Lectures cursives :

Difficulté de lecture : * (facile) ; ** (difficulté moyenne) ; *** (difficile)

Rappel : Ou bien vous choisissez l’œuvre intégrale obligatoire étudiée en classe ; ou bien vous choisissez une œuvre validée par le professeur de français MAIS QUI DOIT APPARTENIR À UN AUTRE SIÈCLE que l’œuvre étudiée.

  1. Lectures cursives pour l’objet d’étude La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle. Parcours : « Ecrire et combattre pour l’égalité »
  2. Lectures cursives pour l’objet d’étude La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle. Parcours : « Emancipations créatrices »
  3. Lectures cursives pour l’objet d’étude Le roman et le récit du Moyen-Age au XXIe siècle. Parcours : « La célébration du monde »
  4. Lectures cursives pour l’objet d’étude Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle. Parcours : « Les jeux du cœur et de la parole »

1. Objet d’étude : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle

  • Œuvre intégrale : Olympe de Gouges, Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne (1791)
  • Parcours : « Ecrire et combattre pour l’égalité »

Lectures cursives possibles : 

Olympe Audouard, Guerre aux hommes (1866) *

Ecrivaine et journaliste française du XIXe siècle, Olympe Audouard est connue pour ses positions féministes et ses réflexions sur la condition des femmes. Dans cet essai, l’autrice adopte un ton polémique et revendicateur face aux inégalités entre les sexes, en particulier les injustices faites aux femmes dans une société dominée par les hommes.

Le titre, très provocateur, suggère l’idée d’une rébellion à l’encontre des normes sociales imposées par les hommes. L’ouvrage s’inscrit dans le contexte plus large des premières vagues du féminisme, qui ont cherché à dénoncer et à remédier aux inégalités de genre.

Citation clé : « Messieurs, c’est bel et bien la guerre que je vous déclare. J’attaque plus fort que moi, j’attaque le sexe fort, tandis que je fais partie du sexe faible ; je dois donc avoir pour moi les gens de cœur toujours prêts à secourir le faible contre le fort. »

Actes Sud, Prix indicatif : 3.90€

Annie Leclerc, Parole de femme (1974) **

Parole de femme (1974) est un ouvrage de l’écrivaine et philosophe française Annie Leclerc. Ce livre est une réflexion sur la manière dont les femmes, souvent réduites au silence par les normes patriarcales, doivent assumerune voix et une liberté d’expression : libérer la parole des femmes, l’inventer, la faire naître pour sortir de l’impérialisme culturel masculin.

Thèmes principaux :

  • La « parole des femmes » : Annie Leclerc s’intéresse à la parole des femmes, qui a été historiquement étouffée ou ignorée. Elle met en lumière le besoin de libérer cette parole, de permettre aux femmes de s’exprimer librement et de revendiquer leur place dans la société. L’idée centrale est que, pour se réapproprier leur identité et leur pouvoir, les femmes doivent commencer par s’exprimer, prendre la parole, affirmer leur existence.
  • La critique de l’oppression patriarcale : Annie Leclerc dénonce la domination patriarcale qui réduit les femmes à des rôles subordonnés et les prive de leur autonomie, notamment dans le domaine de la parole et de l’écriture. Elle soutient qu’une véritable émancipation des femmes passe par leur capacité à parler, à raconter leur propre histoire et à être entendues.
  • Parole de femme a été un texte fondamental du mouvement féministe des années 1970. Il a contribué à l’essor de la réflexion féministe en France et a influencé de nombreuses femmes écrivains et militantes.

Citation clé : « Inventer une parole de femme. Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme ; car celle-là peut bien se fâcher, elle répète. Toute femme qui veut tenir un discours qui lui soit propre ne peut se dérober à cette urgence extraordinaire : inventer la femme. »

Actes Sud, Prix indicatif : 8,20€

Benoîte Groult, Ainsi soit-elle (1975) *

Essai féministe incontournable, dans lequel l’autrice dénonce avec force les injustices et les inégalités subies par les femmes à travers l’histoire et dans la société contemporaine. Ce livre a marqué son époque par sa lucidité, son humour mordant et son appel à une prise de conscience collective. Ce livre est un ouvrage emblématique du féminisme des années 1970. Publié dans un contexte d’effervescence des luttes féministes (droit à l’avortement, luttes pour l’égalité salariale, etc.), Ainsi soit-elle est devenu une référence mondiale. C’est par ailleurs un essai rédigé dans un style très accessible.

Thèmes principaux

  • Ainsi soit-elleBenoîte Groult dresse un constat sans concession sur la condition des femmes, montrant comment, depuis des siècles, elles ont été maintenues dans une position de subordination par les hommes, à travers les lois, les coutumes, la religion et les institutions patriarcales. Elle aborde ces injustices dans divers domaines : le travail, la sexualité, le mariage, l’éducation et la politique.
  • L’autrice dénonce également la manière dont les traditions et les stéréotypes culturels enferment les femmes dans des rôles prédéfinis. Elle critique en particulier le rôle domestique imposé aux femmes, la glorification de la maternité comme seule destinée, et la pression sur leur apparence physique.
  • Benoîte Groult s’attaque aux tabous liés à la sexualité féminine, en dénonçant le contrôle exercé sur le corps des femmes, qu’il s’agisse de la contraception, de l’avortement ou de la mutilation génitale dans certaines cultures. Elle défend le droit des femmes à disposer librement de leur corps.
  • Une partie de l’essai s’attarde enfin sur le rôle des religions dans la soumission des femmes. Benoîte Groult critique sévèrement les textes sacrés et les doctrines religieuses qui justifient la domination masculine, notamment à travers des lois discriminatoires ou des représentations dévalorisantes des femmes.
  • L’essai est enfin une invitation à l’action. Benoîte Groult encourage les femmes à se révolter contre leur condition, à revendiquer leurs droits et à refuser les normes patriarcales. Elle insiste sur l’importance de l’éducation et de la solidarité entre femmes pour lutter contre l’oppression.

Citation clé : “Qu’est-ce qui leur prend, soudain aux femmes ? Voilà qu’elles se mettent à écrire des livres. Qu’ont-elles donc à dire de si important ?” demandait récemment un hebdomadaire qui ne s’était jamais posé la question de savoir pourquoi les hommes écrivaient, eux, depuis deux mille ans et ce qui leur restait encore à dire ! »

Le Livre de Poche, Prix indicatif : 7,90€ (existe aussi en format AUDIO)

Mariama Bâ, Une si longue lettre (1979) **

Une si longue lettre de Mariama Bâ est un roman épistolaire qui explore les thèmes de la condition féminine, des traditions, de l’émancipation et des rapports entre modernité et culture en Afrique. Ce texte, considéré comme une œuvre majeure de la littérature africaine francophone, a marqué son époque par sa critique des inégalités de genre et son plaidoyer pour les droits des femmes.

Le roman se présente sous la forme d’une lettre écrite par Ramatoulaye, femme sénégalaise récemment veuve, à sa meilleure amie Aïssatou. À travers cette longue lettre, elle revient sur sa vie, ses expériences et ses réflexions, tout en racontant les épreuves qu’elle a dû affronter. Ramatoulaye partage son chagrin lorsque son mari qu’elle a aimé et soutenu pendant des décennies, décide de prendre une seconde épouse beaucoup plus jeune. Cette décision, autorisée par la tradition musulmane et sénégalaise, bouleverse sa vie et l’oblige à affronter des dilemmes moraux et personnels. Malgré cette trahison, Ramatoulaye choisit de rester mariée pour préserver l’unité de sa famille. Par contraste, Aïssatou, confrontée à une situation similaire, décide de quitter son mari et de se reconstruire une vie indépendante. Elle rejette la polygamie et les traditions qui oppriment les femmes.

À travers les récits de Ramatoulaye et d’Aïssatou, Mariama Bâ critique les traditions patriarcales, la polygamie, les inégalités de genre, mais aussi les contradictions entre modernité et coutumes. Le roman explore la tension entre le respect des valeurs culturelles et le besoin de progrès pour garantir l’égalité et la justice. Le roman illustre les conflits entre une société sénégalaise ancrée dans ses traditions et l’émergence de valeurs modernes, comme l’éducation, l’indépendance féminine et la quête de justice sociale.

