Chaque semaine, retrouvez une notion-clé de culture générale, utile au Bachelier comme à l’étudiant de BTS…
Cette semaine : Du chien de Pavlov au Meilleur des Mondes d’Huxley
__________________L’expérience de Pavlov
Prenez un savant (Ivan Petrovich PAVLOV, 1849-1936), ajoutez un chien, accommodez le tout à la sauce “Soviet”, et vous obtenez l’une des plus célèbres expériences de Psychologie. Elle donnera naissance à la « théorie des réflexes conditionnés ».
Explication…
L’expérience la plus connue de Pavlov consistait à présenter de la nourriture à un chien en même temps que retentissait un stimulus (*) quelconque : sonnerie, sifflet, clochette, etc. (oui, tout à fait : un peu comme quand vous sentez l’odeur des frites au même moment que retentit la sonnerie de 12h30!). Que se passait-t-il? La vision de la nourriture déclenchait chez le chien une salivation… Puis au bout d’un certain temps Pavlov fit simplement retentir la sonnerie sans donner de nourriture (imaginez que vous entendez la sonnerie mais vous ne sentez plus l’odeur des frites…) : il constata alors que la seule sonnerie provoquait chez le chien le processus de salivation. Pavlov démontra ainsi qu’il est possible de déclencher, par un processus d’apprentissage répétitif un réflexe “conditionné”, qui s’apparente à un “dressage”.
Le conditionnement publicitaireÀ la suite de Pavlov, de nombreux chercheurs en psychologie sociale, et plus particulièrement en “comportement du consommateur” étendirent ses recherches à l’homme afin de réfléchir à l’influence du conditionnement publicitaire sur les individus. Comme vous le voyez, on est donc tous plus ou moins “le chien de Pavlov” : les théoriciens de la persuasion publicitaire, en particulier les “Behavioristes” (*) se sont en effet beaucoup servis des travaux de ce savant russe : certains « jingles », les logos, les slogans, etc. déclenchent en nous des réflexes “conditionnés”, c’est-à-dire des réponse comportementales associées au stimulus ! tel jingle dans une pub va déclencher de notre part une réponse adaptée, telle musique dans une émission de télé-réalité va provoquer une émotion précise (joie, tristesse, etc.). ! La sonnerie de 17h25 provoque ainsi un irrépressible réflexe de sortie !
“Un incroyable dressage”
Plus fondamentalement, l’écrivain et philosophe René Huyghe s’est interrogé sur le conditionnement dont nous sommes victime dans un texte célèbre (**) : “Notre vie, écrit-il, s’organise autour de sensations élémentaires, sonnerie, feu rouge, ou vert, barre sur un disque coloré, etc., qui, par un incroyable dressage, commandent des actes appropriés.” Selon René Huyghe, de par leur simplification excessive, les slogans publicitaires n’amèneraient plus à réfléchir mais à “réagir” à des signaux. L’auteur ajoute : “L’exposé de la pensée, parallèlement, perd ses caractères discursifs (***) pour produire des effets plus soudains, plus proches de la sensation ; il vise davantage au concentré pour parvenir à cette forme moderne, le slogan, où la notion incluse, à force de se ramasser, en arrive à imiter l’effet d’un choc sensoriel et son automatisme. La phrase glisse au heurt visuel. Stéréotypée, elle ne demande plus à être comprise, mais seulement reconnue”.
De Pavlov au “Meilleur des Mondes”…Ainsi, les normes sociales, la culture dominante, la propagande sont d’importants facteurs de conditionnement. Le but de toute propagande idéologique en effet n’est pas qu’on comprenne les slogans mais qu’on les retienne : c’est la différence entre l’apprentissage et le “dressage”, l’éducation et l’endoctrinement, la démocratie et la dictature! Le roman célèbre d’Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, rédigé quelques années avant la mort de Pavlov (en 1931) est une terrible dystopie (****) qui fait réfléchir à la manière dont le conditionnement peut manipuler les individus : dans ce “meilleur des mondes”, l’éducation est remplacée par un conditionnement strict selon la place sociale qu’occuperont les enfants dans la hiérarchie sociale. C’est donc bien par antiphrase qu’il faut comprendre Le Meilleur des mondes. Entièrement manipulés, les individus vivent dans un système unifié et totalitaire qui contrôle entièrement leurs processus mentaux, leurs comportements, jusqu’à leurs loisirs ou leurs goûts : par exemple, personne ne doit aimer les fleurs! Car n’engendrant pas d’activité économique, les fleurs sont inutiles. Ce beau roman, de plus facile à lire, est une réflexion toujours très actuelle sur les dérives possibles des systèmes politiques. Avec 1984 d’Orwell, c’est un classique de la littérature d’anticipation.