Corrigé BTS Synthèse Génération(s) Les âges de la vie perturbés… L'interminable adulescence

logo-bts-generations-epc-corrige_1.1291133190.jpgEntraînement BTS :

Devenir adulte… Rester jeune…

« Génération(s), les âges de la vie perturbés »

                  

Corrigé de la synthèse

arrow.1242450507.jpg Pour accéder au corpus, cliquez ici.
                 
[Le corpus, très fourni (5 documents), et particulièrement dense, explique la longueur inhabituelle de cette synthèse].

Dans le contexte de crise et d’instabilité sociétales (¹) qui est le nôtre, la réflexion sur la signification du devenir dans les sociétés modernes a pris une dimension essentielle : tel est l’enjeu de ce corpus qui nous invite à réfléchir aux conditions d’accession à l’âge adulte des générations actuelles. C’est en sociologue qu’Olivier Galland aborde cette réflexion en montrant que la jeunesse est avant tout un passage dont les frontières et la définition ont évolué au cours de l’histoire. Cécile van De Velde quant à elle, soumet à une lecture comparative la question du traitement de la jeunesse dans différentes sociétés européennes. Mais il revient aux philosophes Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot de mettre l’accent sur les difficultés à devenir adulte dans un monde où les repères générationnels se sont brouillés. Enfin, c’est sur un mode plaisant mais non moins essentiel que la célèbre affiche du film Tanguy et que la campagne publicitaire pour la marque « Petit Bateau » (documents 4 et 5) réinvestissent ces questionnements que nous nous proposons d’aborder selon une triple perspective : si tous les documents renvoient à l’importance de la jeunesse dans les sociétés actuelles, ils soulignent corrélativement les difficultés à définir cette jeunesse, en fonction des modèles culturels, économiques ou sociaux dominants. Enfin, toute la question sera de savoir comment devenir adulte et aspirer à grandir dans des systèmes où le jeunisme semble être devenu une axiologie (²) dominante.

                   

Un constat s’impose d’emblée : si la jeunesse est devenue un enjeu capital pour comprendre les facteurs qui régissent notre modernité, elle a aussi entraîné un certain « brouillage générationnel » et discrédité la notion même d’adulte, particulièrement dans nos sociétés où l’allongement des études et les difficultés d’insertion retardent le passage de l’enfance à la maturité. Tel est le sens de l’article d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot intitulé « Une crise de l’âge adulte ? » et paru en mai 2008 dans le numéro 193 de la revue Sciences Humaines. Pour les auteurs, non seulement le passage à la maturité est source d’interrogation et d’incertitude chez les jeunes, mais aussi d’appréhension et de crainte pour les adultes eux-mêmes, au point que personne ne semble plus vouloir assumer son âge. L’affiche du film Tanguy réalisé par Étienne Chatiliez en 2001 est illustrative de ce refus de grandir par peur d’affronter le monde. Le personnage principal, Tanguy, a vingt-huit ans et vit toujours chez ses parents. Sur l’affiche du film, nous le voyons radieux et assis en costume entre son père et sa mère, qui eux, en pyjama dans leur lit, arborent une mine plutôt contrariée. Si ce film est devenu un véritable phénomène de société, c’est que l' »adulescence » est le signe tangible d’une génération pour qui l’âge adulte symbolise d’abord le spectre du vieillissement et de la mort. Comme le faisaient remarquer Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, refuser de grandir, c’est conséquemment refuser l’identité adulte.

Cette exaltation de la jeunesse caractéristique des dernières décennies a fini par répandre dans les esprits la conviction que passer de l’enfance à l’âge adulte était forcément un déclin. La mercatique a d’ailleurs exploité opportunément ce phénomène de société. Ainsi, la campagne publicitaire « Les mois » pour la marque « Petit Bateau » (2009), par son aspect intergénérationnel, se joue avec espièglerie du jeunisme de notre époque qui a fini par envahir les rapports parents-enfants : on y voit des bébés, des adultes, des jeunes et des seniors présentés deux par deux (« Elodie 216 mois, Evan 13 mois » par exemple ou bien encore « Chantal 241 mois, Robert 888 mois ») et le slogan résonne comme une promesse en clin d’œil : « Petit Bateau pour toujours ». Néanmoins, la publicité pourrait prêter à une certaine confusion, voire à de la complaisance en faisant de la jeunesse une valeur en soi, en l’érigeant en valeur suprême : le fait que les âges soient évoqués en mois ne relève-t-il pas, au delà de l’humour évident, d’une démagogie flatteuse ? Dès lors, n’est-il pas permis de parler d’une « confusion des âges » pour reprendre les propos d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot ? Alors que les jeunes rêvent de devenir adultes, les adultes redoutent de vieillir et aspirent à retomber en enfance : ne « surtout pas faire son âge » semble donc être devenu l’unique credo des sociétés contemporaines. Une telle approche complique encore davantage l’acquisition des attributs du statut d’adulte.

Dès lors, un premier constat s’impose : il est très difficile d’aborder objectivement la jeunesse. Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS analyse ainsi dans un entretien publié en 2008 par France Diplomatie la notion de jeunesse en tant que catégorie sociale et culturelle spécifique, qu’il conviendrait d’étudier selon lui en se gardant de toute représentation par trop idéologique. L’auteur montre bien comment, particulièrement dans notre pays, les débats n’ont fait souvent qu’alimenter la stigmatisation de la jeunesse alors qu’il faudrait l’aborder « comme un passage entre d’autres âges de la vie, comme une portion du cycle de vie ». Ces propos sont à mettre en relation avec l’analyse proposée par Cécile Van de Velde. Dans « Jeunesses d’Europe, trajectoires comparées » (revue Projet n° 305, juillet 2008), l’auteure souligne combien le modèle français, essentiellement corporatiste et cloisonné, a pu favoriser une approche rigide des jeunes au détriment par exemple de l’approche scandinave où domine une vision de la jeunesse inscrite dans une logique de développement personnel et de cheminement exploratoire, qui légitime au sein même de la société l’émancipation individuelle.

            

Comme nous le comprenons, si la question de la jeunesse est un enjeu prospectif majeur pour aborder les formes de passage à l’âge adulte, les modèles d’analyse existants n’ont pas toujours pris en considération la spécificité de cette jeunesse. À ce titre, Olivier Galland rappelle combien l’idéal d’émancipation et de citoyenneté développé par les Lumières, et corrélativement la montée des processus d’individualisation et de confrontation sociale, ont favorisé l’émergence de modèles d’intervention étatique n’envisageant la jeunesse que sous un aspect conflictuel : les « jeunes » qu’il faut cadrer pour éviter tout débordement, s’opposant aux « vieux ». En fait, plus qu’une période de déviance ou de contestation de l’ordre établi, l’auteur estime que la jeunesse est d’abord « un âge de grande fragilité ». Fragilité qui résulte de facteurs sociaux comme les inégalités intergénérationnelles ou de facteurs économiques comme la restructuration industrielle qu’a connue la France ces dernières décennies. Ces facteurs ont non seulement accentué les incertitudes mais ils ont été source d’une angoisse face à l’avenir. Le spectre de la précarité, voire de la marginalisation sociale, proportionnel à la non qualification de certains jeunes, est en effet devenu l’un des facteurs les plus discriminants aujourd’hui, et explique en partie la montée de la violence et des communautarismes auprès des non-diplômés, particulièrement dans des sociétés où l’opulence consumériste et les valeurs libertaires ont été érigées en modèle social.

Sa réflexion rejoint l’analyse de Cécile van De Velde à propos de la jeunesse française : d’après elle, l’entrée dans l’âge adulte, vécue comme un engagement solennel, tend à faire de la jeunesse une période de construction identitaire et professionnelle qui catégorise hiérarchiquement les individus selon une logique trop déterministe. La difficulté d’un retour à la formation dans la vie active tend par exemple à ériger le niveau initial de poursuite d’études en critère unique de réussite sociale et d’intégration professionnelle. Cette approche de la jeunesse ne va donc pas sans difficultés : comme nous l’avons vu, les pays scandinaves, où domine également une forme de jeunesse longue, l’inscrivent plus judicieusement dans une logique de développement personnel et de cheminement exploratoire, qui légitime au sein même de la société l’émancipation individuelle et la socialisation extrafamiliale. Comme le dit l’auteure, « rester chez ses parents est associé à une « perte de temps », un « isolement » néfaste, voire « dangereux » empêchant de « devenir adulte », et freinant la construction d’une « vie à soi ». Il n’est pas besoin de faire de nouveau référence au film Tanguy pour s’en convaincre.

De nos remarques précédentes ressort une vérité essentielle : à savoir que les modèles classiques d’entrée dans la vie adulte ne semblent plus suffire pour aborder la diversité grandissante que vivent les jeunes aujourd’hui. L’étude comparative menée par Cécile van De Velde montre bien que la multiplicité des destins au sein de la nouvelle génération européenne empêche tout traitement global. Si en France par exemple, la jeunesse est en proie à l’adultisation précoce et à l’autonomisation, elle reste confrontée à une absence de statut et condamnée à dépendre, au moins financièrement, des parents. Au Royaume-Uni au contraire, l’accès au statut social et familial d’adulte est d’autant plus rapide que l’État n’intervient pas financièrement dans l’accompagnement vocationnel des jeunes, selon une logique libérale qui prône avant tout l’autofinancement, la responsabilité individuelle et l’autonomisation. Enfin, en Espagne, les facteurs culturels mais aussi la crise et la précarité professionnelle conditionnent largement le maintien tardif des jeunes au sein de la sphère familiale. De fait, le foyer parental n’est quitté que très tardivement. L’intérêt de cette approche comparative est bien de montrer que d’un pays à l’autre, le chemin pour devenir adulte s’inscrit largement dans des logiques culturelles et des déterminismes historiques profondément ancrés dans l’inconscient collectif.

            

En fait, tous les textes du corpus montrent que l’idéal adulte d’aujourd’hui est d’autant plus douloureux et difficile à atteindre qu’il exigerait une réconciliation avec l’idée de société, au sens historique du terme, tâche exigeante, et idéal difficile à acquérir car il est en contradiction avec le modèle social de l’individualisme occidental, qui pousse les adultes à ne pas assumer leur âge. Pour Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot en effet, une telle attitude amène l’individu à entrer en contradiction non seulement avec les autres mais plus encore avec soi-même par peur d’affronter sa propre singularité face au monde. Les deux philosophes mais aussi le sociologue Olivier Galland montrent donc qu’il est devenu plus compliqué de devenir adulte pour des raisons culturelles et structurelles, mais aussi conjoncturelles liées à l’incertitude économique et enfin parce que la transmission des valeurs est devenue plus difficile dans le monde d’aujourd’hui où les jeunes doivent de plus en plus se trouver seuls des modèles normatifs. L’affiche du film Tanguy est d’ailleurs illustrative de cette faillite du modèle éducatif parental. On pourrait tout aussi bien évoquer la campagne publicitaire « Petit Bateau » qui, en brouillant les repères générationnels et normatifs, propose une vision fragilisée de l’état adulte, et plus globalement de la société dans son ensemble.

Comme nous le comprenons, ce qu’on appelait autrefois les rites de passage est au cœur même du débat. Comme le remarquent avec justesse  Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, même de nos jours, le long chemin pour devenir adulte s’organise en étapes rythmées par des crises et qui préparent à affronter la maturité, qui est toujours considérée comme le but ultime de la vie. Non seulement, pour les auteurs, le fait de vouloir accéder à l’âge adulte reste encore un objectif marquant de l’existence, mais, malgré l’apparent jeunisme de notre société, chacun aspire à cet idéal de maturité, qui peut être défini par l’expérience, qui est le rapport au monde, la responsabilité qui est le rapport aux autres, et l’authenticité qui est le rapport à soi-même. Mais comment atteindre cet idéal quand les conditions d’accession à l’âge adulte ont été modifiées, tout comme la représentation du statut de l’adulte ? Ainsi que nous le remarquions, l’affiche du film Tanguy de même que les photographies pour la marque « Petit Bateau » sont à ce titre éclairantes. Tous les textes du corpus nous rappellent enfin explicitement ou implicitement combien la multiplication des rites de passage dans les sociétés modernes a eu pour effet d’étaler et de fragmenter à l’infini les attributs sociaux de la maturité. 

Au terme de ce travail, interrogeons-nous : la question de la jeunesse est l’un des problèmes de société les plus importants qui se posent à notre modernité. Cécile Van de Velde montre bien qu’être adulte aujourd’hui coïncide avec de multiples représentations en fonction des cultures. Mais comme l’indique Olivier Galland, ces représentations sont plus fragmentées que par le passé. De même, « les autres phases, qui marquaient auparavant le passage à l’âge adulte, sont devenues plus floues ». C’était également l’intérêt de la réflexion d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot de montrer que l’instabilité de la construction sociale de l’adulte s’explique en partie par l’échec de la formation identitaire dans une culture occidentale bouleversée, qui se cherche de nouvelles valeurs, mais qui a perdu ses repères et qu’il est devenu plus difficile d’appréhender. Au-delà de la question de l’effacement des frontières entre le monde de l’enfance et le monde de l’âge adulte, c’est donc tout le problème de notre modernité qui se trouve ici posé : La désorganisation des repères symboliques et culturels commande en effet d’aborder différemment les questions intergénérationnelles et plus largement les pratiques de l’intervention sociale.

                

Bruno Rigolt

________________

Notes
(1) Sociétal : qui est relatif aux valeurs et aux normes instituées d’une société.
(2) axiologie : qui se réfère aux valeurs éthiques et morales.

________________

NetÉtiquette : article protégé par copyright ; la diffusion publique est autorisée sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur ainsi que la source : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2010/11/30/corrige-bts-synthese-generations-les-ages-de-la-vie-perturbes-linterminable-adulescence/
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), novembre 2010

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[Le corpus, très fourni (5 documents), et particulièrement dense, explique la longueur inhabituelle de cette synthèse].

Dans le contexte de crise et d’instabilité sociétales (¹) qui est le nôtre, la réflexion sur la signification du devenir dans les sociétés modernes a pris une dimension essentielle : tel est l’enjeu de ce corpus qui nous invite à réfléchir aux conditions d’accession à l’âge adulte des générations actuelles. C’est en sociologue qu’Olivier Galland aborde cette réflexion en montrant que la jeunesse est avant tout un passage dont les frontières et la définition ont évolué au cours de l’histoire. Cécile van De Velde quant à elle, soumet à une lecture comparative la question du traitement de la jeunesse dans différentes sociétés européennes. Mais il revient aux philosophes Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot de mettre l’accent sur les difficultés à devenir adulte dans un monde où les repères générationnels se sont brouillés. Enfin, c’est sur un mode plaisant mais non moins essentiel que la célèbre affiche du film Tanguy et que la campagne publicitaire pour la marque « Petit Bateau » (documents 4 et 5) réinvestissent ces questionnements que nous nous proposons d’aborder selon une triple perspective : si tous les documents renvoient à l’importance de la jeunesse dans les sociétés actuelles, ils soulignent corrélativement les difficultés à définir cette jeunesse, en fonction des modèles culturels, économiques ou sociaux dominants. Enfin, toute la question sera de savoir comment devenir adulte et aspirer à grandir dans des systèmes où le jeunisme semble être devenu une axiologie (²) dominante.

