Classe de Seconde 1 Période de formation 2 (2011-2012)

Classe de Seconde 1 Période de formation 2 : le roman
Mardi 3 janvier 2012 – Samedi 25 février 2012

 
 

Une Vie de Maupassant, Thérèse Desqueyroux de Mauriac,
Deux destins de femmes

  • Lecture intégrale : Une Vie (édition au choix de l’élève)
  • Lecture cursive : Thérèse Desqueyroux (édition au choix de l’élève)
    Les deux romans sont consultables gratuitement sur Internet (cliquez sur chaque titre) : Une Vie ; Thérèse Desqueyroux
  • Support de cours disponible en ligne : Je vous propose d’élargir vos questionnements grâce à cette étude, extrêmement riche et complète, qui vous permettra de confronter les deux romans.

Table des matières

INTRODUCTION          
 
PREMIERE PARTIE : Destin et Comédie   
Chapitre I Conscience et Vie
Chapitre II La maîtrise existentielle
 
DEUXIEME PARTIE : Destin et Drame 
Chapitre III La Société et le refus du projet d’être 
Chapitre IV La Mort au monde
Chapitre V Destins de femmes, destins de classes : la mort du monde
 
TROISIEME PARTIE : Destin et Tragédie
Chapitre VI L’aliénation au temps, la mort temporelle
Chapitre VII La mort romanesque
Chapitre VIII Deux romans anti-psychologiques ?
 
CONCLUSION 

cdr_bouton.1265104317.gifNetÉtiquette : publication protégée par copyright (travail de recherche : Université de Paris-IV Sorbonne/EPC ; la diffusion publique est autorisée sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur ainsi que la source (URL de la page).

© Bruno Rigolt (Université de Paris IV-Sorbonne ; EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), 1985-2012

  • Mardi 3 janvier 2012.
    Le Réalisme et le Naturalisme. Vous pouvez compléter le cours en feuilletant ces pages :
  • Samedi 7 janvier.

Lectures analytiques début du roman/fin du roman : les grands thèmes de l’œuvre : réalisme, peinture sociale, illusions de l’amour…

Chapitre I

 

Jeanne, ayant fini ses malles, s’approcha de la fenêtre, mais la pluie ne cessait pas.
L’averse, toute la nuit, avait sonné contre les carreaux et les toits. Le ciel bas et chargé d’eau semblait crevé, se vidant sur la terre, la délayant en bouillie, la fondant comme du sucre. Des rafales passaient pleines d’une chaleur lourde. Le ronflement des ruisseaux débordés emplissait les rues désertes où les maisons, comme des éponges, buvaient l’humidité qui pénétrait au-dedans et faisait suer les murs de la cave au grenier.
Jeanne, sortie la veille du couvent, libre enfin pour toujours, prête à saisir tous les bonheurs de la vie dont elle rêvait depuis si longtemps, craignait que son père hésitât à partir si le temps ne s’éclaircissait pas, et pour la centième fois depuis le matin elle interrogeait l’horizon.
Puis elle s’aperçut qu’elle avait oublié de mettre son calendrier dans son sac de voyage. Elle cueillit sur le mur le petit carton divisé par mois, et portant au milieu d’un dessin la date de l’année courante 1819 en chiffres d’or. Puis elle biffa à coups de crayon les quatre premières colonnes, rayant chaque nom de saint jusqu’au 2 mai, jour de sa sortie du couvent.
Une voix, derrière la porte, appela : « Jeannette ! »
Jeanne répondit : « Entre, papa. » Et son père parut.
Le baron Simon-Jacques Le Perthuis des Vauds était un gentilhomme de l’autre siècle, maniaque et bon. Disciple enthousiaste de J.-J. Rousseau, il avait des tendresses d’amant pour la nature, les champs, les bois, les bêtes.
Aristocrate de naissance, il haïssait par instinct quatre-vingt-treize ; mais philosophe par tempérament, et libéral par éducation, il exécrait la tyrannie d’une haine inoffensive et déclamatoire.
Sa grande force et sa grande faiblesse, c’était la bonté, une bonté qui n’avait pas assez de bras pour caresser pour donner pour étreindre, une bonté de créateur éparse, sans résistance, comme l’engourdissement d’un nerf de la volonté, une lacune dans l’énergie, presque un vice.
Homme de théorie, il méditait tout un plan d’éducation pour sa fille, voulant la faire heureuse, bonne, droite et tendre.
Elle était demeurée jusqu’à douze ans dans la maison, puis, malgré les pleurs de la mère, elle fut mise au Sacré-Cœur.
Il l’avait tenue là sévèrement enfermée, cloîtrée, ignorée et ignorante des choses humaines. Il voulait qu’on la lui rendît chaste à dix-sept ans pour la tremper lui-même dans une sorte de bain de poésie raisonnable ; et, par les champs, au milieu de la terre fécondée, ouvrir son âme, dégourdir son ignorance à l’aspect de l’amour naïf, des tendresses simples des animaux, des lois sereines de la vie.
Elle sortait maintenant du couvent, radieuse, pleine de sèves et d’appétits de bonheur prête à toutes les joies, à tous les hasards charmants que dans le désœuvrement des jours, la longueur des nuits, la solitude des espérances, son esprit avait déjà parcourus.
Elle semblait un portrait de Véronèse avec ses cheveux d’un blond luisant qu’on aurait dit avoir déteint sur sa chair, une chair d’aristocrate à peine nuancée de rose, ombrée d’un léger duvet, d’une sorte de velours pâle qu’on apercevait un peu quand le soleil la caressait. Ses yeux étaient bleus, de ce bleu opaque qu’ont ceux des bonshommes en faïence de Hollande.
Elle avait, sur l’aile gauche de la narine, un petit grain de beauté, un autre à droite, sur le menton, où frisaient quelques poils si semblables à sa peau qu’on les distinguait à peine. Elle était grande, mûre de poitrine, ondoyante de la taille. Sa voix nette semblait parfois trop aiguë ; mais son rire franc jetait de la joie autour d’elle. Souvent, d’un geste familier elle portait ses deux mains à ses tempes comme pour lisser sa chevelure.
Elle courut à son père et l’embrassa, en l’étreignant : « Eh bien, partons-nous ? » dit-elle.

