challamel, Wilhelm Ténin, Les Français sous la Révolution. Quarante scènes et types. Paris, 1843.


Planifiez votre conclusion et préparez-la soigneusement !


Au

même titre que l’accroche (voir entraînement n°2), la conclusion de votre prestation revêt un rôle fondamental et pourtant peu de candidats lui accordent l’importance qu’elle mérite : comme nous l’avons vu, vous devez la préparer soigneusement et la planifier dès l’introduction. Ainsi qu’il a été très justement dit, « commencez […] par la fin, la conclusion, puisque c’est elle qui synthétise l’essentiel de ce que vous voulez démontrer. Votre conclusion, c’est précisément l’idée-force, déjà identifiée, et qui vous a donné le cap […]. Si vous avez eu de la difficulté à formuler cette idée-force, le fait de commencer par la conclusion vous aidera à la mettre en évidence » |Thierry Destrez, Demain, je parle en public, 4e édition, Paris Dunod 2007, page 28|.

Étant donné la brièveté des prestations orales (6 à 7 minutes en moyenne), la conclusion se réduit parfois à d’inévitables redites, surtout si elle est mal préparée.

Or la conclusion joue un rôle majeur :

  • Elle constitue tout d’abord un bilan synthétique vous permettant de montrer que vous avez répondu au sujet (on parle aussi de conclusion fermée).
  • Pensez à bien recentrer sur l’idée principale en valorisant l’argument essentiel que l’auditoire doit mémoriser, au risque de vous éparpiller dans d’interminables considérations (souvent creuses) qui laisseraient le jury sur une impression de redite.
  • Par ailleurs, la conclusion doit ouvrir une perspective : on parle à ce titre de conclusion ouverte. Un élargissement bien maîtrisé doit entraîner l’adhésion de vos auditeurs.

N’oubliez pas un point important que nous avons rappelé dans cette série d’entraînements : la nécessité de différencier l’oral d’une production écrite. Certes, comme à l’écrit, votre conclusion doit contenir un bilan du développement et ouvrir des perspectives. Mais plus encore qu’à l’écrit, impliquez-vous en valorisant des données concrètes ! Plutôt que de conclure sur de l’abstrait, plus délicat parfois à maîtriser, vous pouvez terminer par un exemple à valeur argumentative, ou une anecdote qui synthétise l’essentiel de votre démonstration et en montre la cohérence.

Faites également confiance à votre talent d’orateur : certes, je vous conseille de ne pas trop improviser sur le fond, c’est-à-dire le contenu, le message lui-même qui se doit dans la mesure du possible d’être envisagé (au moins sous forme de plan détaillé) à l’avance. Il est plus facile en revanche d’improviser sur la forme, c’est-à-dire le style qui sous-tend le message, et qui, avec un peu de pratique, vient assez spontanément. Comme l’a dit l’écrivain André Malraux, « […] la syntaxe de l’improvisation n’est pas celle de l’écriture ». L’orateur qui écrit son texte ne l’achève que quand il le prononce, « et il le modifie en parlant » |propos cités par Marie Gérard-Geffray, « Malraux orateur : de l’action présente à la quête de l’intemporel ». In : Colloque Les Mondes de Malraux, 15-16 octobre 2010, Institut catholique de Paris, page 6|

Conclusion fermée ? Conclusion ouverte ? Attention aux pièges des conclusions trop « ouvertes » ne débouchant finalement sur pas grand chose ! Si une conclusion ouverte, qui se termine par exemple par une question indirecte ouvrant sur un thème lié ou une nouvelle perspective, est évidemment une bonne chose, vous devez éviter le piège d’ouvrir sur de l’évasif qui ferait perdre à votre présentation son unité organique et structurelle. Restez concis et trouvez un élargissement qui apparaît comme une conséquence nécessaire de votre démonstration.

Astuce : si vous n’avez pas d’idée, arrangez-vous pour ne pas terminer sur une platitude, des banalités, au risque de laisser le jury sur une impression mitigée. Une technique utilisée parfois consiste à reprendre un élément de l’accroche ou du début de la démonstration, en le réinvestissant de telle sorte que vous entraînerez l’adhésion, l’envie de vous suivre dans votre démonstration. Comme le rappelle encore Thierry Destrez (op. cit. page 49) : « Sachez faire une conclusion incitative […], trouvez un raccourci saisissant, une formule “choc” qui synthétise le cœur du message : c’est ainsi que vous frapperez l’intérêt et la mémoire […]. La conclusion est votre temps fort : elle n’est pas la fin, mais le point culminant de votre présentation ».

À moins de bien maîtriser les techniques, évitez d’utiliser pour la conclusion des figures d’insistance trop marquées (gradations, etc.) : surtout lorsque la prestation est brève, elles donnent un effet assez théâtralisé et manquent de naturel. Attention aussi aux conclusions sous forme de citations toutes faites, plaquées artificiellement sur le sujet.

En revanche, si votre citation vous paraît bien choisie, cela peut être une bonne idée. Mon conseil : ne terminez pas sur la citation mais arrangez-vous pour glisser après la citation quelques mots qui vous permettront de valoriser votre point de vue (et non celui de l’auteur). 

Imaginez par exemple que vous vouliez terminer sur cette célèbre citation de Montaigne : « Un honnête homme, c’est un homme mêlé » (Chapitre 9 du troisième livre des Essais).

  • Regardez la première conclusion : « Tout voyage nous amène à connaître l’autre, à nous ouvrir aux différences. Ainsi, comme l’a si bien dit Montaigne, « Un honnête homme, c’est un homme mêlé ».
    Ce qui est maladroit dans cette conclusion, c’est que le candidat ne valorise pas suffisamment sa pensée. De plus, les marques de l’énonciation sont effacées, ce qui fait qu’on en oublie plus ou moins la pensée de l’orateur pour ne retenir que la phrase de Montaigne.
  • Regardez maintenant la seconde conclusion : « Tout voyage nous amène à connaître l’autre, à nous ouvrir aux différences. Ainsi, comme l’a si bien dit Montaigne, « Un honnête homme, c’est un homme mêlé ». Et je crois qu’en effet il faut célébrer la diversité culturelle pour mieux promouvoir les identités, nous mêler à l’extraordinaire richesse du monde pour en célébrer les particularités. Tant il est vrai que diversité n’a jamais voulu dire uniformité. Voilà le sens du voyage et, Mesdames et Messieurs, je vous pose une question : le plus beau voyage n’est-il pas une rencontre ? Rencontre avec autrui, rencontre avec vous-mêmes, rencontre avec soi-même… ».
    Comme vous le voyez à travers cet exemple, le candidat choisit de réinvestir la citation de Montaigne en lui donnant une autre orientation. Cette technique permet au jury de retenir davantage la problématique interculturelle posée par le candidat à partir de la citation de Montaigne.

Certains candidat/es se demandent comment prendre congé… Terminez par quelques mots de remerciement brefs (« Mesdames et Messieurs, merci de m’avoir écouté ») : inutile de faire long !

Bruno Rigolt
© février 2017, Bruno Rigolt/Espace Pédagogique Contributif


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brunorigolt

- Agrégé de Lettres modernes - Docteur ès Lettres et Sciences Humaines (Prix de Thèse de la Chancellerie des Universités de Paris) - Diplômé d’Etudes approfondies en Littérature française - Diplômé d’Etudes approfondies en Sociologie - Maître de Sciences Politiques