                   

Un constat s’impose d’emblée : si la jeunesse est devenue un enjeu capital pour comprendre les facteurs qui régissent notre modernité, elle a aussi entraîné un certain « brouillage générationnel » et discrédité la notion même d’adulte, particulièrement dans nos sociétés où l’allongement des études et les difficultés d’insertion retardent le passage de l’enfance à la maturité. Tel est le sens de l’article d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot intitulé « Une crise de l’âge adulte ? » et paru en mai 2008 dans le numéro 193 de la revue Sciences Humaines. Pour les auteurs, non seulement le passage à la maturité est source d’interrogation et d’incertitude chez les jeunes, mais aussi d’appréhension et de crainte pour les adultes eux-mêmes, au point que personne ne semble plus vouloir assumer son âge. L’affiche du film Tanguy réalisé par Étienne Chatiliez en 2001 est illustrative de ce refus de grandir par peur d’affronter le monde. Le personnage principal, Tanguy, a vingt-huit ans et vit toujours chez ses parents. Sur l’affiche du film, nous le voyons radieux et assis en costume entre son père et sa mère, qui eux, en pyjama dans leur lit, arborent une mine plutôt contrariée. Si ce film est devenu un véritable phénomène de société, c’est que l' »adulescence » est le signe tangible d’une génération pour qui l’âge adulte symbolise d’abord le spectre du vieillissement et de la mort. Comme le faisaient remarquer Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, refuser de grandir, c’est conséquemment refuser l’identité adulte.

Cette exaltation de la jeunesse caractéristique des dernières décennies a fini par répandre dans les esprits la conviction que passer de l’enfance à l’âge adulte était forcément un déclin. La mercatique a d’ailleurs exploité opportunément ce phénomène de société. Ainsi, la campagne publicitaire « Les mois » pour la marque « Petit Bateau » (2009), par son aspect intergénérationnel, se joue avec espièglerie du jeunisme de notre époque qui a fini par envahir les rapports parents-enfants : on y voit des bébés, des adultes, des jeunes et des seniors présentés deux par deux (« Elodie 216 mois, Evan 13 mois » par exemple ou bien encore « Chantal 241 mois, Robert 888 mois ») et le slogan résonne comme une promesse en clin d’œil : « Petit Bateau pour toujours ». Néanmoins, la publicité pourrait prêter à une certaine confusion, voire à de la complaisance en faisant de la jeunesse une valeur en soi, en l’érigeant en valeur suprême : le fait que les âges soient évoqués en mois ne relève-t-il pas, au delà de l’humour évident, d’une démagogie flatteuse ? Dès lors, n’est-il pas permis de parler d’une « confusion des âges » pour reprendre les propos d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot ? Alors que les jeunes rêvent de devenir adultes, les adultes redoutent de vieillir et aspirent à retomber en enfance : ne « surtout pas faire son âge » semble donc être devenu l’unique credo des sociétés contemporaines. Une telle approche complique encore davantage l’acquisition des attributs du statut d’adulte.

Dès lors, un premier constat s’impose : il est très difficile d’aborder objectivement la jeunesse. Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS analyse ainsi dans un entretien publié en 2008 par France Diplomatie la notion de jeunesse en tant que catégorie sociale et culturelle spécifique, qu’il conviendrait d’étudier selon lui en se gardant de toute représentation par trop idéologique. L’auteur montre bien comment, particulièrement dans notre pays, les débats n’ont fait souvent qu’alimenter la stigmatisation de la jeunesse alors qu’il faudrait l’aborder « comme un passage entre d’autres âges de la vie, comme une portion du cycle de vie ». Ces propos sont à mettre en relation avec l’analyse proposée par Cécile Van de Velde. Dans « Jeunesses d’Europe, trajectoires comparées » (revue Projet n° 305, juillet 2008), l’auteure souligne combien le modèle français, essentiellement corporatiste et cloisonné, a pu favoriser une approche rigide des jeunes au détriment par exemple de l’approche scandinave où domine une vision de la jeunesse inscrite dans une logique de développement personnel et de cheminement exploratoire, qui légitime au sein même de la société l’émancipation individuelle.

            

Comme nous le comprenons, si la question de la jeunesse est un enjeu prospectif majeur pour aborder les formes de passage à l’âge adulte, les modèles d’analyse existants n’ont pas toujours pris en considération la spécificité de cette jeunesse. À ce titre, Olivier Galland rappelle combien l’idéal d’émancipation et de citoyenneté développé par les Lumières, et corrélativement la montée des processus d’individualisation et de confrontation sociale, ont favorisé l’émergence de modèles d’intervention étatique n’envisageant la jeunesse que sous un aspect conflictuel : les « jeunes » qu’il faut cadrer pour éviter tout débordement, s’opposant aux « vieux ». En fait, plus qu’une période de déviance ou de contestation de l’ordre établi, l’auteur estime que la jeunesse est d’abord « un âge de grande fragilité ». Fragilité qui résulte de facteurs sociaux comme les inégalités intergénérationnelles ou de facteurs économiques comme la restructuration industrielle qu’a connue la France ces dernières décennies. Ces facteurs ont non seulement accentué les incertitudes mais ils ont été source d’une angoisse face à l’avenir. Le spectre de la précarité, voire de la marginalisation sociale, proportionnel à la non qualification de certains jeunes, est en effet devenu l’un des facteurs les plus discriminants aujourd’hui, et explique en partie la montée de la violence et des communautarismes auprès des non-diplômés, particulièrement dans des sociétés où l’opulence consumériste et les valeurs libertaires ont été érigées en modèle social.

Sa réflexion rejoint l’analyse de Cécile van De Velde à propos de la jeunesse française : d’après elle, l’entrée dans l’âge adulte, vécue comme un engagement solennel, tend à faire de la jeunesse une période de construction identitaire et professionnelle qui catégorise hiérarchiquement les individus selon une logique trop déterministe. La difficulté d’un retour à la formation dans la vie active tend par exemple à ériger le niveau initial de poursuite d’études en critère unique de réussite sociale et d’intégration professionnelle. Cette approche de la jeunesse ne va donc pas sans difficultés : comme nous l’avons vu, les pays scandinaves, où domine également une forme de jeunesse longue, l’inscrivent plus judicieusement dans une logique de développement personnel et de cheminement exploratoire, qui légitime au sein même de la société l’émancipation individuelle et la socialisation extrafamiliale. Comme le dit l’auteure, « rester chez ses parents est associé à une « perte de temps », un « isolement » néfaste, voire « dangereux » empêchant de « devenir adulte », et freinant la construction d’une « vie à soi ». Il n’est pas besoin de faire de nouveau référence au film Tanguy pour s’en convaincre.

De nos remarques précédentes ressort une vérité essentielle : à savoir que les modèles classiques d’entrée dans la vie adulte ne semblent plus suffire pour aborder la diversité grandissante que vivent les jeunes aujourd’hui. L’étude comparative menée par Cécile van De Velde montre bien que la multiplicité des destins au sein de la nouvelle génération européenne empêche tout traitement global. Si en France par exemple, la jeunesse est en proie à l’adultisation précoce et à l’autonomisation, elle reste confrontée à une absence de statut et condamnée à dépendre, au moins financièrement, des parents. Au Royaume-Uni au contraire, l’accès au statut social et familial d’adulte est d’autant plus rapide que l’État n’intervient pas financièrement dans l’accompagnement vocationnel des jeunes, selon une logique libérale qui prône avant tout l’autofinancement, la responsabilité individuelle et l’autonomisation. Enfin, en Espagne, les facteurs culturels mais aussi la crise et la précarité professionnelle conditionnent largement le maintien tardif des jeunes au sein de la sphère familiale. De fait, le foyer parental n’est quitté que très tardivement. L’intérêt de cette approche comparative est bien de montrer que d’un pays à l’autre, le chemin pour devenir adulte s’inscrit largement dans des logiques culturelles et des déterminismes historiques profondément ancrés dans l’inconscient collectif.

            

En fait, tous les textes du corpus montrent que l’idéal adulte d’aujourd’hui est d’autant plus douloureux et difficile à atteindre qu’il exigerait une réconciliation avec l’idée de société, au sens historique du terme, tâche exigeante, et idéal difficile à acquérir car il est en contradiction avec le modèle social de l’individualisme occidental, qui pousse les adultes à ne pas assumer leur âge. Pour Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot en effet, une telle attitude amène l’individu à entrer en contradiction non seulement avec les autres mais plus encore avec soi-même par peur d’affronter sa propre singularité face au monde. Les deux philosophes mais aussi le sociologue Olivier Galland montrent donc qu’il est devenu plus compliqué de devenir adulte pour des raisons culturelles et structurelles, mais aussi conjoncturelles liées à l’incertitude économique et enfin parce que la transmission des valeurs est devenue plus difficile dans le monde d’aujourd’hui où les jeunes doivent de plus en plus se trouver seuls des modèles normatifs. L’affiche du film Tanguy est d’ailleurs illustrative de cette faillite du modèle éducatif parental. On pourrait tout aussi bien évoquer la campagne publicitaire « Petit Bateau » qui, en brouillant les repères générationnels et normatifs, propose une vision fragilisée de l’état adulte, et plus globalement de la société dans son ensemble.

Comme nous le comprenons, ce qu’on appelait autrefois les rites de passage est au cœur même du débat. Comme le remarquent avec justesse  Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot, même de nos jours, le long chemin pour devenir adulte s’organise en étapes rythmées par des crises et qui préparent à affronter la maturité, qui est toujours considérée comme le but ultime de la vie. Non seulement, pour les auteurs, le fait de vouloir accéder à l’âge adulte reste encore un objectif marquant de l’existence, mais, malgré l’apparent jeunisme de notre société, chacun aspire à cet idéal de maturité, qui peut être défini par l’expérience, qui est le rapport au monde, la responsabilité qui est le rapport aux autres, et l’authenticité qui est le rapport à soi-même. Mais comment atteindre cet idéal quand les conditions d’accession à l’âge adulte ont été modifiées, tout comme la représentation du statut de l’adulte ? Ainsi que nous le remarquions, l’affiche du film Tanguy de même que les photographies pour la marque « Petit Bateau » sont à ce titre éclairantes. Tous les textes du corpus nous rappellent enfin explicitement ou implicitement combien la multiplication des rites de passage dans les sociétés modernes a eu pour effet d’étaler et de fragmenter à l’infini les attributs sociaux de la maturité. 

Au terme de ce travail, interrogeons-nous : la question de la jeunesse est l’un des problèmes de société les plus importants qui se posent à notre modernité. Cécile Van de Velde montre bien qu’être adulte aujourd’hui coïncide avec de multiples représentations en fonction des cultures. Mais comme l’indique Olivier Galland, ces représentations sont plus fragmentées que par le passé. De même, « les autres phases, qui marquaient auparavant le passage à l’âge adulte, sont devenues plus floues ». C’était également l’intérêt de la réflexion d’Éric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot de montrer que l’instabilité de la construction sociale de l’adulte s’explique en partie par l’échec de la formation identitaire dans une culture occidentale bouleversée, qui se cherche de nouvelles valeurs, mais qui a perdu ses repères et qu’il est devenu plus difficile d’appréhender. Au-delà de la question de l’effacement des frontières entre le monde de l’enfance et le monde de l’âge adulte, c’est donc tout le problème de notre modernité qui se trouve ici posé : La désorganisation des repères symboliques et culturels commande en effet d’aborder différemment les questions intergénérationnelles et plus largement les pratiques de l’intervention sociale.

                

Bruno Rigolt

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Notes
(1) Sociétal : qui est relatif aux valeurs et aux normes instituées d’une société.
(2) axiologie : qui se réfère aux valeurs éthiques et morales.

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NetÉtiquette : article protégé par copyright ; la diffusion publique est autorisée sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur ainsi que la source : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2010/11/30/corrige-bts-synthese-generations-les-ages-de-la-vie-perturbes-linterminable-adulescence/
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), novembre 2010

Un automne en poésie 2011 1L2 1S2 1STG3… Cinquième livraison

Un automne en poésie… édition 2011… Cinquième livraison

Voici l’avant-dernière livraison de l’édition 2011 d’Un automne en poésie, manifestation d’art qui entend marquer à sa manière la rentrée littéraire au Lycée en Forêt. Plus de soixante textes, tous inédits ! Ces poèmes, souvent d’une grande densité intellectuelle, chantent avant tout la nostalgie de l’Idéal et du Spirituel. Proclamant le pouvoir de l’art sur la vie quotidienne, de la subjectivité sur l’objectivité, de l’imaginaire sur le réel, ils s’inscrivent dans la tradition symboliste. Je vous laisse découvrir la suite des textes publiés…

NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les poèmes des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du poème cité (URL de la page).
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La brume commence à danser

par Melvin H.

(Classe de Première L2)

               

La pureté des étoiles se fond dans la nuit
Le soupir du vent ne fait plus de bruit
Des lumières dans le ciel vacillent
Ce sont celles des lucioles
D’ici déjà des heures les rayons du soleil
Caresseront le sol. La brume commence à danser
Dans les herbes fades et la fraîcheur de l’air
Qui court lentement sur moi s’évade…

           

          

Je m’envole

par Louis C.
(Classe de Première STG3)

                 

Comme Icare je m’envole
Vers l’infini désespoir
De la tristesse envoûtée.

Mon cœur mélancolique
Ne saurait faire trembler
Les fleurs du voyage.

Homme, je sais me comparer
Aux nuées ardentes :
Le jour du Jugement Dernier arrivera :

Zeus, roi des rois,
Viendra disloquer l’homme le long des côtes
Les entrailles du monde pourriront au fond des abysses

Alors la nature s’enfuira
Pour échapper aux hommes
Pleins de solitude et d’amertume.

                 

                    

De nos jours

par Zyad A.
(Classe de Première S2)

                 

De nos jours, le cœur des hommes est noir de vide
La démence des anges appelle à l’enfer
Le monde exprime ses joies au-dessus du précipice
Ces joies qui attristent le bonheur,
Qui grisent les roses
Et font pleurer les rêves…

De nos jours, imposture et fabulation
Éblouissent les hommes
D’une lumière ténébreuse
Une chimère qui aveugle le monde.
Les larmes de nos jours heureux coulent, coulent
Vers une chute certaine.

        

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Les sentiments s’évaporent

par Hapsa S.
(Classe de Première STG3)

                 

En ce jour de tristesse,

Les sentiments s’évaporent ;

Le temps n’a guère de valeur

Et la clarté lunaire se reflète en mon cœur.

             

Les âmes se vident

En ce jour de tristesse,

Le cœur fragile,

Le mal nous déchire.