 

 

Chapitre XIV

 

« Bonjour madame ; me v’là revenue, c’est pas sans peine. »
Jeanne balbutia : « Eh bien ? » Rosalie répondit : « Eh bien, elle est morte c’te nuit. Ils sont mariés, v’là la petite. » Et elle tendit l’enfant qu’on ne voyait point dans ses linges.
Jeanne la reçut machinalement et elles sortirent de la gare, puis montèrent dans la voiture.
Rosalie reprit : « M. Paul viendra dès l’enterrement fini.
Demain à la même heure, faut croire. »
Jeanne murmura « Paul… » et n’ajouta rien.
Le soleil baissait vers l’horizon, inondant de clarté les plaines verdoyantes, tachées de place en place par l’or des colzas en fleur et par le sang des coquelicots. Une quiétude infinie planait sur la terre tranquille où germaient les sèves. La carriole allait grand train, le paysan claquant de la langue pour exciter son cheval.
Et Jeanne regardait droit devant elle en l’air dans le ciel que coupait, comme des fusées, le vol cintré des hirondelles. Et soudain une tiédeur douce, une chaleur de vie traversant ses robes, gagna ses jambes, pénétra sa chair ; c’était la chaleur du petit être qui dormait sur ses genoux.
Alors une émotion infinie l’envahit. Elle découvrit brusquement la figure de l’enfant qu’elle n’avait pas encore vue : la fille de son fils. Et comme la frêle créature, frappée par la lumière vive, ouvrait ses yeux bleus en remuant la bouche, Jeanne se mit à l’embrasser furieusement, la soulevant dans ses bras, la criblant de baisers.
Mais Rosalie, contente et bourrue, l’arrêta. « Voyons, voyons, madame Jeanne, finissez ; vous allez la faire crier. »
Puis elle ajouta, répondant sans doute à sa propre pensée : « La vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’oncroit. »
 
Pour vous aider à comprendre le roman, lisez cette remarquable présentation (avec un résumé du livre très complet).

 

 

  • Mardi 10 janvier.
    Le temps dans Une Vie (durée romanesque, importance des saisons).
    Recommandations de lecture :
  • Samedi 14 janvier.

    La peinture sociale dans Une Vie : le peuple, le clergé, la noblesse. Lecture analytique d’un extrait du chapitre 3 (« le jeune home gardait sa figure grave de beau garçon, mais la jeune fille -> jusqu’au fond des ventres où elle faisait chanter les boyaux »).

    Distribution d’un questionnaire de lecture qui sera à compléter pour le lundi 30 janvier (vous avez la possibilité d’effectuer le travail individuellement ou par groupes de deux élèves).

Questionnaire de lecture Une Vie (Maupassant) -> Lundi 30 janvier 2012

  1. Le cadre spatio-temporel (1 point)
  1. Quel est le cadre principal de l’action ?
  2. A quelles occasions dans le roman Jeanne quitte-t-elle ce lieu dominant ?
  • Expliquez pourquoi le point de vue qui domine dans tout le roman est le point de vue interne (même s’il est possible de noter la présence de certains passages avec un point de vue omniscient, par exemple dans l’incipit). Vous illustrerez votre explication de références précises au texte. (5 points)
  • Les personnages. Vous présenterez précisément les personnages principaux du roman (le baron et la baronne, Jeanne, Julien, Rosalie) en vous référant précisément au texte (références obligatoires). (10 points)
  • Les objets
  1. Certains objets ont une signification symbolique forte, la « pendule » en particulier, qui. En vous référant précisément à certains chapitres de l’œuvre, vous chercherez à expliquer dans quelle mesure cet objet semble souligner la marche du destin. (10 points)
  2. Un autre objet, le calendrier, vient souligner cette thématique du temps. Il apparaît à deux reprises dans le roman. Vous citerez d’abord les passages concernés. Puis vous chercherez à expliquer précisément la portée allégorique de cet objet. (5 points)
  • Thèmes principaux de l’œuvre : vous traiterez très précisément chacun de ces thèmes (citations de passages obligatoires) :
  1. les désillusions amoureuses, (3 points)
  2. la condition de la femme au XIXème siècle, (3 points)
  3. l’effondrement de l’aristocratie (3 points)
Conseils :
– Prenez en compte le barème d’évaluation avant de répondre : certaines questions, qui exigent un développement argumenté (les questions 4 et 5 en particulier) sont ainsi davantage notées que d’autres, qui n’appellent qu’une réponse brève.
– Pour traiter la question 4, je vous recommande fortement de télécharger le roman ou au moins de le consulter en ligne : cela vous facilitera les recherches (ctrl +F)
– Sur les désillusions amoureuses et la critique du Romantisme, regardez brièvement ces pages. Lisez le texte et l’explication proposée. De plus, cela vous aidera à approfondir la méthodologie du commentaire littéraire.

 

  • Lundi 16 janvier.
    Lecture alalytique.
    Méthode : l’oral du BAC… L’introduction.