–
La classe de Première ES2 du Lycée en Forêt est fière de vous présenter une exposition exceptionnelle : « Dis-moi un Po-aime »… Plusieurs fois par semaine, les élèves vous inviteront à partager l’une de leurs créations poétiques…
Bonne lecture !
Aujourd’hui, mardi 17 mai, la contribution de Marie
Précédentes publications : dimanche 15 mai : Furkan ; samedi 14 mai : Céline ; mardi 10 mai : Alyssa et Ninon ; dimanche 8 mai, Aymmy ; vendredi 6 mai, Aymeric ;
Prochaine publication de la semaine : vendredi 20 mai, Agatha et Léa.
« La pensée d’une fille »
par Marie P.
Classe de Première ES2
__Bien sûr, j’écris sur les murs les paroles d’une fille
Dotée de volonté ; de tendresse ; de générosité et d’amour.
__J’écris sur les murs, à l’encre de mon cœur ;
Des messages pour les jours à venir, sous des roches profondes.
__J’écris sur les murs, à la plume de mes rêves ;
Pour dire tout ce que je ressens sur l’infini des temps.
__ J’écris sur les murs, la grandeur des hommes ;
Qui fera d’eux une existence sans retour.
__J’écris sur les murs, des mots d’amour ;
Pour jeter l’ancre un jour sur des mémoires d’avenir.
__J’écris sur les murs, les vraies réponses ;
Pour rendre compte de mon acuité déchiffrée.
__J’écris sur les murs, ma tendresse ;
Pour transmettre mon éternelle carrière sous une heure fugitive.
__J’écris sur les murs, mes états d’âme ;
Pour rêver d’une mer or-étoilée.
__J’écris sur les murs, des messages éternels ;
Pour que le monde entier s’en souvienne.
Photomontage et peinture numérique : © mai 2016, Bruno Rigolt
Le point de vue de l’auteure…
J’ai décidé d’écrire ce poème pour livrer au lecteur mes idées, mes sentiments et plus généralement pour évoquer ce que la plupart des jeunes filles éprouvent et ressentent. Le titre, « La pensée d’une fille » est à prendre au sens fort : la pensée, c’est-à-dire ce qui permet de construire du sens, de transmettre un ensemble d’idées propres à une jeune fille du vingt-et-unième siècle : c’est sa façon pour elle de juger, de s’engager, de donner ses opinions, et de montrer un trait de son caractère. De fait, j’ai souhaité transmettre mes ressentis d’adolescente à travers un lyrisme expressif, miroir de mes sentiments et de mes émotions personnelles.
Mais qu’on ne s’y méprenne pas : si romantisme il y a, c’est un romantisme engagé, affirmation et lyrisme au service d’une cause, d’une conscience universelle de l’humanité célébrant la paix et l’espoir d’un monde meilleur. À ce titre, j’avais en mémoire, en écrivant ce texte, une chanson qui me tenait très à cœur : « On écrit sur les murs », interprétée par le groupe Kids United. Cette reprise de la chanson écrite et composée par Romano Musumarra et Jean-Marie Moreau pour Demis Roussos en 1989 me semble bien illustrer cette parole de vérité et d’espérance à laquelle nous aspirons tous en ce début de troisième millénaire. Non seulement ce sont des enfants qui chantent, mais ils disent ce qu’ils ressentent et ce qu’ils voient dans la réalité. De même, j’ai voulu à travers mon poème conduire le lecteur à la fois vers le réel mais aussi vers l’imaginaire : toute poésie selon moi a pour fonction d’exprimer la réalité du monde, et de la transfigurer par l’imaginaire : telle est la problématique que je me propose de développer ici.
Pour commencer, j’ai débuté mon poème en utilisant une phrase d’accroche qui nous fait immédiatement connaitre qui est l’auteure : « J’écris sur les murs les paroles d’une fille ». Nous comprenons bien que c’est une fille qui parle et plus particulièrement une jeune fille. De plus, j’ai employé une affirmation, comme si c’était une évidence que ce soit une adolescente, en employant la locution adverbiale « bien sûr ». De même, l’accroche se poursuit par une énumération de qualités : « dotée de volonté, de tendresse, de générosité et d’amour ». Qualités morales qui selon moi devraient davantage caractériser l’humanité, bien souvent en proie à la lâcheté, à la violence et à l’égoïsme. Ainsi, par cette courte phrase d’accroche, nous comprenons tout de suite que l’auteure va évoquer tout ce qu’elle ressent en elle : chanter l’imaginaire en s’appuyant sur le réel.
Par ailleurs, au niveau de la composition du texte, j’ai privilégié une structure strophique exploitant le distique : ces strophes de deux vers forment ainsi une unité de sens. À cet égard, le système anaphorique qui structure le texte et sa distribution typographique suggèrent une organisation rythmique privilégiant le refrain. Comme je l’indiquais en début d’analyse, il me semble important que le poème puisse se chanter : d’ailleurs, toute poésie n’est-elle pas « chant » ? Chant lyrique par la recherche d’un principe d’équilibre rythmique et d’harmonie grâce à des effets de symétrie sonore. Même si les vers en effet sont hétérométriques, ils sont fortement structurés afin de donner à la lecture une impression de souffle et de respiration : ainsi au premier vers de chaque strophe, la césure se place au même endroit que la virgule, afin de mettre en valeur les hémistiches.