                       

Les esprits voyagent

Les souvenirs s’effacent

En ce jour de tristesse

Et le silence s’installe.

              

Le désir de Liberté

Vers nos rêves

Se lit dans les yeux du monde

En ce jour de tristesse…

                  

    

Après une lecture de “Brise marine”

par Odyssée S.
(Classe de Première L2)

                 

Pantin de vos réalités
Où sommeillent de fictives vérités
Son cœur d’automate hurle à l’excursion :       

Ses membres engourdis veulent partir
Et sa tête se balade à travers les vers et les syllabes
Et son âme délibère parmi les mots,

Abandonne tout son être à d’irréelles proses.
Ce désir onirique lui fit presque épargner
Le dur réveil dans votre réalité.

  

                     

Bonheur accusé

par Léa G.
(Classe de Première L2)

                 

L’orient mord à pleines dents

Le sable chaud et la chaleur éternelle

Le soleil s’achève

Sur les chemins de la mer.

                 

Je vole au fond des océans

J’ai chaviré la profondeur des mers

Doux parfum d’écume envolée

D’étoiles lointaines.

                   

Mes pensées légères comme une feuille morte,

Le bras de la justice frappe à ma porte

Arc-en-ciel arraché de la vie

Mouillé par l’horizon au cœur suprême…

             

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Ivan Aïvazovski La Baie de Naples au clair de lune, 1842 (The Ayvazovski Art Gallery, Théodosie, Ukraine)

                

                    

Le lieu

par Antoine N.
(Classe de Première L2)

                 

C’est un lieu perdu et froid
Pourtant doux comme la soie
Parfois, on ne comprend pas à quoi il sert
Car il peut être vide et silencieux comme le désert.

Beaucoup de gens le gardent pour eux
Ils ne disent rien, sont malheureux
S’ils ne souhaitent dire leur bonheur
C’est qu’il s’agit peut-être d’un simple malheur ?         

Parfois il décide de se chauffer
C’est à ce moment que l’on peut aspirer
À vivre en paix dans un foyer
Devant un feu ardent toujours animé.

Ce lieu peut aussi s’arrêter de parler
Ou bien, dans le pire des cas, se briser
Car cet endroit qui peut donner ou non le malheur
C’est ce beau lieu qu’on appelle le cœur…

           

La rencontre

par Estelle J.
(Classe de Première STG3)

                 

Le toucher d’une femme redonne espoir :

Le temps d’un baiser

Et toutes les larmes sont oubliées.

Cette étoile brillante dans un regard,

Il le sait : il restera celui qui l’aimait sans mesure

Il cherchera aux limites du monde

À revoir ses yeux azur en amande tant convoités.

De la falaise rocheuse où il l’avait rencontrée

Il revoit ce visage inondé d’innocence et de pureté :

Le vent faisait virevolter sa robe blanche

Et ses cheveux d’été pénétrés de soleil…

“Vais-je la revoir un jour ?” pensait-il,

“En tout cas je l’espère”…

                    

                 

Libération solitaire

par Manon M.
(Classe de Première L2)

                 

L’oxygène respire la nature

Et les oiseaux volent vers l’instant

D’une rime étrangère :

Là où la nature est arrachée de ses rêves,

Où la mélancolie des mondes solitaires

Envahit l’intense étourdissement,

Là où des oiseaux papillonnent

Parmi ces cloisons parfois libérées…

       

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Le fleuve du monde déferle

par Nicolas B.
(Classe de Première L2)

                 

Perdu dans une brume à la grisaille éclatante,

L’esprit vagabonde, invisible et gracieux,

Pareil au nuage dans la tempête,

Comme les larmes des glaciers se répandent…

Que l’hiver migre

Et le fleuve du monde déferle !

Noyant, brisant, anéantissant ses souvenirs :

Le barrage a cédé.

Il faut maintenant reconstruire.

              

               

Le poids d’une goutte de pluie

par Pierre A.
(Classe de Première STG3)

                 

La vie, vaste chose oppressée

Telle une feuille subissant le poids

D’une goutte de pluie…

Et l’homme, petite chose

Devant ces colosses que l’on nomme

Les défis de la vie humaine.

Agréable douleur que la vie emplie de larmes ?

L’homme commence à perdre haleine

Ses mains tremblent,

Le Fossoyeur lentement creuse sa tombe.

             

               

Histoire d’une nuit étoilée

par Émilie C.

(Classe de Première L2)

                 

Le chant suprême de mon cœur résonne

Comme le cri de détresse d’un homme à la mer.

Il m’emporte vers des îles belles de solitude

Mon âme se laisse envoler par ce doux rêve

Séquestrée par la douleur d’une nuit étoilée.

              

Puis au soleil levant, elle laisse libre cour

À son désespoir. Mille fois,

J’ai entendu l’histoire de ces nuits étoilées

Jusqu’à ce que ma douce lumière s’éteigne

Laissant en moi un sentiment d’amertume en fleur…

             

           

               

Tempête ensoleillée

par Mélissa M.

(Classe de Première L2)

                 

Semaine sans inspiration

Fin de tempête laissant place au soleil

L’humeur du jour réduite à penser

À la beauté de la vie.

Le vent se mêlera à la mer…

         

            

Le chant des lyres

par Timothy A. et Robin C.

(Classe de Première S2)

                            

Le chant des lyres berce mon cœur décédé

La plainte des nuages comme supplice à une mort égarée

Je parcours ton cœur dans l’image d’une souffrance infinie

Le souvenir de toi envahit ma douce pensée :

Ma peine est vaste comme l’existence succincte…

           

D’autres textes seront publiés prochainement…

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Classe de Seconde 6 : TP Sémiologie de l'image publicitaire. Le Touran de Volkswagen

Ce support de cours est destiné en priorité à la classe de Seconde 6 qui prépare actuellement une série d’analyses sur la sémiologie de l’image publicitaire en vue d’un projet d’écriture collectif. La lecture de l’image (fixe et mobile) figure en effet au programme des classes de Lycée. Elle s’attache à dégager les spécificités du message iconique et à mettre en relation celui-ci avec le langage verbal.

Ce travail s’inspire d’une étude menée en 2008 avec les étudiantes BTS AG-PME 1ère année dans le cadre de mon cours de Culture générale et Expression française.
 
Copyright
© Toutes les marques citées dans cette étude sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs.
Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins pédagogiques.
               
  • Présentation du TP « Sémiologie de l’image publicitaire » : cliquez ici.
  • Pour voir l’analyse d’image de la Lancia Musa), cliquez ici.
  • Pour voir l’analyse d’image du parfum Princess de Vera Wang, cliquez ici.
         

Exemple d’analyse de publicité : le « Touran » Volkswagen

touran.1289667734.jpg

Le contexte

Publiée en 2007 dans Paris-Match, un magazine généraliste grand public centré sur la « prouesse » journalistique, cette publicité vise essentiellement une cible familiale : les 30-50 ans. Le support de presse choisi est totalement adapté au « Nouveau Volkswagen Touran », monospace à la fois sobre et sensationnaliste de par le décor choisi : celui d’un parc d’attraction.

Les dénotations de l’image

Plusieurs éléments composent cette image. Tout d’abord on peut remarquer que la scène est construite en profondeur. À l’arrière plan, se découpant sur un ciel nocturne éclairé par la lumière artificielle du parc d’attraction, on aperçoit les limites du manège. La voiture, roulant sur les rails d’une montagne russe, est au premier plan. Elle entraîne tout de suite le lecteur dans un univers particulier, celui du parc d’attraction, et de la fête (avec toutes les dérives possibles et les dangers liés à l’univers nocturne…). Le photomontage propose une mise en scène originale et ludique : en premier lieu, la voiture est relativement centrée, mais par son mouvement, elle semble s’apprêter à sortir du cadre.

On peut à ce titre s’intéresser aux lignes de force essentiellement obliques ou diagonales qui organisent la morphologie de l’image. La multiplicité des lignes obliques rend la scène particulièrement dynamique, d’autant qu’elle est construite en profondeur avec de nombreux points d’intersection facilitant l’ancrage visuel. Il est à noter que ces lignes de force convergent vers le bas, amenant ainsi le lecteur à prendre plus facilement connaissance du message linguistique.

206_ai_touran_1.1289669674.jpg

La couleur grise du véhicule se détache nettement du fond. Le cadre assez sombre de la photographie accentue d’ailleurs cette mise en valeur du véhicule. L’aspect ludique du décor contraste enfin avec la sobriété du Touran, qui semble valoriser l’aspect « sécurité » de la conduite.

206_ai_touran_2.1289670245.jpgPar ailleurs, on remarque que le Touran emprunte un chemin différent de celui des véhicules du manège : il semble ainsi mis se démarquer de la concurrence et afficher sa singularité. Sous l’image, on trouve les messages linguistiques. Le nom du produit, puis le slogan « C’est bon d’être père », et enfin l’argumentaire. Celui-ci met essentiellement l’accent sur la dimension sécuritaire du véhicule, mais avec humour : « Biberons, couches, poussettes… La vie d’un père n’est pas un jeu d’enfant ». Au-delà des jeux de mots, ce sont bien les notions de risque liées à la conduite, et de responsabilité éducative qui se trouvent mises en avant. Tout en bas à droite de la publicité, on trouve le logo ainsi que le slogan propre à la marque : « Par amour de l’automobile ».

Les connotations de l’image

Si vous êtes un jour monté sur des montagnes russes, vous savez combien cette attraction inspire la peur et paradoxalement l’envie de se confronter au danger, pour effleurer le paradis des sensations à haut risque. 206_ai_touran_3.1289670382.jpgLa publicité est construite sur cette dramatisation du spectacle, fait de rebondissements, de peurs, de rires. Comment ne pas évoquer ici les dangers de la route suggérés implicitement par les montagnes russes et par la construction de l’image basée sur une mise en abîme : la publicité en effet met en correspondance le jeu et la conduite, le danger et la sécurité. Le Touran est présenté comme un véhicule unissant à la fois l’aspect festif et atypique du produit et sa dimension sécuritaire et normative : il semble ainsi « canaliser » la fête au lieu de la « spectaculariser ». Notez la position du véhicule, fondamentale : le Touran a réussi le « test » des montagnes russes et sort victorieux du manège transformant ainsi le débordement festif en principe d’organisation et de régulation d’une conduite trop dangereuse.

Remarquez à ce sujet le nombre de petits drapeaux qui semblent évoquer des panneaux routiers symbolisant les risques 206_ai_touran_7.1289673070.jpgliés à à la conduite. Ces panneaux assurent un présupposé commun (le code de la route), qui offre à chacun des points de repères. Au lieu d’avoir mis en avant la vitesse, Volkswagen a privilégié au contraire la sécurité et la lutte contre l’incertitude. Dans l’environnement instable des montagnes russes (comme celui d’une route par conduite de nuit), les rails, les drapeaux font figure de règles et de rites normatifs visant à  contrôler les comportements des bons conducteurs. Dans ce contexte, le Touran s’affiche comme un monospace capable de gérer les incertitudes inévitables. Il fait implicitement l’éloge d’une conduite responsable.

« C’est bon d’être père. »

Cette phrase d’accroche n’a sans doute pas manqué de vous interpeller. Le fait « d’être père », c’est se sentir une responsabilité directe vis-à-vis de l’enfant et c’est donc assumer par voie de conséquence le passage du statut de l’homme sexué à celui de l’homme responsable d’un point de vue éducationnel et moral. Les mots « biberons, couches, poussettes » se rapportent au champ lexical des bébés, et connotent évidemment la question de la responsabilité parentale. On notera au passage que tous les mots sont au pluriel, suggérant l’espace important du monospace, prêt à accueillir une famille nombreuse ! On peut également relever ici un très net changement dans les repères institutionnels définissant la paternité. On est très loin de l’image traditionnelle du « paterfamilias » : il est carrément question de « biberons », de « couches » et de « poussettes » ! Le public ciblé est donc le « nouveau père », capable de prendre en charge des tâches ménagères jadis dévolues aux femmes. Dans un contexte émancipatoire où les femmes sont valorisées, le « nouveau père » est celui qui a un rapport plus étroit avec son enfant. Mais pour être un « nouveau père », il n’en est pas moins homme ! Les publicitaires jouent habilement sur cet aspect maladroit et désorganisé de l’homme dès qu’il est question de tâches ménagères : on lui propose de l’aider, de l’assister !

Enfin, la phrase « La vie d’un père n’est pas un jeu d’enfant » pose très explicitement la question de la responsabilité parentale. À la différence des auto-tamponneuses des parcs d’attraction ou des wagonnets des montagnes russes qui sont des « jeux d’enfant », la conduite est un « jeu d’adulte » 206_ai_touran_5.1289671935.jpgqui implique moralement (et pénalement). On peut voir ici une célébration du « nouveau conducteur », à l’opposé du macho ou du frimeur. Comparée aux autres véhicules trop colorés, trop dangereux (armature insuffisante, absence de portes), le monospace de Volkswagen présente un habitacle fermé et sécurisé. Par son aspect fermé, il connote un certain repli sur la sphère privée, sur la famille, le cocooning. À l’imaginaire de la conquête, de l’expansion festive et de l’optimisme désordonné caractéristique des Trente Glorieuses succède ici un imaginaire social de protection, de sécurisation, de confinement sur les valeurs d’accomplissement et de réalisation de la famille.

206_ai_touran_6.1289672355.jpg

Il peut être intéressant ici de faire référence à la pyramide des besoins et des motivations imaginée dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow. 206_ai_touran_maslow.1289671617.jpgLa pyramide est constituée de cinq niveaux. Selon Maslow, les individus recherchent d’abord à satisfaire chaque besoin d’un niveau donné avant de penser aux besoins situés au niveau immédiatement supérieur. Aux premiers besoins primaires, essentiellement physiologiques, succèdent des besoins secondaires liés à la sécurité. Enfin, à un niveau plus symbolique viennent les besoins d’appartenance,  de reconnaissance sociale et d’accomplissement de soi. Le besoin de s’accomplir est selon Maslow le sommet des aspirations humaines. Il amène à sortir d’une condition purement matérielle pour atteindre un certain épanouissement spirituel.

Métaphoriquement, c’est ce que suggère la publicité pour le Touran. Le monospace satisfait non seulement les besoins physiologiques et sécuritaires mais il valorise aussi les besoins d’appartenance, d’estime et d’accomplissement.  Appartenance à un groupe, celui des bons conducteurs et des familles modernes qui privilégient la sécurité. Estime de soi en présentant l’image d’un père soucieux de partager les tâches ménagères, enfin accomplissement dans le cadre d’une idéalisation de la famille et d’une recherche du Bonheur. 206_ai_touran_4.1289671304.jpgLe slogan de la marque « Par amour de l’automobile » est la concrétisation de cet accomplissement. Le mot « amour » est à l’opposé de la technologie. Il substitue à la performance physique du macho et à la seule performance matérielle de la voiture une recherche hédoniste du bonheur, de l’idéal et du sens dans une société en perte de repères. L’expression semble ainsi dire « À quoi sert la technologie si elle ne s’accompagne pas d’une nouvelle éthique comportementale ? »

Bruno Rigolt
____________

Crédits
NetÉtiquette : article protégé par copyright ; la diffusion publique est autorisée sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur ainsi que la source : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2010/11/13/classe-de-seconde-6-tp-semiologie-de-limage-publicitaire-le-touran-de-volkswagen/
Copyright : toutes les marques citées dans cette étude sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs.
Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins pédagogiques.
 