Le style de Mariama Bâ allie simplicité et élégance, avec des passages empreints de poésie et de lyrisme. L’autrice y insère également des critiques sociales et politiques, rendant le texte profondément engagé. À sa parution, Une si longue lettre a été largement salué pour son audace. Le roman a ouvert la voie à une réflexion sur la condition des femmes africaines dans un contexte dominé par des traditions patriarcales. Il a reçu le Prix Noma de publication en Afrique en 1980, confirmant son importance dans la littérature francophone. L’œuvre a souvent été étudiée dans les écoles et universités à travers le monde pour sa portée universelle et son rôle dans la défense des droits des femmes.

Citation clé : « Je reste persuadée de l’inévitable et nécessaire complémentarité de l’homme et de la femme. L’amour, si imparfait soit-il dans son contenu et son expression, demeure le joint naturel entre ces deux êtres. S’aimer! Si chaque partenaire pouvait tendre sincèrement vers l’autre ! »

Editions Litos, Prix indicatif : 7,50€

Harper Lee, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (1960) *

Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (titre original To Kill a Mockingbird) est un roman publié en 1960 par l’écrivaine américaine Harper Lee. Ce roman est l’un des plus célèbres de la littérature américaine du XXe siècle et a remporté le prix Pulitzer en 1961. Il aborde des thèmes majeurs tels que le racisme et la justice sociale.

L’histoire se déroule dans les années 1930, pendant la Grande Dépression, dans la petite ville fictive de Maycomb, en Alabama, aux États-Unis. Le récit est narré par Scout Finch, une jeune fille de six ans, qui raconte son enfance auprès de son père, Atticus Finch, un avocat respecté et un homme de principes, et de son frère aîné, Jem. L’intrigue principale tourne autour du procès de Tom Robinson, un homme noir accusé à tort d’avoir violé une femme blanche, Mayella Ewell. Atticus Finch est chargé de défendre Tom Robinson, malgré la forte opposition des habitants de Maycomb, qui sont profondément racistes et ancrés dans les préjugés sociaux de l’époque. Au fil du roman, Scout et Jem, sous l’influence de leur père, sont confrontés aux réalités du racisme et de l’injustice dans leur société. Atticus défend Tom Robinson avec courage et intégrité, mais le jury, influencé par les préjugés raciaux, le déclare coupable, et Tom finira par être tué en tentant de s’échapper de prison.

L’histoire est racontée à travers les yeux de Scout, qui, à la fin du roman, est adulte et revient sur les événements de son enfance. Ce point de vue à la première personne permet de mêler la perception innocente d’un enfant et la réflexion plus mature d’un adulte. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est une œuvre poignante et intemporelle qui explore les thèmes de la justice, de l’innocence, du racisme et du courage moral. La leçon fondamentale de l’œuvre reste d’agir selon ses principes et ses convictions morales, malgré les obstacles, et de toujours défendre l’égalité et les droits humains.

À sa sortie, « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » a eu un impact considérable car il s’attaquait ouvertement à la question du racisme et de l’injustice dans le Sud des États-Unis. Le roman est devenu un classique de la littérature américaine, étudié dans les écoles et traduit dans de nombreuses langues.

Citation clé : « Je voudrais que tu comprennes ce qu’est le vrai courage. C’est savoir que tu pars battu d’avance, et malgrè cela, agir quand même et tenir jusqu’au bout. »

Le Livre de Poche, Prix indicatif : 8,90€

Margaret Atwood, La Servante écarlate (1985) *

La Servante écarlate (1985) de Margaret Atwood est un roman dystopique qui explore un futur totalitaire dans lequel la société est dominée par un régime théocratique et patriarcal : les femmes sont réduites à des rôles strictement définis et subissent une oppression systématique.

L’histoire se déroule dans une société fictive nommée Gilead, un régime théocratique qui a remplacé les États-Unis. Dans ce monde, la fertilité humaine est en grave déclin à cause de problèmes environnementaux et de maladies, et les femmes fertiles sont devenues des objets de domination. Le roman suit Defred (Offred dans la version originale), une femme autrefois libre qui est devenue « servante écarlate » : femme réduite au rôle de reproduction pour les élites dirigeantes. Les servantes sont sélectionnées en raison de leur fertilité et sont affectées à des familles influentes pour porter les enfants de leurs maîtres, dans un système où les femmes sont subordonnées à l’autorité masculine et à la religion.

Offred (dont le nom vient de l’expression « Of Fred », signifiant qu’elle appartient à Fred, l’homme qui est son « maître ») raconte son quotidien, ses pensées et ses souvenirs. Elle est une servante écarlate dans la maison d’un Commandant, où elle doit avoir des relations sexuelles rituelles avec lui, dans le but de devenir enceinte. Cette fonction de reproduction est la seule liberté qu’on lui accorde.

Le récit de Defred alterne entre son expérience présente dans la société de Gilead, son passé avant la prise de pouvoir de ce régime, et ses espoirs d’évasion. La Servante écarlate traite de la répression des femmes, du contrôle du corps et de l’identité individuelle, tout en évoquant les différentes formes de résistance et de solidarité qui peuvent émerger dans des situations de grande oppression.

Malgré la répression extrême, La Servante écarlate est aussi une histoire de résistance. Defred, tout en étant surveillée et contrôlée, trouve des moyens de résister, même de manière subtile et discrète. Les liens entre les femmes, bien que souvent tendus, permettent parfois la création d’une forme de solidarité et de soutien face à l’adversité. Le livre montre comment les individus peuvent chercher à préserver leur liberté de pensée et d’action, même dans des circonstances apparemment désespérées.

Le style et les caractéristiques du livre :

  • La focalisation interne : le récit est raconté du point de vue de Defred, qui raconte ses expériences et ses pensées intimes. Cette perspective rend l’histoire encore plus poignante, car elle permet au lecteur de s’identifier aux sentiments, aux doutes et aux espoirs de l’héroïne.
  • Ton et atmosphère : Le livre est marqué par un ton sombre et oppressant, souvent empreint de mélancolie et de désespoir.
  • Accueil et réception : La Servante écarlate a eu un immense succès critique et commercial. Le livre a été adapté en film, en série télévisée et en pièces de théâtre, ce qui témoigne de son impact culturel : ce roman est en effet à la fois une œuvre de fiction et un un texte d’anticipation sur les dérives possibles dans les sociétés post-modernes.

Citation clé : « Notre fonction est la reproduction : nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire »,

Pavillon Poches (Robert Laffont), Prix indicatif : 12,50€

Annie Ernaux (Prix Nobel de Littérature), L’Événement (2000) *

Dans ce récit autobiographique poignant, Annie Ernaux raconte l’expérience intime et douloureuse de son avortement clandestin en 1963, à une époque où l’interruption volontaire de grossesse était illégale en France. Annie Ernaux revient sur son avortement clandestin, alors qu’elle était étudiante de 23 ans. Tombée enceinte d’un homme avec qui elle n’avait qu’une rL'événementelation passagère, elle se retrouve seule face à une société qui condamne cette situation. Elle décrit les épreuves traversées : la solitude, la honte, les risques médicaux, les douleurs physiques et psychologiques, ainsi que les nombreuses démarches qu’elle a dû entreprendre pour trouver quelqu’un prêt à l’aider. L’avortement a lieu dans des conditions précaires, réalisé par une « faiseuse d’anges » (une avorteuse clandestine), et entraîne une hémorragie qui met sa vie en danger.

Ce récit est également une tentative de compréhension : Annie Ernaux cherche à analyser cet épisode avec le recul du temps, en le replaçant dans son contexte social et politique. Elle interroge la manière dont cet événement a marqué sa vie, son écriture, et la place de son corps dans une société patriarcale. Bien qu’intime et personnel, le récit dépasse le cas individuel pour devenir une réflexion universelle sur la condition féminine : À travers ce témoignage brut et universel, Annie Ernaux donne une voix à toutes celles qui ont vécu cette expérience dans l’ombre et rappelle l’importance du droit à l’avortement comme fondement de l’égalité entre les sexes. À sa sortie, L’Événement a été salué pour sa force et sa lucidité. Le livre a contribué à briser le silence autour de l’avortement clandestin et à rappeler les luttes féministes pour le droit à disposer de son corps. Il résonne particulièrement aujourd’hui, à une époque où les droits reproductifs restent un sujet de débat dans de nombreux pays.

