Paroles menottées : Écriture et engagement
Madeleine L. Alizée R. et Inès E. présentent… And Night Fell : Memoirs of a Political Prisoner in South Africa (Et la Nuit est Tombée : Mémoires d’un Prisonnier Politique en Afrique du Sud).
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“Dans le parc voisin, un oiseau solitaire lança son chant d’adieu au jour qui s’en allait, au soleil, à l’homme, à la vie, à moi…”
Le soleil montait. C’est en le voyant éclairer tout le mur sud, que je réalisai que ses rayons s’inclinaient vers le sud, il se dirigeait vers moi… Mais à midi, je l’aperçus qui s’éloignait en dansant, suivant son périple d’est en ouest, passant au nord de ma cellule. Vers deux heures de l’après-midi, j’avais perdu tout espoir car sa lumière brillait au sud-est, loin d’où je me trouvais. Vers cinq heures, je vis l’ombre de ma cellule qui montait contre le mur coté est, le soleil se trouvant alors derrière moi, de plus en plus faible, sur le point de se coucher. Dans le parc voisin, un oiseau solitaire lança son chant d’adieu au jour qui s’en allait, au soleil, à l’homme, à la vie, à moi : Phez’ko mthwal’, Phez’ko mthwal’, Phez’ko mthwal’.
Je me souvins avoir déjà entendu cet oiseau dans le Vendaland, dans le nord du Transvaal, où j’allais me reposer après mon séjour en prison. Khosi Noge, mon hôtesse, m’expliqua alors ce que signifie Phez’ko mthwal’ : ce chant veut dire “Sache t’élever au-dessus de ton fardeau”…
Molefe Pheto, And Night Fell : Memoirs of a Political Prisoner in South Africa, 1975, 1983 pour la publication (Et la Nuit est Tombée : Mémoires d’un Prisonnier Politique en Afrique du Sud). Traduction : Brigitte Mantilleri.
Publié en 1983 (*), And Night Fell relate de façon souvent très lyrique les 271 jours de détention de Molefe Pheto prisonnier politique en Afrique du Sud, sous le régime de l’Apartheid. Cet intellectuel peu connu (une seule œuvre écrite semble avoir été publiée) évoque cette terrible année 1975 où il fut arrêté pour avoir revendiqué sa “Négritude”. Enseignant de musique, homme de théâtre et porte-parole de la MDALI (The Music Drama, Arts and Litterature Institute), Molefe Pheto parvient à rendre compte, dans ces quelques lignes, de l’immense solitude que vit chaque prisonnier.
L’auteur montre comment trouver une part infime d’ensoleillement à travers les barreaux de la cellule, un peu comme si le soleil était l’unique visiteur. Tout le quotidien du détenu semble dès lors tourner autour du soleil : que peuvent en effet signifier les heures quand on est enfermé ?
Le soleil symbolise en effet l’espoir, fût-il vain ; le sourire, une possible et bien éphémère liberté. Voici pourquoi le coucher du jour est vécu avec tant d’intensité et de souffrance : quand le jour s’en va, c’est un peu la vie qui s’en va : d’ailleurs, le chant de l’oiseau est “un chant d’adieu au jour, […] à l’homme, à la vie” et à Molefe Pheto lui-même. Si chaque jour fait croire en une nouvelle vie, chaque nuit, fait craindre une nouvelle mort… Pourtant, pas de désespoir ici : au contraire, il faut lire le texte comme une prière. Remarquez l’importance de l’oiseau : son chant a valeur de message : Phez’ko mthwal’. Derrière le mystère des mots se cache la réponse : “Sache t’élever au-dessus de ton fardeau”. Leçon de courage et de vie : l’oiseau comme le soleil ont une valeur allégorique : ils sont un appel à se battre et à croire en un jour nouveau… Telle est la définition de l’espérance selon Molefe Pheto.
Madeleine L. Alizée R. et Inès E. Classe de Seconde 18, Lycée en Forêt (Montargis, France, novembre 2009)
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