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), février 2008, novembre 2010

Pour aller plus loin : en vous aidant de ce support de cours ainsi que de vos connaissances sur la sémiologie de l’image publicitaire, comparez cette publicité avec les deux spots suivants. Essayez de voir l’image nouvelle de la parentalité qui s’en dégage :

 

Classe de Seconde 6 : TP Sémiologie de l’image publicitaire. Le Touran de Volkswagen

Ce support de cours est destiné en priorité à la classe de Seconde 6 qui prépare actuellement une série d’analyses sur la sémiologie de l’image publicitaire en vue d’un projet d’écriture collectif. La lecture de l’image (fixe et mobile) figure en effet au programme des classes de Lycée. Elle s’attache à dégager les spécificités du message iconique et à mettre en relation celui-ci avec le langage verbal.

Ce travail s’inspire d’une étude menée en 2008 avec les étudiantes BTS AG-PME 1ère année dans le cadre de mon cours de Culture générale et Expression française.
 
Copyright
© Toutes les marques citées dans cette étude sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs.
Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins pédagogiques.
               
  • Présentation du TP « Sémiologie de l’image publicitaire » : cliquez ici.
  • Pour voir l’analyse d’image de la Lancia Musa), cliquez ici.
  • Pour voir l’analyse d’image du parfum Princess de Vera Wang, cliquez ici.
         

Exemple d’analyse de publicité : le « Touran » Volkswagen

touran.1289667734.jpg

Le contexte

Publiée en 2007 dans Paris-Match, un magazine généraliste grand public centré sur la « prouesse » journalistique, cette publicité vise essentiellement une cible familiale : les 30-50 ans. Le support de presse choisi est totalement adapté au « Nouveau Volkswagen Touran », monospace à la fois sobre et sensationnaliste de par le décor choisi : celui d’un parc d’attraction.

Les dénotations de l’image

Plusieurs éléments composent cette image. Tout d’abord on peut remarquer que la scène est construite en profondeur. À l’arrière plan, se découpant sur un ciel nocturne éclairé par la lumière artificielle du parc d’attraction, on aperçoit les limites du manège. La voiture, roulant sur les rails d’une montagne russe, est au premier plan. Elle entraîne tout de suite le lecteur dans un univers particulier, celui du parc d’attraction, et de la fête (avec toutes les dérives possibles et les dangers liés à l’univers nocturne…). Le photomontage propose une mise en scène originale et ludique : en premier lieu, la voiture est relativement centrée, mais par son mouvement, elle semble s’apprêter à sortir du cadre.

On peut à ce titre s’intéresser aux lignes de force essentiellement obliques ou diagonales qui organisent la morphologie de l’image. La multiplicité des lignes obliques rend la scène particulièrement dynamique, d’autant qu’elle est construite en profondeur avec de nombreux points d’intersection facilitant l’ancrage visuel. Il est à noter que ces lignes de force convergent vers le bas, amenant ainsi le lecteur à prendre plus facilement connaissance du message linguistique.

206_ai_touran_1.1289669674.jpg

La couleur grise du véhicule se détache nettement du fond. Le cadre assez sombre de la photographie accentue d’ailleurs cette mise en valeur du véhicule. L’aspect ludique du décor contraste enfin avec la sobriété du Touran, qui semble valoriser l’aspect « sécurité » de la conduite.

206_ai_touran_2.1289670245.jpgPar ailleurs, on remarque que le Touran emprunte un chemin différent de celui des véhicules du manège : il semble ainsi mis se démarquer de la concurrence et afficher sa singularité. Sous l’image, on trouve les messages linguistiques. Le nom du produit, puis le slogan « C’est bon d’être père », et enfin l’argumentaire. Celui-ci met essentiellement l’accent sur la dimension sécuritaire du véhicule, mais avec humour : « Biberons, couches, poussettes… La vie d’un père n’est pas un jeu d’enfant ». Au-delà des jeux de mots, ce sont bien les notions de risque liées à la conduite, et de responsabilité éducative qui se trouvent mises en avant. Tout en bas à droite de la publicité, on trouve le logo ainsi que le slogan propre à la marque : « Par amour de l’automobile ».

Les connotations de l’image

Si vous êtes un jour monté sur des montagnes russes, vous savez combien cette attraction inspire la peur et paradoxalement l’envie de se confronter au danger, pour effleurer le paradis des sensations à haut risque. 206_ai_touran_3.1289670382.jpgLa publicité est construite sur cette dramatisation du spectacle, fait de rebondissements, de peurs, de rires. Comment ne pas évoquer ici les dangers de la route suggérés implicitement par les montagnes russes et par la construction de l’image basée sur une mise en abîme : la publicité en effet met en correspondance le jeu et la conduite, le danger et la sécurité. Le Touran est présenté comme un véhicule unissant à la fois l’aspect festif et atypique du produit et sa dimension sécuritaire et normative : il semble ainsi « canaliser » la fête au lieu de la « spectaculariser ». Notez la position du véhicule, fondamentale : le Touran a réussi le « test » des montagnes russes et sort victorieux du manège transformant ainsi le débordement festif en principe d’organisation et de régulation d’une conduite trop dangereuse.

Remarquez à ce sujet le nombre de petits drapeaux qui semblent évoquer des panneaux routiers symbolisant les risques 206_ai_touran_7.1289673070.jpgliés à à la conduite. Ces panneaux assurent un présupposé commun (le code de la route), qui offre à chacun des points de repères. Au lieu d’avoir mis en avant la vitesse, Volkswagen a privilégié au contraire la sécurité et la lutte contre l’incertitude. Dans l’environnement instable des montagnes russes (comme celui d’une route par conduite de nuit), les rails, les drapeaux font figure de règles et de rites normatifs visant à  contrôler les comportements des bons conducteurs. Dans ce contexte, le Touran s’affiche comme un monospace capable de gérer les incertitudes inévitables. Il fait implicitement l’éloge d’une conduite responsable.

« C’est bon d’être père. »

Cette phrase d’accroche n’a sans doute pas manqué de vous interpeller. Le fait « d’être père », c’est se sentir une responsabilité directe vis-à-vis de l’enfant et c’est donc assumer par voie de conséquence le passage du statut de l’homme sexué à celui de l’homme responsable d’un point de vue éducationnel et moral. Les mots « biberons, couches, poussettes » se rapportent au champ lexical des bébés, et connotent évidemment la question de la responsabilité parentale. On notera au passage que tous les mots sont au pluriel, suggérant l’espace important du monospace, prêt à accueillir une famille nombreuse ! On peut également relever ici un très net changement dans les repères institutionnels définissant la paternité. On est très loin de l’image traditionnelle du « paterfamilias » : il est carrément question de « biberons », de « couches » et de « poussettes » ! Le public ciblé est donc le « nouveau père », capable de prendre en charge des tâches ménagères jadis dévolues aux femmes. Dans un contexte émancipatoire où les femmes sont valorisées, le « nouveau père » est celui qui a un rapport plus étroit avec son enfant. Mais pour être un « nouveau père », il n’en est pas moins homme ! Les publicitaires jouent habilement sur cet aspect maladroit et désorganisé de l’homme dès qu’il est question de tâches ménagères : on lui propose de l’aider, de l’assister !

Enfin, la phrase « La vie d’un père n’est pas un jeu d’enfant » pose très explicitement la question de la responsabilité parentale. À la différence des auto-tamponneuses des parcs d’attraction ou des wagonnets des montagnes russes qui sont des « jeux d’enfant », la conduite est un « jeu d’adulte » 206_ai_touran_5.1289671935.jpgqui implique moralement (et pénalement). On peut voir ici une célébration du « nouveau conducteur », à l’opposé du macho ou du frimeur. Comparée aux autres véhicules trop colorés, trop dangereux (armature insuffisante, absence de portes), le monospace de Volkswagen présente un habitacle fermé et sécurisé. Par son aspect fermé, il connote un certain repli sur la sphère privée, sur la famille, le cocooning. À l’imaginaire de la conquête, de l’expansion festive et de l’optimisme désordonné caractéristique des Trente Glorieuses succède ici un imaginaire social de protection, de sécurisation, de confinement sur les valeurs d’accomplissement et de réalisation de la famille.

206_ai_touran_6.1289672355.jpg

Il peut être intéressant ici de faire référence à la pyramide des besoins et des motivations imaginée dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow. 206_ai_touran_maslow.1289671617.jpgLa pyramide est constituée de cinq niveaux. Selon Maslow, les individus recherchent d’abord à satisfaire chaque besoin d’un niveau donné avant de penser aux besoins situés au niveau immédiatement supérieur. Aux premiers besoins primaires, essentiellement physiologiques, succèdent des besoins secondaires liés à la sécurité. Enfin, à un niveau plus symbolique viennent les besoins d’appartenance,  de reconnaissance sociale et d’accomplissement de soi. Le besoin de s’accomplir est selon Maslow le sommet des aspirations humaines. Il amène à sortir d’une condition purement matérielle pour atteindre un certain épanouissement spirituel.

Métaphoriquement, c’est ce que suggère la publicité pour le Touran. Le monospace satisfait non seulement les besoins physiologiques et sécuritaires mais il valorise aussi les besoins d’appartenance, d’estime et d’accomplissement.  Appartenance à un groupe, celui des bons conducteurs et des familles modernes qui privilégient la sécurité. Estime de soi en présentant l’image d’un père soucieux de partager les tâches ménagères, enfin accomplissement dans le cadre d’une idéalisation de la famille et d’une recherche du Bonheur. 206_ai_touran_4.1289671304.jpgLe slogan de la marque « Par amour de l’automobile » est la concrétisation de cet accomplissement. Le mot « amour » est à l’opposé de la technologie. Il substitue à la performance physique du macho et à la seule performance matérielle de la voiture une recherche hédoniste du bonheur, de l’idéal et du sens dans une société en perte de repères. L’expression semble ainsi dire « À quoi sert la technologie si elle ne s’accompagne pas d’une nouvelle éthique comportementale ? »

Bruno Rigolt

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Crédits
NetÉtiquette : article protégé par copyright ; la diffusion publique est autorisée sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur ainsi que la source : http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2010/11/13/classe-de-seconde-6-tp-semiologie-de-limage-publicitaire-le-touran-de-volkswagen/
Copyright : toutes les marques citées dans cette étude sont déposées. Les publicités et les différents éléments qui les composent (logos, messages linguistiques et iconiques) sont la propriété de leurs détenteurs respectifs.
Merci à eux d’en permettre l’exploitation à des fins pédagogiques.
 
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© Bruno Rigolt, (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France), février 2008, novembre 2010

Pour aller plus loin : en vous aidant de ce support de cours ainsi que de vos connaissances sur la sémiologie de l’image publicitaire, comparez cette publicité avec les deux spots suivants. Essayez de voir l’image nouvelle de la parentalité qui s’en dégage :

 

Chroniques d'élèves… Première L2 : Lettre ouverte à la grisaille du quotidien… Honorine B

La classe de Première L2 du Lycée en Forêt (Promotion 2010) a eu l’occasion de défendre haut et fort la Poésie à travers une écriture d’invention intitulée « Lettre ouverte à la grisaille du quotidien »… 
Parmi tous les textes rédigés, toujours de grande qualité, quelques uns m’ont paru suffisamment remarquables pour être publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif.
Le deuxième est le texte d’Honorine B… Je vous le laisse découvrir :

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« Dans la poésie, la vie est plus que la vie elle même…»
Vissarion Bielinski, La Poésie de M. Lermontov

          

honorine_b_1l2_lettrine_b.1289640407.jpgielinski avait tout compris. Contrairement à ce monde, devenu aveugle. Et contrairement à toi, Grisaille du quotidien : le voyage t’effraie, la nature te fait peur, l’inconscient te dépasse, et le vrai te terrifie. Tu ne peux concevoir l’individu. C’est pour ça que tu n’aimes pas la poésie. Tu ne saurais percevoir sa valeur immatérielle, mille fois plus importante que le prix de tous tes gadgets réunis. D’ailleurs, c’est à cause d’eux que tu ne peux plus voir la beauté des choses. Alors je vais essayer de t’ouvrir les yeux.

Premièrement, surmonte ton angoisse de l’inconnu. Baudelaire nous a fait une invitation, et quelle invitation ! « L’invitation au Voyage« . Suis-le !  Cette promenade, c’est avec ton cœur que tu la feras. Laisse tes oripeaux au placard. Certes, tu ne pourras prendre aucune photographie au cours de ce voyage… Mais c’est ton âme qui gardera ces précieux souvenirs. Tu n’aimes pas ? Tu n’as pas l’air de comprendre ? Lis-tu entre les lignes ? Non. Tu n’y arrives pas. Ou plutôt, tu ne veux pas. Tu refuses d’apporter un peu de couleur à ta monotonie. Ce « pays de Cocagne » ne semble pas assez concret pour toi. Et pourtant il est bien plus réel que tout ce qui t’entoure. Certes, tu ne pourras rien acheter, rien vendre, rien toucher, rien prendre. Mais les apparences sont trompeuses. Tes sophismes l’illustrent parfaitement. Car ce voyage est réel. Ce voyage est concret. Simplement pas dans le sens où tu l’entends.

honorine_b_1l2_lettrine_f.1289648309.jpginalement, Baudelaire n’est peut-être pas approprié à ton cas : tu es devenue trop nihiliste pour ressentir la magnificence de  ses textes. Mais n’abandonne pas ! Peut-être les haïkus Japonais te parleront-ils davantage ? Puisses-tu les lire, et te projeter dans les îles de ton inconscient. Mais la poésie est un lieu difficile d’accès, et tu en as tellement peur que tu le bloques… Alors rappelle-toi simplement d’une île qui existe. C’est un début. Imaginer. Ressentir. Penser.