Citation clé : « Les filles comme moi gâchaient la journée des médecins. Sans argent et sans relations – sinon elles ne seraient pas venues échouer à l’aveuglette chez eux -, elles les obligeaient à se rappeler la loi qui pouvait les envoyer en prison et leur interdire d’exercer pour toujours. »

Folio, Prix indicatif : 6,17€


2. Objet d’étude : La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle

  • Œuvre intégrale :  Œuvre intégrale obligatoire : Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai (1870)
    Édition : au choix de l’élève (éd. recommandée : Hatier : 2,50€)
  • Parcours : « Emancipations créatrices »

Lectures cursives possibles : 

Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France (1913) **

  • La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France est un poème de Blaise Cendrars (1887-1961) publié en 1913. Ce poème est considéré comme un texte marquant de la littérature moderne, car il combine les influences de la poésie symboliste, de la poésie cubiste et de la poésie futuriste.
  • Aventurier, admirateur de Rimbaud, homme d’action épris de la vie, Cendrars quitte très tôt sa Suisse natale pour voyager : il traverse la Russie, séjourne à New York avant de s’installer en France. La prose du Transsibérien porte la marque de ce goût pour l’aventure et le bonheur d’exister : rejetant les contraintes du vers régulier et de la ponctuation, le poème raconte le voyage fantasmé du poète, narrateur de 16 ans, de Moscou à Kharbine à travers la Sibérie en compagnie de Jehanne, une jeune aventurière, égrenant au fur et à mesure les noms des gares de Russie qu’ils traversent : c’est l’occasion pour l’auteur de peindre un univers fantastique au gré de l’avancée du Transsibérien, célèbre train russe.
  • Véritable poème ferroviaire, La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France nous transporte dans l’imaginaire du train. L’auteur utilise des images et des métaphores novatrices pour décrire les paysages, les gens et les sensations éprouvées, le rythme de la locomotive, les bruits du wagon : “Le brounroun-roun des roues”)… Le voyage réel se double ainsi d’un voyage dans l’imaginaire, donnant lieu à une exploration de questionnements existentiels comme la vie, la mort etla condition humaine qui apparentent le récit à une véritable mythologie personnelle, riche d’impressions fantasmées et de symboles.ns ce long poème, le narrateur âgé de 16 ans retrace un voyage en train de Moscou à Kharbine en Sibérie. Ce texte est à la fois une réflexion sur la jeunesse et l’amour, sur soi, mais aussi sur l’histoire. Les bruits du train sont rendus grâce à un travail poussé sur les sonorités et rythmes des vers libres.

Thèmes principaux

  1. Le voyage et l’exploration : le voyage à travers la Sibérie symbolise la quête de soi et l’aspiration à dépasser les frontières physiques et mentales. Cendrars utilise le train comme métaphore de la modernité, du progrès et de la vitesse, mais aussi comme symbole d’un monde fragmenté, où la perception du temps et de l’espace devient fluide.
  2. La modernité et la rupture avec le passé : le poème exprime un rejet des anciennes conventions poétiques et des valeurs passées. Cendrars se détourne des formes poétiques traditionnelles, telles que les sonnets ou les vers réguliers, en adoptant le vers libre et une écriture à la fois brute et sensorielle. La modernité apparaît comme un monde débridé, plein de contradictions, mais aussi source d’émerveillement.
  3. L’amour et l’idéalisation : à travers le personnage de la Petite Jehanne de France, Cendrars évoque l’amour idéal, un amour purement poétique et irréel. Elle incarne la beauté et l’innocence, tout en étant en décalage avec la réalité du monde. Cette figure symbolise l’aspiration à quelque chose de pur et d’absolu, mais aussi l’inaccessibilité de cet idéal.
  4. Le dépassement de la réalité : Cendrars, à travers ses images vives et parfois hallucinées, cherche à dépasser les limites de la réalité quotidienne pour atteindre un monde plus profond, plus authentique. Il s’agit de l’expression d’une quête du sens, d’un désir de comprendre le monde tout en en fuyant les conventions imposées.

Innovations formelles

  1. Le vers libre : Cendrars innove dans la poésie de son époque en utilisant le vers libre. Ce choix reflète son désir de libérer la poésie des contraintes classiques et de lui permettre de mieux rendre compte du mouvement, du voyage et des sensations. Le poème devient ainsi plus proche de la prose, tout en conservant un pouvoir poétique grâce à son rythme, ses images et ses sonorités.
  2. Les illustrations de Sonia Delaunay : L’édition de La Prose du Transsibérien, illustrée par la célèbre peintre Sonia Delaunay, marque également une rupture avec la poésie traditionnelle. La mise en page des vers, les couleurs et les formes géométriques créent une véritable symbiose entre texte et image. Ce lien entre les arts plastiques et la poésie est une caractéristique du mouvement moderniste.

Un chef-d’œuvre de la modernité

À sa publication, l’œuvre a marqué un tournant dans la poésie en libérant l’écriture des contraintes formelles et en introduisant une dimension visuelle et sensorielle nouvelle. La collaboration entre Cendrars et Sonia Delaunay a également renforcé l’idée de la poésie comme art total, dépassant les frontières des genres traditionnels. L’œuvre de Cendrars a influencé de nombreux poètes et écrivains du 20e siècle, notamment dans les mouvements dadaïste et surréaliste. C’est un texte clé dans l’histoire de la poésie moderne et de la littérature francophone.

Citation clé : Le monde s’étire s’allonge et se retire comme un accordéon qu’une main sadique tourmente / Dans les déchirures du ciel les locomotives en folie s’enfuient […] Le broun-roun-roun des roues… Chocs… Rebondissements…

Belin-Gallimard, Prix indicatif : 5,30€ (plusieurs édteurs)

Guillaume Apollinaire, Alcools (1913) **

Bien que postérieur à Rimbaud, Guillaume Apollinaire incarne un autre esprit novateur en poésie, par son mélange de lyrisme classique et de modernité (rupture avec les formes traditionnelles). 

Contexte culturel et social
Alcools est publié en 1913, une période charnière dans l’histoire littéraire et artistique : nombreux bouleversements artistiques et politiques, avec l’avènement du cubisme en peinture et le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Alcools est donc à la fois un miroir de son époque et une tentative de renouveler la poésie en l’adaptant à une époque marquée par l’accélération technologique, les mutations sociales et la violence du monde moderne.

Structure du recueil
Le recueil se divise en plusieurs sections et poèmes qui, bien que disparates, créent une unité par le ton mélancolique et l’ambiance de quête intérieure. Certains poèmes célèbres, tels que « Zone », « Le Pont Mirabeau », « La Chanson du mal-aimé », et « Marie » sont les plus célèbres du recueil. Si vous présentez l’oeuvre au Bac, vous devez les étudier attentivement.

Thèmes principaux

  • L’amour et la souffrance : l’un des thèmes majeurs du recueil est l’amour, mais un amour souvent douloureux, inaccessibile ou perdu. Apollinaire s’exprime à la fois dans une forme de recherche du plaisir sensuel et dans une forme plus tragique, liée à l’échec ou à la déception amoureuse. Dans des poèmes comme « La Chanson du mal-aimé », il exprime cette quête d’amour qui échoue, cette souffrance de l’absence.
  • La modernité et l’univers urbain : Apollinaire se démarque des poètes du passé en introduisant des images modernes et urbaines. Il parle des paysages de la ville, des trains, de l’électricité, de la modernité technologique. Par exemple, dans « Zone », Apollinaire évoque Paris et ses mutations, ainsi que la rapidité du monde moderne, dans un poème qui bouleverse les formes traditionnelles.
  • Le temps et la mémoire : le temps est une autre obsession récurrente dans Alcools. L’idée de la fuite du temps, des souvenirs qui s’étiolent et de la mémoire qui se trouble est présente tout au long du recueil. La mélancolie face à l’inexorable passage du temps apparaît notamment dans « Le Pont Mirabeau », un poème symbolique où Apollinaire évoque la séparation amoureuse en utilisant le fleuve comme métaphore du temps qui passe : c’est un texte magnifique que vous devez  analyser.
  • La guerre : la guerre, et la violence qui l’accompagne, est également présente dans le recueil. Elle devient un sujet d’angoisse, de prémonition et de réflexion sur la fragilité humaine. Certains poèmes d’Alcools témoignent d’une conscience aigue de la ragilité de la condition humaine face à la guerre (« Le Voyageur »).
  • L’exploration de l’inconscient : Apollinaire se distingue aussi par l’introduction d’éléments mystiques et ésotériques dans sa poésie. Des références à la mythologie, à des figures antiques, voire religieuses, côtoient des visions de rêves ou d’états modifiés de la conscience. Le recueil laisse place à des interrogations sur la mort, l’au-delà, et le sens de la vie.