Cette ponctuation répétitive, renforcée par les points virgules à la fin du premier vers et le point final à la fin du deuxième vers, permettait de mettre en relief la clôture syntaxique et sémantique des strophes. Alors que la multiplication des rejets et enjambements, notamment dans la poésie moderne, manifeste une discordance entre le vers et la phrase, j’ai voulu au contraire que du point de vue du sens, chaque strophe, par cette ponctuation forte, obéisse à un principe clair, répondant à l’esprit du poème : la pensée d’une adolescente d’aujourd’hui, qui parle avec sa conscience et son cœur.
Ainsi, le premier vers de chaque strophe évoque ce qu’elle ressent, ce qu’elle veut dire : par exemple, à la strophe 8 : « J’écris sur les murs mes états d’âme ». J’ajouterai ici un point essentiel : à savoir que le premier vers de chaque strophe fait davantage référence à la réalité des sentiments : « la plume de mes rêves », « la grandeur des hommes », « des mots d’amour », « ma tendresse »… Autant d’expressions qui témoignent, au fil de la plume, de mes ressentis. Quant au deuxième vers, il est plutôt dans la continuité du premier en le prolongeant par l’imagination : « sous des roches profondes », « l’infini des temps », « sous une heure fugitive », « Pour rêver d’une mer or-étoilée »…
Illustration : « J’écris sur les murs » (© mai 2016, Bruno Rigolt)
D’après René Magritte, « Le retour » (1940)
Ces expressions, toutes métaphoriques ont pour but d’amener le lecteur à imaginer : c’est ainsi qu’au vers 1 (« j’écris sur les murs à l’encre de mon cœur »), l’encre fait à la fois référence à l’engagement de l’écrivain, à la mission qu’il doit assigner à son texte, mais aussi au sang que nous avons dans le cœur pour vivre. Cette encre, transfusée du cœur de l’écrivain à la sensibilité du lecteur est tout autant une parole de vie qu’un message d’espoir : la fonction du poète n’est-elle pas d’être un porte-parole ? Et son encre n’est-elle pas le sang qui donne vie aux mots ? Mais c’est aussi le sang de la souffrance et de la révolte. « Les chemins d’encre sont des chemins de sang ! » écrivait le poète Edmond Jabès, comme pour rappeler cette impérieuse mission de l’intellectuel…
Ce réseau lexical est renforcé à la deuxième strophe par l’expression « j’écris sur les murs à la plume de mes rêves ». Si le mot « plume » fait évidemment référence à la plume du stylo, la plume évoque également l’envol : de même que, sans ailes, un oiseau ne pourrait voler, de même c’est sa plume qui amène le poète à transcender la réalité et à dire, selon les beaux mots de Victor Hugo dans « la Fonction du poète », « les choses qui seront un jour ». À ce titre, l’auteur des Rayons et des Ombres affirmait du poète qu’ « il est l’homme des utopies ». Et sans doute est-ce le sens que j’ai voulu donner en parlant de « la plume de mes rêves » : le rêve, c’est ce qui donne sens au présent en bâtissant l’avenir.
Mais toute réflexion sur le futur n’a de sens que si elle s’enracine dans le passé. Voici pourquoi mon poème invite aussi à se souvenir : par exemple, à la strophe 3, l’expression « j’écris sur les murs, la grandeur des hommes » fait référence au devoir de mémoire que nous devons tous avoir à l’égard de ces femmes et de ces hommes qui ont marqué l’histoire. C’est dans le même ordre d’idées que l’expression « J’écris sur des murs des messages éternels », dans la dernière strophe du poème inscrit la mission du poète dans une éternité vivante, hors de laquelle il n’y a pas de mémoire. Je parle par exemple, à la strophe 5, de « mémoires d’avenir » pour suggérer ce rapport au temps. Le présent de généralité, qui parcourt tout le texte, donne ainsi une grande force au message délivré, qui doit être, par définition, omnitemporel, c’est-à-dire de toutes les époques : le texte implique en effet des généralités, des permanences qui ne réfèrent pas seulement à l’actualité mais impliquent une réflexion bien plus large.
En conclusion, mon poème se situe sur deux registres.
D’une part, le registre lyrique. C’est l’être entier que la poésie engage ; c’est son univers intérieur et son intimité que le poète traduit en mots sur la page blanche. D’où l’importance du privé, de l’intime, du biographique : j’ai ainsi cherché à dévoiler ce que je vois dans mes rêves, ou plutôt ce que j’ai envie de voir : écrire pour donner du rêve.
Mais d’autre part, ce registre de l’imagination, de la rêverie, s’épanouit dans le texte en une méditation sur la condition humaine, et sur le rapport entre l’homme et l’histoire. J’ai surtout voulu montrer que l’engagement de l’écrivain réside dans ce qu’il a de plus profond en lui : écrire pour donner du sens.
C’est la conjonction de ces deux réalités —écrire pour donner du rêve ; écrire pour donner du sens— qui me semble à la base même du texte poétique : en participant à la création d’un univers par essence subjectif, la poésie n’a-t-elle pas pour fonction de réinventer le monde ?
© Marie P., classe de Première ES2 (promotion 2015-2016), mai 2016.
Espace Pédagogique Contributif
Publié par