         

Mystique mirage dont découlent d’exquises perditions… (¹)

Car la poésie est un exil : tu peux toujours essayer de la suivre ! En vain. Contente-toi, si tu le peux, de suivre Bernard Weber : son Livre du voyage n’est pas de la poésie au sens commun et banal du terme, mais dans son acception la plus noble. Si le texte est simple, en revanche la pensée est profonde : pour Bernard Weber, entrer en poésie contribue à imaginer son propre monde. C’est bien là le sens du Poétique, non ? Le poème aide à s’évader de son quotidien. Lis de la poésie, et ta grisaille « s’arc-en-cièlisera ». Ton quotidien « s’exceptionnalisera » : peut-être apprendras-tu à penser par toi-même. Car lire est en soi une chose charmante, mais écrire libère encore plus. Ce monde ne néglige-t-il pas la puissance des mots ? Car avoue-le : tu négliges la puissance des mots. Et pourtant c’est par eux que tout passe. C’est par eux que tout à commencé… Écrire est un véritable mirage. Un « mystique mirage dont découlent d’exquises perditions » (¹)…

honorine_b_1l2_lettrine_t.1289649969.jpgTu dois te dire peut-être que la poésie est élitiste. Et pourtant elle ne l’est pas. Elle peuple ton quotidien : tu peux la retrouver dans des chansons. Tu peux la retrouver dans des tableaux, et dans l’harmonie même de la nature. La nature n’est-elle pas ce qu’il y a de plus beau, et de plus pur en ce monde ? Il n’y a qu’à regarder les actualités pour voir ce tu en as as fait. Le monde se meurt par ta faute. Si tu faisais plus attention à ses besoins, elle t’en remercierait. Gaïa est belle. Et tu l’as corrompue. Il serait tant maintenant de la vénérer, comme tant d’autres l’ont fait avant toi. Mais tu as démoli tout ce qui leur était cher. Tu essayes d’analyser leurs écrits, mais tu le fais de façon tellement linéaire que tu passes à côté de l’essentiel. Tu fais des commentaires et autres analyses de textes, tu te laisses aveugler par des procédés stylistiques et tu en oublies le principal : le Verbe. Je reviens à Baudelaire : quand il rédige « Correspondances« , il a pourtant essayé de t’expliquer à quel point le monde matériel correspondait au monde spirituel : « La nature est un temple où de vivants piliers/Laissent parfois sortir de confuses paroles »… Ne chante-t-il pas ici les mystérieuses synesthésies du monde ?

L’art peut emmener vers l’Inconnu le plus ultime…

honorine_b_1l2_lettrine_s.1289650776.jpgSi tu n’entend toujours pas, essaie d’autres horizons : en traçant ces mots, je repense à ce voyageur qui friedrich4.1244031330.jpgsemble marcher au dessus d’une mer de nuages… Comme le suggère le titre du tableau de Friedrich, l’art peut emmener vers l’Inconnu le plus ultime. Ne te contente pas de classer ce tableau dans tes cases préconçues. Ressens ce tableau. Perds-toi dans les pensées de l’artiste comme la brume se perd dans le ciel. Vois-tu avec ses yeux ? L’art, tu peux le voir, le toucher, et l’entendre. La musique aussi est poétique. Je peux te proposer quelques auteurs, compositeurs et autres interprètes, qui se battent pour cette terre que tu abandonnes lâchement. Par exemple, Tryo, avec son « Air du plastique« , te somme d’arrêter de recouvrir notre Mère avec ce film de pétrole :

Quand de la terre le plastique, devient malgré elle son engrais
Main de l’homme sur le monde, redessine les paysages.

Tu te sens coupable ? C’est sûrement ton inconscient qui travaille ! Mais au fond de moi, je sais que tu n’aimes pas l’idée de ne pouvoir toujours tout contrôler.  Tu as la  phobie de ne pouvoir toujours être rationnelle. Eh bien, la poésie peut t’aider à accepter tes passions, tes pulsions. Tu es  tellement  raisonnable. Tellement moralisatice, toi, Grisaille du Quotidien. Tu  adules les Lumières, Voltaire, Diderot ou encore d’Alembert, car ils sont les fondateurs de ta pensée utilitariste et de ton pragmatisme. Pourtant, il y a des écrivains, tels Rousseau, qui ont osé te tenir tête. L’auteur des Rêveries n’a-t-il pas écrit que « c’est l’imagination qui étend pour nous la mesure des possibles, et nourrit les désirs par l’espoir de les satisfaire » ? Lui au moins n’avait pas peur de l’inconscient ! Ce à quoi tu opposerais Voltaire en clamant que « l’étude a cela de bon […] qu’elle nous délivre du fardeau de notre oisiveté, et qu’elle nous empêche de courir hors de chez nous, pour aller dire et écouter des riens, d’un bout de la ville à l’autre »… Travailler, étudier, rationaliser… Tes discours moralisateurs enlèvent tout le charme qu’a la vie. Nous n’en avons qu’une, alors pourquoi la gâcher avec ta monotonie et tes codes ?

honorine_b_1l2_lettrine_p.1289652020.jpgPrécédemment, je te parlais d’artistes de la chanson française. Mais tu sais, d’autres cultures ont également parsemé leurs textes de poésie. Par exemple, le chanteur jamaïcain Damian Marley nous invite à entreprendre le voyage vers Sion, la cité souterraine des humains rescapés de Matrix, vivant dans le « monde réel » :

I got to keep on walking on the road to Zion land…

Pour moi, vois-tu, ce monde « bien réel » est celui de l’imaginaire. Oui, ce mythe de l’Éden Perdu peut devenir réalité. Mais tu empêches la concrétisation de ce rêve, avec ta rationalité. À cause de ton Spleen, Baudelaire n’a pu atteindre son Idéal. Es-tu consciente de ce que tu as fait, et de ce que tu fais endurer à des âmes sans défense aucune ? À propos, tu connais Rimbaud, j’en suis sûre. Et aussi sa fameuse « Lettre du voyant« . Mais oui, ce texte est de la poésie ! Mais oui, il défend tout ce que tu abjures. Quand il dit à son professeur de Français que « Je est un autre », cela t’inquiète n’est-ce pas ? Cela te fait peur ? Mais accepte de prendre des risques ! Regarde les choses sous un autre angle. Sous plusieurs angles différents. En fait, je pense que c’est simplement le fait de découvrir ta vraie nature qui t’épouvante. La poésie romantique a prôné le retour au réel, au vrai, au naturel. Primitivisme ne veut pas dire régression, il veut dire essentiel : tu commences peut-être à comprendre que ce romantisme dont je te parle depuis le début s’oppose entièrement à toi !

J’en appelle aussi au Symbolisme, ce vaste mouvement de déchiffrement du sens ! Claude Debussy dans « La mer« , une des œuvres orchestrales les plus originales de la musique contemporaine, a peint parfaitement cette poésie idéaliste dont tu as horreur. Ses trois mouvements vont crescendo. Comme si tu montais de plus en plus haut, de plus en plus vite, de plus en plus loin en toi. Laisse-toi emporter par cette symphonie naturelle. Elle te rappellera les plaisirs purs dont tu as oublié de jouir. Pourquoi es-tu toujours pressée, toujours à la recherche de quelque chose de nouveau, alors que le vrai t’attend, juste devant toi ? Tu le fuis comme on fuit la peste. Sens les réminiscences de tes émotions perdues… Apprends à chanter les paroles de cet hymne au réel. C’est ce que l’homme recherche depuis toujours. Déjà Horace le préconisait :

« Carpe Diem »

honorine_b_1l2_lettrine_o.1289653663.jpgui ! Profite de l’instant présent. Tu es toujours à te projeter dans un espace-temps et dans un lieu où tu n’es pas. Tu gâches le peu de temps qui t’es imparti dans des prévisions, ou dans des souvenirs, ainsi que dans des idées préconçues. Et cela depuis toujours. Tu as formé des bataillons en marche vers une société déshumanisée, qui ne se connait pas, qui ne se voit plus, où le factice est roi. Bientôt, les paroles des poètes ne seront que de l’art abstrait, juste jolies pour décorer une chambre ou les couloirs du métro. Mais il est encore temps de changer tout ça. Il est encore temps de laisser à la poésie la place qu’elle a toujours méritée ! Encore une fois, je vais reprendre l’exemple de Rimbaud. Dans son « Bateau ivre« , il nous explique son voyage vers lui-même, vers le profond de lui-même : oui, il a « vu quelquefois ce que l’homme a cru voir ! » Il a vu ce que tu te donnes tant de mal à enfouir bien profondément dans nos cerveaux : nous faire oublier le rêve, pour nous préparer à accepter ton « idéal », ta fausse sensibilité…

Tu as probablement remarqué que le « moi » est une chose essentielle pour le poète. Mais comme tout comme le reste, tu le renies, car tu en as peur. Certes, être en groupe a un effet rassurant : nous ne sommes pas seuls. Illusion du social ! Illusion de l’homme uniformisé ! Il faut de tout pour faire un monde. Notre monde… Pour moi, le premier à avoir rejeté cette illusion unanimiste fut véritablement Rousseau, avec ses Confessions. Il a osé se démarquer et avouer toutes ses fautes, même les plus abominables. Et comment fut-il remercié ? À coups de pierre. Nous n’étions pas prêts à recevoir tant d’honnêteté. TU n’étais pas prête. Toi qui pensais que l’Homme est entier et rationnel, voilà toutes tes théories envolées, grâce à UN homme qui a eu le courage de se dévoiler entièrement. Je repense aussi à Mallarmé : n’a-t-il pas, dans ce monologue découragé qu’est « Brise Marine« , révélé au grand jour toutes ces choses qu’il abandonnerait pour entreprendre le « grand voyage » ? Bien sûr, ce n’est absolument pas conventionnel. Et ça te dérange. Au lieu de le blâmer pour son courage, tu ferais mieux de devenir moins hypocrite. Car c’est grâce à des gens qui osent écrire avec une franchise sans limites que la poésie est tellement importante et que « le monde est réel ».

honorine_b_1l2_lettrine_j.1289654780.jpg‘en arrive au dernier point, le plus essentiel peut-être. Ce qui te gène dans la poésie, c’est qu’elle n’a aucune valeur marchande. La poésie ne s’achète pas. Tu ne peux pas acheter du lyrisme, pas plus que les mots, pas plus que le langage. De plus, elle n’a aucune utilité physique. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’elle t’est étrangère. Dans le film American Beauty réalisé par Sam Mendes, Lester Burnham est ta personnification. Et Ricky Fitts représente la poésie elle-même. La plus belle chose jamais filmée était un sac plastique dansant avec le vent. Tu trouves probablement ça idiot. Mais regarde comment tu finis. C’est vers cette voie que tu nous emmènes. Je terminerai par un livre : Voyage au bout de la solitude, relatant l’histoire réelle de Christopher McCandless, et dont Sean Penn a tiré le film bouleversant Into the Wild. Christopher t’a fui comme tu fuyais la Vérité. Il a compris une chose plus qu’essentielle. Si l’argent contribue au bonheur, il ne le fabrique pas. C’est dans sa gratuité que réside le secret de la poésie… McCandless a vécu sa vie poétiquement. Avec tous les défauts que cela comporte. Il est allé plus haut et plus loin que la majorité d’entre nous…

Alors, si tu as retenu que la poésie était belle et importante, et qu’elle pouvait t’aider à changer, alors j’aurai réussi. Et peut-être même que toi, grisaille du quotidien, tu deviendras couleur de l’exceptionnel.

La poésie est en toute chose. Il suffit de chercher…

          
__________
Notes
(1) Honorine B « Anarchitecture de l’ombre« .
(2) Voltaire, Lettre à Madame du Deffand (17 février 1766). Correspondance de Mme du Deffand, t. I, p. 338.
__________
© Honorine B., élève de Première L2 (Espace pédagogique Contributif/Lycée en Forêt, Montargis, France. Novembre 2010)
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les textes des élèves et des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à la disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du texte cité (URL de la page).

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Retrouvez sur la playlist « Lettre ouverte d’Honorine » les références citées dans l’article !

Chroniques d’élèves… Première L2 : Lettre ouverte à la grisaille du quotidien… Honorine B

La classe de Première L2 du Lycée en Forêt (Promotion 2010) a eu l’occasion de défendre haut et fort la Poésie à travers une écriture d’invention intitulée « Lettre ouverte à la grisaille du quotidien »… 
Parmi tous les textes rédigés, toujours de grande qualité, quelques uns m’ont paru suffisamment remarquables pour être publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif.
Le deuxième est le texte d’Honorine B… Je vous le laisse découvrir :

honorine_b_1l2_lettre_ouverte_a_2.1289647723.jpg

          
             
« Dans la poésie, la vie est plus que la vie elle même…»
Vissarion Bielinski, La Poésie de M. Lermontov

          

honorine_b_1l2_lettrine_b.1289640407.jpgielinski avait tout compris. Contrairement à ce monde, devenu aveugle. Et contrairement à toi, Grisaille du quotidien : le voyage t’effraie, la nature te fait peur, l’inconscient te dépasse, et le vrai te terrifie. Tu ne peux concevoir l’individu. C’est pour ça que tu n’aimes pas la poésie. Tu ne saurais percevoir sa valeur immatérielle, mille fois plus importante que le prix de tous tes gadgets réunis. D’ailleurs, c’est à cause d’eux que tu ne peux plus voir la beauté des choses. Alors je vais essayer de t’ouvrir les yeux.

Premièrement, surmonte ton angoisse de l’inconnu. Baudelaire nous a fait une invitation, et quelle invitation ! « L’invitation au Voyage« . Suis-le !  Cette promenade, c’est avec ton cœur que tu la feras. Laisse tes oripeaux au placard. Certes, tu ne pourras prendre aucune photographie au cours de ce voyage… Mais c’est ton âme qui gardera ces précieux souvenirs. Tu n’aimes pas ? Tu n’as pas l’air de comprendre ? Lis-tu entre les lignes ? Non. Tu n’y arrives pas. Ou plutôt, tu ne veux pas. Tu refuses d’apporter un peu de couleur à ta monotonie. Ce « pays de Cocagne » ne semble pas assez concret pour toi. Et pourtant il est bien plus réel que tout ce qui t’entoure. Certes, tu ne pourras rien acheter, rien vendre, rien toucher, rien prendre. Mais les apparences sont trompeuses. Tes sophismes l’illustrent parfaitement. Car ce voyage est réel. Ce voyage est concret. Simplement pas dans le sens où tu l’entends.

honorine_b_1l2_lettrine_f.1289648309.jpginalement, Baudelaire n’est peut-être pas approprié à ton cas : tu es devenue trop nihiliste pour ressentir la magnificence de  ses textes. Mais n’abandonne pas ! Peut-être les haïkus Japonais te parleront-ils davantage ? Puisses-tu les lire, et te projeter dans les îles de ton inconscient. Mais la poésie est un lieu difficile d’accès, et tu en as tellement peur que tu le bloques… Alors rappelle-toi simplement d’une île qui existe. C’est un début. Imaginer. Ressentir. Penser.