Innovations formelles

  • Le vers libre et la suppression de la ponctuation : Apollinaire se libère des contraintes classiques de la poésie en choisissant d’écrire en vers libres, sans rimes ni mètres fixes. Ce choix formel reflète son désir de rendre la poésie plus fluide et plus proche de la réalité du monde moderne. L’absence de ponctuation, qui est souvent présente dans les poèmes d’Alcools, participe également à cette fluidité et donne un effet de continuité et de mouvement, comme un flot de pensées.
  • Les calligrammes : Apollinaire est l’un des premiers poètes à expérimenter le calligramme, un poème visuel où les mots forment des dessins qui illustrent le thème du poème. Les calligrammes viennent bousculer la poésie traditionnelle en mêlant l’écriture et l’image, et ce geste d’intégration de la forme visuelle dans le poème est une des innovations majeures du recueil.
  • Le poème en prose : en plus des vers libres et des calligrammes, Apollinaire utilise aussi la prose poétique dans des poèmes comme « Le Vieux Pont », un texte en prose qui garde une musicalité et un rythme proches du vers. Ce mélange des formes poétiques et de la prose permet à Apollinaire de renouveler le genre et de lui insuffler une plus grande liberté.

Un ouvrage important dans l’histoire littéraire
Alcools est rapidement reconnu comme une œuvre importante de la poésie moderne. Son influence est immense, et le recueil marquera de nombreux poètes et artistes. Apollinaire est souvent vu comme un précurseur du mouvement surréaliste, en raison de sa recherche de nouvelles formes d’expression poétique, de son utilisation du langage et de ses préoccupations modernistes.

Citation clé« Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire. » (« Nuit rhénane »)

(Plusieurs éditeurs) : Prix moyen : 3,40€

Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal (1939) ***

Rédigé en 1939, le Cahier d’un retour au pays natal est écrit par Aimé Césaire, poète et homme politique français (martiniquais), pendant sa période d’études à Paris, où il fréquente le Lycée Louis-le-Grand et la Sorbonne. Le Cahier d’un retour au pays natal est considéré comme l’une des œuvres majeures de la poésie francophone du XXème siècle. Ce long poème en vers libres constitue un texte fondateur de la négritude, mouvement qui vise à célébrer l’identité noire, et à redonner de la fierté aux peuples colonisés en valorisant leur culture et leurs traditions.

Le poète évoque dans une sorte de monologue intérieur son retour en Martinique où il se confronte à l’impact de la colonisation sur la culture et l’identité des peuples noirs : Césaire cherche ainsi à affirmer la spécificité et la richesse des cultures africaines et caribéennes, tout en dénonçant l’exploitation, la dépossession et la déshumanisation subies par les Noirs dans le contexte colonial. Par le biais de la poésie, l’auteur développe un langage riche en images, en métaphores et en rythmes, qui exprime la douleur de la perte culturelle et célèbre la beauté et la dignité des cultures noires. La douleur de la terre natale, marquée par l’histoire de l’esclavage, se mêle à la quête de liberté, de dignité et de reconnaissance.

La question de l’exil et du « retour au pays natal » est fondamentale : l’auteur cherche à renouer avec ses racines à travers l’écriture poétique, présentée comme un acte de résistance et d’émancipation. Le recueil se divise en plusieurs sections, dans lesquelles on peut identifier les thèmes suivants : la révolte contre le colonialisme et l’esclavage ; l’identité noire et la négritude ; la quête de liberté et d’émancipation. 

Un style puissant

  • Le style du Cahier est marqué par un langage très travaillé, profondément lyrique et parfois brutal, afin d’exprimer la révolte et la colère intérieure de l’auteur qui invente une poésie vibrante, exaltée, qui dépasse les frontières de la forme littéraire classique pour devenir un cri contre l’injustice et une célébration de la culture noire. Césaire utilise des métaphores frappantes, des images fortes et une syntaxe éclatée, mélangeant plusieurs influences : le symbolisme, le surréalisme, et la poésie de l’oralité, ce qui confère au texte une dimension à la fois épique et intime, mystérieuse et expressive.
  • L’utilisation de la première personne du singulier (le « je ») et du pluriel (« nous ») invite à une identification à la fois individuelle et collective et permet à l’auteur de libérer des émotions longtemps refoulées par l’oppression et le déni d’identité. L’écriture se caractérise également par des ruptures stylistiques, notamment dans l’usage de la ponctuation. Cette forme hybride et souvent fragmentée reflète l’effervescence intérieure du poète et la complexité de son engagement.

Réception
Dès sa publication, le Cahier d’un retour au pays natal a eu un impact considérable dans le monde littéraire et politique. Il est rapidement devenu un manifeste pour les intellectuels et artistes noirs, en particulier en Afrique et dans les Caraïbes.

Citation clé : « ma négritude n’est pas une taie d’eau morte sur l’oeil mort de la terre/ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale/elle plonge dans la chair rouge du sol/elle plonge dans la chair ardente du ciel ».

Présence africaine (Poésie) : Prix moyen : 6,00 €

Jacques Prévert, Paroles (1946) *

Ce recueil rassemble 95 poèmes rédigés dans des formes très variées : le plus souvent en prose ou en vers libres, ou sous forme de dialogue. Le poète y dénonce la violence sociale, la misère et la guerre (« Barbara ») mais aussi la religion (« Pater Noster ») et propose une réflexion sur la poésie et l’art (« Promenade de Picasso »). Paroles est l’une des œuvres majeures du poète : on y retrouve des influences surréalistes mais aussi une poésie qui se revendique populaire, accessible et engagée. Dans ce recueil, Prévert cherche à démystifier la poésie, en utilisant un langage simple et direct, tout en abordant des thèmes graves liés à la condition humaine, à l’amour, à la guerre, à la société, et à la liberté.

Contexte de publication
Paroles a été publié en 1946, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans un climat de profonds bouleversements sociaux et politiques. L’auteur, proche des idées communistes s’engage à travers ses poèmes contre les injustices sociales, les inégalités et les horreurs de la guerre. La publication du recueil coïncide avec l’une des périodes de grande popularité de Prévert, qui a également écrit des scénarios de films célèbres, comme Les Enfants du Paradis, ou participé à l’écriture de chansons comme « Les Feuilles mortes« , dont la mélodie célèbre composée par Joseph Kosma a fait le tour du monde.

Aspects importants

  • Paroles est un recueil de poèmes très variés abordant des sujets multiples qui reflètent la vision critique de Prévert sur le monde. Le recueil est divisé en plusieurs sections qui comportent des poèmes très courts, souvent sous forme de monologues ou de dialogues, parfois proches de l’aphorisme. L’écriture est vivante, populaire, parfois naïve, ludique, voire ironique. Les poèmes, souvent remplis de doubles sens, de sous-entendus et d’images fortes ont ainsi une grande intensité émotionnelle.
  • En jouant sur les sonorités, les rythmes et les images, Prévert mêle à la dénonciation sociale des scènes de la vie quotidienne (« Déjeuner du matin », « Paroles de tous les jours »), des réflexions sur l’amour et la liberté, et des critiques de la guerre et des injustices (« Barbara »). En utilisant un langage accessible qui donne à ses poèmes un aspect « parlé », proche de la conversation et de l’oralité, Prévert parvient à toucher un large public, tout en parvenant à faire de la poésie un moyen de communication pour dénoncer les injustices (« Le cancre ») et partager des réflexions philosophiques et politiques avec les plus humbles.
  • Plusieurs de ses poèmes, souvent récités ou chantés, ont été repris dans des spectacles et des films. Leur musicalité participe de cette proximité avec le public : le but de l’auteur étant de célébrer la liberté créatrice (nombreux jeux de mots et métaphores), en opposition avec l’autorité et le système qui apparaissent souvent (de façon assez manichéenne), hypocrites et absurdes. 

