Poésies du Silence (2/3)
Partez à la rencontre de la parole silencieuse des mots…
L’exposition des Seconde 6 s’affiche à Time Square… (Lol !)
La classe de Seconde 6 du Lycée en Forêt a travaillé sur une nouvelle dense et forte de Marguerite Duras, “Le Coupeur d’eau” (La Vie matérielle, P.O.L. 1987). Ce texte a amené les élèves à s’interroger sur le style si particulier de cette écrivaine : dans Écrire, voici comment Duras présente sa propre conception de l’écriture : “Il y aurait une écriture du non-écrit. Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Égarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt”.
Cette expression de “mots égarés” a suscité l’intérêt des étudiants qui ont souhaité créer des poèmes dont la langue, très épurée, est comme une réponse au vœu de l’auteure… La classe de Seconde 6 a par ailleurs voulu exprimer dans les textes rédigés cet « Absolu du Verbe » qu’a tant cherché Marguerite Duras : c’est dans le silence que paradoxalement la parole est la plus palpable… Et si c’était justement le silence qui était à la base de la parole poétique ?
Cette exposition sera présentée au CDI du Lycée du 4 au 18 février 2011.
(Lycée en Forêt Avenue Louis Maurice Chautemps BP 717 45207 MONTARGIS Cedex)
- Pour lire les poésies publiées le 24 janvier (première livraison), cliquez ici.
Strophes
par Maxime H.
(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)
Dans sa main les failles d’un sourire
La vaillance qui plaît en fait son cachemire
Azur ivre, extase trop gourmande des lianes du crépuscule,
Elle tenait dans sa main le torrent de sa lyre.
Le désarroi, congé vermeil,
Naviguait entre l’écarlate amer
Et l’antre de l’aveugle
En sanglots épistolaires.
Le visage imprudent des oublis prodiges du zéphyr
Rejouait le faisceau d’un idéal malaise musical :
Austère paradoxe d’une rêverie féérique,
Anathème pur du jour qui s’achève dans le désert…
Immense aimant
par Émile C.
(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)
En regardant furtivement
Dans l’abîme ouvert sous mes yeux
La cheminée qu’attise le feu de ma passion
Fait battre mon cœur ambitieux
Puis je repense aux sublimités,
Au soleil couché dans ses vapeurs d’opium…
L’azur de tes yeux
par Idriss B.
(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)
Le lys m’inspire des désirs d’innocence
Le poids de mon cœur subit une marginale défaillance.
Le bonheur auxiliaire donne l’illusion d’une immensité infinie…
L’azur de tes yeux donne un sens à ma vie.
L’étendard de ma liberté se consume,
Se meurt ou se ravive à la lumière de tes vœux
Se mouvant sur la dissidence de tes vents indolents
Au rythme insondable des battements de ton cœur…
Entre terre et mère
par Léa M.
(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)
Ange foudroyant d’une ombre enfantine
Harmonieuse absence de ce céleste rêve
Orphelin d’un parfum étoilé
Solitude affectée par une hypocrite sagesse
Larmes de satin au péril d’un éternel sommeil…
Je rêve, je vois un Tombeau du paradis
Dont l’âme commence son mystérieux voyage.
Puis le visage souillé d’une pureté destructrice
Délice impitoyable de mon cœur,
Jour de nuit espérant un chagrin délirant,
Fontaine de joie, Fontaine de vie éclatée par la haine,
Intérieur ouvert sur l’enfer d’une brèche dévorante.
Mélancolie de l’existence
(1945)
par Cindie de F.
(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)
À l’aube, dans un sombre cimetière
Que l’on appelle la guerre
La misère emplissait le soleil fatal
D’un gouffre de larmes.
Éblouissement de la souffrance
Triomphante et secrète.
Influence de la haine,
Un torrent d’humanité hostile,
Une orgie d’impostures insondables…
Et derrière un buisson de clémence
Un orphelin fiévreux, lugubre et hagard
Empli d’envies prodigieusement inaccessibles :
Un flot insensé d’espérance…
(échapper à la rafle)
L’étrange nuit de catastrophes célestes
Monstrueuse de charité
Réveillait des défauts posthumes…
L’intimité périssant dans l’existence imparfaite
Véritable attachement personnifié
D’une mélancolie naïve…
1945 : la vie silencieuse tel un enfant en pleurs
Et puis l’eau calme d’un bombardement
Le silence bruyant d’une douce musique
L’eau calme des larmes du monde…
Une histoire de mot
par Alicia C.
(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)
C’est la nuit et il neige, le mot marche seul
Oublié des virgules et des parenthèses
Détruit par les conjonctions et les propositions
Il déprime sur la page enneigée.
Le préfixe gelé et le suffixe glacé,
Il s’égare parmi les adverbes
Pensant à son impossible terminaison.
Au détour d’une phrase, le mot hésite entre les indices de personnes,
Les modes et les temps.
Le mot s’épelle lentement : « D. É. P. R. I. M. E. R. »
C’est la nuit et il neige, le mot marche seul…
Poème à relecture
par Émile C. Paul B. Nathan L.
(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)
Début de texte ; voix forte. Attention à la majuscule
Des mots marchaient. Comme ça. Tous seuls.
Pause de quelques secondes.
Même s’ils sont seuls, les mots s’amusent.
Pause brève, mais pas trop.
Les mots s’amusent et m’amusent
(Même quand j’admire ma muse).
Attrister la lecture. Lire plus lentement
Mais à force de s’amuser, les mots se sont usés et le silence se fit.
Les mots s’arrêtèrent.
Fin de l’histoire. Relire le poème.
Triste mariage
par Léa M. Sophie L. Solène A.
(Classe de Seconde 6 – promotion 2010)
Passion partagée, espoir abandonné
Obscur bonheur oublié dans le tiroir de mon cœur,
Frisson délaissé dans le parfait silence
Jour effacé de l’irréel.
Désespoir atteint par une haine passionnée
Au bord du ciel, au bord des larmes…
Tristesse libérée, écoute mes blessures
Tristesse comparée à la froideur de la nuit
Pleurs féériques déversés sur la cruauté de l’Autel
Pensée oubliée dans le parfait silence…
« Triste mariage » d’après Roy Lichtenstein : « Hopeless » (1963)
La numérisation des textes de la deuxième livraison est terminée…
Crédit iconographique : © Bruno Rigolt (sauf mention contraire)
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