         

Mystique mirage dont découlent d’exquises perditions… (¹)

Car la poésie est un exil : tu peux toujours essayer de la suivre ! En vain. Contente-toi, si tu le peux, de suivre Bernard Weber : son Livre du voyage n’est pas de la poésie au sens commun et banal du terme, mais dans son acception la plus noble. Si le texte est simple, en revanche la pensée est profonde : pour Bernard Weber, entrer en poésie contribue à imaginer son propre monde. C’est bien là le sens du Poétique, non ? Le poème aide à s’évader de son quotidien. Lis de la poésie, et ta grisaille « s’arc-en-cièlisera ». Ton quotidien « s’exceptionnalisera » : peut-être apprendras-tu à penser par toi-même. Car lire est en soi une chose charmante, mais écrire libère encore plus. Ce monde ne néglige-t-il pas la puissance des mots ? Car avoue-le : tu négliges la puissance des mots. Et pourtant c’est par eux que tout passe. C’est par eux que tout à commencé… Écrire est un véritable mirage. Un « mystique mirage dont découlent d’exquises perditions » (¹)…

honorine_b_1l2_lettrine_t.1289649969.jpgTu dois te dire peut-être que la poésie est élitiste. Et pourtant elle ne l’est pas. Elle peuple ton quotidien : tu peux la retrouver dans des chansons. Tu peux la retrouver dans des tableaux, et dans l’harmonie même de la nature. La nature n’est-elle pas ce qu’il y a de plus beau, et de plus pur en ce monde ? Il n’y a qu’à regarder les actualités pour voir ce tu en as as fait. Le monde se meurt par ta faute. Si tu faisais plus attention à ses besoins, elle t’en remercierait. Gaïa est belle. Et tu l’as corrompue. Il serait tant maintenant de la vénérer, comme tant d’autres l’ont fait avant toi. Mais tu as démoli tout ce qui leur était cher. Tu essayes d’analyser leurs écrits, mais tu le fais de façon tellement linéaire que tu passes à côté de l’essentiel. Tu fais des commentaires et autres analyses de textes, tu te laisses aveugler par des procédés stylistiques et tu en oublies le principal : le Verbe. Je reviens à Baudelaire : quand il rédige « Correspondances« , il a pourtant essayé de t’expliquer à quel point le monde matériel correspondait au monde spirituel : « La nature est un temple où de vivants piliers/Laissent parfois sortir de confuses paroles »… Ne chante-t-il pas ici les mystérieuses synesthésies du monde ?

L’art peut emmener vers l’Inconnu le plus ultime…

honorine_b_1l2_lettrine_s.1289650776.jpgSi tu n’entend toujours pas, essaie d’autres horizons : en traçant ces mots, je repense à ce voyageur qui friedrich4.1244031330.jpgsemble marcher au dessus d’une mer de nuages… Comme le suggère le titre du tableau de Friedrich, l’art peut emmener vers l’Inconnu le plus ultime. Ne te contente pas de classer ce tableau dans tes cases préconçues. Ressens ce tableau. Perds-toi dans les pensées de l’artiste comme la brume se perd dans le ciel. Vois-tu avec ses yeux ? L’art, tu peux le voir, le toucher, et l’entendre. La musique aussi est poétique. Je peux te proposer quelques auteurs, compositeurs et autres interprètes, qui se battent pour cette terre que tu abandonnes lâchement. Par exemple, Tryo, avec son « Air du plastique« , te somme d’arrêter de recouvrir notre Mère avec ce film de pétrole :

Quand de la terre le plastique, devient malgré elle son engrais
Main de l’homme sur le monde, redessine les paysages.

Tu te sens coupable ? C’est sûrement ton inconscient qui travaille ! Mais au fond de moi, je sais que tu n’aimes pas l’idée de ne pouvoir toujours tout contrôler.  Tu as la  phobie de ne pouvoir toujours être rationnelle. Eh bien, la poésie peut t’aider à accepter tes passions, tes pulsions. Tu es  tellement  raisonnable. Tellement moralisatice, toi, Grisaille du Quotidien. Tu  adules les Lumières, Voltaire, Diderot ou encore d’Alembert, car ils sont les fondateurs de ta pensée utilitariste et de ton pragmatisme. Pourtant, il y a des écrivains, tels Rousseau, qui ont osé te tenir tête. L’auteur des Rêveries n’a-t-il pas écrit que « c’est l’imagination qui étend pour nous la mesure des possibles, et nourrit les désirs par l’espoir de les satisfaire » ? Lui au moins n’avait pas peur de l’inconscient ! Ce à quoi tu opposerais Voltaire en clamant que « l’étude a cela de bon […] qu’elle nous délivre du fardeau de notre oisiveté, et qu’elle nous empêche de courir hors de chez nous, pour aller dire et écouter des riens, d’un bout de la ville à l’autre »… Travailler, étudier, rationaliser… Tes discours moralisateurs enlèvent tout le charme qu’a la vie. Nous n’en avons qu’une, alors pourquoi la gâcher avec ta monotonie et tes codes ?

honorine_b_1l2_lettrine_p.1289652020.jpgPrécédemment, je te parlais d’artistes de la chanson française. Mais tu sais, d’autres cultures ont également parsemé leurs textes de poésie. Par exemple, le chanteur jamaïcain Damian Marley nous invite à entreprendre le voyage vers Sion, la cité souterraine des humains rescapés de Matrix, vivant dans le « monde réel » :

I got to keep on walking on the road to Zion land…

Pour moi, vois-tu, ce monde « bien réel » est celui de l’imaginaire. Oui, ce mythe de l’Éden Perdu peut devenir réalité. Mais tu empêches la concrétisation de ce rêve, avec ta rationalité. À cause de ton Spleen, Baudelaire n’a pu atteindre son Idéal. Es-tu consciente de ce que tu as fait, et de ce que tu fais endurer à des âmes sans défense aucune ? À propos, tu connais Rimbaud, j’en suis sûre. Et aussi sa fameuse « Lettre du voyant« . Mais oui, ce texte est de la poésie ! Mais oui, il défend tout ce que tu abjures. Quand il dit à son professeur de Français que « Je est un autre », cela t’inquiète n’est-ce pas ? Cela te fait peur ? Mais accepte de prendre des risques ! Regarde les choses sous un autre angle. Sous plusieurs angles différents. En fait, je pense que c’est simplement le fait de découvrir ta vraie nature qui t’épouvante. La poésie romantique a prôné le retour au réel, au vrai, au naturel. Primitivisme ne veut pas dire régression, il veut dire essentiel : tu commences peut-être à comprendre que ce romantisme dont je te parle depuis le début s’oppose entièrement à toi !

J’en appelle aussi au Symbolisme, ce vaste mouvement de déchiffrement du sens ! Claude Debussy dans « La mer« , une des œuvres orchestrales les plus originales de la musique contemporaine, a peint parfaitement cette poésie idéaliste dont tu as horreur. Ses trois mouvements vont crescendo. Comme si tu montais de plus en plus haut, de plus en plus vite, de plus en plus loin en toi. Laisse-toi emporter par cette symphonie naturelle. Elle te rappellera les plaisirs purs dont tu as oublié de jouir. Pourquoi es-tu toujours pressée, toujours à la recherche de quelque chose de nouveau, alors que le vrai t’attend, juste devant toi ? Tu le fuis comme on fuit la peste. Sens les réminiscences de tes émotions perdues… Apprends à chanter les paroles de cet hymne au réel. C’est ce que l’homme recherche depuis toujours. Déjà Horace le préconisait :

« Carpe Diem »

honorine_b_1l2_lettrine_o.1289653663.jpgui ! Profite de l’instant présent. Tu es toujours à te projeter dans un espace-temps et dans un lieu où tu n’es pas. Tu gâches le peu de temps qui t’es imparti dans des prévisions, ou dans des souvenirs, ainsi que dans des idées préconçues. Et cela depuis toujours. Tu as formé des bataillons en marche vers une société déshumanisée, qui ne se connait pas, qui ne se voit plus, où le factice est roi. Bientôt, les paroles des poètes ne seront que de l’art abstrait, juste jolies pour décorer une chambre ou les couloirs du métro. Mais il est encore temps de changer tout ça. Il est encore temps de laisser à la poésie la place qu’elle a toujours méritée ! Encore une fois, je vais reprendre l’exemple de Rimbaud. Dans son « Bateau ivre« , il nous explique son voyage vers lui-même, vers le profond de lui-même : oui, il a « vu quelquefois ce que l’homme a cru voir ! » Il a vu ce que tu te donnes tant de mal à enfouir bien profondément dans nos cerveaux : nous faire oublier le rêve, pour nous préparer à accepter ton « idéal », ta fausse sensibilité…

Tu as probablement remarqué que le « moi » est une chose essentielle pour le poète. Mais comme tout comme le reste, tu le renies, car tu en as peur. Certes, être en groupe a un effet rassurant : nous ne sommes pas seuls. Illusion du social ! Illusion de l’homme uniformisé ! Il faut de tout pour faire un monde. Notre monde… Pour moi, le premier à avoir rejeté cette illusion unanimiste fut véritablement Rousseau, avec ses Confessions. Il a osé se démarquer et avouer toutes ses fautes, même les plus abominables. Et comment fut-il remercié ? À coups de pierre. Nous n’étions pas prêts à recevoir tant d’honnêteté. TU n’étais pas prête. Toi qui pensais que l’Homme est entier et rationnel, voilà toutes tes théories envolées, grâce à UN homme qui a eu le courage de se dévoiler entièrement. Je repense aussi à Mallarmé : n’a-t-il pas, dans ce monologue découragé qu’est « Brise Marine« , révélé au grand jour toutes ces choses qu’il abandonnerait pour entreprendre le « grand voyage » ? Bien sûr, ce n’est absolument pas conventionnel. Et ça te dérange. Au lieu de le blâmer pour son courage, tu ferais mieux de devenir moins hypocrite. Car c’est grâce à des gens qui osent écrire avec une franchise sans limites que la poésie est tellement importante et que « le monde est réel ».

honorine_b_1l2_lettrine_j.1289654780.jpg‘en arrive au dernier point, le plus essentiel peut-être. Ce qui te gène dans la poésie, c’est qu’elle n’a aucune valeur marchande. La poésie ne s’achète pas. Tu ne peux pas acheter du lyrisme, pas plus que les mots, pas plus que le langage. De plus, elle n’a aucune utilité physique. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’elle t’est étrangère. Dans le film American Beauty réalisé par Sam Mendes, Lester Burnham est ta personnification. Et Ricky Fitts représente la poésie elle-même. La plus belle chose jamais filmée était un sac plastique dansant avec le vent. Tu trouves probablement ça idiot. Mais regarde comment tu finis. C’est vers cette voie que tu nous emmènes. Je terminerai par un livre : Voyage au bout de la solitude, relatant l’histoire réelle de Christopher McCandless, et dont Sean Penn a tiré le film bouleversant Into the Wild. Christopher t’a fui comme tu fuyais la Vérité. Il a compris une chose plus qu’essentielle. Si l’argent contribue au bonheur, il ne le fabrique pas. C’est dans sa gratuité que réside le secret de la poésie… McCandless a vécu sa vie poétiquement. Avec tous les défauts que cela comporte. Il est allé plus haut et plus loin que la majorité d’entre nous…

Alors, si tu as retenu que la poésie était belle et importante, et qu’elle pouvait t’aider à changer, alors j’aurai réussi. Et peut-être même que toi, grisaille du quotidien, tu deviendras couleur de l’exceptionnel.

La poésie est en toute chose. Il suffit de chercher…

          
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Notes
(1) Honorine B « Anarchitecture de l’ombre« .
(2) Voltaire, Lettre à Madame du Deffand (17 février 1766). Correspondance de Mme du Deffand, t. I, p. 338.
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© Honorine B., élève de Première L2 (Espace pédagogique Contributif/Lycée en Forêt, Montargis, France. Novembre 2010)
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les textes des élèves et des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à la disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du texte cité (URL de la page).

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Après incident technique… Retour progressif à la normale…

La plate-forme de blogs du Monde.fr a été fermée à la suite d’un incident technique grave depuis mercredi midi. Celle-ci est à nouveau disponible. Cependant, un très grand nombre de données qui étaient hébergées par les serveurs ont été définitivement effacées. Leur restauration, qui exige un travail considérable, va entraîner un retard dans la publication des contributions. Je vous remercie de votre compréhension.

Calendrier prévisionnel de mise en ligne des supports de cours 12/11/10-25/11/10

Voici le calendrier prévisionnel de publication des supports de cours pour les quinze jours à venir :

  • Classe de Seconde 6 :
    • TP-Sémiologie de l’image publicitaire (2). Mise en ligne : vendredi 12 novembre 2010. Mis en ligne.
    • Support de cours : introduction au Lys dans la vallée (Balzac). Mise en ligne : dimanche 28 novembre 2010.
  • Classes de Première L et S (*) : Voltaire et la question philosophique de l’optimisme dans Candide : jeudi 25 novembre.
  • Classe de Première STG 3 : premier Bac blanc écrit facultatif du mercredi 20 octobre (objet d’étude : la poésie). Mise en ligne du corrigé : à partir du samedi 20 novembre 2010.
  • Section de BTS PME2 :
(*) : 1S2/1L2 : les corrigés du premier Bac blanc écrit facultatif du mercredi 20 octobre (objet d’étude : la poésie), qui devaient être mis en ligne ont été distribués en cours vendredi 12 novembre pour la classe de Première L2. La classe de Première S2 disposera des corrigés le mardi 16 novembre.

Chroniques d'élèves… Première L2 : Lettre ouverte à la grisaille du quotidien… Nicolas B

La classe de Première L2 du Lycée en Forêt (Promotion 2010) a eu l’occasion de défendre haut et fort la Poésie à travers une écriture d’invention intitulée « Lettre ouverte à la grisaille du quotidien »… 
Parmi tous les textes rédigés, toujours de grande qualité, quelques uns m’ont paru suffisamment remarquables pour être publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif.
Le premier est le texte de Nicolas B… Je vous le laisse découvrir :
                     

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« Le poète apparaît en ce monde ennuyé », ainsi débutait Spleen et Idéal de Baudelaire, le poète maudit. Aujourd’hui, dans une société où plus que jamais le consumérisme se développe à l’insu de l’identité humaine, un retour aux sources s’impose. Le moyen le plus efficace d’y arriver : la poésie.

Les maux…

Le siècle premier du troisième millénaire s’annonce comme étant celui des néo-Lumières, ayant pour seul dieu le progrès technique et pour seule motivation le pétrodollar ! Face à cette véritable ingurgitation de l’homme par la machine, la question se pose de savoir si la personne à maudire est bien Charles Baudelaire, ou si ce ne serait pas plutôt Vous, chère grisaille du quotidien, vous qui menez lentement la société à l’autodestruction !