Réception et influence
Grâce à sa capacité à être à la fois simple et profonde, et à toucher un large public, Paroles rencontre un immense succès populaire dès sa publication en 1946. L’influence de Prévert se fait sentir auprès de nombreuses générations de poètes, d’écrivains ou de chanteurs (Renaud), notamment pour son engagement social et sa recherche d’une poésie plus accessible et plus démocratique, qui parle à tous.

Citation clé : « Rappelle-toi Barbara/N’oublie pas/Cette pluie sage et heureuse/Sur ton visage heureux […] Oh Barbara/Quelle connerie la guerre/Qu’es-tu devenue maintenant/Sous cette pluie de fer/De feu d’acier de sang […] (« Barbara »).

Folio, Prix indicatif : 8,50€

3. Objet d’étude : Le roman et le récit du Moyen-Âge au XXIème siècle

  • Œuvre intégrale : Colette, Sido (1930) ; Les Vrilles de la vigne (1908) (un seul volume)
  • Édition : au choix de l’élève
  • Parcours : « La célébration du monde »

Lectures cursives possibles : 

Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire (posth. 1772) ***

Rousseau fait partie des philosophes des Lumières, mais il est également un des précurseurs du mouvement romantique. Dans les Rêveries, le philosophe raconte comment, retiré du monde, il profite désormais d’une existence apaisée au contact de la nature. Cette œuvre se présente comme un journal intime dans lequel l’auteur exprime ses réflexions et ses états d’âme tout en se promenant dans la nature. Le texte est à la fois une méditation philosophique et une célébration de la solitude et du monde naturel.

En dix courtes « promenades » Rousseau évoque avec nostalgie les moments de bonheur intense qu’il a vécus autrefois. L’auteur célèbre le retour à la nature comme un moyen d’atteindre une forme de vérité et de pureté. Il montre en particulier que la contemplation de la nature permet à l’individu de se rapprocher de son essence, loin des artifices et des conventions de la société.Tout est placé sous le signe du calme et de la sérénité. Rousseau exprime dans ces pages la plénitude et l’harmonie qu’il partage avec le monde qui l’entoure.

Thèmes importants :

  • La nature comme lieu de réconciliation avec soi-même : la nature, dans Les Rêveries, n’est pas seulement un décor, elle devient un partenaire dans la quête existentielle de Rousseau à travers ses promenades solitaires, le narrateur cherche à trouver une forme d’équilibre et de sérénité, loin du tumulte de la vie sociale. La nature devient ainsi un refuge contre les préoccupations humaines superficielles, un lieu où il peut renouer avec un état de pureté originelle.
  • La célébration du retour à la simplicité : en s’opposant à l’artificialité de la société, Rousseau célèbre dans ce texte l’authenticité, la simplicité des rapports humains et le retour aux valeurs essentielles de l’existence. Il pense que l’homme moderne, corrompu par les conventions sociales, doit chercher l’harmonie dans la simplicité de la nature.
  • L’exaltation de la solitude : contrairement à une vision négative de la solitude, Rousseau y voit au contraire une forme d’accomplissement et l’occasion de communier plus directement avec soi-même et avec le monde. Dans la solitude, il parvient à une forme de sagesse et de lucidité sur sa propre condition, loin de l’agitation sociale.

Citation clé : « Ayant donc formé le projet de décrire l’état habituel de mon âme dans la plus étrange position où se puisse jamais trouver un mortel, jje n’ai vu nulle part manière plus simple et plus sûre d’exécuter cette entreprise que de tenir un registre fidèle de mes promenades solitaires et des rêveries qui les remplissent quand je laisse ma tête entièrement libre, et mes idées suivre leur pente sans résistance et sans gêne. Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi […] ».

Folio, Prix indicatif : 2,50€

Bertrand Vergely, Retour à l’émerveillement (2010) ***

Dans cet essai philosophique passionnant mais difficile de lecture, Bertrand Vergely remet au premier plan le verbe « s’émerveiller » et le conçoit comme une façon de regarder le monde avec empathie et bienveillance. L’auteur invite le lecteur à renouer avec l’émerveillement, une capacité essentielle que la vie moderne aurait tendance à étouffer. L’ouvrage critique la modernité et ses excès : la rationalisation du monde, l’hyperconsommation et la surabondance d’informations nous ont fait oublier la valeur de savoir s’émerveiller. Dans un monde où tout semble régi par la logique et la performance, l’émerveillement est souvent perçu comme une perte de temps. Bertrand Vergely montre au contraire que notion l’émerveillement est un acte de reconnexion avec le monde, la beauté et la profondeur de l’existence.

Ce « retour à l’émerveillement » est présenté non seulement comme un moyen de redonner du sens à la vie, mais aussi comme un outil pour surmonter les défis et les désillusions de la société contemporaine. L’auteur incite ainsi le lecteur à retrouver l’esprit d’enfance, c’est-à-dire la capacité d’émerveillement, afin de renouer avec une vision plus pure du monde, mais aussi pour reconnecter l’individu avec la beauté, la transcendance et la vérité.

L’essai invite également à revisiter les traditions spirituelles, qui, selon l’auteur, possédaient une approche plus sensible de l’émerveillement. Vergely évoque la sagesse des grands penseurs et mystiques qui, loin d’être déconnectés du monde, ont su appréhender la beauté du monde dans ses aspects les plus simples. Il s’agit ici de redonner une place à la contemplation et à la réceptivité à l’émerveillement dans nos vies, en ne la réduisant pas à une simple réaction passagère mais à un acte de sagesse. L’émerveillement ouvre ainsi un espace pour l’âme, le cœur et l’esprit, permettant à l’individu de se relier à des valeurs profondes et universelles. Ainsi, cet essai se veut une invitation à redécouvrir le pouvoir transformateur de l’émerveillement et à le réintégrer dans nos vies pour qu’elles soient plus riches, plus authentiques et plus porteuses de sens.

Citation clé : « Le monde est très matériel. Et pourtant il est très spirituel. Une montagne l’hiver a beau être un tas de cailloux avec de la neige comme le dit un matérialiste ordinaire, ce n’est pas un tas de cailloux avec de la neige, c’est de la beauté. »

Folio, Prix indicatif : 9,50€

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie (2010) **

Dans les forêts de Sibérie est un récit autobiographique de voyage et de méditation dans lequel Sylvain Tesson relate son expérience d’isolement volontaire au cœur de la nature sibérienne. Ce ivre est donc le journal d’une expérience extrême : c’est aussi l’occasion d’une réflexion écologiste et humaniste de l’auteur, qui se demande comment l’être humain peut vivre sans nuire à la planète.

Ce récit de voyage est facile à lire. Vous pourrez centrer votre attention sur les thèmes suivants :

  • l’aventure en solitaire : endant six mois, l’auteur choisit de s’exiler dans une cabane isolée, perdue au milieu des vastes étendues sauvages de Sibérie. Ce choix radical de quitter le tumulte de la société moderne lui permet de vivre en totale autonomie, en symbiose avec un environnement à la fois hostile et fascinant.
  • La célébration de la nature et de la solitude : loin des artifices de la vie citadine, Tesson explore la relation intime et apaisante qu’il entretient avec la nature. La solitude, loin d’être un état d’isolement négatif, devient ici une source de liberté, de réflexion et d’émerveillement. À travers ses descriptions minutieuses des paysages sibériens, l’auteur nous invite à redécouvrir le rythme lent et authentique de la vie en harmonie avec la nature.
  • Une quête introspective et philosophique : l’ouvrage peut se lire comme une méditation sur le temps, la liberté et le sens de l’existence. Tesson y questionne la frénésie de la modernité, le rapport à la nature et la manière dont l’isolement peut offrir une meilleure compréhension de soi-même.

Un style littéraire alliant poésie et description réaliste

La plume de Sylvain Tesson se distingue par sa capacité à rendre compte de la beauté sauvageet souvent impitoyable du milieu naturel tout en y insufflant une dimension lyrique et méditative. Ses descriptions, tantôt réalistes, tantôt contemplatives, offrent au lecteur une immersion sensorielle dans un univers à la fois grandiose et intimiste.

Le message du livre

Dans les forêts de Sibérie est une invitation à repenser notre rapport au monde. En valorisant l’expérience de l’isolement et le pouvoir régénérateur de la nature, Sylvain Tesson propose une réflexion sur les vertus de la lenteur, face au monde moderne, dominé par l’accélération permanente. Dans les forêts de Sibérie illustre donc le thème de « la célébration du monde » en offrant une immersion poétique et méditative dans la nature sauvage. C’est une invitation à l’émerveillement et à la réflexion : à travers son récit, Tesson nous encourage à prendre du recul et à redécouvrir la capacité d’émerveillement que le monde moderne tend à faire oublier.

Citation clé : « Assez tôt, j’ai compris que je n’allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m’installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie. J’ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal. Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j’ai tâché d’être heureux. […] Les théoriciens de l’écologie prônent la décroissance. Puisque nous ne pouvons pas continuer à vivre une croissance infinie dans un monde aux ressources raréfiées, nous devrions ralentir nos rythmes, simplifier nos existences, revoir à la baisse nos exigences. »

Folio, Prix indicatif : 9,00€

Sylvain Tesson, La Panthère des neiges, 2019 (Prix Renaudot)**

Dans ce récit de voyage, l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson, accompagné par le photographe animalier Vincent Munier partent au Tibet oriental pour tenter d’apercevoir la panthère des neiges, un animal rare et énigmatique. Dans l’ouvrage, Tesson mêle exploration, poésie, méditation sur la nature, et réflexion sur l’humain et le temps.

Le livre retrace cette aventure extraordinaire et périlleuse dans les montagnes himalayennes, où les deux hommes passent plusieurs jours à scruter les pentes enneigées, en quête d’un signe, d’une apparition furtive de l’animal. C’est une immersion dans une nature sauvage et sublime, mais aussi un exercice de patience et de discipline. Tesson, à travers ce voyage, nous invite à une contemplation profonde de la nature et à une réflexion sur la place de l’Homme dans cet environnement. La quête de la panthère des neiges devient aussi une quête spirituelle, où l’auteur observe le lien entre l’Homme et l’animal.

Les observations sur la beauté des paysages et la faune sont entrecoupées de réflexions sur la solitude, la contemplation, et le temps. L’auteur explore aussi les rapports entre l’Homme et l’animal, souvent distants, parfois admiratifs, et la façon dont la nature résiste à la civilisation.

Thèmes principaux

  • La nature sauvage et sublime : Le livre est une méditation sur la beauté brute et indomptée de la nature. Les paysages tibétains, aussi majestueux qu’inhospitaliers, sont à la fois fascinants et impitoyables. L’isolement des montagnes sert de cadre à l’introspection et à la contemplation silencieuse. Tesson nous fait vivre cette aventure en pleine nature, où la civilisation semble lointaine, presque inexistante. La nature devient un lieu sacré, de silence et de vérité.
  • La réflexion sur le temps : La quête de la panthère des neiges est avant tout un exercice de patience. Tesson et Munier passent des heures, puis des jours, à attendre, à observer. Cela devient une sorte de pratique méditative où l’instant présent est vécu avec intensité, sans impatience ni précipitation. Cette expérience de lenteur, d’attente et d’observation invite le lecteur à ralentir le rythme de sa propre vie et à porter attention aux détails souvent négligés. Le livre évoque ainsi une forme de temporalité différente, où l’Homme doit s’adapter au rythme de la nature, où chaque seconde d’attente devient une expérience précieuse qui renvoie à la lenteur de la contemplation et à la nécessité d’échapper à la frénésie du monde moderne.
  • La quête spirituelle : À travers la recherche de la panthère des neiges, Sylvain Tesson entreprend aussi une quête personnelle et spirituelle. L’animal devient une métaphore de ce qui échappe à la vision humaine, de ce qui résiste au monde moderne. Tesson explore ce qu’il y a d’indicible et de mystérieux dans la nature, et dans l’Homme lui-même.
  • L’Homme et l’animal : La rencontre avec l’animal, bien que rare et furtive, soulève des questions éthiques sur les rapports entre l’Homme et la faune sauvage. L’auteur réfléchit sur l’intervention humaine dans les écosystèmes.
Le style du livre
  • Le style de Sylvain Tesson est à la fois poétique, philosophique et très vivant. Ses descriptions de la nature, de la faune et des paysages parviennent à plonger le lecteur dans l’atmosphère sauvage et mystérieuse du Tibet avec une grande intensité, invitant le lecteur à vivre le voyage à ses côtés.
  • Comme dans ses autres ouvrages, Tesson s’engage également dans une réflexion sur l’existence et la place de l’Homme dans la nature. Les références littéraires nombreuses (écrivains, penseurs, philosophes, poètes…) confèrent à l’ouvrage un riche intérêt culturel.
Portée du livre
  • La Panthère des neiges a été largement salué pour sa beauté littéraire et pour la profondeur de ses réflexions sur la nature et les rapports entre l’humain et l’animal. Le livre a reçu le prix Renaudot en 2019.

Citation clé : « On attendait une ombre, en silence, face au vide. C’était le contraire d’une promesse publicitaire : nous endurions le froid sans certitude d’un résultat. Au « tout, tout de suite » de l’épilepsie moderne, s’opposait le « sans doute rien, jamais » de l’affût. Ce luxe de passer une journée entière à attendre l’improbable !

Folio, Prix indicatif : 8,50 €

4. Objet d’étude : Le théâtre du XVIIème au XXIème siècle

  • Œuvre intégrale obligatoire : Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour (1834)
  • Édition : au choix de l’élève (éd. recommandée : Hatier : 2,70€)
  • Parcours : « Les jeux du cœur et de la parole »

Pierre Corneille, Le Cid, 1637 (version définitive : 1661) **

Le Cid est une pièce splendide légitimement considérée comme une œuvre magistrale du théâtre français. La pièce est une tragi-comédie : elle met en scène des dilemmes moraux, des conflits d’honneur, de devoir et de passion. A la différence d’une tragédie, le dénoument est heureux.

L’histoire

Rodrigue et Chimène sont sur le point de se marier mais une grave querelle oppose leurs pères : à la suite d’une rivalité, le Comte, père de Chimène, gifle don Diègue, père de Rodrigue. L’affront ne peut être réparé que par la mort du Comte, mais don Diègue, trop vieux, remet son épée à Rodrigue pour venger son honneur. Rodrigue doit alors faire face à un douloureux dilemme : perdre Chimène ou son honneur. Que fera Rodrigue, déchiré entre son amour pour Chimène et son devoir filial envers son père ? Lors d’un duel inoubliable, Rodrigue tue Don Gomès. Chimène, bien que profondément amoureuse de Rodrigue, se trouve également face à un dilemme moral : elle doit demander justice pour la mort de son père, mais elle aime celui qui l’a tué…

Thèmes principaux
  1. Le conflit entre l’amour et l’honneur
    L’honneur est le thème central de la pièce. Les personnages sont constamment tiraillés entre leur devoir envers la famille, la société et leur amour. Le dilemme moral entre venger un père ou aimer celui qui l’a tué est au cœur de l’intrigue. Rodrigue et Chimène sont pris dans un conflit entre leur amour et leur devoir envers leurs familles respectives. Rodrigue doit honorer son père, mais cela implique de tuer l’homme qu’il aime. Chimène, bien qu’amoureuse de Rodrigue, se trouve dans la position d’une femme qui doit choisir entre son amour pour Rodrigue et la vengeance.
  2. Le destin et la destinée
    Le Cid explore l’idée que les personnages sont contraints par leur destin, leurs actions étant largement dictées par des valeurs culturelles d’honneur et de devoir. Les personnages ne peuvent échapper aux normes sociales de leur époque, ce qui les conduit à faire des sacrifices personnels. La pièce peut ainsi se lire comme un irréversible enchaînement de causes et de conséquence qui devrait fatalement mener les personnages à la mort. La pièce pourtant ne s’achève pas de manière tragique : son dénouement heureux adoucit ainsi la dureté du destin. Le genre de la tragi-comédie permet ainsi une tension dramatique intense, sans pour autant aboutir à une fin funeste.
  3. La guerre et la gloire militaire
    L’action héroïque et les victoires militaires sont des aspects importants dans la pièce. Rodrigue devient un héros de guerre, mais sa gloire ne suffit pas à résoudre ses conflits intérieurs. Cette tension entre les honneurs militaire et le monde personnel est un autre point central de la pièce.
Réception et influence