Vous avez fait de notre monde celui du télévisuel qui se veut prophète ! La réflexion personnelle y est purement et simplement annihilée et notre civilisation est, en somme, celle du « prêt à consommer » cérébral, où l’on sert au peuple des pseudo stimulations intellectuelles, visant à lui laisser croire qu’il est conscient pour mieux l’endormir. Petit à petit, la société de consommation dans laquelle nous vivons et le poids que vous pesez sur nos épaules finiront par nous tuer. La mort ne sera peut-être pas physique, mais l’Homme mourra, son esprit, ses pensées et ses émotions si merveilleuses disparaîtront, et notre planète s’en trouvera peuplée de robots organiques, endoctrinés depuis des dizaines de générations, programmés pour avoir comme seuls objectifs la compétitivité et le rendement. Victor Hugo, lui, l’avait compris, et il affirme sans honte dans « Le poème éploré se lamente » (1834), que « l’esprit, c’est le cœur » ; ces paroles sont précédées d’une très pertinente entrée en matière : « la foule a tort »…

Pertinente en effet car voilà bien le problème : la foule. Finalement, l’homme n’existe plus à vos yeux. Seuls « les gens », « la majorité » comptent. L’individu est effacé, caché derrière une masse difforme et dépourvue d’âme. Vous en êtes la responsable. À affubler chaque citoyen du monde des mêmes fardeaux, vous avez nécessairement créé six milliards cinq cents millions de fois le même être triste et idiot, et c’est cet être triste et idiot qui est à l’origine de tous les problèmes du monde. Il oublie ce qu’il a pour se concentrer sur ce que l’autre possède. Plus grave : il oublie ce qu’il est pour se disperser dans ce que l’Autre pense qu’il est. Et c’est votre faute : vous agissez à la manière d’un cultivateur qui pulvériserait des tonnes de pesticide depuis un avion sans se soucier du cycle de destruction qu’il entraîne, sauf que pour vous, l’insecte nuisible à exterminer, c’est le moi, chose absolument catastrophique s’il en est car c’est cette dernière petite lueur d’âme qui empêche l’humanité de sombrer dans une bêtise aussi grande que la vôtre !

Finissons par le meilleur ! La merveilleuse « norme sociale »… Superbe invention : il faut être comme tout le monde pour ne pas passer pour un ahuri. Le fait que tout le monde, par exemple, regarde un show télévisé dépourvu de la plus petite once d’intérêt consistant à s’enfermer dans un bocal en se mentant en permanence pendant plus de trois mois importe peu. Ce qu’il faut, c’est faire comme la majorité. Car c’est bien là la définition de norme : « règle ou loi à laquelle on doit se conformer, état habituel conforme à la moyenne des cas, a la normale » (Dictionnaire Hachette encyclopédique). Ici, le terme réellement important est « encyclopédique », car il prouve sans équivoque que c’est bien vous, par le biais de vos sbires adeptes du lumiérisme, qui êtes la responsable et l’instigatrice de cet endoctrinement. Vous, madame, êtes un danger pour l’humanité. Vous essayez par tout les moyens de maintenir dans la population mondiale un climat de peur pour mieux contrôler les badaud crédules qui voient alors en vous le grand sauveur. Vous êtes un bien triste gourou, un gourou sadique et diabolique. Mais tout espoir n’est pas perdu, car si l’on en croit Hölderlin, « là où grandit le danger croît aussi ce qui sauve ».

… et le remède.

Tout d’abord un constat s’impose : même si la lutte est inégale, il y a eu, depuis votre plus « tendre enfance », des personnes pour se rendre compte de votre dangerosité, et s’opposer à vous. La plus célèbre est sans doute Victor Hugo. Père fondateur du « Romantisme social », il fera dans ses écrits —Les Misérables par exemple, ou encore Les Châtiments— un portrait tristement fidèle de votre œuvre. Car voyez-vous, les artistes, poètes en tête, depuis toujours, aiment les mots et ceux qui ont du talent les utilisent pour retranscrire les sentiments. C’est d’ailleurs là le but premier du Verbe : exprimer l’âme. L’écriture, elle, n’est jamais que la mémoire de ces sentiments. Ce sont donc les mots qui donnent son pouvoir à la poésie : elle offre à qui sait la comprendre la clairvoyance et à qui sait la pratiquer le privilège d’expurger ses sentiments. J’ose dire que la poésie est votre antimatière. Un opposé clair et complet de ce que vous êtes. Contrairement à vous, la poésie appelle à l’expression personnelle, et par là même au refus de toute norme sociale. L’homme redevient véritablement humain et cesse d’être cet atome composant un ensemble virtuel et invisible.

Deuxième point plus fondamental encore : la poésie offre à ses adeptes une autre vision du monde. Ainsi les usines puantes et les rues sales des villes pleines de péchés qui constituent votre vision du paradis apparaissent au poète pareilles à des immondices sortis tout droit de l’enfer. Celui qui se revendique poète se doit de préférer la nature. À la manière d’un Rimbaud, et aussi « ivre » que son bateau, l’homme qui aime la poésie peine à vivre dans votre monde et il « sait ». Il sait que ce que vous offrez n’a rien de bon, et il sait que c’est de la terre que vient l’inspiration : Orientalisme, Primitivisme… Qu’iimporte ! Seul compte l’aller simple vers un lieu loin de vous, un lieu vers le retour aux sources : quelle vision jubilatoire que d’imaginer votre monde déserté par des milliers de personnes ayant enfin pris conscience de ce que le poète a toujours su !

Et que ce soit dans dix ans ou dans mille ans, soyez assurée que cela arrivera. La machine est en marche, et le jour où chaque citoyen du monde prendra conscience qu’il existe une autre voie que celle que vous avez ouverte, c’est en place publique que se fera votre exécution !

© Nicolas B., élève de Première L2 (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France. Novembre 2010)
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les textes des élèves et des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à la disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du texte cité (URL de la page).

 

Chroniques d’élèves… Première L2 : Lettre ouverte à la grisaille du quotidien… Nicolas B

La classe de Première L2 du Lycée en Forêt (Promotion 2010) a eu l’occasion de défendre haut et fort la Poésie à travers une écriture d’invention intitulée « Lettre ouverte à la grisaille du quotidien »… 
Parmi tous les textes rédigés, toujours de grande qualité, quelques uns m’ont paru suffisamment remarquables pour être publiés dans l’Espace Pédagogique Contributif.
Le premier est le texte de Nicolas B… Je vous le laisse découvrir :
                     

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« Le poète apparaît en ce monde ennuyé », ainsi débutait Spleen et Idéal de Baudelaire, le poète maudit. Aujourd’hui, dans une société où plus que jamais le consumérisme se développe à l’insu de l’identité humaine, un retour aux sources s’impose. Le moyen le plus efficace d’y arriver : la poésie.

Les maux…

Le siècle premier du troisième millénaire s’annonce comme étant celui des néo-Lumières, ayant pour seul dieu le progrès technique et pour seule motivation le pétrodollar ! Face à cette véritable ingurgitation de l’homme par la machine, la question se pose de savoir si la personne à maudire est bien Charles Baudelaire, ou si ce ne serait pas plutôt Vous, chère grisaille du quotidien, vous qui menez lentement la société à l’autodestruction !

Vous avez fait de notre monde celui du télévisuel qui se veut prophète ! La réflexion personnelle y est purement et simplement annihilée et notre civilisation est, en somme, celle du « prêt à consommer » cérébral, où l’on sert au peuple des pseudo stimulations intellectuelles, visant à lui laisser croire qu’il est conscient pour mieux l’endormir. Petit à petit, la société de consommation dans laquelle nous vivons et le poids que vous pesez sur nos épaules finiront par nous tuer. La mort ne sera peut-être pas physique, mais l’Homme mourra, son esprit, ses pensées et ses émotions si merveilleuses disparaîtront, et notre planète s’en trouvera peuplée de robots organiques, endoctrinés depuis des dizaines de générations, programmés pour avoir comme seuls objectifs la compétitivité et le rendement. Victor Hugo, lui, l’avait compris, et il affirme sans honte dans « Le poème éploré se lamente » (1834), que « l’esprit, c’est le cœur » ; ces paroles sont précédées d’une très pertinente entrée en matière : « la foule a tort »…

Pertinente en effet car voilà bien le problème : la foule. Finalement, l’homme n’existe plus à vos yeux. Seuls « les gens », « la majorité » comptent. L’individu est effacé, caché derrière une masse difforme et dépourvue d’âme. Vous en êtes la responsable. À affubler chaque citoyen du monde des mêmes fardeaux, vous avez nécessairement créé six milliards cinq cents millions de fois le même être triste et idiot, et c’est cet être triste et idiot qui est à l’origine de tous les problèmes du monde. Il oublie ce qu’il a pour se concentrer sur ce que l’autre possède. Plus grave : il oublie ce qu’il est pour se disperser dans ce que l’Autre pense qu’il est. Et c’est votre faute : vous agissez à la manière d’un cultivateur qui pulvériserait des tonnes de pesticide depuis un avion sans se soucier du cycle de destruction qu’il entraîne, sauf que pour vous, l’insecte nuisible à exterminer, c’est le moi, chose absolument catastrophique s’il en est car c’est cette dernière petite lueur d’âme qui empêche l’humanité de sombrer dans une bêtise aussi grande que la vôtre !

Finissons par le meilleur ! La merveilleuse « norme sociale »… Superbe invention : il faut être comme tout le monde pour ne pas passer pour un ahuri. Le fait que tout le monde, par exemple, regarde un show télévisé dépourvu de la plus petite once d’intérêt consistant à s’enfermer dans un bocal en se mentant en permanence pendant plus de trois mois importe peu. Ce qu’il faut, c’est faire comme la majorité. Car c’est bien là la définition de norme : « règle ou loi à laquelle on doit se conformer, état habituel conforme à la moyenne des cas, a la normale » (Dictionnaire Hachette encyclopédique). Ici, le terme réellement important est « encyclopédique », car il prouve sans équivoque que c’est bien vous, par le biais de vos sbires adeptes du lumiérisme, qui êtes la responsable et l’instigatrice de cet endoctrinement. Vous, madame, êtes un danger pour l’humanité. Vous essayez par tout les moyens de maintenir dans la population mondiale un climat de peur pour mieux contrôler les badaud crédules qui voient alors en vous le grand sauveur. Vous êtes un bien triste gourou, un gourou sadique et diabolique. Mais tout espoir n’est pas perdu, car si l’on en croit Hölderlin, « là où grandit le danger croît aussi ce qui sauve ».

… et le remède.

Tout d’abord un constat s’impose : même si la lutte est inégale, il y a eu, depuis votre plus « tendre enfance », des personnes pour se rendre compte de votre dangerosité, et s’opposer à vous. La plus célèbre est sans doute Victor Hugo. Père fondateur du « Romantisme social », il fera dans ses écrits —Les Misérables par exemple, ou encore Les Châtiments— un portrait tristement fidèle de votre œuvre. Car voyez-vous, les artistes, poètes en tête, depuis toujours, aiment les mots et ceux qui ont du talent les utilisent pour retranscrire les sentiments. C’est d’ailleurs là le but premier du Verbe : exprimer l’âme. L’écriture, elle, n’est jamais que la mémoire de ces sentiments. Ce sont donc les mots qui donnent son pouvoir à la poésie : elle offre à qui sait la comprendre la clairvoyance et à qui sait la pratiquer le privilège d’expurger ses sentiments. J’ose dire que la poésie est votre antimatière. Un opposé clair et complet de ce que vous êtes. Contrairement à vous, la poésie appelle à l’expression personnelle, et par là même au refus de toute norme sociale. L’homme redevient véritablement humain et cesse d’être cet atome composant un ensemble virtuel et invisible.

Deuxième point plus fondamental encore : la poésie offre à ses adeptes une autre vision du monde. Ainsi les usines puantes et les rues sales des villes pleines de péchés qui constituent votre vision du paradis apparaissent au poète pareilles à des immondices sortis tout droit de l’enfer. Celui qui se revendique poète se doit de préférer la nature. À la manière d’un Rimbaud, et aussi « ivre » que son bateau, l’homme qui aime la poésie peine à vivre dans votre monde et il « sait ». Il sait que ce que vous offrez n’a rien de bon, et il sait que c’est de la terre que vient l’inspiration : Orientalisme, Primitivisme… Qu’iimporte ! Seul compte l’aller simple vers un lieu loin de vous, un lieu vers le retour aux sources : quelle vision jubilatoire que d’imaginer votre monde déserté par des milliers de personnes ayant enfin pris conscience de ce que le poète a toujours su !

Et que ce soit dans dix ans ou dans mille ans, soyez assurée que cela arrivera. La machine est en marche, et le jour où chaque citoyen du monde prendra conscience qu’il existe une autre voie que celle que vous avez ouverte, c’est en place publique que se fera votre exécution !

© Nicolas B., élève de Première L2 (EPC/Lycée en Forêt, Montargis, France. Novembre 2010)
NetÉtiquette : comme pour l’ensemble des textes publiés dans cet Espace Pédagogique Contributif, les textes des élèves et des étudiant(e)s sont protégés par copyright. Ils sont mis à la disposition des internautes selon les termes de la licence Creative Commons Paternité (Pas d’utilisation privée ou commerciale, pas de modification). La diffusion publique est autorisée sous réserve de mentionner le prénom de l’auteur, l’initiale de son nom, la classe, l’établissement ainsi que la référence complète du texte cité (URL de la page).

 

Lycée en Forêt. Classe de première S2. Exposition : Poésies purement formelles

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Octavio Paz, dans un essai célèbre intitulé L’Arc et la lyre (1956) décrit la création poétique comme « une violence faite au langage. Son premier acte, affirme-t-il, est de déraciner les mots. Le poète les soustrait à leurs connexions et à leurs emplois habituels. » Cette citation nous amène aux origines de l’atelier d’écriture mené avec la classe de Première S2 du Lycée en Forêt (promotion 2010-2011) le vendredi 22 octobre 2010. Ayant déjà travaillé sur la théorie symboliste, les étudiants ont eu à cœur de s’interroger grâce à l’interaction Mathématiques-Poésie sur la propriété du signe, et plus particulièrement sur la « poéticité » des signifiants mathématiques : ne seraient-ils pas à même d’exprimer l’inexprimable du mot ?
Les poèmes présentés ici amènent donc à envisager la poésie comme un « pur code de dénotation », qui selon Jakobson était la première fonction du poème. On pourrait évoquer ici « le signe pour le signe » comme on parlait jadis de « l’art pour l’art ». Mais si le langage mathématique est celui de la rigueur causale, n’allez pas croire que les textes sont dépouillés de toute connotation affective : bien au contraire, le signe mathématique devient la genèse de l’imaginaire et des sentiments : même le langage des mathématiques peut être métaphorique. Ainsi les élèves ont-ils voulu montrer à travers leurs écrits que les mathématiques et les sciences peuvent aider à mieux comprendre la profondeur cachée du réel.
C’est d’ailleurs toute l’entreprise symboliste que de vouloir chercher dans l’exprimable l’indicible. Je vous invite donc à dépasser quand vous lirez ces textes, le sens commun, habituel des mots ou des signes. Bien au contraire, vous verrez que, soustraits « à leurs connexions et à leurs emplois habituels », pour reprendre l’expression d’Octavio Paz, c’est-à-dire soustraits à l’arbitraire de la relation entre signifiant et signifié, les mots et concepts mathématiques utilisés sont un peu comme une réconciliation des contraires : le langage littéraire et le langage scientifique ne sont-ils pas deux aspects, différents mais complémentaires, de la poéticité ?

          

Poésies purement formelles

nombres, figures, structures

         

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“Théorème du cœur”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteure : Léa L. Crédit iconographique : B. Rigolt.

                 

             

             

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“Clarté rotative”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteures : Anaïs F., Laura P. Crédit iconographique : B. Rigolt.

             

                

                   

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“L’hyperbole de l’amour”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Timothy A. et Robin C. Crédit iconographique : B. Rigolt.

                

                  

                  

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“Ascension en équation”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Alexandra L. et Tanguy B. Crédit iconographique : B. Rigolt.

              

                    

              

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“Théorème d’un amour manqué”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Mathieu L. et Charles C. Crédit iconographique : B. Rigolt.

               

          

                         

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“Droites sécantes”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteure : Lucile C. Crédit iconographique : B. Rigolt.

               

                                  

                

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“Enfance”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteures : Clara D. et Marie-Sophie H. Crédit iconographique : B. Rigolt.

               

                

             

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“La notion essentielle”

Exposition virtuelle “Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures”
LEF, Montargis (France), 2010. Auteur : Othmane Z. Crédit iconographique : B. Rigolt.

             

            

                

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« Le cycle de la vie »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Romane M. et Anthony B. Crédit iconographique : B. Rigolt

 

                       

                

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« Cœur Alpha »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteures : Lucie L., Julia J. Crédit iconographique : B. Rigolt. Lettrine d’après Piranèse, 1768

          

               

                 

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« La tristesse d’une fleur solitaire »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteures : Clémence Le S. et Adèle R. Crédit iconographique : B. Rigolt

                     

                 

 

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« La valeur des sentiments »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteure : Lucile C. Crédit iconographique : B. Rigolt

            

                 

                

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« Léger penchant vers l’inconnue »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteure : Lucile C. Crédit iconographique : B. Rigolt

           

                   

                       

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« Dans la pénombre des angles orientés »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteurs : Alexandra L. et Tanguy B. Crédit iconographique : B. Rigolt

             

                

               

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« Rupture »

Exposition virtuelle « Poésies Purement formelles : nombres, figures, structures »
LEF, Montargis (France), 2010. Auteur : Sofiène M. Crédit iconographique : B. Rigolt

La citation de la semaine… Annie Leclerc…

« Le monde est la parole de l’homme. L’homme est la parole du monde… »

Rien n’existe qui ne soit le fait de l’homme, ni pensée, ni parole, ni mot. Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas même moi, surtout pas moi. Tout est à inventer. Les choses de l’homme ne sont pas seulement bêtes, mensongères et oppressives. Elles sont tristes surtout, tristes à en mourir d’ennui et de désespoir.

Inventer une parole de femme. Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme ; car celle-là peut bien se fâcher, elle répète. Toute femme qui veut tenir un discours qui lui soit propre ne peut se dérober à cette urgence extraordinaire : inventer la femme. C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste.

Qui parle ici ? Qui a jamais parlé ? Assourdissant tumulte des grandes voix ; pas une n’est de femme. Je n’ai pas oublié le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche… Annie Leclerc_3Je les connais pour avoir vécu parmi eux et seulement parmi eux. Ces plus fortes voix sont aussi celles qui m’ont le plus réduite au silence. Ce sont ces superbes parleurs qui mieux que tout autre m’ont forcée à me taire.

Qui parle dans les gros livres sages des bibliothèques ? Qui parle au Capitole ? Qui parle au temple ? Qui parle à la tribune et qui parle dans les lois ? Les hommes ont la parole. Le monde est la parole de l’homme. Les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre. C’est pour faire oublier qu’elles disent toutes la même chose : notre parole d’homme décide. Le monde est la parole de l’homme. L’homme est la parole du monde.

[…] Une honnête femme ne saurait être un honnête homme. Une grande femme ne saurait être un grand homme, la grandeur est chez elle affaire de centimètres. […] Et je me dis : l’Homme ? Qu’est-ce que c’est, l’Homme ? L’Homme, c’est ce dont l’homme a accouché. Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme. Ils ont fait naître l’universel du particulier. Et l’universel a porté le visage du particulier. L’universalité fut désormais leur tour favori. Le décret parut légitime et la loi parut bonne : une parole pour tous.

[…] Toute bancale qu’elle fut, la machine fonctionna incomparablement mieux qu’aucune machine jamais conçue. Le monde entier, Blancs, Noirs, Jeunes, femmes et enfants, fut nourri, gavé, de son produit de base, la vérité et ses sous-produits, âme, raison, valeurs… Le tout toujours garanti, estampillé Universel. Ils ont dit que la vérité n’avait pas de sexe. Ils ont dit que l’art, la science et la philosophie étaient vérités pour tous. […] Pourquoi la Vérité sortirait-elle de la bouche des hommes ? La Vérité peut sortir de n’importe où. Pourvu que certains parlent et d’autres se taisent. La Vérité n’existe que parce qu’elle opprime et réduit au silence ceux qui n’ont pas la parole.

Inventer une parole qui ne soit pas oppressive. Une parole qui ne couperait pas la parole mais délierait les langues.

[…] Inventer, est-ce possible ?

[…] Je voudrais que la femme apprenne à naître, à manger, et à boire, à regarder le jour et à porter la nuit…

Annie Leclerc, Parole de femme, Grasset, Paris 1974
2001 pour la présente édition (« Babel » n°473, Actes Sud), page 15 et suivantes

NB : La structure des paragraphes a été modifiée, pour des raisons de mise en page.

C’

est dans la mouvance des mouvements féministes des années 70 qu’Annie Leclerc (1940-2006), écrivaine et professeure de Philosophie, livre au grand public cet ouvrage audacieux et provocateur, qui fit scandale lors de sa parution : Parole de femme. De fait, l’auteure y exalte un féminisme nouveau, qui revendique haut et fort une « identité féminine » qu’il faut définir et construire. À la différence du féminisme « égalitariste » par exemple qui s’en tient à des revendications d’égalité entre les hommes et les femmes, ce courant du féminisme est appelé « différentialiste » car il célèbre dans la femme la prise de conscience de sa féminité et de sa différence comme remède premier à l’impérialisme culturel des hommes et aux systèmes de valeur qui imprègnent la culture patriarcale. 

En somme, ce que propose Annie Leclerc dans ce très beau texte militant n’est autre qu’un renouvellement des savoirs, qui passe par l’affirmation du féminin, et donc d’une identité sexuelle. Comme elle l’écrit plus loin dans le livre, il faut que « les femmes se constituent des territoires propres, donnant lieu à l’émergence de savoirs et de pouvoirs particuliers ». Tout l’essai d’Annie Leclerc, et particulièrement ce texte, est en effet traversé par la problématique fondamentale de l’appropriation par les femmes du savoir et la mise en évidence de l’écriture féminine valorisant à la fois la conscience de soi en tant que femme, et une nouvelle approche des rapports de pouvoir.

Approche originale s’il en est mais qui ne va pas sans difficulté : de nombreuses féministes égalitaristes (Élisabeth Badinter |source| entre autres) ont en effet reproché à Annie Leclerc de défendre implicitement une certaine « répartition des tâches » au nom de données biologiques. Rappelez-vous la fameuse affirmation de Simone de Beauvoir Annie Leclerc_2dans le Deuxième sexe (1949) : « On ne naît pas femme, on le devient », autrement dit, la « féminité » de la femme ne serait que le produit de déterminismes et de conditionnements idéologiques que seule l’égalité entre sexes peut remettre en cause. En réfutant cette indifférenciation des genres, Annie Leclerc montre au contraire que l’égalitarisme n’est qu’un mythe élaboré par la société : croyant être l’égale des hommes, la femme bien souvent ne fait qu’en reproduire le discours, et la virilité de la pensée. Or, sa vraie supériorité est ailleurs : c’est en elle-même, dans sa féminité même, que la femme doit la chercher. 

Les propos d’Annie Leclerc dans ce passage de Parole de femme se situent donc sur deux registres : celui de la revendication militante et féministe ; et celui du sensible, de l’intime, du lyrisme personnel. Son inspiration, qui puise aux sources du corps et de l’expérience féminine, explore ainsi les paramètres d’une écriture-femme, pleinement assumée, qui caresse l’énigme d’un moi féminin, intégré à une nouvelle manière de penser, invalidée du référent masculin. Cette écriture s’impose ainsi comme une véritable stratégie de libération, qui s’apparente à une revendication identitaire : écrire, c’est exister. S’assimiler à la culture des hommes, c’est précisément ne pas prendre la parole.

L’attachement d’Annie Leclerc à une « parole de femme » est donc comme la célébration d’une nouvelle naissance amenant la femme à naître à elle-même et à développer son humanité propre par l’éducation et la connaissance. Ainsi, le féminisme doit-il être conçu non comme une revendication catégorielle, mais comme un bouleversement des valeurs qui gouvernent la société : « Inventer, est-ce possible » ? À n’en pas douter, inventer la femme consiste à réinventer l’homme en construisant un monde plus équitable, apte à promouvoir des changements significatifs et à repenser les enjeux du pouvoir. En ce sens le féminisme doit être posé comme la condition essentielle d’un nouvel humanisme, c’est-à-dire d’une nouvelle idée de l’homme et de la femme…

Copyright © novembre 2010, Bruno Rigolt (dernière mise à jour : mars 2016)

« Liberté, Egalité, Parité »… Parce que la littérature s’écrit aussi au féminin… Espace Pédagogique Contributif

Pour une analyse complète de cet extrait, cliquez ici.

Voir aussi : Marie Denis, compte-rendu de l’ouvrage d’Annie Leclerc, Parole de Femme
(Les Cahiers du GRIF, n°3, 1974. » Ceci (n’) est (pas) mon corps » pp. 83-84).

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Au fil des pages… Patrimoine littéraire européen: Mondialisation de l'Europe, 1885-1922…

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Patrimoine littéraire européen : Mondialisation de l’Europe, 1885-1922

Rédigé sous la direction de Jean-Claude Polet (De Boeck Université, Bruxelles 2000), ce volumineux ouvrage de 1136 pages est une passionnante introduction à la littérature européenne, et plus largement aux transformations du contexte social et culturel du début du vingtième siècle. Voici comment l’éditeur présente cette anthologie : « Entre la mort de Victor Hugo (1885) et celle de Marcel Proust (1922), l’Histoire de l’Europe connaît un de ses accomplissements décisifs. Si les empires coloniaux avaient déjà répandu sa civilisation, ses langues et sa culture dans le monde, la Première Guerre mondiale, la fondation de la Société des nations (1920) et l’établissement de l’URSS (1922) achèvent de mondialiser ses normes et de faire de ses valeurs le méridien de référence de l’humanité universelle. Expression, par le langage verbal artistement maîtrisé, des relations que l’homme entretient avec lui-même et avec le monde, la littérature, au cours de cette période en Europe, est travaillée par la conscience de sa haute mission humaine » (pour lire la suite, cliquez ici).

Même si l’ouvrage n’est consultable que partiellement, les passages librement accessibles sont suffisants pour découvrir, à côté d’œuvres célèbres, des cultures et des auteurs qui nous sont peu familiers (catalans, arméniens, estoniens, bulgares, gaéliques…). Ce livre offre aussi un très beau panorama sur les relations qui se sont établies entre le contexte linguistique et littéraire et le contexte historique ou idéologique. Les auteurs sélectionnés de même que les extraits présentés, expliqués toujours de façon très pédagogique, permettent de mieux appréhender les clivages qui ont traversé l’Europe et qui la bouleversent encore aujourd’hui : crise de l’État-nation, crise des comportements et des valeurs, crise de la spiritualité. Mais comme le fait bien voir le livre, cet ébranlement de l’humanisme occidental a pour contrepoint un extraordinaire foisonnement d’idées, de tendances et d’écoles, caractéristiques des aspirations modernistes revendiquées par des générations nouvelles d’écrivains qui, à l’aube du vingtième siècle, n’ont cessé de questionner l’Europe sur son identité, sa culture et son destin…

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 Si les caractères s’affichent en taille trop petite, pensez à utiliser l’outil de zoom intégré au livre numérique. Pour un plus grand confort de lecture, vous pouvez consulter cet ouvrage dans Google-livres en cliquant ici.

Comment « bien lire » ?

Le but bien entendu n’est pas de “tout lire” (ce n’est d’ailleurs ni le but ni le principe d’un tel ouvrage) mais de lire un peu “au fil des pages”, selon votre envie. Quand vous avez le temps, parcourez un article, lisez un extrait de texte, découvrez un auteur, etc. Si vous le pouvez, notez (dans un petit répertoire) ce qui vous paraît important en précisant le titre de l’ouvrage et la page, afin de pouvoir vous y référer ultérieurement. Une règle importante : ne forcez jamais ! Si quelque chose vous rebute ou vous semble trop difficile, passez à un autre sujet. Plus qu’apprendre pour apprendre, c’est en fait la démarche qui importe : découvrir et enrichir sa culture générale.
 Les internautes ayant consulté cette page pourront également être intéressés par ces articles :
Recommandations de lecture : les guides de culture générale ; L’Indispensable en culture générale… Réussir l’épreuve de culture générale à Sciences Po ; Le Guide des Études ; Dictionnaire de culture générale (Francis Foreaux) ; Dictionnaire de culture générale (Pierre Gévart) ; Anthologie de la poésie française ; Introduction aux littératures francophones : Afrique, Caraïbe, Maghreb

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Rédigé sous la direction de Jean-Claude Polet (De Boeck Université, Bruxelles 2000), ce volumineux ouvrage de 1136 pages est une passionnante introduction à la littérature européenne, et plus largement aux transformations du contexte social et culturel du début du vingtième siècle. Voici comment l’éditeur présente cette anthologie : « Entre la mort de Victor Hugo (1885) et celle de Marcel Proust (1922), l’Histoire de l’Europe connaît un de ses accomplissements décisifs. Si les empires coloniaux avaient déjà répandu sa civilisation, ses langues et sa culture dans le monde, la Première Guerre mondiale, la fondation de la Société des nations (1920) et l’établissement de l’URSS (1922) achèvent de mondialiser ses normes et de faire de ses valeurs le méridien de référence de l’humanité universelle. Expression, par le langage verbal artistement maîtrisé, des relations que l’homme entretient avec lui-même et avec le monde, la littérature, au cours de cette période en Europe, est travaillée par la conscience de sa haute mission humaine » (pour lire la suite, cliquez ici).

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Le but bien entendu n’est pas de “tout lire” (ce n’est d’ailleurs ni le but ni le principe d’un tel ouvrage) mais de lire un peu “au fil des pages”, selon votre envie. Quand vous avez le temps, parcourez un article, lisez un extrait de texte, découvrez un auteur, etc. Si vous le pouvez, notez (dans un petit répertoire) ce qui vous paraît important en précisant le titre de l’ouvrage et la page, afin de pouvoir vous y référer ultérieurement. Une règle importante : ne forcez jamais ! Si quelque chose vous rebute ou vous semble trop difficile, passez à un autre sujet. Plus qu’apprendre pour apprendre, c’est en fait la démarche qui importe : découvrir et enrichir sa culture générale.
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