Le Cid a été accueilli avec enthousiasme par le public, mais certains critiques, comme les partisans de la règle des trois unités, ont reproché à Corneille de s’affranchir de ces règles (c’est un point important à travailler pour l’oral). La pièce a aussi provoqué un débat intense quant à la question de la bienséance et de la moralité au théâtre. Vous pouvez voir à ce sujet le dossier pédagogique que l’Académie française a consacré à la « querelle du Cid ». Indépendamment de ces débats, Le Cid demeure une œuvre incontournable du répertoire théâtral français. Avec son exploration profonde des dilemmes moraux liés à l’honneur, à l’amour et au devoir, elle continue d’être étudiée et jouée dans le monde entier.

Citation clé :

ELVIRE : Il vous prive d’un père, et vous l’aimez encore !
CHIMÈNE : C’est peu de dire aimer, Elvire : je l’adore ;
Ma passion s’oppose à mon ressentiment ;
Dedans mon ennemi je trouve mon amant ;
Et je sens qu’en dépit de toute ma colère
Rodrigue dans mon cœur combat encor mon père. (Acte III, scène 3)

Prix indicatif (plusieurs éditeurs) : entre 3€ et 4€

William Shakespeare, Roméo et Juliette, vers 1597 *

Roméo et Juliette est une des tragédies les plus célèbres et les plus belles du théâtre. Elle met magnifiquement en scène l’amour impossible entre deux jeunes gens issus de familles rivales, les Montaigu et les Capulet, à Vérone.

L’intrigue

Roméo Montaigu, mélancolique à cause d’un amour non partagé, se rend à un bal masqué chez les Capulet, où il rencontre Juliette. Malgré l’hostilité de leurs familles qui sont ennemies, ils tombent immédiatement amoureux et échangent des vœux d’amour. Avec l’aide de Frère Laurent, ils se marient en secret. Mais peu après, Tybalt, le cousin de Juliette, provoque Roméo en duel. Mercutio, l’ami de Roméo, est tué, et Roméo venge sa mort en tuant Tybalt. Condamné à l’exil par le Prince de Vérone, il quitte Juliette après leur nuit de noces.

Pendant ce temps, les Capulet forcent Juliette à épouser Pâris. Désespérée, elle accepte un plan de Frère Laurent : boire une potion qui la fera passer pour morte. Roméo, croyant à son décès, se procure du poison et se rend à son tombeau. Il y tue Pâris, boit le poison et meurt aux côtés de Juliette. Lorsqu’elle se réveille et découvre le corps de Roméo, elle se suicide avec son poignard. Le drame se termine par la réconciliation des Montaigu et des Capulet, unis dans la douleur.

Thèmes principaux

  • L’amour passionné et tragique : c’est le thème principal de la pièce. L’intrigue est centrée autour d’un amour intense et immédiat, qui transcende les interdits sociaux et familiaux. 
  • Le destin et la fatalité : la fatalité joue un rôle déterminant dans la tragédie. Dès le début de la pièce, les amants sont présentés comme un couple dont l’amour est voué à l’échec car il prend naissance sous des « étoiles contraires » (« star-crossed lovers »). Leurs efforts pour contourner les obstacles sont continuellement contrariés par des événements hors de leur contrôle. Les héros doivent se battre contre le destin, la fatalité, les conventions sociales, etc.) et leur grandeur tragique naît a la fois de leur refus de se soumettre et de leur vanité dérisoire de faire triompher un amour, inéluctablement voué à l’échec.
  • Le conflit familial et la haine : le conflit entre les Montaigu et les Capulet est une source de violence tout au long de la pièce. Cette violence est la cause directe de la tragédie et elle illustre les effets destructeurs de la haine irrationnelle et de l’intolérance.
  • La fougue de la jeunesse : Roméo et Juliette sont jeunes : leur manque de maturité et leur impulsivité les conduisent à des décisions précipitées qui les amènent fatalement à leur perte.

Roméo et Juliette est une œuvre emblématique de la littérature, illustrant la puissance destructrice de la haine et la force d’un amour absolu, souvent vu comme l’incarnation du romantisme tragique. Cette pièce illustre très bien le thème du parcours « Les jeux du cœur et de la parole », en mettant en scène la puissance de l’amour et l’importance du langage dans la construction et la tragédie des sentiments.

L’histoire de Roméo et Juliette repose sur un coup de foudre immédiat, amplifié par le jeu des déclarations et des promesses amoureuses. Dès leur rencontre au bal, le dialogue entre les deux amants suit une forme poétique et lyrique : le langage devient un véritable jeu du cœur, un moyen d’exalter et de sublimer leur amour. Mais la parole constitue également un moteur de l’action et de la tragédie. Le serment d’amour au balcon (Acte II, scène 2) est une scène mythique : Roméo et Juliette échangent des vœux d’amour sous la forme d’un dialogue vibrant, où la parole surmonte les interdits familiaux.

Prolongement intéressant : West Side Story (1961)

Sorti en 1961, West Side Story est un film musical américain réalisé par Jerome Robbins et Robert Wise : cette réécriture moderne de Roméo et Juliette transpose l’intrigue tragique de Shakespeare dans le contexte urbain et social de l’Amérique des années 1950. Là où Roméo et Juliette oppose deux familles ennemies, West Side Story met en scène deux gangs rivaux, les Jets (jeunes blancs) et les Sharks (jeunes d’origine portoricaine), illustrant ainsi des tensions raciales et culturelles contemporaines. Comme dans la pièce de Shakespeare, l’amour naissant entre Tony (ancien membre des Jets) et Maria (sœur de Bernardo, le leader des Sharks) se heurte aux barrières imposées par la haine et les préjugés, annonçant dès le départ un amour tragique. En replaçant l’action dans un New York gangrené par les conflits ethniques et la violence urbaine, la réécriture met en lumière des problématiques modernes telles que l’immigration, l’exclusion sociale et le racisme, rendant le récit encore plus poignant. Un film incontournable.

Citation clé :

JULIETTE – Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.
ROMEO à part. – Dois-je l’écouter encore ou lui répondre ?
JULIETTE – Ton nom seul est mon ennemi. Tu n’es pas un Montaigu, tu es toi-même. Qu’est-ce qu’un Montaigu ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d’un homme… Oh ! sois quelque autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s’appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu’il possède… Roméo, renonce à ton nom ; et à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.
ROMEO – Je te prends au mot ! Appelle-moi seulement ton amour et je reçois un nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo. (Acte II, scène 2)

Flammarion (« Etonnants classiques ») : 2,90€

Molière, Dom Juan ou le Festin de Pierre, 1665 *

Dom Juan est une comédie de caractère et de mœurs en cinq actes et en prose. Elle met en scène un personnage complexe et audacieux, Dom Juan, jeune noble libertin, qui incarne une rébellion contre les normes sociales et religieuses de son époque. Cette pièce où se mêlent tous les registres, du comique farcesque au sérieux, voire au tragique, est l’une des œuvres les plus célèbres de Molière, et elle a fait l’objet de nombreuses interprétations et débats, notamment en raison du personnage principal qui défie les conventions morales et religieuses. 

Résumé de l’intrigue

Dom Juan, jeune homme charmant et séduisant, mais profondément immoral et dénué de scrupules, trompe sa femme, Elvire, avec d’autres femmes, et utilise son charisme pour manipuler et abuser de ceux qu’il rencontre. Dom Juan est également en quête constante de plaisir, qu’il recherche sans se soucier des conséquences, et il se joue de la religion et des codes sociaux. Le serviteur de Dom Juan, Sganarelle, valet couard et glouton, sert de faire-valoir comique dans la pièce. Il incarne la conscience morale et tente de faire revenir son maître sur le droit chemin. Il représente aussi la voix du bon sens, mais Dom Juan, imbu de lui-même, le méprise et continue ses aventures.

Un des moments clés de la pièce est la rencontre de Dom Juan avec la statue du Commandeur, un homme qu’il a tué dans un duel l’année précédente et dont il invite la statue à venir partager son dîner le soir même. La statue, par un miracle, accepte de venir dîner avec lui et le prévient qu’il sera puni pour ses crimes. Dom Juan se moque de cette menace et de la statue, mais pour le dénouement de sa comédie, Molière fait appel à un deus ex machina, c’est-à-dire un artifice : la statue saisit la main de Dom Juan dom Juan pour le précipiter dans les flammes de l’enfer, symbolisant ainsi la vengeance divine.

Les deux personnages principaux :

  • Dom Juan : Le protagoniste, un jeune noble séducteur, débauché et cynique. Il défie l’autorité divine et morale, menant une vie d’aventure et de plaisir sans souci des autres. C’est un personnage complexe qui incarne la transgression et l’hypocrisie.
  • Sganarelle : Le valet de Dom Juan. Bien que moral et parfois plus sage que son maître, il est largement complice des actions de Dom Juan et vit de la même manière hypocrite, en particulier dans sa peur des représailles divines. Il sert aussi de personnage comique dans la pièce.
Thèmes principaux
  • La transgression et l’immoralité : Dom Juan incarne l’individu libertin et débauché, qui refuse toutes les normes sociales, religieuses et morales. Son attitude envers la religion, l’honneur, et la fidélité est un défi constant à l’ordre établi. Il ne se soucie ni des conséquences de ses actions ni des conventions de son époque. Son mode de vie est celui de l’hédonisme absolu, recherchant uniquement le plaisir et la satisfaction des sens.
  • L’hypocrisie : Dom Juan, malgré son apparente absence de moralité, utilise l’hypocrisie pour manipuler son entourage. Il se montre courtois et respectueux envers ceux qu’il veut séduire ou manipuler, mais sa nature profonde est celle d’un cynique qui se joue des croyances et des valeurs de la société.
  • La critique de la religion : La pièce critique l’hypocrisie religieuse à travers le personnage de Dom Juan. Bien qu’il se moque ouvertement de la foi chrétienne et des pratiques religieuses, il est finalement confronté à la justice divine par l’apparition de la statue du Commandeur. Cette rencontre symbolise l’irréversibilité de la punition divine, qui est la conséquence d’une vie de débauche et d’immoralité.
  • Le comique : À travers des personnages comme Sganarelle, Molière utilise le comique de situation et de caractère pour adoucir les aspects plus sombres de la pièce. Les dialogues entre Sganarelle et Dom Juan sont souvent pleins de malentendus et de quiproquos, apportant une légèreté à cette comédie.
  • Le destin et le châtiment : La figure de la statue et l’intervention divine rappellent que, malgré sa débauche et son mépris des règles sociales, Dom Juan ne pourra échapper à son destin. La pièce se termine sur une note tragique, où la justice divine est exercée contre l’hypocrisie et l’immoralité de Dom Juan, ce qui rétablit l’ordre moral et la bienséance.
Citation clé :

DOM JUAN (à Sganarelle). – Quoi ? tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non : la constance n’est bonne que pour des ridicules […]. (Acte I, scène 2)

Prix indicatif (plusieurs éditeurs) : environ 3,20 €

 

Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730 *

Le Jeu de l’amour et du hasard est une œuvre brillante de Marivaux qui joue avec les codes de la comédie et de l’amour tout en offrant une réflexion sur les apparences, la vérité et les relations humaines. C’est une comésie en trois actes et en prose où les jeux de rôle, les déguisements, les malentendus et les quiproquos permettent aux personnages de découvrir leurs vrais sentiments, tout en mettant en lumière la complexité des rapports amoureux et sociaux.

Une intrigue originale

Souhaitant marier sa fille Silvia à un homme riche et respectable, monsieur Orgon arrange un mariage avec Dorante, un jeune homme noble. Cependant, Silvia, malheureuse à l’idée de ce mariage arrangé, demande à son père de la laisser se déguiser en servante pour éprouver les sentiments de celui que son père lui destine, Silvia échange donc sa place avec sa servante Lisette. Mais ce qu’elle ignore, c’est que Dorante, son prétendant, a eu la même idée pour les mêmes raisons ; il va donc se présenter sous l’apparence d’un serviteur nommé « Bourguignon », tandis que son fidèle valet, Arlequn se fait passer pour lui. Le père de Silvia, Monsieur Orgon, s’amuse de la situation et décide de laisser s’engager ce « jeu de l’amour et du hasard ».

Dans cette comédie amoureuse, où les obstacles ne sont pas le fait d’un père autoritaire, de l’argent ou du milieu social, mais des cœurs mêmes, Marivaux explore les méandres du cœur humain à travers des rebondissements très drôles : les deux jeunes gens se rencontrent en effet sous des identités falsifiées, et ils commencent à se connaître à travers un jeu de rôles et de déguisements. Mais au fur et à mesure, les véritables sentiments de chacun émergent, et les rapports entre les personnages se compliquent avec des quiproquos, des révélations et des situations cocasses.

Thèmes principaux :

  • Les jeux du cœur et de la parole : la pièce illustre parfaitement le thème des jeux du cœur et de la parole : les personnages manipulent leur discours et leurs rôles pour tester et mieux comprendre leurs sentiments réciproques. Ce jeu de déguisements et de faux-semblants crée un espace où les émotions véritables se mêlent aux stratégies et aux artifices des personnages. Silvia et Dorante se livrent à un jeu de séduction tout en se cachant derrière des identités fausses, rendant leurs échanges riches en malentendus et en révélations. La comédie de Marivaux repose en effet sur des quiproquos et des situations où les personnages jouent des rôles pour tromper l’autre, ce qui donne lieu à des dialogues brillants et des situations particulièrement comiques.
  • Le « marivaudage » : dans Le Jeu de l’amour et du hasard, les personnages ne s’avouent pas immédiatement leur amour. Ils passent par une série d’épreuves et de joutes verbales, où ils testent la sincérité de l’autre.Ce processus de découverte est caractéristique du marivaudage, où l’amour n’est jamais immédiat mais évolue à travers la réflexion et l’échange. Lle marivaudage est en effet un jeu subtil de séduction basé sur l’échange d’idées et d’émotions, souvent exprimé à travers un dialogue raffiné et spirituel : les échanges sont marqués par des sous-entendus, des jeux de mots et une analyse fine des émotions. Ce « flirt verbal » offre une analyse psychologique très subtile des sentiments : Ainsi, Silvia et Dorante jouent au chat et à la souris, exprimant de façon détournée leurs sentiments avant de s’avouer finalement leur amour. Le marivaudage met donc en avant la complexité des sentiments amoureux et les hésitations entre la raison et le cœur.
  • L’amour et la raison : les personnages doutent de l’amour de l’autre car ils pensent aimer un être d’un rang social différent du leur. Silvia hésite entre son attirance pour Dorante et la crainte de tomber amoureuse d’un homme qui ne serait qu’un valet. De son côté, Dorante lutte également entre son cœur et sa raison, croyant n’aimer qu’une simple servante.
  • Une critique sociale sous-jacente : Marivaux explore l’idée que l’amour ne peut être compris pleinement que lorsque les apparences sont mises de côté et que les individus se montrent tels qu’ils sont réellement, sans artifices. Le dénouement de la pièce montre que, malgré les jeux, c’est l’amour véritable qui triomphe une fois les identités dévoilées. derrière ce jeu amoureux, Marivaux questionne ainsi la rigidité des classes sociales : est-il possible d’aimer au-delà du rang social ? Si l’amour se révèle plus fort que les conventions, le stratagème du déguisement montre que les préjugés existent et doivent être surmontés.
Citation clé :

SILVIA – Dans le mariage, on a plus souvent affaire à l’homme raisonnable qu’à l’aimable homme. (Acte I, scène 1)

Prix indicatif (plusieurs éditeurs) : environ 3,20 €